ENTETE1

MRAP

Contre l’affaiblissement insidieux des institutions républicaines de contrôle de l’État




Le MRAP est signataire de ce texte.
La séparation des pouvoirs est une garantie fondamentale dans les démocraties, en particulier pour le respect de l’État de droit, sans laquelle une société n’a pas de Constitution, comme le proclame l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. En plus des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, la France s’est dotée d’autorités administratives indépendantes (AAI)[1] pour exercer une mission de contrôle, notamment en matière de respect des droits de l’Homme.

Tel est le cas du Défenseur des droits. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), tout comme ses équivalents dans les autres pays européens, permet la rencontre d’experts avec des représentants de la société civile pour analyser les dysfonctionnements et émettre des avis ou déclarations. D’autres instances assurent la transparence de l’action administrative, conformément à l’exigence de redevabilité prévue à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, comme la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) intervient pour faire respecter le pluralisme des opinions, le respect des règles déontologiques par les chaînes de la TNT ou pour vérifier le respect des règlements européens (tel le RGPD) par les plateformes. Toutes ces institutions ne disposent déjà que de moyens insuffisants pour remplir leurs missions [2].
Avant le vote de rejet du budget, le Rassemblement national (RN) avait fait voter en catimini par la commission des finances du Sénat et à la faveur d’une présentation fallacieuse d’un amendement au projet de loi de finances, la baisse de la dotation allouée à ces différentes institutions, dans des proportions telles pour trois d’entre elles (la CNCDH, la Cada et le Comité consultatif national d’éthique-CCNE) que leur existence même aurait été remise en cause.
Cet amendement était d’autant moins justifié que, par exemple, le nombre de saisines de la Cada a connu en 2024 une hausse significative et qu’en dépit de ses efforts les délais de traitement n’ont pas été réduits, ce qui témoigne de la nécessité de moyens supplémentaires. L’exigence de redevabilité de l’administration ne pourrait plus être remplie si la Cada était embolisée par manque de moyens.
Quant à l’Arcom, son budget était baissé pour abonder des mesures pour… la protection des données personnelles, alors que c’est un de ses rôles !
Les questions de société sur la fin de vie, sur les recherches sur les embryons, nécessitent un regard croisé de chercheurs et de partenaires issus de la société civile, pour des avis rendus par le CCNE. Alors que vont s’ouvrir les assises de la bioéthique, cette décision de quasiment le priver de dotation témoignait d’un grand mépris de la science.
On ne peut s’indigner d’un côté de la prolifération des discours de haine, de la montée de l’antisémitisme et du racisme, et casser le thermomètre de l’autre : la CNCDH, par son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie remis au Premier ministre, permet de dresser un état des lieux de la société française et donne ainsi des outils pour agir. Elle élabore un rapport sur la lutte contre la haine et les discriminations envers les personnes LGBTI et est également rapportrice spéciale sur la traite des êtres humains, ou sur le respect par les entreprises de leurs obligations de diligences sociales et environnementales… Elle veille au respect par la France de ses
engagements internationaux et à ce titre, elle dialogue avec les institutions internationales, le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne en ce qui concerne les droits de l’Homme, et est accréditée auprès de l’ONU. Est-ce précisément ce rôle qui dérange ?
Ces instances servent l’intérêt général et la démocratie. L’arme du budget est redoutable. Elle invisibilise la dévitalisation du contrôle indépendant des politiques publiques.
Nos organisations alertent contre ces dérives : elles n’accepteront pas cette attaque majeure contre l’Etat de droit et il ne saurait être question d’une quelconque baisse de dotation dans le cadre du vote d’un nouveau budget.

  • Paris, le 9 décembre 2025

[1] Le Défenseur des droits est protégé constitutionnellement.
[2] A titre d’exemple, en 2025, le budget de fonctionnement (hors salariés) de la CNCDH s’est élevé à 388.000 €, du CCNE à 726.000 €, de la Cada à 242.000 €.

120 ans de laïcité, plus que jamais défendre une loi de liberté !




Ce 9 décembre 2025, nous célébrons les 120 ans de la loi qui instaure la laïcité en France. C’est l’occasion pour le MRAP de dire son attachement à une loi de liberté qui a fixé les principes reconnaissant en France la liberté de conscience. Chacune et chacun peut donc librement ne pas avoir de religion, pratiquer le culte de son choix et affirmer ses convictions dès lors que cette manifestation ne trouble pas l’ordre public.

La loi du 9 décembre 1905 est celle aussi de la séparation des églises et de l’État. Élaborée par le débat démocratique, la loi de la République, respectant les différents cultes, ne saurait découler de l’un ou de l’autre.
Ces principes d’organisation de la vie publique apparaissent aujourd’hui précieux pour le respect de la diversité de la population française. Ils sont cependant trop souvent détournés pour transformer la laïcité en une valeur à laquelle chacun et chacune serait sommé d’adhérer. La laïcité est même parfois mobilisée comme prétexte pour invisibiliser, voire interdire toute culture ou manifestation qui ne serait pas liée à des racines chrétiennes fantasmées.

Ainsi, de nombreuses propositions de loi élaborées tant par la droite que l’extrême-droite instrumentalisent la laïcité pour stigmatiser la religion musulmane, prétendant écarter les femmes musulmanes des pratiques sportives ou de l’espace public. Or si on exclut une partie de la population du cadre commun, celle-ci va évidemment se replier sur une communauté de solidarité.

Poser des interdits sans justification objective réelle rend possible, demain, de poser d’autres interdits à l’encontre de toute opinion qui ne serait pas considérée comme majoritaire ou « politiquement correcte ».

Pour le MRAP, il convient au contraire de prévenir et de lutter systématiquement contre les discriminations ; la Défenseure des droits vient d’ailleurs de rappeler l’importance de celles liées à la religion.

Elle en souligne les “effets dévastateurs sur les victimes” tant les discriminations subies s’ajoutent aux “atteintes aux droits subies quotidiennement dans l’espace public ou numérique” et de citer notamment les “injures et violences antisémites et anti-musulmanes, dégradations de lieux de culte”. Le MRAP reprend l’alerte énoncée par les auteurs du rapport : il y a là un enjeu essentiel de cohésion sociale.

Bureau National
09/12/2025


Communiqués du MRAP (Voir aussi les appels et communiqués dont le MRAP est signataire)


Communiqués de Collectifs soutenus par le MRAP