Tel est le cas du Défenseur des droits. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), tout comme ses équivalents dans les autres pays européens, permet la rencontre d’experts avec des représentants de la société civile pour analyser les dysfonctionnements et émettre des avis ou déclarations. D’autres instances assurent la transparence de l’action administrative, conformément à l’exigence de redevabilité prévue à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, comme la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada).
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) intervient pour faire respecter le pluralisme des opinions, le respect des règles déontologiques par les chaînes de la TNT ou pour vérifier le respect des règlements européens (tel le RGPD) par les plateformes. Toutes ces institutions ne disposent déjà que de moyens insuffisants pour remplir leurs missions [2].
Avant le vote de rejet du budget, le Rassemblement national (RN) avait fait voter en catimini par la commission des finances du Sénat et à la faveur d’une présentation fallacieuse d’un amendement au projet de loi de finances, la baisse de la dotation allouée à ces différentes institutions, dans des proportions telles pour trois d’entre elles (la CNCDH, la Cada et le Comité consultatif national d’éthique-CCNE) que leur existence même aurait été remise en cause.
Cet amendement était d’autant moins justifié que, par exemple, le nombre de saisines de la Cada a connu en 2024 une hausse significative et qu’en dépit de ses efforts les délais de traitement n’ont pas été réduits, ce qui témoigne de la nécessité de moyens supplémentaires. L’exigence de redevabilité de l’administration ne pourrait plus être remplie si la Cada était embolisée par manque de moyens.
Quant à l’Arcom, son budget était baissé pour abonder des mesures pour… la protection des données personnelles, alors que c’est un de ses rôles !
Les questions de société sur la fin de vie, sur les recherches sur les embryons, nécessitent un regard croisé de chercheurs et de partenaires issus de la société civile, pour des avis rendus par le CCNE. Alors que vont s’ouvrir les assises de la bioéthique, cette décision de quasiment le priver de dotation témoignait d’un grand mépris de la science.
On ne peut s’indigner d’un côté de la prolifération des discours de haine, de la montée de l’antisémitisme et du racisme, et casser le thermomètre de l’autre : la CNCDH, par son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie remis au Premier ministre, permet de dresser un état des lieux de la société française et donne ainsi des outils pour agir. Elle élabore un rapport sur la lutte contre la haine et les discriminations envers les personnes LGBTI et est également rapportrice spéciale sur la traite des êtres humains, ou sur le respect par les entreprises de leurs obligations de diligences sociales et environnementales… Elle veille au respect par la France de ses
engagements internationaux et à ce titre, elle dialogue avec les institutions internationales, le Conseil de l’Europe ou l’Union européenne en ce qui concerne les droits de l’Homme, et est accréditée auprès de l’ONU. Est-ce précisément ce rôle qui dérange ?
Ces instances servent l’intérêt général et la démocratie. L’arme du budget est redoutable. Elle invisibilise la dévitalisation du contrôle indépendant des politiques publiques.
Nos organisations alertent contre ces dérives : elles n’accepteront pas cette attaque majeure contre l’Etat de droit et il ne saurait être question d’une quelconque baisse de dotation dans le cadre du vote d’un nouveau budget.
- Paris, le 9 décembre 2025
[1] Le Défenseur des droits est protégé constitutionnellement.
[2] A titre d’exemple, en 2025, le budget de fonctionnement (hors salariés) de la CNCDH s’est élevé à 388.000 €, du CCNE à 726.000 €, de la Cada à 242.000 €.

