
Contribution au rapport de la CNCDH 2024
La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie
Créé en 1949 comme "Mouvement contre le Racisme et l’Antisémitisme et pour la Paix", le MRAP s’est renommé "Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples" pour affirmer le caractère universaliste de l’antiracisme sa détermination à combattre "le racisme sous toutes ses formes".
Le racisme, phénomène universel, n’est pas une abstraction désincarnée. Dans chaque société et selon chaque conjoncture, à chaque époque et avec tout le poids de l’histoire, il connaît de nombreuses formes spécifiques. Chaque individu ou groupe social peut trouver l’objet particulier sur lequel fixer sa haine de l’autre.
À toute occasion, le MRAP réaffirme que la lutte contre le racisme est une lutte pour l’égalité réelle entre tous les humains.
Les Roms sont l’objet d’un acharnement séculaire qui perdure encore en France et à travers l’Europe. Le rejet de la religion musulmane et de ceux qui la pratiquent est un des cancers qui rongent notre société. L’identification de l’autre par la couleur de la peau a permis de dénier, presque partout, aux Noirs, leur humanité et de développer des préjugés aux lourdes conséquences. Et bien d’autres groupes humains ont été ou sont l’objet de ce rejet.
L’antisémitisme a des spécificités fortes : son histoire millénaire en Europe, sa profonde implantation dans l’imaginaire, l’immense désastre, unique dans l’histoire humaine, qu’a été la Shoah. Une de ses spécificités actuelles est la confusion, spontanée ou cultivée, entre cette communauté et l’existence de l’État d’Israël, voire avec la politique de ses gouvernements. Les préjugés du type « vieil antisémitisme français » restent cependant dominants par rapport à ceux liés à la politique de l’État d’Israël et à l’impunité dont il jouit.
Le MRAP rejette fermement l’idée que chaque juif serait un représentant de l’État d’Israël et de sa politique. Cette vision est non seulement fausse, mais elle met en danger les personnes juives et est génératrice d’antisémitisme.
De même il refuse toute assimilation entre islam, islamisme, terrorisme. Et toute suspicion et toute forme de racisme à l’encontre des personnes perçues comme musulmanes. Le terrorisme est bien évidemment totalement étranger à l’immense majorité des personnes de religion, de culture ou d’origine musulmane.
Ces confusions se sont amplifiées et complexifiées avec les événements de fin 2023 à Gaza qui ont provoqué une explosion des faits antisémites relevés notamment par la DNRT. Ces événements ont d’ailleurs entraîné, dans une moindre mesure une augmentation des faits anti-musulmans et anti-arabes sans que l’on puisse, faute de données précises, les apprécier aussi finement.
La négrophobie ou racisme anti-noir est en augmentation ces dernières années en Europe. Les personnes qui disent ne plus reconnaître la France d’autrefois visent celles et ceux qu’elles perçoivent comme noires. Elles regardent surtout leurs couleurs de peau. L’extrême droite et la droite cultivent cette méfiance voire la haine vis-à-vis d’eux.
1. La lutte contre le racisme et la xénophobie
D’une manière générale, le MRAP s’investit avec constance dans la défense de toutes les victimes de racisme ou de discrimination, les juifs, les Roms, les musulmans, les Noirs ou les Arabes…
Convaincu qu’il est important de faire connaître les possibilités de mener la lutte sur le terrain juridique, le MRAP assure une information à la fois sur les combats engagés cette année et sur l’évolution des procédures amorcées les années antérieures. Pour ce faire le MRAP s’est donné des outils et des moyens d’actions (élaboration d’analyses, communication, actions en justice) à trois échelons : national, local (grâce à son réseau de comités locaux) et individuel (aide à des victimes d’actes racistes et de discriminations).
À chacun de ces échelons son service juridique agit, soit sur l’initiative de la direction nationale ou de ses comités locaux, soit en réponse à des sollicitations extérieures. Dans son bilan le service juridique indique notamment que, sur l’année civile 2024, il a apporté environ 160 réponses juridiques (augmentation de 7 %) à la suite de signalements relatifs à diverses infractions à caractère raciste (via des entretiens visuels, téléphoniques ou au travers de réponses sous forme de courrier papier ou électronique) à l’attention de particuliers et d’associations, environ 70 réponses juridiques (en augmentation de 17 %) via des entretiens visuels, téléphoniques ou des réponses sous forme électronique, à l’attention des Comités locaux. Il a déposé 14 plaintes simples au nom du MRAP national dans des affaires sensibles, le plus souvent pour des injures racistes publique et/ou provocation publique à la haine.
Le MRAP s’exprime et fait connaître ses initiatives de multiples manières : son site internet (https://mrap.fr) rassemble ses communiqués de presse qui sont un moyen privilégié de formaliser et de faire connaître ses prises de position sur les divers sujets de sa compétence. Ce dispositif est complété par l’usage des réseaux sociaux.
Sa revue trimestrielle "Différences" (https://mrap.fr/-differences-la-revue-du-mrap-.html) est à destination d’un public plus ciblé où les expressions sont plus développées et ouvertes à des voix extérieures à l’organisation. Ce dispositif est complété par des publications plus ciblées (plaquettes thématiques, revue "Le p’tit citoyen" (https://mrap.fr/-le-p-tit-citoyen-.html) à destination de la jeunesse…) et par les canaux de diffusion de ses comités locaux. Des comités locaux assurent directement la diffusion de leurs publications (bulletin local, site web, communiqués, etc.).
Nombre des interventions nationales ou locales du MRAP s’effectuent en partenariat (https://mrap.fr/-nos-partenaires-.html) avec d’autres associations, souvent au sein de collectifs, ce qui renforce sa compétence et son influence tant au niveau national qu’au niveau local.
2. Échelon international
Le MRAP prend position et intervient sur les questions internationales notamment pour exprimer sa solidarité avec les peuples en lutte pour le progrès social, la liberté, la démocratie et la paix. L’évolution des relations internationales, des conflits et des rapports de domination provoquent des tensions et des conflits qui se multiplient.
Le MRAP a multiplié ses appels face à la multiplication et à la persistance conflits armés entre états et les guerres civiles (Ukraine, Palestine, Yémen, Éthiopie, Soudan, Sahel, Birmanie, Syrie, Congo, Somalie, etc.)
Un fait marquant de 2024 a été la guerre à Gaza puis au Liban. Dès le déclenchement des hostilités, début octobre, le MRAP a condamné les crimes de guerres du Hamas du 7 octobre en territoire israélien et les actes de génocides commis par l’État israélien contre les Palestiniens. Il n’a cessé d’appeler à une cessez-le-feu immédiat, à l’arrêt des massacres de civils, à la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens, à la levée du blocus de Gaza. Il a rappelé que la seule solution politique à même de permettre une issue pacifique au conflit qui dure depuis des décennies est la fin du déni des droits des Palestiniens, le respect du droit international, l’application des résolutions de l’ONU, l’arrêt de l’occupation et de la colonisation, le démantèlement du mur et des colonies. Le gouvernement français doit reconnaître l’État de Palestine. Il a condamné les bombardements et les attaques contre le Liban et appelé à leur cessation immédiate.
3. Échelon national
Les traitements subis par les exilé·es continuent d’indigner le MRAP, notamment celui qui leur est fait aux frontières et dans le pays. Le MRAP constate une aggravation de la politique de l’État, sous l’influence accrue de l’extrême-droite poussant à la stigmatisation et au rejet des immigrés. Il s’alarme des dérives des politiques migratoires qui conduisent à la promulgation de lois de plus en plus contraires au respect des droits humains. D’une manière générale, le MRAP tant au niveau national que local est pleinement mobilisé dans le soutien aux exilé·.es, en de multiples occasions.
Les élections européennes de juin 2024 ont vu l’extrême droite obtenir près de 40 % des élus français. Le MRAP, avec de nombreux acteurs de la société civile, des forces syndicales et associatives, s’est mobilisé lors de la campagne des législatives pour faire échec à l’extrême droite.
En effet, depuis longtemps, le MRAP s’inquiète de l’évolution de la situation politique nationale. Trois blocs politiques de taille similaire sont apparus. Le MRAP appelle solennellement toutes les forces politiques éprises de justice, de solidarité, de démocratie, opposées au racisme et à la xénophobie à s’unir pour ne pas laisser comme seule alternative aux électeurs/électrices de voter pour la droite pour faire barrage à l’extrême droite.
Le MRAP constate avec effroi que quelques 10 millions d’électeurs ont voté pour des partis qui font du racisme et de la xénophobie, du rejet des migrants des éléments fondamentaux de leur programme politique. Le MRAP s’inquiète des intentions du gouvernement en matière d’état de droit et d’immigration.
Le MRAP a toujours considéré qu’il y a des liens profonds entre les fléaux du racisme et des discriminations et l’ensemble des problèmes de la société. La crise sociale ne sera pas sans conséquences sur le monde de justice, d’égalité et de droit auquel nous aspirons.
Estimant qu’il est nécessaire et urgent de créer un musée national de l’histoire du colonialisme, le MRAP a poursuivi son action pour l’ouverture d’un tel musée, car il est nécessaire de créer ce lieu de mémoire pour la vérité de la colonisation et faire société commune.
4. Échelon local
Le MRAP entend assumer sa mission d’association d’éducation populaire.
Les lieux de sociabilité des jeunes (écoles, quartiers, terrains de sports…) sont aussi des lieux où le racisme sévit. L’école doit être un lieu de formation à la citoyenneté.
Le MRAP poursuit ses partenariats nationaux ou locaux (écoles, collèges, lycées) avec l’Éducation Nationale en adaptant sans cesse ses modes d’intervention et les outils pédagogiques aux nouveaux besoins des jeunes, des enseignants et des programmes (expositions, brochures, jeux, films, vidéos, diaporamas, publications, etc.).
Il s’efforce d’élargir son public « jeune » par des partenariats avec les structures qui les accueillent (centres sociaux, missions locales, CIJ, FJT, PJJ, services civiques, etc.). Il fait un effort particulier pour compléter et développer les outils pédagogiques qu’il propose à ses comités et à ses partenaires. Il poursuit ses contacts avec les structures sportives pour concevoir ensemble de nouvelles initiatives contre le racisme dans le sport.
Les comités du MRAP participent activement à des initiatives diverses, initiées par les mairies, les antennes départementales de la DILCRAH (semaines d’éducation contre le racisme, sensibilisation aux discriminations, forums, etc.), les comités d’entreprises. Expositions, projections de films, conférences, théâtre… sont organisés avec les structures partenaires.
Par sa structure très décentralisée en comités locaux, le MRAP peut enregistrer et rendre publics (lors de leur commission ou au fil de procédures qui en résultent) des comportements (déclarations haineuses, poursuites indues…) contre lesquels il peut s’élever au plus près de leur apparition. Ces comportements peuvent être le fait d’autorités, d’élus, de militants d’extrême-droite…
L’une des forces du MRAP est que ses comités locaux, ayant chacun en propre un statut d’association, disposent de la capacité juridique, et en usent dans leur sphère propre, avec s’il y a lieu le support technique du service juridique national et le soutien d’avocats coopérant avec lui.
Nombre de comités locaux disposent de leurs propres canaux de diffusion d’information (journal, site internet, adresse dans un réseau social…)
Paris le 5 janvier 2025
La présidence du MRAP :
Anne Féray, Kaltoum Gachi, François Sauterey
https://mrap.fr/IMG/pdf/250106_contribution_mrap.pdf