Wuambushu
Darmanin a enrichi notre vocabulaire. Nous savons maintenant qu’en mahorais Wuambushu signifie « la reprise ». Ce mot risque surtout de rejoindre la longue liste des tristes opérations qui auront tenté de répondre par la violence policière à une situation complexe issue d’une décolonisation ratée.
Et d’abord d’une décolonisation inachevée. En 1975, la France, mal résignée à la perte inéluctable de son empire colonial, croit malin d’en conserver des confettis un peu partout dans le monde. Dans l’archipel des Comores, elle prend prétexte d’un referendum spécifique à l’île de Mayotte pour y maintenir la souveraineté française, renforcée depuis par différents statuts, jusqu’à la départementalisation en 2011. Cette souveraineté a été condamnée par l’ONU, qui, conformément au droit international, réaffirme régulièrement qu’il s’agit bien toujours d’un « territoire à décoloniser ». La législation française elle-même ne s’y applique que partiellement, au prix d’innombrables dérogations.
C’est ensuite l’histoire d’un développement mondial inégal qui place, entre l’Afrique et Madagascar, un îlot de développement relatif. La population des Comores, accablée par la misère et le manque de démocratie, ne peut qu’aspirer à chercher une éventuelle perspective sur un territoire voisin, qu’elle considère par ailleurs comme sien. Le gouvernement peut-il espérer qu’une opération de police mettra fin au sinistre et meurtrier ballet des traversées et des expulsions ?
Le MRAP, avec de nombreuses associations de défense des droits humains, condamne cette gesticulation brutale, aux allures coloniales, qui prétend raser les quartiers les plus pauvres, trier des populations aux statuts divers et expulser tous ceux qu’elle considère comme étrangers. Le MRAP soutient les collectifs de juristes qui s’efforcent de maintenir l’État de droit et de faire respecter, parfois avec succès, un minimum de procédures légales. Il soutient également le gouvernement comorien, lorsqu’il rappelle l’unité de son archipel, conformément au droit international.
A plus long terme, il demande qu’une réflexion de fond soit engagée sur les solutions diplomatiques, démocratiques et sociales susceptibles de mettre fin à la situation chaotique de Mayotte, dont la population, non seulement comorienne, mais également mahoraise elle-même, est victime. Ce n’est que la perspective d’un développement égal des peuples qui permettra d’établir des rapports harmonieux entre eux.
mars 2023