Journaliste afro-américain en prison depuis de 41 ans (dont 28 ans passés dans le couloir de la mort)

Témoignage de Mumia Abu-Jamal Membre du Comité d’honneur du MRAP

« Salutations à mes amis de la Coalition Mondiale contre la peine de mort »

Peu de gens connaissent réellement la nature des couloirs de la mort. Ils sont utilisés comme un tremplin politique vers les portes du pouvoir pour beaucoup de politiciens. Mais le couloir de la mort est bien plus que cela. C’est un endroit où des hommes et des femmes et, jusqu’à récemment, même des mineurs étaient envoyés pour survivre et mourir dans une solitude et un désespoir douloureux. Le couloir de la mort a été spécialement conçu pour isoler les gens, physiquement et psychologiquement. C’est une torture tant pour les détenus que pour leurs familles. Dans le couloir de la mort, la loi américaine a fait des prisonniers une caste d’intouchables où personne n’était donc autorisé à les toucher, ni un enfant, ni un parent, pas même son propre conjoint qui vous rendait visite dans une cage murée, séparée par une paroi de verre vous privant de tout contact humain. Mais ce n’est pas tout. Vous étiez même isolé des autres condamnés à mort, enfermé dans une cellule durant 23 heures par jour jusqu’à ce que vous soyez exécuté ou que vous quittiez le couloir de la mort. La plupart des prisonniers du couloir de la mort ont passé des décennies dans de telles conditions. C’est ainsi que j’ai survécu durant 28 années.
Pourquoi une telle torture ? Parce que l’État, en créant des conditions aussi extrêmes, cherchait à faire des gens une sorte de mort-vivant, tellement brisé que la mort réelle ne serait qu’un soulagement. Cette inhumanité contre laquelle vous luttez marque des points, du moins en Pennsylvanie. Ici aujourd’hui, le couloir de la mort est moins rempli. Le nombre de détenus est tombé à une centaine d’hommes, lesquels sortent plus de huit heures par jour hors de leur cellule et reçoivent leurs visiteurs avec contact physique. Désormais, l’État de Pennsylvanie ne signe plus de mandat d’exécution et promet d’abolir la peine de mort comme l’ont fait ces dernières années plusieurs Etats américains. Le vent semble tourner et le couloir de la mort n’est plus le couloir de la mort de mémoire cruelle.
Il reste cependant une question que pose l’incarcération à vie car la plupart des prisonniers qui échappent à l’exécution voient leur peine commuée en prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Vous êtes toujours condamné à mourir en prison si vous n’obtenez pas - ce qui est très rare - l’annulation de votre peine ou la clémence en raison de votre état de santé. J’appelle cela une deuxième peine de mort.

Mumia ABU-JAMAL Pénitentiaire de Mahanoy Frackville - Pennsylvanie ETATS-UNIS Avril 2023

Mumia est membre du Comité d’honneur du MRAP

Brève présentation …
Journaliste afro-américain, Mumia ABU-JAMAL a été condamné à mort en 1982 au terme d’un procès raciste et expéditif dont l’iniquité a été dénoncée par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, Amnesty International USA et le Parlement Européen. Accusé d’avoir tué un policier, il a toujours clamé son innocence. Après trois décennies d’incarcération dans le couloir de la mort et deux tentatives d’exécution - sous la pression de la mobilisation internationale - sa condamnation à mort a été annulée et sa peine commuée en prison à vie. Figure emblématique du combat pour l’abolition universelle de la peine de mort, sa situation et son état de santé suscitent toujours l’indignation dans le monde entier. En ce sens, vingt-cinq villes françaises dont Paris (France), Copenhague (Danemark), Montréal (Canada-Québec), Palerme (Italie), San Francisco (Etats-Unis), Venise (Italie) soutiennent son courageux combat en l’ayant élevé au rang de Citoyen d’Honneur.