Stopper l’opération « Uwambushu » à Mayotte, est un devoir de solidarité
PÉTITION CONTRE « UWANBUSHU »
Stopper l’opération « Uwambushu » à Mayotte, est un devoir de solidarité
Le gouvernement français ne fait plus de mystère de son projet d’éradiquer les « sans-papiers » de Mayotte. Un dispositif exceptionnel de plus de 400 gendarmes sera envoyé en renfort aux éléments du Raid déployés sur l’île dans le cadre de la lutte contre la délinquance et en soutien à la Police aux frontières, pour mener la vaste opération d’expulsion jamais réalisée à Mayotte. Baptisée « Uwambushu », l’opération prévue à partir du 20 avril prochain, vise officiellement à « Lutter contre l’immigration clandestine, éliminer l’habitat insalubre et démanteler les bandes » responsables de la violence qui a transformé Mayotte en une terre d’insécurité.
Les premières réactions contre cette opération proviennent de Mayotte où des magistrats sont montés au créneau pour alerter sur une opération qui « ne laisse d’autres choix aux magistrats que d’être au service d’une politique pénale du tout répressif et expéditive, dans une ambiance de chasse aux sans-papiers et de potentielles émeutes (…) ». Dans son communiqué du 21 février, la section régionale du Syndicat de la magistrature se dit inquiète de l’instrumentalisation d’une « opération qui s’inscrit également dans un calendrier politique précis, guidée par une logique sécuritaire et démagogique ».
Des journaux parmi les plus sérieux (le Canard-Enchaîné, Mediapart, le Monde) et les médias de la région, font état de rapports cachés sur la situation structurelle alarmante à Mayotte et d’une faillite généralisée des politiques publiques menées par Paris notamment en direction de la Jeunesse, ainsi qu’un manque de concertation. Malgré ces rapports accablants, Macron et son gouvernement, s’entêtent à poursuivre leur politique sécuritaire dont les experts préviennent qu’elle ne fera qu’aggraver un climat déjà délétère.
Dans leur déni permanent de l’histoire de cet archipel et de la réalité de la population, tous les gouvernements français depuis 1975 -année de l’indépendance de l’archipel-, ont œuvré à diviser les comoriens, à déstabiliser le jeune Etat en faisant installer des pouvoirs despotiques, corrompus et prédateurs tant que ceux-ci favorisent les intérêts géopolitiques de la France dans l’Océan Indien. De la même manière, ces mêmes gouvernements, n’écoutant à Mayotte que les sécessionnistes et les extrémistes, ont sapé tous les fondements historiques de l’unité comorienne et alimenté des discours de haine et d’exclusion qui ont éloigné les chances d’un vivre-ensemble dans la paix, la coopération et la complémentarité.
Les dirigeants français et comoriens, assument ainsi ensemble les conséquences institutionnelles, économiques et les drames humains qui ont plongé l’archipel dans l’instabilité et le sous-développement. [A Mayotte 8 personnes sur 10 vivent en dessous du seuil de pauvreté, un actif sur trois est au chômage (source Insee 2020), alors que dans les trois autres îles de l’archipel, le taux de pauvreté global est de 44,1% (statistique de 2014)]. La fabrique de l’immigration comorienne à Mayotte par le visa Balladur, nourrit depuis 1995, à Paris comme à Dzaoudzi, un discours destiné à dissimuler ces errements et ces incohérences. Les milliers de morts dans le bras de mer de 70 kms reliant Mayotte à Anjouan, n’ont malheureusement aidé à aucune prise de conscience des deux côtés de la rive, pour rompre la ligne Maginot. De cette absence d’horizon ne pouvait naître que le cynisme de vouloir faire porter aux faibles et aux exclus, la responsabilité du chaos qui est la résultante de cette politique.
Dans un contexte mondial d’exacerbation du racisme et de la discrimination qui nourrissent les extrémismes en tout genre, les agissements de la France aux Comores, Mayotte comprise, sapent tout simplement les valeurs humanistes, torpillent les principes universels et les droits de l’homme dont elle se fait le chantre, et menacent la paix et la coopération dans la région de l’Océan Indien. La conséquence sera une catastrophe humanitaire et sécuritaire sans précédent dans un pays déjà en proie à une grave crise économique et sociale.
La frilosité de l’Union africaine sur les événements tragiques qui secouent la Tunisie, l’épuisement du monde face à ses propres bouleversements et les mouvements de populations qu’ils engendrent, la complicité de plus en plus active des autorités comoriennes qui n’ont exprimé aucune réaction publique au sujet d’une opération, déjà en filigrane dans le document cadre du partenariat renouvelé de 2019 qu’elles ont signé avec la France, ne laissent aucune autre alternative que la résistance active au « Uwambushu ».
Ainsi, nous les signataires de cette pétition :
- exigeons aux autorités françaises de renoncer à une opération de chasse à l’homme qui ne fera qu’accentuer la tension sociale et aggraver le quotidien des habitants de Mayotte ;
- appelons à la mobilisation des sociétés civiles des quatre îles de l’archipel à s’opposer à toutes les formes d’exactions et de violences physiques et psychologiques sur les hommes, femmes et enfants ciblés par cette opération ;
- exigeons la prise en compte des réalités historiques de Mayotte et de ses habitants, dans le respect des droits de l’homme, de la dignité des familles et de chaque citoyen vivant sur cette île afin d’éviter tout acte qui pourrait donner lieu à un déracinement ou une déportation d’une population ;
- exhortons les gouvernements comoriens et français, à mobiliser tous les instruments de la coopération bi et multilatérale pour protéger les familles comoriennes partout où elles résident, en associant les acteurs des sociétés civiles qui sont prêtes à se mobiliser pour chercher des solutions durables en faveur de la solidarité, de l’unité du pays et du développement économique de notre archipel ;
- interpellons l’Union africaine et la communauté internationale sur leurs responsabilités à défendre le droit international et à protéger toute population en danger.
Moroni, le 17 mars 2023