Pour une mémoire collective assumée
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Un débat public se développe aujourd’hui à propos des monuments et appellations de lieux publics liés à des hommes ou des événements du passé. La question posée est celle de la construction de la mémoire collective. Le MRAP a toujours attaché une grande importance à cette mémoire collective.
Des noms du passé à forte dimension symbolique sont présents dans l’espace public sous forme de statues, de monuments, de plaques commémoratives, de noms de rues. La présence et la signification de certains sont devenues contradictoires avec les valeurs que porte la société actuelle et justifient leur retrait de l’espace public. Cela peut se produire après la chute d’une dictature ou après une sombre période historique. Les statues de Pétain ont été retirées de l’espace public. Dans les années 2000, le MRAP a contribué à faire débaptiser des rues Alexis Carrel.
Mais d’autres personnages historiques sont porteurs de réalités politiques complexes, avec leur part de lumière et d’obscurité, ils peuvent avoir eu des actions positives, tout en partageant sur certains points les préjugés de leur époque. Il en est ainsi de Jules Ferry, de Jean-Baptiste Colbert et de bien d’autres.
Tous les citoyens doivent pouvoir connaître l’ensemble des événements et des hommes qui ont fait notre société, ses moments lumineux comme ses aspects les plus sombres.
La construction d’une mémoire collective, y compris dans ses dimensions contradictoires et conflictuelles, passe par un débat démocratique qui refuse les accaparements communautaires de l’histoire et de ses souffrances. L’effacement de leur trace dans l’espace public ne favorise pas forcément ce travail de mémoire partagée, dont nous avons besoin pour aujourd’hui et pour demain.
Les monuments, les noms de rues, les œuvres d’art doivent intégrer une dimension pédagogique explicative, lorsqu’ils sont chargés des stigmates complexes du passé.
Les façades maritimes françaises comportent de nombreux ports qui furent négriers. Purger nos rues du nom des trafiquants d’êtres humains risque de purger aussi notre mémoire collective. Pour conserver le souvenir de ce sombre passé, il peut être plus opportun de multiplier les plaques et les institutions publiques expliquant ce que fut la traite négrière.
La destruction brutale et unilatérale des traces de l’histoire n’efface ni les souffrances du passé, ni leur mémoire. Ces actions spectaculaires peuvent rendre plus difficile le nécessaire travail de mémoire. Celui-ci doit être débattu collectivement, voulu et assumé par l’ensemble de la société.
Paris, le 17 juin 2020
Photo : AFP - GIULIA SPADAFORA / NURPHOTO