Non à l’instrumentalisation de l’antisémitisme
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L’ Assemblée Nationale a adopté le 3 décembre la « résolution Maillard » par 154 voix pour (soit à peine plus d’un quart de l’ensemble des députés), 72 voix contre et 43 abstentions sur un total de 577 députés. Sur les 303 députés du groupe LREM, qui portait la résolution, seuls 84 ont voté pour, alors que 26 ont voté contre, 22 se sont abstenus et tous les autres étaient absents. Le groupe Modem s’est partagé. Les groupes Socialiste, La France Insoumise et Gauche Démocrate et Républicaine ont unanimement voté contre.
Cette résolution est présentée comme un moyen pour renforcer la lutte contre l’antisémitisme En réalité, elle est un moyen de s’opposer à toute critique de l’État d’Israël , de sa politique et de ses crimes de guerre ; elle est une attaque contre les libertés publiques : dans une démocratie la critique de la politique d’un État, quel qu’il soit, est un droit fondamental et ne saurait être assimilée à une quelconque forme de racisme. Lorsque nous dénonçons la politique criminelle d’Erdogan vis-à-vis du peuple kurde, personne ne nous accuse d’islamophobie ou de racisme antiturc.
Lorsqu’en 1977, le MRAP décide de changer de nom, ce n’est pas, comme l’affirment depuis nos détracteurs, pour abandonner la lutte contre l’antisémitisme mais au contraire pour affirmer notre volonté de lutter également contre toutes les formes de racisme ; c’est pour affirmer l’universalité du combat antiraciste. Or la définition de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste) fragilise cette approche universelle de la lutte anti raciste, elle ouvre la voie à une concurrence entre les victimes du racisme que nous condamnons fermement. La résolution isole en effet la lutte contre l’antisémitisme des autres luttes antiracistes, qui ne sont pas citées une seule fois dans la résolution. Elle traite à part les Juifs de la communauté nationale avec tous les dangers que cela comporte.
Assimiler la critique d’Israël à de l’antisémitisme , confondre antisémitisme (qui est un délit) et antisionisme (qui est une opinion politique, même si certains antisémites se cachent derrière un antisionisme, comme les évangélistes étasuniens sont des sionistes convaincus) , c’est semer la confusion et par là même renforcer l’antisémitisme. D’ailleurs la CNCDH ne s’y est pas trompée qui rejette la définition de l’IHRA. L’expérience de pays européens qui ont adopté la définition de l’IHRA prouve le danger d’une telle confusion.
Adopter la définition de l’IHRA, c’est oublier les anti-colonialistes israéliens qui luttent courageusement contre la politique de leur gouvernement et auxquels va toute notre solidarité. C’est faire fi de l’appel des 127 universitaires juifs du monde entier aux députés français : « Ne soutenez pas la proposition de résolution assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme » en expliquant leur appel « Depuis des années, le gouvernement israélien du premier ministre Benjamin Nétanyahou dénonce comme antisémite toute opposition à sa politique. Nétanyahou lui-même a défendu avec force l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme, ainsi que la définition de l’IHRA. Cela illustre la manière dont la lutte contre l’antisémitisme a été instrumentalisée pour protéger le gouvernement israélien. C’est avec inquiétude que nous constatons que ces efforts du gouvernement israélien trouvent un soutien politique, jusqu’en France. Nous invitons ainsi l’Assemblée nationale à lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme, mais sans aider le gouvernement israélien dans son programme d’occupation et d’annexion. »
Le MRAP dénonce la propagande israélien qui tente de marginaliser les opposants à sa politique en imposant en France la définition IHRA de l’antisémitisme.
Le MRAP, pour sa part, continuera à défendre les droits fondamentaux du peuple palestinien et poursuivra sans relâche son combat contre le racisme sous toutes ses formes sans aucune hiérarchie.
Paris, le 3 décembre 2019