Et quand bien même ? Dans le code pénal, la sanction maximale pour l’auteur d’un tel délit n’est pas la peine de mort. Elle est de 2 ans de prison et de 15.000 euros d’amende.
La vidéo du moment tragique a créé une émotion considérable et a sans doute contribué à l’expression, par les pouvoirs publics, de la nécessité que la lumière soit faite et que la justice soit dite.
Si la procédure ouverte par la justice établit la culpabilité du ou des policiers, nous espérons qu’une peine exemplaire sera prononcée à l’encontre de l’auteur du coup de feu mortel mais également de son collègue dont le retentissant et glaçant « Shoote-le ! » sera peut-être les dernières paroles que Nahel aura entendues.
Chaque drame doit être traité par la justice et nous témoignons à la famille de Nahel notre soutien plein et entier dans l’épreuve que constituera un parcours judiciaire nécessairement long et pénible.
Ce parcours sera d’autant plus long et pénible qu’il se fera dans une ambiance de haine raciste qui s’est instantanément manifestée à l’annonce de la mort de Nahel. Car, réalité funeste qui se déploie notamment sur les réseaux sociaux, il se trouve des personnes pour danser avec jubilation sur le cadavre d’une victime réputée avoir mérité sa mort.
Ce climat, nous le dénonçons. En se réfugiant derrière la condamnation de conduites délictuelles et en surfant sur la banalisation d‘un discours anti-immigrés porté par de trop nombreux responsables politiques, médias et intellectuels, des citoyennes et des citoyens s’abandonnent à une haine dont ils deviennent les zélés propagateurs.
Nous refusons que l’expression de cette haine éteigne nos voix et nos exigences.
Car, au-delà de la mort tragique de Nahel, c’est le fonctionnement de la police nationale – fruit des choix politiques – que nous voulons interroger. La mort de Nahel n’est pas un cas isolé. Elle est – une nouvelle fois, une fois de trop – la mort d’un jeune de quartier populaire issu de l’immigration maghrébine ou subsaharienne. Combien d’autres morts faudra-t-il avant que les pouvoirs publics cessent la politique de l’autruche face à la multiplication de ces drames ?
C’est pourquoi, et parce que nous sommes attachés à ce que les forces de l’ordre soient pleinement républicaines, nous demandons aux pouvoirs publics de ne pas se contenter de gérer l’émotion du moment. Nous leur demandons de ne pas simplement chercher tous les éléments de langage pour éviter la propagation de la colère – cette mauvaise conseillère – et d’une violence évidemment à proscrire. Nous leur demandons de ne pas rabattre ce nouveau drame vers le récit d’un cas tragique mais isolé.
Parce que nous sommes attachés à ce que les forces de l’ordre soient exemplaires et que Nahel ne soit pas un prénom sur une liste appelée à s’allonger, nous demandons :
– la refonte des dispositions de la loi de février 2017 relative à la sécurité publique qui, à tort ou à raison, a été interprétée par les policiers comme un assouplissement des règles encadrant le recours à leurs armes. Depuis, le recours injustifié aux armes à feu en direction de véhicules en mouvement s’est sensiblement accru.
– l’ouverture d’une réflexion sur la prévention du racisme au sein de la police. A rebours de la minimisation des manifestations de ce fléau au sein d’un corps d’État qui devrait en être exempt, les pouvoirs publics ont la responsabilité de lutter contre les imaginaires ethnicisés d’un trop grand nombre de membres des forces de l’ordre.
– la révision de la philosophie du maintien de l’ordre, aujourd’hui souvent axée sur la confrontation.
Ces exigences sont celles que nous aurions à l’endroit de n’importe quel corps de fonctionnaires. Il est grand temps de les exprimer pleinement, fermement et calmement à l’endroit de l’institution policière. Et il est grand temps que les pouvoirs publics les entendent car ce sont les exigences de la République.