Luttes sociale, antiraciste et contre les discriminations. L’unité des combats est aussi un combat
Les fortes mobilisations contre les violences policières et le racisme systémique soulèvent aujourd’hui dans le mouvement social un questionnement important. Ces mobilisations participent-elles à la lutte pour une société de justice, d’égalité, de fraternité ? Ou ne sont-elles que l’expression de minorités recroquevillées sur elles-mêmes ? Est-ce qu’il n’en va pas de même pour les questions de genre ?
Vendredi 22 Janvier 2021
Texte collectif publié dans l’Humanité
Renée Le Mignot, Augustin Grosdoy, Jean-François Quantin Coprésidents du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples (Mrap)
Ces causes sont-elles essentielles ou détournent-elles une partie de la population du combat, central pour certains, pour la fin de l’exploitation ? Au Mrap, la lutte contre le racisme s’est toujours articulée avec les questions sociales. Le racisme est un outil social qui a été construit, entre autres, pour justifier l’esclavage et la colonisation des peuples, pour les exploiter.
Les grands « refoulements » sociaux se sont toujours appuyés sur le racisme pour faire accepter les pires régressions, que ce soit avec le nazisme, le pétainisme ou, aujourd’hui, le trumpisme. Lorsque nous intervenons avec celles et ceux qui luttent contre les contrôles au faciès, nous sommes bien dans notre spécificité. Mais l’antiracisme a aussi un horizon, au-delà de ses objectifs immédiats. Cet horizon, c’est l’émancipation de l’humanité. C’est la préparation d’un monde où les êtres humains ne développeront plus la haine de l’autre, depuis le simple rejet jusqu’à la guerre. Un monde où chacun pourra circuler et s’installer librement où il veut. C’est dans toutes ses dimensions que l’humanité doit se libérer, économiques, idéologiques et mentales. Les convergences des luttes paraissent naturelles et logiques. Mais tout combat comporte le risque du repli sectoriel. Ce peut être le cas des luttes contre les discriminations, qu’elles soient racistes, sexistes, homophobes ou autres. La question de l’identité peut freiner ces convergences et nous devons être attentifs au point de vue de chaque groupe ou collectif. Les convergences ne se construiront que si chacune et chacun trouve sa place dans un projet commun.
Or, il est essentiel d’articuler le caractère spécifique de ces luttes avec leur insertion dans un projet global. Une association comme le Mrap, dont l’objet est certes spécifique, s’efforce de ne jamais oublier les autres dimensions de la souffrance sociale, les questions de misère, d’emploi, d’urbanisme, de démocratie… Il s’implique, à sa façon, dans les grandes batailles sociales. Il tente, avec ses moyens, de dénoncer les constructions idéologiques qui cherchent à diviser ou à empêcher les rencontres et les actions communes.
C’est aussi dans cette perspective qu’il inclut dans son objet l’amitié entre les peuples et la paix. Lorsqu’il dénonce les conflits armés, les ventes d’armes, les massacres ethniques, lorsqu’il défend le droit des peuples à l’autodétermination, il travaille, pour la part qui est la sienne, à un autre avenir.
Le Mrap affirme donc fortement, dans son domaine, l’unité du racisme dans ses différentes formes, mais aussi l’unité de toutes les injustices et inégalités diverses qui rongent l’humanité, le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes de la domination et de l’exploitation. C’est dans tous ces domaines que nous aurons besoin de vaincre, pour construire le monde que nous voulons.