C’était la onzième demande de Georges Ibrahim Abdallah depuis sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité en 1986. Arrêté en 1984, cet enseignant libanais avait été condamné à la perpétuité pour complicité dans l’assassinat de deux diplomates, un Américain et un Israélien à la suite d’un procès politique criblé d’irrégularités. Le procureur avait réclamé 10 ans d’emprisonnement. Or, libérable depuis 25 ans Georges Ibrahim Abdallah, allait entamer sa 41ème année derrière les murs. Ce sombre anniversaire était marqué par un rassemblement annuel - de plus de 2000 manifestants les dernières années- devant la prison de Lannemezan (65).
Il n’est nul besoin de rappeler que la perpétuité réelle n’existe pas et contrevient aux dispositions de la convention Européenne des droits de l’homme. Ses soutiens alertaient depuis longtemps sur la « peine de mort lente » que subit Georges Abdallah, âgé de plus de 73 ans.
Le cofondateur des Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl), considéré comme terroriste par ses détracteurs, était libérable depuis 1999, mais toutes ses demandes avaient jusqu’à présent échoué. En 2013, une décision en appel de la chambre de l’application des peines de Paris en avait validé la huitième, à condition qu’il soit expulsé du territoire français. Mais le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls, avait refusé de signer l’arrêté d’expulsion.
A deux reprises, alors que la justice avait décidé sa libération, les ambassades des États-Unis et d’Israël sont intervenues (intervention d’Hillary Clinton auprès de Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères en 2013, rendue publique par Wikileaks) et ont obtenu des autorités françaises qu’elles le maintiennent en prison. Le contexte international (Gaza, le Liban) faisait redouter le poids de la raison d’Etat, raison d’Etat récemment dénoncée dans un article du Monde du 4 octobre 2024 d’autant que le jugement avait eu lieu le 7 octobre.
C’est une victoire juridique car la libération de Georges Abdallah n’est cette fois pas conditionnée à la signature d’un arrêté d’expulsion par le ministre de l’Intérieur. La seule condition de sa libération est « que l’ambassade du Liban le prenne et l’emmène », ce à quoi l’ambassade du Liban s’était déjà engagée. C’est aussi une victoire politique alors que les États-Unis dit son avocat « avaient fait pression en estimant que sa libération serait une victoire du Hezbollah ». Ce dernier ajoute : « il représente surtout aujourd’hui le symbole d’un homme maintenu en détention depuis désormais plus de quarante ans, soit une période devenue disproportionnée au regard des faits commis et de sa dangerosité actuelle. »
Les juges expliquent que le mouvement des Farl appartient à une histoire révolue, que l’internationalisation du conflit au Proche-Orient s’est produite indépendamment de Georges Abdallah et que la situation géopolitique ne peut justifier sa relégation absolue et définitive.
Pour tous ses soutiens, militants de base mobilisés depuis des années, parlementaires l’ayant visité et défendu (André Chassaigne, Andrée Taurinya, Sylvie Ferrer, Elsa Faucillon), les 70 parlementaires ayant signé en juin 2024 une tribune de soutien et les intellectuels comme Annie Ernaux, Robert Guédiguian, Frédéric Lordon, Lydie Salvayre… qui avaient exprimé leur soutien, cette décision est une immense joie.
Mais s’il s’agit d’une première et grande victoire, celle-ci n’est pas absolue. En effet, le parquet national antiterroriste fait appel ce qui suspend la décision prise par le tribunal d’application des peines. L’appel doit être instruit dans les trois mois qui viennent. Il ne faut donc pas cesser de réclamer haut et fort justice et humanité pour Georges Ibrahim ABDALLAH.
MRAP de Tarbes