Le MRAP solidaire du peuple haïtien

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“Peyi lok” (Pays bloqué)

Voilà un an que de puissantes mobilisations sociales contre la vie chère et la corruption au plus haut niveau de l’État secouent Haïti. Le peuple réclame la démission du président, accusé d’avoir détourné des fonds des accords de coopération pétroliers de Petrocaribe (l’accord pétrolier vénézuélien de soutien aux pays des Caraïbes)

Dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, où 70 % de la population survit avec moins de deux dollars par jour, 30% se trouve dans une situation d’extrême pauvreté alors qu’une minorité (4%) se partage les richesses du pays, la situation économique est catastrophique.

* 70% de chômage (Source : FMI)
* 1 Haïtien sur 2 vit avec moins de 1$/ jour (Source : FMI)
* 161e pays sur 180 en perception de la corruption (Source : FMI)

Le poids de l’histoire : première république noire en 1804, suite à sa révolte, derrière Toussaint Louverture, contre l’esclavage que voulait rétablir Bonaparte, elle a été ruinée par l’obligation de « dédommager » les propriétaires esclavagistes, une somme extravagante qu’elle a payée jusqu’en 1947. Pour payer cette somme, les plantations de canne à sucre ont été développées au détriment des forêts, ce qui a fragilisé les sols et diminué les possibilités de l’agriculture, en particulier vivrière.

Haïti a été minée par la violence d’un cycle incessant de répressions et de révoltes contre des dirigeants incapables et corrompus : « une terre cousue de sang d’hommes » résume le poète haïtien Métellus.

A cela s’ajoutent les catastrophes naturelles : sécheresses causées par El Nino, ouragans et inondations se succèdent.. Et puis il y eut les tremblements de terre en janvier 2010. En 2016, c’est l’ouragan Matthew qui rase le sud, les grandes villes de Jérémie et des Cayes. L’île est le pays qui a enregistré ces 20 dernières années le plus de décès (229.699) liés aux catastrophes naturelles selon une étude de l’ONU publiée le 13 octobre 2016. La population étant très pauvre les victimes sont très nombreuses.

En 2018, les Haïtiens sont toujours en train de reconstruire leur pays quand ils apprennent que les 3,8 milliards de dollars du fonds PetroCaribe qui devaient les aider à se relever ont disparu dans les poches d’une vingtaine de dirigeants. Ministres et sénateurs sont accusés, dont le Président Jovenel Moïse, élu en février 2017. 

Le coût de la vie augmente, les droits humains se dégradent, et l’insécurité se généralise, d’autant, qu’en plus de la répression, la population subit la loi de gangs criminels que le pouvoir tolère. De janvier à juin 2019, il y a eu 184 morts par armes à feu, et deux massacres, à ce jour impunis qui ont causé la mort d’au moins 91 personnes dans un quartier populaire de la capitale.

Une longue pénurie d’essence, entre la fin du mois d’août et le 2 septembre a fait basculer le pays, s’ajoutant à tous ces motifs de colère. Depuis deux mois, au moins 42 personnes ont été tuées et près de 200 autres blessées par balle et armes blanches.

Des manifestations réprimées par l’armée, des barrages qui paralysent tout, des pénuries d’électricité et d’eau, des malades qui meurent à la porte de l’hôpital, des écoles qui pour la plupart n’ont pas rouvert depuis septembre, Haïti s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos. Plusieurs établissements pénitentiaires n’ont plus de quoi nourrir les détenus en raison des difficultés d’approvisionnement. Dans les prisons haïtiennes, les plus surpeuplées au monde, la situation est devenue explosive.

« On travaille dans une situation qui dépasse même la médecine de guerre », a déclaré Grégory Elysé, médecin dans le principal hôpital du pays, « 19 000 enfants souffrant de malnutrition ont besoin de soins d’urgence ». « Les structures de santé ne peuvent plus être ravitaillées correctement, mettant la vie de nombreux enfants, femmes et hommes en danger » selon les Nations Unies.

Les Haïtiens demandent depuis des mois la démission de leur président Jovenel Moïse. » A Haïti, une conscience citoyenne est en train de naître. » a déclaré la journaliste May Vallaud.

Ancienne puissance coloniale, lié à ce pays par la langue et l’histoire, la France a une responsabilité particulière.

Le MRAP, solidaire du peuple haïtien demande au gouvernement français de condamner clairement la répression à Haïti, et de tout mettre en œuvre pour aider les haïtiens à sortir de ce marasme politique et économique.

Paris, 16 décembre 2019