Récemment convié à participer aux Assises contre l’antisémitisme, à l’initiative de Mme Aurore Bergé, nouvelle ministre déléguée, le MRAP a répondu à certaines interrogations destinées à lutter plus efficacement contre l’antisémitisme en nette recrudescence à la suite des attentats du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël.
Parmi les préconisations de notre mouvement transmises aux groupes de travail, pilotés par Mme Marie-Anne Matard-Bonucci et M. Richard Senghor, qui ont remis leur rapport le 28 avril 2025 à la ministre Aurore Bergé, figurait notamment celle, essentielle, de ne pas distinguer la lutte contre le racisme de celle contre l’antisémitisme.
Le MRAP ne peut que regretter que les annonces gouvernementales n’aient pas suivi ses suggestions allant même au-delà des préconisations du rapport qui incitait, à de nombreux égards, à la prudence compte tenu des problématiques et des enjeux soulevées.
Notre mouvement entend réaffirmer que la lutte contre l’antisémitisme ne peut être isolée du combat mené contre les autres formes de racisme.
Loin de nier la singularité de l’antisémitisme, la lutte contre cette forme abjecte de haine, qui ravive évidemment le souvenir des jours sombres de l’histoire, doit aller de pair avec le combat qui doit être mené contre les autres formes qu’il s’agisse du racisme anti-noir, anti-musulman, anti-arabe, anti-tsigane, anti-asiatique etc. qui s’inscrivent, chacune, dans un contexte historique ou sociologique donné qui ne doit/peut pas être éludée. Et la nécessité de nommer ou d’identifier l’une de ses formes, en l’occurrence l’antisémitisme, n’implique-t-elle pas celle de nommer ou de qualifier les autres avec le risque corrélatif de mise en concurrence des mémoires ou de hiérarchisation des souffrances des victimes quand il conviendrait, au contraire, de partager les mémoires et de prendre en considération toutes les souffrances ?
C’est d’ailleurs en ce sens que le MRAP, créé en 1949 par d’anciens résistants et déportés de la Seconde Guerre mondiale, avait décidé de substituer à sa dénomination initiale de « Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix », celle de « Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples » à l’initiative du secrétaire général du MRAP de l’époque, Albert Lévy, dans l’objectif précisément de faire front commun contre le racisme tout en le combattant dans toutes ses manifestations.
Aussi, le MRAP estime qu’il est dangereux, voire contre-productif, de prendre des mesures ciblées sur l’antisémitisme, l’arsenal juridique existant permettant de poursuivre et de condamner les faits de racisme, et donc en particulier ceux d’antisémitisme. Il insiste également sur l’accent qui devait être mis sur l’éducation et la formation, à tous les niveaux en rehaussant la place de l’étude du racisme dans l’éducation civique, en soulignant les caractéristiques qui distinguent les différentes formes (contre les Juifs, les Roms, les Asiatiques, les Musulmans, les Arabes, les Noirs …).
Aussi, notre mouvement déplore que les préconisations issues du rapport n’aient pas pris en considération son souhait de ne pas distinguer là où l’universalisme de la lutte antiraciste imposait de ne pas distinguer.
Le MRAP exprime également ses craintes s’agissant de la consécration d’une telle distinction qui peut alimenter l’expression d’un sentiment du « deux poids deux mesures » et d’un ressenti d’injustice avec une difficulté réelle de morcellement de la lutte anti-raciste là où elle devrait être unitaire et solidaire.
Cette universalisme s’imposait d’autant plus que règne une islamophobie d’ambiance qui débouche incontestablement sur des actes anti-musulmans ainsi que le démontre le récent assassinat islamophobe et anti-musulman du jeune Aboubakar Cissé.
Le MRAP regrette également que le gouvernement, dans le souci d’isoler l’antisémitisme des autres formes de racisme, ait choisi de le définir, en dépit des termes du rapport qui lui a été remis.
Si une définition de l’antisémitisme permet de distinguer cette forme de racisme, incontestablement singulière, elle l’enferme nécessairement dans une réalité nécessairement figée.
Du reste, en se calant sur la définition de l’IHRA, les annonces gouvernementales suscitent de vives inquiétudes tant par certains de ces exemples, cette définition pourrait conduire à taxer d’antisémitisme des critiques légitimes à l’encontre de l’État d’Israël et de sa politique, contestée y compris par une large partie de la population israélienne. Il est regrettable que l’antisémitisme, qui est fondamentalement un racisme antijuif, puisse conduire à une confusion avec l’antisionisme, qui appartient à la critique légitime d’un mouvement politique idéologique et religieux.
Le MRAP, résolument attaché à la lutte contre le racisme, sous toutes ses formes, et à l’amitié entre les peuples, persiste à dénoncer les risques de cet isolement de l’antisémitisme des autres formes de racisme, qui heurte l’universalisme du combat antiraciste inscrit dans son ADN.
RAPPORT SUR LES ASSISES SUR L’ANTISÉMITISME ET SES SUITES GOUVERNEMENTALES :
LE MRAP RAPPELLE LA NÉCESSITE DE COMBATTRE LE RACISME DANS TOUTES SES FORMES SANS DISTINCTION
Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) a été invité à participer aux Assises contre l’antisémitisme depuis leur lancement en ayant notamment contribué en 2023 au Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023-2026), présenté le 30 janvier 2024, par Mme Élisabeth Borne en présence de Mme Isabelle ROME, ancienne ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances et de dix autres membres du Gouvernement.
Bureau National du MRAP, le 5 mai 2025