Le 1er mai 2020 Contre le racisme et l’extrême droite plus que jamais
- Appels
Le 1er mai 1995, Brahim Bouarram, 29 ans, profitait d’une journée ensoleillée. Il ne savait pas que des mains criminelles allaient le précipiter dans la Seine et mettre fin à ses jours. Les auteurs de ce crime venaient de quitter le défilé du Front national.
Pour la 1ère fois depuis 25 ans, nous ne serons pas, ce 1er mai, sur le Pont du Carrousel mais nous n’oublions pas. Nous n’oublions pas parce que ces rassemblements tous les 1er mai sont devenus les symboles du nécessaire combat contre toutes les formes de racisme, combat qui est plus que jamais d’actualité.
Le 20 mai 2018 à Ychoux dans les Landes, Saïd El Barkaoui était froidement abattu sous les yeux de sa famille. Ce jour-là, Claude Gorsky, son voisin, lui tirait dessus à cinq reprises en le traitant d’ « enculé d’arabe ». La chambre de l’instruction de la Cour d‘appel de Pau a décidé la remise en liberté du coupable.
Le 3 novembre 2019, des croix gammées et le nombre 14 qui fait référence aux suprémacistes blancs ont été peints sur des tombes juives à Westhoffen. 107 tombes sur 700 dans ce cimetière ont été profanées. Ces actes ont eu lieu après les profanations de tombes juives à Herrlisheim et à Quatzenheim et l’apparition de très nombreux tags contre les migrants sur des écoles, des mairies, des domiciles de parlementaires, sur la Faculté de Droit de Strasbourg.
Suite à son élection au titre de Miss France 2020, la Guadeloupéenne Clémence Botino a été victime de nombreux propos racistes sur les réseaux sociaux. Ce fut également le cas de Miss Ile-de-France, Evelyne de Larichaudy, à cause de ses origines asiatiques.
Les Roms sont toujours victimes de préjugés et de discriminations. En mars 2019, des rumeurs diffusées sur les réseaux sociaux, leur attribuant des enlèvements d’enfants en Ile-de-France ont donné lieu à des déferlements de haine, à des lynchages de personnes. Des camionnettes ont été incendiées, des maisons détruites. Il y a eu des dizaines de blessés graves.
L’épidémie de coronavirus a donné lieu à des réactions irrationnelles de racisme et a réveillé comme pour les Roms des fantasmes d’un autre âge sur le « péril jaune ». Des personnes d’origine ou de type asiatique, françaises ou non, ont été victimes d’insultes, de dénigrement ou d’un évitement, de comportements humiliants et inadmissibles. Le MRAP le rappelle, un virus n’a évidemment pas d’origine ethnique ou nationale ! Il frappe indifféremment des personnes de toutes origines ou nationalités, confirmant l’unité biologique de l’être humain.
Cette montée des racismes n’est pas propre à la France : les nuages bruns s’amoncellent en Autriche, Scandinavie, Pologne, Slovénie, Hongrie. Dans toute l’Europe, l’extrême-droite est en phase ascendante et dans certains pays elle est aujourd’hui une menace immédiate.
Mais l’extrême droite n’est pas seule en cause. Les préjugés xénophobes et racistes continuent d’imprégner le discours politique français, bien au-delà des partis qui en ont fait leur honteux fonds de commerce.
Quand les droits des migrants sont sans cesse remis en cause, au mépris des engagements internationaux de la France, quand le droit de vote pour les résidents non communautaires, a été « oublié », quand en France, les expulsions d’étrangers n’ont jamais été aussi nombreuses, quand les contrôles au faciès perdurent, quand les Roms sont violemment expulsés de bidonville en bidonville, quand la persistance des discriminations minent le vivre ensemble, comment s’étonner de la banalisation du racisme ?
Enfin, comment ne pas penser à cette Europe de la honte qui fait de la Méditerranée le cimetière de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, victimes de trafiquants sans scrupules ? Les migrants qui sont capturés en mer et refoulés en territoire libyen sont soumis à des conditions de vie inhumaines : Insuffisance de nourriture, d’eau, de soins médicaux, mais aussi passages à tabac, tortures, violences sexuelles, esclavage, homicides…. Plus personne ne l’ignore.
Le coronavirus fait courir un immense danger aux migrants dans les centres de rétention qui ne sont toujours pas fermés malgré les multiples appels des organisations de solidarité.
A côté de discours et de politiques inacceptables, ce sont aussi les inégalités sociales qui bafouent les valeurs de la République et créent un terreau favorable à la montée du rejet raciste de « l’autre ». Le désarroi social, le sentiment d’abandon de larges secteurs urbains et ruraux expliquent aussi le vote Rassemblement National même si nous savons que l’extrême droite n’a jamais et nulle part été synonyme de progrès social et économique, bien au contraire.
En ce triste anniversaire, le MRAP tient à rappeler que le racisme est un phénomène unique dont les cibles et les formes peuvent, selon les moments et les circonstances, se développer, s’atténuer ou renaître de leurs cendres et que la solution n’est pas dans de futurs matins bruns, mais dans une mobilisation de tous pour faire reculer les problèmes sociaux générateurs de souffrances, d’inégalités, de concurrence et de ghettoïsation. Elle est dans la mobilisation pour une véritable égalité des droits. C’est à cette tâche que les antiracistes doivent s’atteler : en ces jours difficiles pour l’humanité cette tâche est plus que jamais d’actualité.
Paris, le 29 avril 2020
Photo : 1er mai 2017 sur les berges de la Seine, hommage à Brahim Bouarram en présence de son fils Saïd et de Renée Le Mignot, coprésidente du Mrap (à gauche). Thomas Samson /AFP