La CEDH saisie pour mettre fin aux « délits de solidarité » Communiqué de presse inter-associatif
Le 22 juin 2023
Le 20 janvier 2023, la Cour de cassation a confirmé une condamnation pour « aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière en France », refusant la prise en compte de l’immunité humanitaire accordée depuis 2018 pour l’aide au séjour et à la circulation. Une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) vient d’être déposée.
Loïc Le Dall, président d’Emmaüs La Roya et membre du conseil d’administration de l’Anafé, impliqué dans la défense des droits des personnes exilées depuis plusieurs années, a été arrêté à la frontière franco-italienne en janvier 2018 alors qu’il conduisait sa voiture avec à son bord une personne racisée d’origine éthiopienne. Relaxé par le tribunal correctionnel puis condamné à une amende de 3 000 euros avec sursis par la Cour d’appel, la Cour de cassation a finalement confirmé en début d’année la condamnation de Loïc pour « aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière en France ». Par cette décision, la Cour a exclu l’immunité humanitaire pour l’aide à l’entrée, condamnant ainsi Loïc pour « délit de solidarité ». Elle n’a par ailleurs pas répondu aux questions concernant le manque de caractérisation de l’infraction par la Cour d’appel. C’est en effet sans aucun élément matériel permettant de savoir si la personne était ou non « étrangère » et « en situation irrégulière » que la Cour d’appel a décidé de condamner Loïc. La Cour de cassation a également refusé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet. Cette décision de la Cour de cassation renforce la criminalisation aux frontières des personnes en migration et des pratiques de solidarité.
Résolu à faire prévaloir le principe de fraternité qui motive son engagement et estimant qu’il a été victime d’une atteinte à son droit fondamental de porter assistance aux personnes vulnérables par devoir de conscience, Loïc a déposé il y a quelques jours une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Il souhaite ainsi que ce débat soit porté au plus haut niveau des juridictions européennes et qu’il soit mis un terme aux poursuites des défenseurs et défenseures des droits des personnes en migration.
« Le 3 novembre 2021, je me suis rendu à la Cour d’appel d’Aix pour entendre que j’étais coupable d’avoir, en 2018, aidé une personne d’origine éthiopienne dans son périple pour l’asile, dans sa fuite des conflits armés qui s’enlisent toujours. Sur le retour, j’ai ensuite passé 4 heures au volant de ma voiture à entendre s’enchaîner le même flash infos sur toutes les stations de radio. Face à la situation catastrophique des conflits armés en Éthiopie, l’ONU exhortait la communauté internationale à se mobiliser, notamment en protégeant les ressortissants rescapés de ce nouvel épisode sanglant. L’ironie même incarnée par cette Une de l’actualité. Je venais juste d’être condamné pour avoir pris en voiture une personne qui pourrait faire partie de ces rescapées à qui la France refusait le droit à la protection internationale. Début 2023, la Cour de cassation s’est prononcée : une réaction solidaire est punissable alors que les entraves multiples aux droits et les atteintes à l’intégrité des personnes aux frontières par l’administration française deviennent choses acceptables. Face à une décision si violente et incompréhensible, il s’imposait à moi de continuer le combat juridique en portant une telle absurdité devant la CEDH - pour toutes les victimes quotidiennes de leurs choix politiques. », déclare Loïc.
Aux côtés de Loïc, Emmaüs France, l’Anafé et toutes les organisations signataires sont déterminés à soutenir les personnes exilées et toutes celles et ceux qui leur viennent en aide.
Nos organisations appellent à une modification des textes afin de garantir l’application systématique de l’immunité humanitaire inscrite dans la Loi en 2018. Les personnes solidaires ne doivent plus être inquiétées, poursuivies ou condamnées pour leurs actions de fraternité à l’égard des personnes en migration – conformément aux préconisations du droit international. La défense des droits des personnes étrangères aux frontières que ce soit en mer, en montagne ou dans les plaines, ne doit plus être réprimée.
Une cagnotte a été créée pour aider Loïc à payer ses frais d’avocats. Vous pouvez le soutenir dans sa démarche politique de dénonciation des politiques migratoires et de la criminalisation des personnes en migration et solidaires.