L’Etat privilégie la répression de l’immigration en dépit du bon sens sanitaire
- Communiqués collectifs
Le MRAP est signataire de ce texte.
Mayotte, frappée depuis le mois de juillet 2019 par la plus importante épidémie de dengue jamais connue dans l’île, est un des territoires les plus vulnérables face à la Covid-19. Toutefois, ces constats, alarmants, ne semblent pas être pris en considération par les autorités dès lors qu’il s’agit de « lutter contre l’immigration clandestine ».
Le 22 mai 2020, lors d’une audition devant la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, le ministre Jean Yves Le Drian a fait savoir qu’il avait demandé à son homologue comorien de reprendre les réadmissions depuis Mayotte. Des précautions sanitaires seraient prises pour procéder à des expulsions en toute sécurité.
Pourtant, les associations présentes au centre de rétention administrative de Pamandzi déplorent quotidiennement le manque de moyens dans la gestion de cette crise et plus particulièrement la difficulté de se procurer des masques, du savon ou des solutions hydro-alcooliques en quantité suffisante. Les témoignages qui nous sont parvenus confirment que les précautions les plus élémentaires ne sont pas respectées.
Au 4 juin 2020, et à la suite d’un dépistage massif décidé par l’agence régionale de santé, 183 détenus (sur un total de 323) de la maison d’arrêt de Majicavo ont été contrôlés positifs au COVID 19. Depuis, plusieurs détenus en fin de peine ont été transférés au centre de rétention administrative en vue de l’exécution d’une mesure d’éloignement sans qu’aucune précaution ne soit prise.
Si les interpellations terrestres devaient reprendre « une cadence normale » à Mayotte, le centre de rétention administrative de Pamandzi pourrait, de nouveau, accueillir près de 150 personnes par jour. Outre la promiscuité inhérente aux lieux de privation de liberté et l’impossibilité d’appliquer des gestes barrières, les risques de contamination sont élevés aussi bien pour les personnels et les personnes enfermées comme l’ont rappelé le Défenseur des Droits et la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
Le collectif Migrants outre-mer et l’Observatoire de l’enfermement des étrangers s’inquiètent également du risque élevé de propagation du virus dans les autres îles de l’archipel, relativement préservées jusqu’à présent et où les infrastructures sanitaires sont quasi-inexistantes. Cette décision est en parfait décalage avec les enjeux de santé publique internationaux.
Par ailleurs, les services de la préfecture de Mayotte étant toujours fermés au public, de nombreuses personnes en attente d’un premier titre de séjour ou d’un renouvellement, pourraient être expulsées sans que leur situation ait fait l’objet d’un examen.
Si des contrôles d’identité et interpellations devaient de nouveau être organisées sur un territoire où l’épidémie est galopante, la population étrangère se terrerait à nouveau. La crise alimentaire et les difficultés d’accès à l’eau s’amplifieraient. L’accès aux soins serait interrompu avec les conséquences désastreuses prévisibles. Il n’y aurait plus aucun suivi épidémiologique possible sur le territoire.
Le collectif MOM et l’OEE appellent les autorités françaises à renoncer à la reprise des expulsions vers les Comores et fermer jusqu’à nouvel ordre les lieux d’enfermement administratif à l’instar du centre de rétention administrative de Pamandzi.