Plusieurs manifestant·es invectivent les familles habitant le lieu de vie informel, jetant sur elles des cailloux, pétards et bouteilles de verre. Des journalistes présent·es sur les lieux au moment des faits rapportent des slogans comme “dehors les Roms”, “Villeron n’est pas une poubelle” ou encore “aux armes !”. Soudain, une dizaine de manifestant·es pénètrent dans le bidonville en contournant les quelque 40 gendarmes présents pour encadrer la manifestation. Apeurées et en état de choc, les familles vivant sur le bidonville depuis quelques mois sont forcées de prendre la fuite, sous les cris des manifestants. Quelques heures plus tard, une pelleteuse réservée au préalable par les services municipaux finit de démolir les baraques et les affaires personnelles des familles précaires.
Ce type d’agissements, qui consiste à intimider et expulser manu militari des familles d’un bidonville, est inacceptable dans un État de droit. Devant la gravité des faits, trois anciens habitants du bidonville ont porté plainte pour violences commises en réunion. Appuyant leur démarche et choquées par cette dérive, plusieurs associations, dont La voix des Rroms, le MRAP et le CNDH Romeurope ont également déposé plainte auprès du procureur de la République du Tribunal judiciaire de Pontoise.
Depuis, aucune nouvelle et personne n’a eu encore à répondre devant la justice. Pire, l’histoire semble se répéter. En témoignent les insultes, intimidations et menaces qu’ont subi à leur tour les habitant·es d’un bidonville à Vémars, commune limitrophe de Villeron, en octobre 2023. Ces personnes ont fini par quitter leur lieu d’habitation, craignant pour leur vie.
Depuis janvier 2023, la France s’est dotée d’un Plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Entre autres, ce plan vise à lutter contre le non-recours à la justice, en renforçant la confiance des citoyens lors de l’enregistrement des plaintes. Sans nouvelles d’une enquête qui dure depuis un an, pour des faits commis au grand jour sous les yeux de forces de l’ordre et de journalistes, nous nous interrogeons sur la volonté de l’appareil judiciaire à répondre aux propos et aux actes antitsiganes du 5 février 2023 à Villeron. Nous souhaitons renforcer la confiance des victimes de l’antitsiganisme en une justice qui devrait les en protéger.
Dans un contexte d’augmentation inquiétante des actes racistes en France, d’évolution législative légitimant la désignation des étrangers comme bouc-émissaires, de crise du logement d’une gravité extrême, la Justice ne peut se permettre d’être soupçonnée d’inertie, sous peine d’alimenter le sentiment d’impunité d’individus qui piétinent certains de ses principes fondamentaux.
Signataires :
La voix des Rroms
MRAP
CNDH Romeurope
Le 6 février 2024