En 2018, lors de son dernier congrès, le MRAP a réaffirmé que la lutte contre le racisme était une lutte pour l’égalité réelle.
En 2019 et 2020, son Bureau National a adopté quatre textes sur des formes de racisme particulièrement fréquentes dans notre société. Il décide aujourd’hui de les publier ensemble, à un moment où le mouvement antiraciste peut connaître, ici ou là, la tentation de la fragmentation ou de la hiérarchisation dans cet immense combat qui ne peut être que commun.
Les Juifs sont l’objet dans toute l’Europe d’un rejet multiséculaire qui a abouti au 20° siècle à une des pires défaites de l’humanité.
Les Roms sont aussi l’objet d’un acharnement séculaire qui perdure encore en France et à travers l’Europe.
Le rejet de la religion musulmane et de ceux qui la pratiquent est un des cancers qui rongent notre société.
L’identification de l’autre par la couleur de la peau a permis de dénier, presque partout, aux noirs, leur humanité et de développer des préjugés aux lourdes conséquences.
Bien d’autres groupes humains ont été ou sont l’objet de cette démarche de rejet : la crise provoquée par la pandémie de Covid-19 n’a-t-elle pas vu ressurgir des manifestations de stigmatisation des personnes supposées originaires d’Asie ? Il faut comprendre ce qui fait la substance de chacune de ces formes de racisme pour la combattre efficacement. Mais ce n’est qu’en comprenant aussi ce qu’elles ont de fondamentalement commun que l’on peut espérer combattre et vaincre un jour le racisme lui-même et réconcilier l’humanité avec elle-même.
La co-présidence
SOMMAIRE
UNE LUTTE POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE.........................................4
le racisme et les discriminations en évolution.........................4
le contexte économique et social...................................................4
des propagateurs des idées racistes et discriminatoires...............4
un racisme institutionnel et social..................................................5
des discours confus........................................................................6
les discriminations..........................................................................7
LE MRAP ET L’ANTISÉMITISME état des lieux...............................8
le contexte......................................................................................8
les combats du MRAP contre l’antisémitisme................................9
perspectives.................................................................................10
ISLAMOPHOBIE ET RACISME ANTI-MUSULMAN.......................12
antiracisme universaliste..............................................................12
islamophobie................................................................................12
musulmans en France..................................................................13
racisme antimusulman.................................................................14
islam, islamisme, terrorisme.........................................................14
pour l’égalité réelle.......................................................................15
ANTITSIGANISME EN FRANCE, combattre à la fois
discriminations et racisme...............................................................17
l’antitsiganisme aujourd’hui en France.........................................17
racisme et discriminations............................................................19
combattre le racisme....................................................................20
NÉGROPHOBIE..............................................................................21
des préjugés aux discriminations racistes...................................21
une longue histoire d’oppression.................................................22
lutter contre la négrophobie.........................................................23
UNE LUTTE POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE
Extrait du texte d’orientation
Congrès du MRAP
Saint-Denis, 9 et 10 juin 2018
Le racisme et les discriminations en évolution
le contexte économique et social
La loi dite Pleven de 1972 modifiant la loi de 1881 sur la presse a fait du racisme un délit. Le MRAP fut le pilier de la mobilisation qui permit ce vote à l’unanimité des deux Chambres. Ce vote à la fois marquait une réelle prise en compte législative du racisme sous toutes ses formes et donnait de nouveaux outils juridiques pour le combattre.
Dix ans après la guerre d’Algérie s’annonçaient la fin des "trente glorieuses" et la montée en puissance du néo-libéralisme. M. Tchatcher à partir de 1979, R. Reagan à partir de 1981 en font une politique systématique. Les inégalités s’accroissent. En France, en 1983 c’est le tournant de la rigueur avec une montée de la précarité, du chômage et de la pauvreté.
Le Front National apparaît en 1973 avec le slogan "un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop". Des jeunes considérés comme Arabes sont blessés ou tués par des extrémistes de droite. En réaction en 1983 est organisée la marche pour l’égalité des droits qui connaîtra à travers la France un succès croissant jusqu’à Paris, mais ses résultats concrets furent décevants.
Dans ce contexte, l’antisémitisme et le négationnisme ne sont pas absents : le "détail" de Le Pen, l’attentat de la rue Copernic, celui de la rue des Rosiers, etc.
Des propagateurs des idées racistes et discriminatoires
aujourd’hui.
L’offensive idéologique de l’extrême-droite et sa percée électorale ont rendu “acceptables” des opinions hier unanimement condamnées. Dans cette évolution, la droite a une grande part de responsabilité. La gauche de gouvernement y a sa part par ses paroles, ses actes ou absences d’actes. Les digues sont rompues qui décrédibilisaient la parole de l’extrême-droite fascisante, autoritaire, xénophobe, homophobe et sexiste. La reprise et la banalisation de ses idées taraudent toutes les couches de notre société ; leur audience est un danger pour les valeurs républicaines et la République elle-même.
En Europe, la montée des extrêmes-droites est générale. Elle a même été portée au pouvoir en Hongrie et en Autriche.
Dans un tel contexte, certains spéculent sur les peurs et désignent des boucs émissaires.
La laïcité est invoquée et détournée de son sens, transformée en un discours identitaire diabolisant l’Islam et présentant "les musulmans" comme un danger pour la démocratie. Par ailleurs, on constate aussi une montée des intégrismes religieux et des communautarismes.
Les attentats terroristes de 2001 à New-York puis ceux de Bali, Madrid et plus récemment ceux de Paris, Tunis, Nice, Bruxelles, Istanbul, etc. perpétrés par Al Qaïda ou Daesh ont encore accru la suspicion à l’encontre des personnes perçues comme Arabes ou musulmanes et à l’encontre de l’Islam. Cette islamophobie est à la source d’actes violents contre les mosquées, les personnes de confession musulmane, notamment les femmes portant le voile dans l’espace public. La lutte légitime contre les responsables des attentats ainsi que contre les discours de haine qui ont pu les inciter à des tels actes a servi de caution aux dérives de l’état d’urgence puis à l’introduction dans la loi de mesures nouvelles attentatoires aux libertés publiques.
Dans le même temps, la résurgence du discours antisémite et la montée de nouvelles formes d’antisémitisme liées au sort des Palestiniens se sont accompagnées d’une augmentation des actes antisémites violents, voire meurtriers et ce alors que l’indice de "tolérance" à l’égard des Juifs, mesuré dans l’enquête figurant dans le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), est régulièrement de plus en plus élevé.
Les Roms forment le groupe social le plus méconnu, confronté au plus grand rejet de la part du reste de la population. Maintenus dans la précarité et la marginalité, ils sont les cibles privilégiées de l’intolérance, de préjugés racistes et de discriminations.
D’autres victimes subissent aussi de plein fouet des violences verbales et physiques racistes comme les personnes perçues comme "Noirs", "Chinois", etc.
Un racisme institutionnel et social
Le fonctionnement des institutions, les pratiques sociales ou sociétales peuvent être producteurs de racisme et de discriminations qu’il faut combattre avec la même détermination que le racisme direct à l’égard des personnes. La parole "libérée" des responsables politiques est un puissant incitateur à la libération de la parole raciste et à la désignation de boucs émissaires.
Des bailleurs, des recruteurs, des dirigeants d’entreprise ont des pratiques discriminatoires.
Le développement du thème du "grand remplacement", la campagne contre "le mariage pour tous" portée par la droite dure et les milieux religieux intégristes… concourent à la création d’une atmosphère détestable.
Des citoyens français de la métropole et des territoires ultra-marins, dont les familles portent tout particulièrement la mémoire de la colonisation et de l’esclavage (discriminés sous l’appellation de "issus de l’immigration") souvent victimes de la précarité, habitant des quartiers relégués, oubliés des politiques publiques se voient traités au quotidien en citoyens de seconde zone. Leur nationalité française ne serait pas tout à fait "égale" à celle des autres.
Les territoires ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte, Saint- Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis-et-Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie) sont confrontés à de graves inégalités ; le MRAP demande qu’il y soit mis fin.
L’État reste ambivalent dans son attitude. D’un côté, des institutions étatiques ne combattent pas résolument la culture raciste mais l’alimentent. Les exemples sont multiples : création d’un ministère de l’identité nationale en 2007, tentative d’instituer une déchéance de nationalité contre les binationaux, refus du droit de vote pour tous les résidents étrangers, relégation scolaire et territoriale, politique migratoire produisant de la xénophobie et du racisme, relégation des Roms. Les contrôles policiers au faciès sont interdits mais des policiers et des gendarmes les pratiquent de fait sous la pression d’une politique du chiffre instituée par leur hiérarchie ou par effet d’une conception nocive de la "dangerosité" de certaines fractions de la population, en particulier parmi les jeunes ; ils peuvent dégénérer en
de violentes et tragiques "bavures". Ces pratiques produisent des discriminations avec ou sans le consentement de leurs acteurs et structures. D’un autre côté des institutions étatiques (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, Défenseur des Droits, Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT) luttent et proposent des outils et des moyens pour lutter contre les discriminations et le racisme. Le MRAP précie les actions de ces dernières et s’y associe dans la mesure où elles lui permettent d’amplifier son action mais il déplore que leurs avis ne soient pas suivis d’initiatives gouvernementales les prenant en compte.
La diversité des collectivités locales accroît encore cette ambivalence des pouvoirs publics. Certaines d’entre elles sont soucieuses de combattre les discriminations quand d’autres à l’inverse sont porteuses de discours et de politiques qui les renforcent.
Des discours confus
Le MRAP sera toujours partie prenante du travail pour une égalité réelle entre citoyens d’une société démocratique qui refuse paroles et actes discriminatoires. Il est nécessaire de rappeler que le concept de race est une construction sociale. En effet, certains discours organisent la confusion autour des mots comme "race", "racisme", prônent "la lutte des races" ou des "classes raciales". Ils incitent de fait à un repli communautaire et une fragmentation identitaire contradictoires avec la recherche d’un "vivre ensemble". Ils renforcent le communautarisme qui exclut la diversité et alimentent le racisme.
Mais sur tout le territoire, de nombreux acteurs de terrain se regroupent et se mobilisent, jeunes et moins jeunes, parents, éducateurs sociaux, sportifs, culturels… ils font vivre la cité sans jamais entrer dans des cloisonnements “raciaux” et identitaires.
Le MRAP doit s’ouvrir plus largement à ces forces vives porteuses d’avenir.
Les discriminations
En droit, une discrimination est un traitement défavorable (souvent issu d’une situation de domination) qui concerne le sexe, l’âge, le handicap, etc. La loi précise les situations qui peuvent être discriminatoires notamment dans l’accès à l’emploi et la carrière, l’accès au logement, aux biens publics (école, services sociaux…), à un lieu public, à la protection sociale, l’éducation et la formation.
Cet arsenal législatif, en partie mis en place sous une pression internationale (critiques, directives, jurisprudence ou condamnations de la France de la part des instances compétentes de l’ONU, du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne) a permis de notables progrès dans la lutte contre les discriminations. Mais sa mise en pratique demeure insuffisante, tant au niveau des dépôts de plaintes que du traitement par les tribunaux.
La loi peut être discriminante, telle celle du statut de la fonction publique qui réserve certains emplois aux seuls ressortissants français ou à ceux de l’Union européenne. Le MRAP demande la suppression de la condition de nationalité dans le statut des fonctionnaires non régaliens.
À ce jour, la loi reconnaît 25 critères de discrimination définis par des textes internationaux ou la seule législation française.
10 juin 2018
LE MRAP ET L’ANTISÉMITISME
état des lieux
La dernière période a été marquée par la multiplication des attentats antisémites. Ces derniers occupent les devants de l’actualité en particulier en raison du procès d’Abdelkader Merah, frère de Mohamed Merah, auteur des assassinats de Toulouse en 2012. Ce procès va de concert avec une persistance préoccupante de crimes ou de forfaits visant la communauté juive. Lors de sa réunion du 7 octobre le BE a jugé utile de faire une mise au point.
Le contexte
De quoi parle-t-on quand on aborde l’antisémitisme ? C’est en 1879 que ce motantisémitisme apparait pour la première fois sous la plume d’un pamphlétaire très antijuif répondant au nom de Wilhelm Marr. Ce terme parfaitement inadéquat connait vite un engouement inattendu. Pour le petit Larousse (édition 1906) c’est « la doctrine de ceux qui sont opposés à l’influence des Juifs » qui devient au début des années 80 « la doctrine […] d’hostilité à l’égard des juifs » alors que pour le Robert (édition 1958) l’antisémitisme est « la lutte contre le sémitisme ».
En fait aujourd’hui l’antisémitisme désigne le racisme qui vise les juifs. Ça n’a jamais signifié rien d’autre que cela et surtout pas, comme on l’entend parfois, "raciste envers les sémites" pour deux raisons : i) parce qu’il n’y a pas de « race sémite » au même titre que la notion de races humaines est antiscientifique et raciste comme nous l’avons souvent rappelé au MRAP, ii) parce que on peut à la rigueur parler de « langues sémitiques » et là n’est pas notre propos.
L’assassinat de Ilan Halimi, les assassinats de l’école Ozar Hatorah à Toulouse, l’attentat de l’hyper Casher de Vincennes ou encore l’assassinat de Sarah Halimi sont là pour nous rappeler que l’antisémitisme est encore bien présent notre société. Même si en 2016 les actes antisémites ont sensiblement diminué, une analyse statistique du ministère de l’intérieur montre que leur nombre annuel a quintuplé en 30 ans (117 par an dans les années 1990 contre 574 dans les années 2010). La France connaît une augmentation des violences et une banalisation de la parole antisémite. L’analyse de l’actualité montre clairement que l’antisémitisme persiste dans les esprits. Ainsi, les juifs auraient trop de pouvoir dans le domaine de l’économie (25 %), les médias (22 %), la politique (19 %)1… Selon ce même sondage, pour 35 % des personnes interrogées les juifs utiliseraient aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi perpétré pendant la Seconde Guerre mondiale2. Ce dernier thème est attisé par des spécialistes du négationnisme ou des politiciens du style Le Pen père (le « détail3 ») ou Soral ou encore des pseudos humoristes comme Dieudonné, ce discours pénètre même parfois certaines sphères se réclamant de l’antiracisme.
1 Sources : CNCDH, FONDAPOL 2014
2 FONDAPOL 2014.
3 En 1987 Le Pen avait qualifié les chambres à gaz nazies comme « un détail de l’histoire. Propos réitérés
en 1997, 2009 et 2015. Il a été condamné 5 fois pour ces propos grâce entre autre à l’action du MRAP.
Chaque déclinaison du racisme comporte des caractères spécifiques selon les populations qui en sont victimes, ainsi le racisme institutionnel, le racisme du quotidien ou les discriminations. Mais plus de 70 ans après l’extermination des juifs par les Nazis, racisme à l’encontre des juifs est encore à ce jour, le seul qui conduit à tuer des petits enfants dans la cour de leur école.
Sur le douloureux problème lié au Moyen Orient il semble utile de rappeler que l’antisémitisme est un racisme anti-juif et l’antisionisme appartient à la critique d’un mouvement politique idéologique et religieux. Il est vrai que certaines mouvances remplacent le terme juif par le terme sioniste par peur de poursuites pour entrave à la loi contre le racisme. Dans cette optique il n’est plus question de « complot juif », mais de « complot sioniste ». Dans ce dernier cas il s’agit d’une nouvelle terminologie antisémite. Enfin, la dernière période a pu voir l’accélération et une sorte de libération de la parole antisémite avec le développement des réseaux sociaux. Une analyse des sites informatique montre qu’il y a un message antisémite toutes les 43 secondes sur internet.
Les combats du MRAP contre l’antisémitisme
Dès sa création, il y a près de 70 ans, le MRAP (il s’appelait alors Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix), issu de la résistance, s’est attaché à lutter contre toutes les formes de racisme quels qu’en soient les auteurs ou les victimes. Le MRAP récuse leur hiérarchisation ainsi qu’il l’a rappelé lors de son congrès d’octobre 2015 en précisant que « le racisme est un et indivisible bien que ses formes soient multiples et souvent liées entre elles ». Le changement de sigle du mouvement en 1977 marque plus encore sa volonté de l’universalisme de son combat.
Riche de cette histoire qui ne hiérarchise pas les déclinaisons du racisme, le MRAP ne peut accepter l’introduction d’une concurrence mémorielle dans le champ antiraciste, ni une relativisation d’une forme particulière du racisme. Combien de fois avons-nous entendu ou lu des assertions du type « on parle trop de la Shoah ». On ne parle jamais trop d’une déclinaison du racisme, y compris l’antisémitisme, à l’heure où les assassins tuent des juifs jusque dans la cour d’une école. Il nous appartient de traiter toutes les formes de racisme avec la même vigueur et il incombe aux instances de la République, y compris dans les représentations officielles, d’être aux côtés de toutes les victimes du racisme sans distinction aucune.
Pour le MRAP pas d’indulgence pour toutes les expressions de l’antisémitisme. Récemment, le Mouvement, à travers ses comités locaux ou au niveau national, a été amené à porter plainte ou à prendre positions vis-à-vis de la plupart des actes, des publications ou des déclarations antisémites commises dans l’hexagone ou en Europe. Pour ne rappeler que quelques exemples :
Vive protestation contre Jean-Michel Larqué journaliste sportif qui avait "clairement associé la confession juive des dirigeants du club de foot d’Arsenal à leur âpreté aux gains d’argent. »
Dénonciation de l’antisémitisme sur les réseaux sociaux.
Interventions du MRAP lors des agressions et assassinats antisémites de ces dernières années (Toulouse, assassinat d’Ilian Halimi, agression d’une famille à Livry Gargan…). Dénonciation d’un concert du groupe antisémite « peste noire » dans la région
de Limoges.
Sur un registre du même type, le MRAP est amené à agir contre les assassins de la mémoire. Plus que jamais l’histoire doit rester présente dans nos esprits. Elle est la source à laquelle chaque citoyen doit pouvoir s’abreuver pour lutter contre les paroles, les comportements, les actes qui entretiennent l’antisémitisme. Dans cette période où les rares rescapés des camps atteints par l’âge, disparaissent les uns après les autres, le MRAP tient à mettre en garde ceux qui tentent de nier l’existence du génocide nazi et la responsabilité de la France dans son exécution.
C’est bien madame Le Pen qui déclarait le 9 avril dernier, dans une interview télévisée que cette rafle du Vel d’Hiv était la faute des seuls Allemands, montrant ainsi qu’elle demeure dans la filiation de l’extrême-droite, nostalgique de Vichy, largement illustré par les propos, les attitudes et les fréquentations de son père. C’est dans le cadre de ce refus de l’oubli que le MRAP a lancé il y a quatre ans son opération de création dans chaque ville d’une rue des « combattants du ghetto de Varsovie ».
Mais si le MRAP combat l’extrême-droite qui théorise sur le « détail de l’histoire », il n’a pas plus de complaisance avec le livre « les blancs les juifs et nous » dans lequel on peut lire « pour le sud la Shoah est moins qu’un détail » alors que l’auteure précise « vous les juifs je vous le dit en vous regardant droit dans les yeux, je n’irai pas à Auschwitz : »
C’est là une invitation au négationnisme par l’oubli. Le MRAP est également amené à réagir lorsque des organisations, sous couvert de défendre le peuple palestinien, utilisent des arguments relevant de l’antisémitisme le plus primaire. Au cours de leur longue histoire, juifs et arabes ont presque toujours vécu en bonne intelligence alors qu’en occident l’antisémitisme sévissait avec la plus grande vigueur. Le sionisme, né à la fin du 19e siècle a
représenté pour beaucoup une réponse possible à l’antisémitisme, mais a conduit au drame du peuple palestinien. C’est dans ce contexte que des groupes d’intégristes, musulmans ou non, adeptes d’un antisionisme radical utilisent les clichés antisémites de l’extrême droite et des méthodes terroristes pour tenter de défendre la cause palestinienne. Réaffirmons-le avec force : le MRAP est attaché à une paix juste et durable au Moyen-Orient et pour y parvenir l’antisémitisme n’estpas la solution. Le MRAP régira contre toutes manifestations antisémites. Ainsi notre mouvement a été amené à porter plainte contre deux membres de l’organisation BDS34. Ces derniers avaient diffusé en août 2014, sur leurs pages « facebook », un photomontage comportant une photo qui avait vocation à assimiler étoile de David et croix nazie.
Perspectives
La lutte contre l’antisémitisme fait partie intégrante du combat du MRAP. Ce combat est plus que jamais nécessaire en raison de la multiplication des actes antisémites associé au développement des théories négationnistes. Il importe que les comités locaux s’impliquent plus largement encore en lançant des formations (en particulier dans les établissements scolaires), des débats et des actions contre l’antisémitisme. Il importe également de ne pas négliger des actions de mémoire (par exemple la campagne d’inauguration d’une « rue des combattants du ghetto de Varsovie » dans les villes pourrait être développée par nos comités locaux). Enfin, et cela concerne tous les militants du MRAP il est indispensable qu’une vigilance de tous les instants s’instaure vis-à-vis des sites antisémites et des réseaux sociaux.
Le BE se tient à la disposition des comités locaux pour animer des débats sur l’antisémitisme.
En outre il est proposé un colloque national sur cette question courant 2018.
20 octobre 2017
ISLAMOPHOBIE ET RACISME ANTI-MUSULMAN
Antiracisme universaliste
Le racisme est un et indivisible avec des formes multiples et différentes victimes : Roms, Arabes, Musulmans, Noirs, Asiatiques, Juifs… Le combat universaliste pour l’égalité réelle, la défense et la promotion des Droits humains passe par la lutte contre le racisme, idéologie de domination, toutes les situations qui le génèrent et toutes ses déclinaisons.
Les expressions et les causes du racisme et des discriminations dans nos sociétés sont complexes. Et le combat antiraciste est très intimement lié aux problématiques économiques et sociales. Les politiques d’intégration et la question sociale ne se fractionnent pas.
Depuis sa création en 1949, le MRAP défend "la liaison entre tous les racismes et la nécessité de mener contre tous un seul et même combat." (Droits et liberté, n°364-365, décembre 1977). Il a très vite pris en compte le racisme anti-arabe au même titre que l’antisémitisme.
En octobre 2017 le MRAP publie un texte de référence sur l’antisémitisme (voir : https://mrap.fr/le-mrap-et-l-antisemitisme-etat-des-lieux.html). Au regard des événements qui ont occupé le devant de la scène, le bureau national du MRAP a estimé indispensable de faire le point sur l’islamophobie et le racisme anti-musulman.
Islamophobie
L’origine du mot "islamophobie" remonte à la fin du XIXe siècle et son usage est avéré dès le début du XXe siècle par des sociologues coloniaux (Maurice Delafosse, Revue du Monde musulman, mai 1910) qui y voient un traitement discriminatoire de l’islam et des pratiquants de l’islam préjudiciable à la "politique musulmane" de la France, au développement de ses "colonies musulmanes".
En 2003, dans un contexte post-attentats du 11 septembre 2001, la paternité du mot est faussement attribué aux mollahs iraniens afin de discréditer ceux qui l’utilisent.
Le débat est dans l’espace public. La frénésie médiatique, la tonalité de certaines déclarations autour des "affaires de foulard" révèlent cette forme de racisme jusque-là contenue. Le MRAP s’interroge sur la pertinence et l’adéquation du mot. En septembre 2003, il organise un colloque à l’Assemblée Nationale : "Du racisme anti-arabe à l’islamophobie…" (Différences n° 249, janvier 2004). Il l’inscrit dans le combat contre toutes les formes de racisme et dénonce l’assignation forcée des musulmans à une "résidence communautaire" de plus en plus pesante.
Aujourd’hui, ce qui caractérise l’usage du mot "islamophobie" c’est sa polysémie. Pour les uns il doit être strictement réservé à la critique (légitime) de la religion islam, pour d’autres il se confond avec la définition de discriminations racistes dont sont victimes les personnes de culture, d’ascendance ou de religion musulmanes. Le plus souvent son usage oscille entre ces deux définitions. La Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son rapport de 2003, note "une confusion croissante entre l’hostilité à l’immigration maghrébine prédominante dans les années 1990 et une hostilité à l’islam, aux musulmans, des amalgames avec la délinquance dans les quartiers dits sensibles, avec le fondamentalisme ou le terrorisme".
À son congrès de 2004 (Différences n° 253, janvier 2005), le MRAP définit l’islamophobie dans le cadre de la définition légale de la provocation à la haine raciste : les actes islamophobes se traduisent par des violences, des injures, des discriminations envers les personnes ou des attaques contre leurs lieux de culte ou de sépultures. Ce nécessaire combat pour les droits des personnes ou groupes de personnes musulmanes, leur protection et leur respect, ne saurait tolérer son instrumentalisation. Le MRAP refuse toute limitation de la liberté d’expression de ceux qui usent de leur droit légitime à la critique des religions, leurs idéologies, leurs institutions ou interdits. Il précise : "Cette double vigilance est garante d’une
action antiraciste pour une société apaisée." Au-delà des approches diverses concernant le mot "islamophobie" le MRAP est uni dans la volonté d’agir avec force contre le racisme subi par les musulmans.
Musulmans en France
Dans leur dernière enquête conjointe sur "la diversité des populations en France", parue en octobre 2008 sous le titre "Trajectoires et Origines", l’Ined et l’Insee précisent que 2,1 millions de personnes parmi la population âgée de 18 à 50 ans se déclarent de confession musulmane, quelle que soit leur religiosité et leurs pratiques soit entre 6 et 7 % de la population. Sur cette base, l’INED estime la population musulmane en France entre 3,9 et 4,1 millions.
Le ministère de l’Intérieur avance en 2015 le chiffre de 4 à 5 millions. Ce n’est qu’une approximation puisque la loi française interdit les recensements sur la base de la religion. Il inclut les "musulmans déclarés", les personnes de "culture musulmane" ce qui est flou. Certains sondages utilisent l’expression "d’origine musulmane" qui entretient des confusions (on peut être d’origine maghrébine sans être de confession musulmane par exemple).
La grande majorité ne se reconnaît pas dans les marqueurs religieux qui peuvent faire clivage dans la société (sexistes par exemple). Cela ne les empêche pas de se sentir blessés par les attaques lancées contre l’islam et les musulmans. Ils ne se reconnaissent pas non plus dans le "jeu de ping-pong" entre les identitaires d’extrême-droite et les islamistes.. N’essentialisons pas "les musulmans" ! Prenons en compte leur diversité ; les musulmanes ne sont pas toutes voilées – loin de là – ou en burkini ni les musulmans en tenue de madrassa. La "population musulmane en France" est, comme toute la population, fort diverse dans ses référents et dans son positionnement religieux, allant des intégristes aux athées déclarés, voire militants. On est loin d’un "grand remplacement" fantasmé et d’une "islamisation" de la France.
Le discours islamophobe d’où qu’il vienne est redoutable par ses conséquences non seulement sur les "musulmans" ou supposés tels, mais aussi sur l’ensemble de la société. Ils formatent les esprits pour une acceptation des idées réactionnaires de l’extrême-droite et de la droite extrême qui veulent les utiliser pour accéder au pouvoir.
Racisme antimusulman
Le racisme anti-musulman – comme tout racisme – repose sur l’amalgame de chaque personne musulmane ou supposée telle à une image stéréotypée faite de préjugés construits et bien ancrés depuis des siècles. Les ressorts idéologiques de l’extrême-droite et de la droite extrême qui prétendent combattre l’islamisation de la France et désigner des boucs-émissaires pour détourner l’attention des questions économiques et sociales et pour diviser viennent de loin, particulièrement de la période coloniale.
À la fin du XIXe siècle les justifications idéologiques ne manquent pas pour stigmatiser "la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion [le mahométisme] leur culture et leur éducation" (Ernest Renan, L’islamisme et la science, 1910) et inférioriser pour mieux civiliser ces "barbares". L’ordonnance de 1944 relative au statut de FMA (Français musulmans d’Algérie) certes abrogeait le code de l’indigénat mais entérinait les inégalités coloniales. Avec la guerre d’Algérie, le racisme anti-arabe a connu une recrudescence violente et meurtrière.
Ce qui s’est construit en France à force de discours, de lois, d’aveuglement, de mensonges c’est l’idée d’une altérité musulmane incompatible avec la République, justifiant le rejet des personnes perçues comme pratiquantes.
Islam, islamisme, terrorisme
Les discours assimilant islam, islamisme, terrorisme viennent de loin. Un certain nombre d’attentats, celui du 11 septembre 2001 à New York, mais aussi ceux de Londres, Madrid, Paris…, l’existence d’États ouvertement théocratiques, comme l’Iran, l’Arabie ou le Soudan, la longue guerre civile en Algérie ont conforté l’invention par des idéologues occidentaux, dans les années 2000, d’une "guerre de civilisations" et la construction d’un "ennemi commun". Celui-ci venait opportunément après la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’URSS. La suspicion à l’encontre des personnes perçues comme musulmanes et de l’islam
s’en trouve accrue.
Le terrorisme est bien évidemment totalement étranger à l’immense majorité des musulmans (de religion, de culture ou d’origine). Ils aspirent à vivre ici en paix. Mais certains courants de l’islam ont pris de plus en plus d’importance, soit de leur fait, soit du fait de ceux qui les stigmatisent pour agiter des peurs, les utilisent à leurs fins propres, politiques ou non. D’autre part, le refus de reconnaissance, les discriminations mais aussi des influences externes, la pression sociale ont pu provoquer des replis communautaristes et une volonté de mettre en avant son identité, exploités par le prosélytisme musulman. Ils ont pu pousser certains courants minoritaires à poursuivre des buts propres incompatibles avec les valeurs républicaines, les exigences d’un vivre ensemble apaisé et l’indivisibilité de la République. Plus encore, certains se vivant ou se présentant comme exclus de la République se sont appropriés des marqueurs spécifiques (voiles, tenues islamiques, dispenses scolaires, etc.) pour en faire leurs revendications communautaires.
Les droits individuels et collectifs ne sauraient dépendre de l’appartenance ou de la non-appartenance à une communauté. La laïcité doit garantir contre ces dérives. Elle doit être défendue contre ceux qui la confondent avec le rejet des personnes perçues comme pratiquant une religion, en particulier celles de confessions musulmanes et contre ceux qui, se réclamant d’une religion, rejettent les personnes perçues comme agnostiques, athées ou d’une autre religion.
Racisme anti-musulman et enfermement identitaire politico-religieux renvoient l’un à l’autre. Défendre les victimes du racisme anti-musulman implique de se détacher voire de combattre les tendances identitaires des groupes de l’islam politique et de construire une mémoire partagée y compris de la colonisation.
Pour l’égalité réelle
L’islamophobie est à la source d’actes violents contre les mosquées, les personnes de confession musulmane, notamment les femmes portant le voile dans l’espace public.
Les discriminations ne sont pas seulement le produit de comportements individuels ou collectifs racistes mais sont très largement le produit d’un système de domination idéologique et social, d’un racisme systémique incarné par la pérennité des discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux discriminations parfois pratiquées par les institutions étatiques comme lors des contrôles aux faciès, la relégation, pour des raisons à la fois économiques, sociales et historique d’une fraction des musulmans dans les"quartiers populaires" trop souvent oubliés des politiques publiques (délabrement, absence de services publics, etc). Certains s’efforcent régulièrement de manipuler l’histoire, d’inventer des concurrences entre des mémoires à rebours de la nécessaire construction d’une mémoire partagée évitant que se perpétuent les fractures du passé. L’égalité réelle passe également par la défense des libertés publiques et individuelles. Il importe de prendre toute la mesure de la gravité de la situation créée par le développement actuel de l’islamophobie, autant pour la population musulmane ou supposée telle, que pour la société dans son ensemble.
Le MRAP, ses comités locaux, ses militant·e·s, ses adhérent·e·s poursuivent leur action pour un vivre ensemble apaisé. Une société se construit par l’inclusion, double mouvement enrichissant ceux qui incluent et ceux qui s’incluent. Il est possible et nécessaire de s’appuyer sur le besoin de justice, d’égalité, sur l’empathie et la fraternité pour combattre les peurs et la haine sur lesquelles s’appuient celles et ceux qui défendent des intérêts particuliers.
Il faut combattre les discours de haine sur Internet sans sous-estimer les difficultés et s’efforcer d’y diffuser des messages de solidarité et d’amitié entre les peuples et les populations, agir auprès des jeunes générations, notamment en intervenant dans tous les lieux de vie, de loisirs, d’éducation, culturels ou sportifs, accueillir, soutenir, défendre les personnes victimes de racisme par l’action juridique.
Les propos de ceux qui profèrent diffamations, injures racistes envers une personne ou un groupe de personnes ou provoquent à la discrimination, la haine ou la violence raciste doivent être dénoncés et leurs auteurs poursuivis si nécessaire.
La réponse la plus déterminée et la plus unitaire possible doit être apportée aux porteurs de haine. Le MRAP et ses comités fidèles à leur combat, prendront toute leur part de cette recherche d’unité et du combat contre le racisme sous toutes ses formes et en l’occurrence contre l’islamophobie.
1er février 2020
ANTITSIGANISME EN FRANCE
Combattre à la fois discriminations et racisme
Sachant que « Roms », « Tsiganes », « Gens du voyage », et bien d’autres noms renvoient à des groupes définis selon des critères différents, d’un point de vue ethnique, social, administratif, que certains termes sont utilisés par les personnes concernées pour se désigner elles-mêmes et que d’autres leur ont été assignés, que ceci est compliqué par le fait que ces mots ont des emplois et des connotations différents à l’est et à l’ouest de l’Europe, nous ne reviendrons pas ici sur ce sujet, et utiliserons ‘Roms’ pour parler d’un ensemble de populations, surtout européennes, partageant une même origine et les variantes d’une même langue, mais appartenant à des groupes différents. Le terme « antitsiganisme » semble être
apparu vers 2005. Un document du Conseil de l’Europe4 le préfère à « antitziganisme », « romaphobie » et « tsiganophobie » et affirme qu’une résolution adoptée par le Parlement européen en avril 2005 est probablement le premier texte officiel à parler (en anglais) d’« Anti-Gypsyism/Romaphobia ». Le même document dit aussi que « La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) reconnaissait déjà en 2005 des spécificités au racisme contre les Roms :
a) les préjugés sont persistants aussi bien sur le plan historique que géographique (racisme permanent qui ne décroît pas) ;
b) cette forme de racisme est systématique (acceptation quasi générale par la population) ;
c) il s’accompagne souvent d’actes violents. » Alliant préjugés ancestraux, violences et discriminations, quel que soit le nom qu’on lui donne, l’antitsiganisme a donc aussi pour particularité de n’avoir que très tard été nommé et reconnu comme une forme du racisme. Dans les rapports annuels de la CNCDH (Commission Nationale Consultative sur les Droits de l’Homme) sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, le racisme anti-roms a été étudié chaque année mais en 2015 (pour l’année 2014), une section était intitulée « Les Roms : boucs émissaires du racisme en France ».
L’antitsiganisme aujourd’hui en France
L’antitsiganisme est très répandu dans la population française. Le 28e rapport de la CNCDH (2018)5 précise : « On doit se préoccuper en particulier – comme l’actualité récente l’a montré – du sentiment qui prévaut à l’égard des Roms, population mal tolérée (37 points d’indice seulement) ». Cet « indice de tolérance » est le plus faible, alors que le plus élevé est de 79 pour les Noirs. Il augmente, mais peu depuis depuis 2016.
4 Glossaire terminologique raisonné du Conseil de l’Europe sur les questions roms. Edition mise à jour – 18
mai 2012 – en ligne : https://cs.coe.int/team20/cahrom/documents/Glossaire%20Roms%20FR%20version
%2018 %20May%202012.pdf
5 Communiqué du 23/04/2019 – Rapport sur la lutte contre le racisme 2018 : Un niveau de tolérance record
face à des discriminations persistantes qui sapent l’accès aux droits fondamentaux.
Il y a tout juste un an, cette forme du racisme s’est manifestée avec une extrême violence en Île de France. Une rumeur selon laquelle des personnes à bord d’une camionnette blanche auraient enlevé des enfants s’est répandue en mars 2019. Au moins 36 expéditions punitives avec battes, pierres, couteaux, chiens, coups de feu, accompagnés d’insultes racistes, ont été organisées du 16 mars au 5 avril 2019, contre des personnes vivant en bidonvilles et en squats, désignées comme Roms même si toutes ne l’étaient pas. Cette résurgence de rumeurs fréquentes au XIXe s. à propos des « Nomades » qui auraient enlevé des enfants a mis en évidence la persistance des préjugés les plus anciens et les plus ancrés à leur égard : vol et maltraitance, particulièrement des enfants. Les personnes qui ont été les victimes de ces pogroms ont été extrêmement choquées, elle ont craint pour la vie de leurs propres enfants et ont cessé un moment de les envoyer à l’école.
L’antitsiganisme est entré dans l’actualité médiatique après un discours prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010, qui désignait comme délinquants tout à la fois immigrés, Gens du Voyage et Roms migrants, et a mis à l’ordre du jour la question des « campements roms ». Le racisme dans les propos comme dans les actes, y compris violents, contre les habitants des bidonvilles, surtout roumains et bulgares, s’est exprimé par la suite, parallèlement au développement d’actions de solidarité. Les propos racistes se sont succédé tant dans la presse que dans des expressions publiques d’élus et responsables politiques. Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, déclarait en 2013 que « les Roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie », et qu’ils ont « des modes de vie extrêmement différents des nôtres qui évidemment sont en confrontation ». Des poursuites judiciaires n’ont pas pu aboutir. Le maire de Cholet a été condamné en 2014 pour avoir déclaré qu’Hitler n’avait pas tué assez de Roms, puis ce fut celui de Roquebrune, qui trouvait dommage qu’on ait appelé trop tôt les secours après l’incendie d’un bidonville. Jean-Marie Le Pen a lui aussi été condamné pour des propos tenus en 2012 dans le cadre de l’Université d’été du Front National qualifiant les Roms de voleurs par nature : « les Roms d’Europe de l’Est, […] qui disent : “Nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement”. » Du côté des media, le directeur de Valeurs actuelles a été lui aussi condamné pour diffamation, provocation à la discrimination et à la haine ou à la violence envers les Roms pour sa « Une » du 22 août 2013 : « Roms : l’overdose ». Vers 2015, les migrants d’autres régions prennent la place des Roms dans la désignation d’un bouc émissaire et ceux-ci ne font plus la une, mais en 2017, le MRAP poursuit en justice un élu FN qui suggérait la récupération des dents en or des Roms pour payer leur logement, propos qui faisaient écho au génocide nazi.
Parallèlement à l’exposition médiatique, et notamment avec les associations membres du collectif Romeurope, des actions de solidarité avec les habitants des bidonvilles mènent à un progrès de la scolarisation des enfants, des parents d’élèves se rencontrent, des associations de soutien se créent. Peu à peu, de plus en plus de personnes issues des bidonvilles s’organisent, s’expriment publiquement, s’inscrivent sur les listes électorales et deviennent les interlocuteurs des municipalités. Mais il reste encore un chemin énorme à parcourir, tant les préjugés sont ancrés de longue date.
Racisme et discriminations
La question de l’antitsiganisme en France met particulièrement en lumière la relation qui unit racisme et discriminations. Des Roms sont présents en France à la suite de diverses vagues migratoires qui se sont produites du XVe au XXIe siècle. Tous les Roms en France ne vivent pas dans les mêmes conditions mais deux groupes sont particulièrement discriminés. Ceux que l’on appelle depuis 1969 les Gens du voyage, des Français qui se reconnaissent en majorité mais pas tous comme Roms, dont le statut a récemment été abrogé, ne se voient toujours pas reconnaître leurs droits : non reconnaissance de la caravane comme habitat, rareté des aires de stationnement adaptées, notamment à une vie en caravane avec déplacements occasionnels, implantation dans des zones d’exclusion dangereuses pour la santé et manque d’entretien, difficultés de scolarisation,…6 Les Roms migrants d’Europe de l’Est qui représentent la majorité des personnes vivant actuellement en bidonvilles éprouvent eux aussi toutes sortes de difficultés pour faire valoir leurs droits à la scolarité, à la santé, à un accès à l’eau, au ramassage des ordures ménagères, à la domiciliation, pour ne pas parler du droit à un logement décent… Leurs qualités d’étrangers et de pauvres n’expliquent pas seules l’indifférence à leur sort et le rejet de la part de voisins (parfois qualifiés de « riverains »), de travailleurs sociaux ignorants à la fois de leur histoire et leurs conditions de vie dans leurs pays d’origine et des droits des citoyens de l’Union européenne résidant en France, d’élus qui ne leur reconnaissent pas le statut d’habitants des communes et font tout ce qu’ils peuvent pour ne pas appliquer des instructions nationales au prétexte qu’ils ont déjà bien assez de pauvres à s’occuper. Un facteur raciste s’articule avec xénophobie et rejet de la pauvreté, mais les populations roms en France ne sont pas toutes pauvres ni étrangères.
La CNCDH cite dans son rapport 2013 (p. 44), un « Homme, 65 ans, retraité, Marseille, sans religion, FN » : « Il y avait un camp de Roms dans le 8e arrondissement de Marseille. Moi, je considère que ces gens-là ne sont pas des êtres humains. On peut avoir des soucis et être dans le besoin tout en vivant dignement. Ces gens-là ne vivent pas dignement. » Ce propos illlustre bien l’articulation entre le racisme envers les Roms et les discriminations qui touchent
l’ensemble de habitants des bidonvilles, qu’ils soient ou non de culture rom. Le constat de l’indignité des conditions de vie mène ici à une expression extrême, la négation de l’humanité. Il apporte un semblant de légitimité au rejet, et donc au refus d’amélioration de ces conditions dont les victimes sont elles-mêmes considérées comme responsables. La question de la résorption des bidonvilles en France est une question de politique sociale, mais pas seulement. Tant que le racisme et les préjugés prévaudront, ils serviront de prétexte pour ne pas chercher de solutions, et celles-ci seront mal acceptées par une partie de la population.
La discrimination raciste est associée à une discrimination selon le niveau de vie et la nationalité dans le cas des habitants des bidonvilles, à une discrimination selon le mode de vie dans le cas des Gens du Voyage.
6 Un aperçu de ces situations dans le film Nos poumons, c’est du béton réalisé par un collectif de femmes
d’Hellemes-Ronchin : https://www.youtube.com/watch?v=uVvTxtEwfco
Combattre le racisme
Lutter pour l’amélioration des conditions de vie et la disparition des discriminations à causes multiples est une chose, mais il n’y aura pas de solution uniquement sociale au problème réel des bidonvilles ni pour l’amélioration de la prise en compte des droits des Voyageurs. Un recul significatif du racisme envers les Roms dans leur ensemble est nécessaire pour cela mais aussi parce que la stigmatisation des membres d’un groupe ne peut être acceptée, quel que soit son niveau de vie.
Le Conseil de l’Europe et les institutions de l’Union Européenne abordent la question des discriminations en référence à une dimension ethnique. Si nous considérons que des politiques sociales ne peuvent être élaborées en fonction de critères ethniques, nous devons veiller aussi à ce que ce refus n’aboutisse pas une négation d’une part constitutive de l’identité de groupes roms et de ce qui les relie.
Souvenons-nous du fait que le tribunal de Nuremberg n’a pas pris en considération le génocide des Roms, et que la tentative d’extermination nazie s’est vue attribuer des motifs non pas raciaux mais sociaux, tels que la marginalité. Nous ne pouvons non plus accepter le point de vue parfois formulé dans des organisations humanitaires consistant à refuser de parler de « Roms » à propos de la discrimination de ces personnes sous prétexte que ce terme serait perçu comme stigmatisant.
Faudrait-il nier l’existence d’une culture et sa richesse sous prétexte qu’elle est abusivement associée à la pauvreté et à la misère de certains parmi ceux qui la partagent, et que seule la dimension sociale est à prendre en compte ? Une difficulté réside en France dans l’ignorance de l’histoire et de la culture des Roms, de la diversité et de la réalité du vécu de ces personnes, en France et ailleurs. Si l’histoire et la culture d’autres groupes ciblés par des théories et actes racistes comme les Juifs, les Noirs, les Musulmans ou encore d’autres, font l’objet de nombreux travaux et sont enseignées à tous, il n’en va pas de même pour l’histoire et la culture des Roms, dont l’enseignement reste confiné à l’Université7. Face au racisme, sont parfois opposées des visions idéales, associées à la musique, la liberté, la vie proche de la nature… autant de clichés tout aussi anciens et fantasmés que les préjugés négatifs, qui confortent aussi l’idée de l’impossibilité d’une intégration, assignent les individus à des comportements, nient les différences entre groupes.
Faire reculer les préjugés concernant les Roms, mettre en évidence leur situation et leur histoire en France8, favoriser les rencontres entre personnes, ne pourra qu’aider à lutter contre l’idée d’une différence essentielle, qui caractérise le racisme. Ce type d’actions va de pair avec la lutte contre des discriminations à facteurs multiples (habitat, pauvreté, extranéité, origine) à l’intérieur de collectifs regroupant des associations qui prennent en charge des aspects sociaux essentiels qui relèvent de l’accès aux droits fondamentaux des personnes roms en situation de précarité dans les bidonvilles et les squats.
13 avril 2020
7 Une synthèse accessible au public sur ce sujet est enfin parue en 2019 : Marcel Courthiade, Petite histoire
du peuple rrom, première diaspora de l’Inde. Lormont, Le Bord de l’eau, 2019.
8 Le MRAP a par exemple mené des actions importantes pour la reconnaissance de l’internement des
« nomades » en France de 1939 à 1946.
NÉGROPHOBIE
Des événements dramatiques et largement médiatisés, aux États-Unis et en France, ont remis sur le devant de la scène médiatique le "racisme anti-noirs", appelé également négrophobie. Cette forme de racisme pèse sur le quotidien de toute une partie de la population.
Des préjugés aux discriminations racistes
Les populations noires subissent de fortes pratiques discriminatoires dans tous les domaines de la vie sociale, l’emploi, le logement, les loisirs… Selon un rapport de recherche de 2018 sur les discriminations dans l’accès au logement en France, les personnes ayant des origines supposées africaines ont 32 % de chances de moins de visiter un logement à louer.
Au travail, l’ampleur des discriminations est largement sous-estimée car beaucoup de victimes renoncent à les faire reconnaître. Mais le Défenseur des Droits constate que celles « liées aux origines lors des recherches de stage ou d’emploi se produisent "souvent" ou "très souvent" pour plus de 60 % des répondants » et que « les personnes vues comme noires se déclarent le plus souvent discriminées du fait de leur couleur de peau ». Les personnes noires sont surreprésentées dans les métiers peu qualifiés, les femmes dans le "soin", les hommes dans les "métiers physiques". Dans une agence pour l’emploi une femme noire risque de se voir proposer spontanément des places de femmes de ménage.
En décembre 2019, les prud’hommes de Paris condamnent une "discrimination raciale systémique" pour le « système organisé de domination raciste" de 25travailleurs maliens d’un chantier de construction.
L’école elle-même peut se révéler un espace d’assignation à une identité noire et africaine, à une origine supposée qui enferment les enfants dans des représentations stéréotypées. Les lycéens et étudiants noirs ont de vraies difficultés pour accéder à des stages ou plus tard à des postes de responsabilités.
Les noirs subissent le racisme primaire, à commencer par des insultes et des moqueries, faussement humoristiques. Des mots comme "bamboula" ou des images comme celle du célèbre Banania véhiculent une image paternaliste dévalorisante des personnes présentées comme de "grands enfants" condamnés à un rôle subalterne. Les joueurs de football noirs, même appréciés, continuent d’entendre des cris de singe ou de se voir lancer des bananes. Une femme noire qui accompagne des enfants au teint plus clair sera à priori prise pour la nounou…
Une vaste enquête, en 2018, de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE conclut que 30 % des personnes ayant la peau noire disent avoir été victimes de racisme et 24 % affirment avoir été contrôlées par la police durant les cinq années précédentes. Parmi celles-ci, 41 % estiment que le contrôle effectué représente un profilage racial. En France, le 21 février 1995, Ibrahim Ali, un Franco-Comorien de 17 ans, est tué à Marseille par un colleur d’affiches du Front national. En 2011, un groupe identitaire breton, Breiz Atao, conteste la victoire au concours de sonneurs bretons du champion de Bretagne biniou-bombarde : sa peau est noire. En 2015, la ministre de la Justice Christiane Taubira est comparée à un singe. En 2017, le directeur de Radio Courtoisie s’indigne de "la mélanisation de la France" et de "l’explosion de la population de race congoïde". En février 2018, Laetitia Avia députée de Paris est traitée de "truie noire" et menacée de mort. En août 2020, la députée de Paris, Danièle Obono est représentée en esclave par le journal "Valeurs actuelles".
Une longue histoire d’oppression
Le racisme subi par les populations noires est ancré dans une longue histoire. Dès le milieu du 16e siècle, les Espagnols se tournent vers l’Afrique pour disposer d’une main d’oeuvre non payée. Pendant plusieurs siècles, les négriers achètent des millions d’esclaves aux vendeurs africains et les exportent vers le "Nouveau Monde". Les révoltes parfois massives sont nombreuses. Une vision dévalorisée des populations noires s’installe. Le statut et la vie de l’esclave, bien-meuble, sont régis dans les colonies françaises par le "Code noir" de 1685. La traite négrière et l’esclavage enrichissent considérablement les puissances occidentales.
En France, au 18e siècle, Voltaire peut à la fois dénoncer l’esclavage et maintenir une image négative des Noirs. Des hommes comme l’abbé Grégoire créent la Société des Amis des Noirs. Après d’autres résistances et révoltes, la grande révolte des esclaves de Saint-Domingue contraint la Convention à décréter, en 1794, la première abolition de l’esclavage par la France. Rétabli par Bonaparte en 1802, il sera définitivement aboli, en 1848, sous l’impulsion de Victor Schoelcher. Aux 18e et 19e siècles, des "scientifiques" classent les humains en races associant des caractéristiques psychologiques et morales à des traits physiologiques, en particulier la couleur de la peau. Le comte de Gobineau, classe le Noir au plus bas de l’échelle des "races" humaines. Ces caractérisations marquent pour longtemps les représentations collectives.
Dans la deuxième partie du 19° siècle les colonisateurs justifient leurs conquêtes et l’asservissement des Africains par une mission civilisatrice des "races supérieures" à l’égard des "races inférieures". Les "zoos humains" donnent à voir des scènes fantasmées de "sauvages" africains. La littérature et les expositions coloniales véhiculent les clichés. La hiérarchie raciale imprègne les manuels scolaires de la Troisième République.
Aux États-Unis, après l’abolition de l’esclavage en 1865, le système ségrégationniste s’installe dans les États sudistes. Cette ségrégation raciale s’appuie sur la violence, entretenue notamment par le Ku Klux Klan. Au cours des années 1960, la ségrégation officielle est abolie sous la pression du mouvement des droits civiques. Néanmoins les États-Unis restent empreints de "discriminations raciales systémiques". Ainsi, le taux des accusés noirs condamnés à mort est de 40 % supérieur au taux pour d’autres accusés. Les "bavures" meurtrières de policiers blancs envers les noirs se succèdent. L’idéologie suprémaciste blanche retrouve un espace médiatique.
En 1948, pour contrer la décolonisation, les blancs d’Afrique du Sud mettent en place, la politique d’apartheid. La population est classée en "blancs" et "non-blancs" ("noirs", "métis", "colorés" confinés dans des ghettos.). À partir de 1961, l’ANC se lance dans la lutte armée. Mandela dirige cette lutte, passe 27 ans en prison, devient le symbole de ce combat contre le racisme et en 1991 président d’un pays libéré de l’apartheid.
Ces quelques données historiques n’épuisent pas l’explication du racisme envers les noirs. Il se manifeste aussi dans des pays qui n’ont pas de passé de domination directe des peuples noirs.
Lutter contre la négrophobie
Chaque situation sociale et historique produit des formes spécifiques de racisme, de conscience et de luttes antiracistes.
Au milieu du 20° siècle, pour répondre aux représentations négatives dont ils sont victimes, des militants antillais et africains comme Léopold Senghor et Aimé Césaire affirment être fiers d’être "nègres". Franz Fanon appelle à "décoloniser les esprits" tandis que Cheik Anta Diop publie "Nations nègres et culture". Ce retournement des stigmates, cette appropriation de la beauté, cette revendication d’une "identité noire" crée une conscience de groupe et permet des luttes d’émancipation.
La société américaine fait vivre ensemble, de façon antagonique, des populations dont les définitions et les histoires sont marquées par la ségrégation et le racisme. La France impériale, a opprimé des populations noires d’esclaves déportés aux Antilles et à la Réunion, où de profondes inégalités sociales liées aux différences chromatiques perdurent. À la fin du 20° siècle une population noire importante, originaire des Antilles ou d’Afrique, s’est installée en Métropole.
En France, en 2001, la loi Taubira reconnaît la traite négrière et l’esclavage comme crimes contre l’humanité et l’obligation d’en faire activement mémoire. Au-delà de cette première initiative, le débat demeure sur les formes que peuvent prendre des réparations de ces crimes. La colonisation reste un impensé de ces débats malgré les déclarations d’E. Macron. Le combat contre les inégalités et injustices, le racisme et les discriminations hérités de la traite de l’esclavage et de la colonisation doit se poursuivre.
En 2007, Nicolas Sarkozy faisait, à Dakar, une déclaration tristement célèbre : "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire". Déclaration stupide en soi, et totalement fausse. L’Afrique a connu des empires puissants et prospères. Cette histoire doit être enseignée pour détruire l’image de "peuples africains primitifs". Ce qui contient le germe du racisme, c’est l’essentialisation qui consiste à croire qu’il existe un "homme noir" aux caractéristiques spécifiques, uniformes et immuables. Des affirmations identitaires, culturelles et politiques débouchent sur un ressentiment, voire des attitudes de rejet contre des personnes blanches. Ce mouvement connaît un développement chez des noirs américains et se manifeste parfois en France comme dans l’affaire des masques théâtraux d’Exhibit B en
2014 : des acteurs ou des auteurs qui ne sont pas noirs ne seraient pas habilités à exprimer les douleurs du racisme. Le métissage des cultures (habillement, cuisine, musique, danse…) constituerait des emprunts indus ou une trahison culturelle. Il convient au contraire de valoriser les apports essentiels des arts africains à la culture mondiale. La nécessité n’est pas une confrontation entre "Blancs" et "Noirs", entre "eux et "nous" mais la construction d’une commune humanité débarrassée du racisme.
Les humains sont confrontés à une histoire multiple et souvent douloureuse. Le MRAP appelle à construire une mémoire partagée amenant tous les membres de notre société, quelle que soit leur origine, à connaître et comprendre ce qu’ont été la traite négrière, l’esclavage et la colonisation, les dominations passées, leurs formes et conséquences actuelles. Les responsabilités historiques de la France doivent être reconnues, assumées et enseignées. Les systèmes de domination et d’exploitation actuels doivent être compris dans leur complexité et leur évolution, pour que la question des "races" ne soit plus une grille de lecture du monde.
Comme le souligne la Commission Nationale Consultative des Droits de L’Homme, "le combat contre le racisme envers la minorité noire nécessite une prise de conscience du phénomène par la société dans son ensemble, une décolonisation des esprits. Les progrès en la matière supposent un renversement des perspectives". La représentation des noirs dans les médias doit être repensée pour faire prendre conscience des biais et discriminations qui alimentent préjugés et stéréotypes. L’éducation, et notamment l’école, a un rôle primordial. Les programmes scolaires actuels condamnent le racisme mais peuvent comporter des biais racistes que ce soit dans le domaine de l’histoire, de la culture ou dans la description du monde actuel. L’universalisme que le MRAP revendique n’est pas celui qui prétend uniformiser l’humanité dans le cadre d’une culture française ou européenne considérée comme supérieure. Cette conception a justifié le colonialisme, en particulier en Afrique et contre "l’homme noir". Cet universalisme inclut la reconnaissance de la diversité des peuples et des cultures, la reconnaissance des valeurs positives comme des archaïsmes que toutes peuvent comporter. L’avenir de l’humanité est au métissage, aussi bien culturel que physique. Les concepts de Blancs et de Noirs ne devraient plus exister. Seul l’Homme compte.
21 décembre 2020