Déclaration du Président de la République le 13 septembre 2018 - Une démarche opportune à confirmer

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Déclaration du MRAP

Le MRAP a toujours été présent dans le combat pour l’obtention de la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin et pour la reconnaissance de la responsabilité de la France dans ce crime D’État. Il a soutenu l’action du « Comité Audin » qui s’était constitué dès la « disparition », en juin 1957, au cœur de la « bataille d’Alger », de ce jeune mathématicien, membre du parti communiste algérien et solidaire des combattants pour l’indépendance de l’Algérie. Ce comité comprenait notamment l’historien Pierre Vidal-Naquet (dont une citation a été opportunément mise en exergue de la déclaration du chef de L’État) et les mathématiciens Albert Châtelet et Laurent Schwartz (premier et second présidents du comité). Il se tient au côté de « l’Association Maurice Audin » depuis la création de celle-ci en 2004.

Que le Président de la République reconnaisse solennellement que Maurice Audin a été torturé et que la version officielle de son « évasion », qui avait perduré jusqu’à ce que François Hollande déclare, en juin 2014 : « Maurice Audin est mort en détention », cède désormais devant l’affirmation, au plus niveau de L’État, qu’il a été exécuté ou torturé à mort, est donc une avancée considérable.

Mais la déclaration du 13 septembre 2018, appuyée sur les travaux des historiens, va plus loin ; elle reconnaît, ce qui était l’objectif de l’Association Maurice Audin et de toutes les associations, dont le MRAP, accompagnant son combat, que le sort de Maurice Audin se situe dans le contexte d’un système mis en place par L’État, fondé sur les « pouvoirs spéciaux » votés le 12 mars 1956, autorisant les forces de l’ordre à « arrêter, détenir et interroger tout suspect ». Ainsi avait été « légitimé » l’emploi de la torture ; ceux qui s’en sont rendus coupables n’ont pu être poursuivis en raison de la loi d’amnistie de 1962, obstacle majeur à la révélation des vérités sur ce dont la déclaration d’Emmanuel Macron reconnaît enfin implicitement, même si ce terme n’est pas prononcé, qu’il s’agit de crimes d’état dont des militaires et des policiers français furent les exécutants. La portée de cette déclaration s’étend donc à ces milliers de victimes, torturées, assassinées, « disparues », algériennes et françaises, de la guerre d’Algérie. Sur elles le travail d’établissement de la vérité doit se poursuivre ; la demande d’ouverture des archives et l’appel à témoignages formulés par le chef de L’État devraient le favoriser. La mobilisation reste nécessaire pour que ce travail salutaire rencontre le moins d’obstacles possible, malgré l’ancienneté des faits et les réticences qui ne manqueront pas de se faire jour. Le MRAP y prendra sa part.

Cependant la reconnaissance du caractère criminel de la politique française en Algérie ne doit pas se limiter à l’impact des pouvoirs spéciaux durant la guerre d’indépendance. D’autres formes d’exactions ont été commises dans les opérations de l’armée entre 1954 et 1962. Et la répression sauvage et aveugle s’exerçait dans ce pays bien avant cette guerre ; par exemple quand seront officiellement et fortement mises plus en lumière les horreurs perpétrées à Sétif et dans le Constantinois en mai et juin1945 ? Le MRAP est résolu à continuer à porter la revendication pour une reconnaissance toujours plus complète de la nocivité du fait colonial et de ses séquelles.

Soucieux de l’éducation à la fraternité et au rejet du racisme et de la xénophobie, le MRAP compte que l’avancée qui vient d’être réalisée soit prise en compte dans la formation de la jeunesse, notamment dans l’enseignement de l’histoire.

Fidèle à son implication dans l’amitié entre les peuples, le MRAP espère que l’événement considérable survenu en France le 13 septembre 2018 favorisera des relations fraternelles entre les peuples français et algérien par delà les blessures inguérissables du
passé. Mais à cet égard une déclaration, si opportune soit-elle, ne saurait suffire ; c’est toute une politique à l’égard de nos anciennes colonies qui doit être repensée, dans le respect et la solidarité. Le MRAP y sera vigilant.

Paris, le 14 septembre 2018