COMMUNIQUE JUJIE

- Communiqués collectifs

A l’occasion de la journée internationale des Droits de l’enfant le 20 novembre, le collectif Justice pour les jeunes isolés étrangers (Jujie) lance une campagne de sensibilisation et de mobilisation aux côtés de ceux qu’on appelle Mineurs Isolés Etrangers (Mineurs Non Accompagnés selon la terminologie officielle).
Du 25 octobre au 20 novembre, Jujie publiera chaque jour sur le blog Jujie sur Médiapart relayé sur un maximum de médias (listes de diffusion, sites, contacts presse, réseaux sociaux) un témoignage sur la maltraitance institutionnelle dont ces enfants sont victimes ainsi que chaque lundi un dessin et un texte destinés à lutter contre les idées reçues au sujet des mineurs isolés étrangers.
Le 20 novembre des initiatives concertées donneront une visibilité publique à ces jeunes et à ceux qui les soutiennent.
Laissés à la rue pendant des semaines ou des mois sans pouvoir être entendu pour défendre leurs droits, victimes d’une politique du soupçon qui, dans de très nombreux cas, aboutit à la contestation de leur minorité, bientôt fichés avec l’ouverture d’un fichier national biométrique, les MIE sont traités de façon indigne par les institutions qui devraient assurer leur protection, Conseils départementaux, services de l’Aide Sociale à l’Enfance, parquets des mineurs, tribunaux pour enfants.
Jeunes écrivant eux-mêmes ou aidés par un soutien, travailleurs sociaux écœurés de devoir trier des enfants à la place de leur mission éducative, militants et bénévoles contraints de tenter de pallier les carences des responsables, diront jour après jour ce qu’est la réalité de cette jeunesse discriminée et abandonnée.
 
Structures membres du Jujie :
ADMIE, La CIMADE, CPMJIE (Collectif Parisien pour les Mineurs et Jeunes Isolés), DEI-France, (Défense des Enfants International – France), EPP (Enseignants Pour la Paix), FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s), FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Elèves), Fédération Nationale Sud Santé Sociaux, Fédération SUD-Education, Ferc-CGT (Fédération de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture CGT), FSU Nationale (Fédération Syndicale Unitaire Nationale), GISTI (Groupement d’Information et de Soutien des Immigrés), LDH (Ligue des Droits de l’Homme), Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), Paris d’Exil, Pas sans nous Terre des Hommes, RESF (Réseau Education Sans Frontières), SNPES-PJJ/FSU (Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social-PJJ/Fédération Syndicale Unitaire), SNUTER-FSU (Syndicat National Unitaire de la territoriale–Fédération Syndicale Unitaire), Sud Education Guyane, TIMMY, Syndicat de la Magistrature.
 
 

 
 

Les témoignages directs des jeunes étrangers isolés contiennent parfois des approximations ou des erreurs, en particulier sur les institutions et les procédures auxquelles ils ont affaire. Des erreurs qui révèlent leur désarroi devant un monde qu’ils découvrent et qui les ballotte d’un service à l’autre, d’un rendez-vous à une évaluation ou une audience sans leur permettre de comprendre qui est qui et quels sont les enjeux. Ils témoignent de ce qu’ils vivent. Il faut les entendre.
Errance en France, témoignage de Moussa, juillet 2018
 
Je suis à Marseille depuis plus d’un an ! Je suis arrivé le 20 juillet 2017. Je suis resté dehors trois mois et cinq jours.
Je suis allé à l’ADDAP131 le jour même de mon arrivée, j’ai fait mon inscription. À la fin, on m’a dit « au revoir. Il n’y a pas de place pour toi. Il faut attendre trois mois pour qu’une place se libère ».
À partir du 25 octobre 2017, on m’a placé à l’hôtel Thubaneau. J’y suis resté sept mois. En novembre, j’ai passé une évaluation au Tribunal pour avoir une OPP 2. J’attendais les résultats, on me répondait toujours « on n’a pas les résultats ». En avril, on m’a finalement dit qu’on avait perdu mon dossier. Grâce à une avocate que j’ai trouvée via le Manba3 ils ont retrouvé mon dossier.
Le 20 avril 2018, on m’a envoyé à Lille, puis à Dunkerque, à Bois-Fort. Là, on nous a fait dormir dans des containers, il y en avait sept : quatre pour les dortoirs, deux pour les toilettes et douches et un pour les éducateurs. Nous étions 34 jeunes. Autour, il n’y a rien, ce sont des champs, les gens y travaillent avec leurs machines et repartent le soir. Le jour, il y a les éducateurs, la nuit, c’est un gardien de sécurité. On nous a dit qu’il n’y aurait pas de places en foyer avant le mois de décembre. On a refusé, on voulait pas. Le 27 avril, j’ai eu une décision de placement au Conseil Départemental 13 par le Tribunal pour enfants de Lille, par la cour d’Appel de Douai.
Je suis revenu à Marseille le 14 mai. À mon arrivée, je suis allée à l’ADDAP13 qui m’a dit d’aller au commissariat qui m’a dit d’aller à la DIMEF4 qui m’a dit d’aller au Conseil Départemental qui m’a dit d’aller à l’ADDAP qui m’a dit qu’il n’ y a pas de place.
Je dors chez une personne sinon je suis encore à la rue. Elle me nourrit et me donne des titres de transport.
J’avais fait le test pour l’école en décembre 2017 et je n’ai jamais eu de scolarisation. Pourtant, en février, il y avait une place qui s’est libérée mais on ne m’a jamais rien dit. Je ne suis donc pas allé à l’école. Pour la santé, j’ai été traité pour la tuberculose pendant trois mois.

1 ADDAP 13 : Association départementale chargée notamment du service des Mineurs non accompagnés dans les Bouches du Rhône

2 OPP : ordonnance de placement provisoire prise par le juge des enfants

3 El Manba : collectif de soutien aux migrants à Marseille

4 DIMEF : Direction des Maisons de l’Enfance et de la Famille (13) a pour mission d’accueillir toute l’année (24h/24h et 365 jours par an) et en urgence, tous les mineurs confiés au département..