Anniversaire de l’assasssinat à Paris des 3 femmes kurdes Intervention de Renée Le Mignot, présidente honoraire du MRAP au nom de la Coordination Nationale Solidarité Kurdistan (CNSK)
Il y a 9 ans, le 9 janvier 2013, trois femmes, trois militantes kurdes, trois militantes de la paix, ont été sauvagement assassinées d’une balle dans la tête, en plein jour, au cœur de Paris. Elles s’appelaient Leyla Saylemez, 24 ans, membre des jeunesses kurdes, Sakine Cansiz, 55 ans, "Sara", cofondatrice du PKK et Fidan Dogan, 30 ans, notre amie Rojbin, directrice du CIK, membre du Congrès National du Kurdistan en exil, trois figures emblématiques de la lutte du peuple kurde victime depuis des siècles de l’oppression. Vos armes, étaient votre courage, votre amour de la paix, votre volonté de justice pour le peuple kurde.
9 ans... mais la douleur des familles, notre douleur est la même
9 ans... mais nous continuons à exiger vérité et justice ; nous connaissons les implications des services secrets turcs dans cet assassinat mais la France n’a toujours pas fait la lumière sur ce crime terroriste ! Tout a été fait pour que le procès n’ait pas lieu. Pourquoi avoir attendu si longtemps alors que tout le monde savait que le présumé coupable était atteint d’un mal incurable et que ses jours étaient comptés ? Qu’a-t-on voulu cacher ? Que devons-nous ignorer ?
Suite à des révélations mettant directement en cause le président turc Erdoğan, ainsi que l’ancien ambassadeur de Turquie à Paris, Ismail Hakkı Musa, les familles des victimes ont obtenu l’ouverture d’une nouvelle instruction qui dure maintenant depuis trois ans, sans aucune avancée, les autorités françaises refusant toujours de partager avec les juges les informations détenues par leurs services de renseignements, opposant le « secret-défense ». C’est un déni de justice intolérable.
Nous n’accepterons pas que ce crime soit étouffé comme d’autres, au nom de la « raison d’État », nous exigeons que le « secret défense » soit être levé.
En ce triste anniversaire comment ne pas penser aussi à la situation du peuple kurde que ce soit en Turquie où la répression s’amplifie, notamment contre le HDP , menacé d’interdiction alors que ses députés, ses maires, ses militants sont arrêtés et emprisonnés. Son président, Selahattin Demirtaş, est détenu depuis 2016 en dépit des demandes de libération adressées à Ankara par la Cour européenne des droits de l’homme, qui juge sa détention illégale.
La guerre antikurde de la Turquie ne s’arrête pas à ses frontières. Avide de conquêtes, le régime du sultan Erdoğan, soutenu par une armée de mercenaires djihadistes, a envahi et occupé une partie du Rojava, massacrant des milliers de civils et se livrant à une véritable campagne de nettoyage ethnique. Les campagnes militaires de la Turquie font également rage au Sud-Kurdistan (nord de l’Irak).
En France, la répression contre les militants kurdes perdurent, dernier exemple Mezher Kartal militant du HDP qui a été placé en centre de rétention pendant 4 mois, le Tribunal Judiciaire de Meaux a rejeté la demande de troisième prolongation de rétention de M. Kartal et demandé sa libération immédiate mais il est toujours menacé d’expulsion. Les militants kurdes doivent pouvoir trouver asile en France
Enfin, une fois de plus nous dénonçons l’inscription du PKK sur la liste des organisations terroristes ; Comme l’ont jugé le Tribunal permanent des Peuples en 2018, puis la Cour de cassation belge en 2020, « étant partie à un conflit armé non international, le PKK ne peut être qualifié d’organisation terroriste ». C’est le gouvernement turc, coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui est terroriste. Le PKK n’est pas terroriste, il combat les terroristes de daesh, aurions nous oublié Kobané ? Il doit être retiré de la liste des organisations terroristes et son dirigeant Abdullah Öcalan doit être libéré. Nous le réaffirmons, il n’y a pas d’autres solutions à la question kurde qu’une solution politique c’est à dire la reprise des négociations entre le gouvernement turc et le représentant légitime du peuple kurde Abdullah Öcalan, sa libération est une condition indispensable à la paix.
C’est à Paris l’hiver qu’on assassine
Rojbin, Leyla et Sakine.
C’est à Van qu’on enchaîne,
à Istanbul qu’on mitraille les militants
des droits de l’Homme,
C’est à Galatassaray qu’on chasse
les femmes en noir,
C’est en Turquie qu’on bâillonne
les journalistes.
C’est ici que l’on tue ceux qui tissent
des ponts entre les espoirs,
C’est en Europe qu’on se tait
la conscience à l’ombre des intérêts
ils ont bu votre sang,
pourtant un vent salé de larmes et de colère se lève,
ils auront beau couper toutes les fleurs
ils n’empêcheront pas la venue du printemps.
(Extrait d’un poème d’Alain Callès, ancien secrétaire général adjoint du MRAP)