Depuis de longues années, sous différentes formes, une situation dramatique perdure dans la région du Calaisis. Elle est d’abord dramatique pour les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui survivent dans des conditions infrahumaines et prennent des risques mortels pour atteindre la Grande Bretagne. Les gouvernements successifs ont affiché diverses mesures et postures qui ont toutes montré leur inefficacité à résoudre le problème.
Les multiples tentatives périodiques de fermeture et de destruction des campements légaux ou illégaux ne constituent évidemment qu’un déplacement du problème, et, à chaque fois, un drame supplémentaire pour ceux qui le vivent. S’il ne s’agit pas de simples expulsions, mais si elles sont accompagnées d’une mise à l’abri de meilleure qualité ou d’une réorientation vers des propositions d’asile ailleurs en France, elles peuvent être acceptées, à condition de respecter l’adhésion volontaire des personnes concernées et des associations qui les accompagnent. Elles doivent prendre en compte les débuts de socialisation construits par les associations ou les migrants eux-mêmes, comme les lieux de scolarisation, de santé, de commerce ou d’accès aux droits.
Mais le MRAP tient à rappeler qu’aucune solution ne peut exister sans réflexion sur les questions politiques fondamentales concernant les migrations. La Grande-Bretagne, en refusant le principe de libre circulation contenu dans les accords de Schengen, puisqu’elle n’en fait pas partie, crée naturellement un point de fixation à sa frontière pour tous ceux qui, pour diverses raisons, pensent que leur parcours migratoire doit aboutir en Grande Bretagne. Elle est aidée en cela par la barrière physique que constitue la Manche. Les accords de Dublin qui imposent de demander l’asile dans le premier pays où on a mis le pied compliquent encore les choses et sont devenus en partie inapplicables.
Le MRAP met en garde contre le risque grave que comporte la politique qui consisterait à « fermer les frontières ». Prônée depuis longtemps par les mouvements populistes et nationalistes, cette politique est reprise et partiellement mise en œuvre par divers gouvernements européens. Ces mesures n’empêcheront évidemment pas le mouvement de ceux qui fuient les guerres, les dictatures ou simplement la misère. Mais elles compliqueront leur parcours, les livreront encore plus aux passeurs et créeront le long des frontières de multiples points de fixation du type de celui de Calais. C’est déjà le phénomène à l’œuvre aux frontières nord de la Grèce, pays que certains dirigeants européens verraient bien dans la fonction de vaste « jungle » retenant les migrants aux portes du continent !
Dans l’immédiat, le MRAP réclame, avec de nombreuses autres associations, l’établissement de voies sûres et légales pour remplacer les trajets dramatiques des réfugiés qui veulent atteindre l’Europe. Cela suppose un effort d’organisation et d’accueil partagé à l’échelle européenne, effort qui est largement à la portée d’un continent de 500 millions d’habitants qui dispose du quart de la richesse mondiale. Il ne s’agit que d’une volonté politique.
Cela constituerait un pas vers ce qui est l’avenir de l’humanité : l’intégration de la liberté de circulation et d’installation dans les mécanismes normaux de la société humaine.
Paris le 3 mars 2016