8 mai 1945 – 8 mai 2020 Le MRAP rend hommage aux « oubliés de l’histoire »
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Le 8 mai 1945 était signée la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie. Après 60 à 80 millions de morts dont 45 millions de civils, près de 6 millions de Juifs et des centaines de milliers de Tsiganes victimes des camps d’extermination, les peuples étaient « venus à bout de la bête immonde ».
Hélas le « plus jamais ça » est resté lettre morte. D’autres génocides ont été commis au Rwanda, en ex-Yougoslavie, à l’encontre des Tamouls.
A l’heure où les idéologies racistes se développent dans de nombreux pays européens, il est impératif de rappeler inlassablement que les discours de haine et d’exclusion conduisent toujours aux pires crimes que l’humanité ait connus. Des nuages bruns s’amoncellent en Autriche, Scandinavie, Pologne, Slovénie, Hongrie. Dans toute l’Europe, l’extrême-droite est en phase ascendante et dans certains pays elle est aujourd’hui une menace immédiate. N’oublions pas que pour Jean Marie Le Pen, les camps d’extermination ne sont « qu’un détail de l’histoire ».
Les vieux démons réapparaissent : l’étranger, le Rom, le Musulman ou supposé tel, le sans papiers… sont les nouveaux « boucs émissaires » auxquels est attribuée la responsabilité de tous les maux et de toutes injustices de la société, qu’ils sont les premiers à subir. Certains, jouant aux apprentis sorciers, tentent - pour de vains calculs électoraux - de faire du Rassemblement National un « parti fréquentable ». Les préjugés xénophobes et racistes imprègnent le discours politique français, bien au-delà de ceux qui en ont fait leur honteux fonds de commerce.
C’est pourquoi, en ce 75ème anniversaire de la victoire sur la barbarie nazie, le MRAP se doit de rappeler qu’à cette victoire sur le IIIe Reich et sur le fascisme ont contribué, à côté des alliés –Soviétiques, Américains et Anglais pour la plupart – de nombreux combattants « venus d’ailleurs ».
Dès 1939, 70 000 étrangers s’engagent dans l’armée française, en 1940, « 150 000 « coloniaux » sont massés sur le front, un grand nombre de ces étrangers se retrouvent dans la Résistance ou dans les armées de la France Libre.
Ils venaient d’Afrique noire et du Maghreb, mais aussi de l’Europe toute entière, pour contribuer à sauver la France du nazisme.
Les uns avaient fui l’idéologie fasciste qui avait d’abord triomphé en Italie, puis en Allemagne et en Espagne ; d’autres, colonisés, espéraient que leurs peuples bénéficieraient, eux aussi, de cette liberté chèrement acquise pour sortir du statut colonial et devenir des citoyens de leurs propres patries.
On ne demandait pas alors aux combattants étrangers de la résistance s’ils mangeaient de la viande hallal ou s’ils avaient des papiers ! Ils étaient Algériens, Marocains, Tunisiens, Africains, Antillais, Malgaches. Ils étaient ceux de la Main d’Œuvre Immigrée (MOI), notamment du groupe Manouchian, ces « étrangers et nos frères pourtant », désignés comme « terroristes » sur l’Affiche rouge,
Ils étaient ces Républicains espagnols qui, dans des chars baptisés Guadalajara, Ebro, Teruel, Brunete, Madrid – mais également Don Quijote ou Durruti furent les premiers à entrer dans Paris au soir du 24 août 1944. La Nueve, ou neuvième compagnie, est le nom de l’une des unités qui composaient la 2e Division blindée du Général Leclerc qui s’est illustrée sur le sol africain et européen en 1944-1945 pour repousser les nazis jusque dans leur dernier retranchement du nid d’aigle de Berchtesgaden.
« Pourrions nous accepter que nos cimetières où se mêlent par milliers les croix chrétiennes, les étoiles juives et les croissants de l’Islam, soient ensevelis sous l’oubli et l’ingratitude ? », interrogeait le Général De Gaulle le 23 avril 1968.
La douloureuse question des sans papiers demeure non résolue, aujourd’hui un très grand nombre d’enfants et petits-enfants des combattants morts pour la France se trouvent sans papiers, sans droits, sans reconnaissance. Ceux qui ont des papiers se voient toujours refuser le droit d’accès à la citoyenneté que serait le droit de vote ouvert aux résidents non communautaires.
Quant à ceux d’entre eux qui sont de nationalité française, ils sont trop souvent victimes du rejet raciste, de la relégation, de la discrimination.
Parallèlement, le vieil antisémitisme que certains croyaient relégué dans les poubelles de l’Histoire refait surface comme on l’a vu récemment en Hongrie, en Pologne, aux USA et bien entendu en France où on assiste à un développement sans précédent de ce fléau ces dernières années.
Le MRAP tient également à rappeler que le jour même où la France retrouvait la liberté – le 8 mai 1945 - une répression terrible s’abattait en Algérie, sur la région de Sétif, parce qu’un drapeau algérien, symbole de l’indépendance, était brandi au cours d’un défilé célébrant la victoire. Il y eut alors des milliers de morts. Ces massacres préfiguraient ceux de dizaines de milliers de manifestants, perpétrés en 1947 à Madagascar par l’armée française, face aux insurgés Malgaches qui avaient attaqué un camp militaire.
En ce 8 mai 2020, où l’épidémie de coronavirus fait resurgir des préjugés d’un autre temps, le MRAP se doit de rendre hommage pour le présent et pour l’avenir à tous ces « oubliés de l’histoire » qui ont lutté pour que la devise Liberté, Égalité, Fraternité ne soit pas un vain mot. Et quel meilleur hommage que de poursuivre avec ténacité leur lutte pour une société plus juste, où l’égalité des droits deviendra une réalité, où le racisme aura enfin disparu, où le « vivre ensemble » l’emportera sur les peurs et les haines.
Paris, le 6 mai 2020