45 ans après la loi Pleven, quels moyens pour renforcer la lutte contre le racisme ?
- Communiqués
45 ans après la loi Pleven, quels moyenspour renforcer la lutte contre le racisme ?
Le 1er juillet 1972, la loi Pleven votée à l’unanimité des deux Chambres modifiant la loi sur la presse de 1881 faisait du racisme un délit. Elle introduisait des dispositions nouvelles qui visaient les diffamations et injures « envers une personne ou un groupe de personnes » élargissant ainsi le champ de protections à l’individu. La loi étendait aussi la liste des éléments qui constituent le caractère raciste des propos injurieux ou diffamatoires. Le Parlement décidait aussi de reconnaître aux associations ayant plus de cinq ans d’existence la capacité de se constituer partie civile.
Il est nécessaire de faire un bilan de ses usages, de ses limites et de réfléchir aux évolutions législatives et réglementaires nécessaires.
C’est pourquoi le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) organise ce samedi 21 octobre une rencontre de 9h à 17 h à la Bourse du Travail de Paris (29 boulevard du Temple) "45 ans après la loi Pleven, quels moyens pour renforcer la lutte contre le racisme ?" avec la participation notamment de Danièle Lochak, ancienne présidente du GISTI, professeure d’Université, Thomas Hochmann, professeur de droit de l’Université de Reims, Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH, avocat, George Pau-Langevin, ancienne Ministre, parlementaire, ancienne co-présidente du MRAP.
L’élaboration et le vote de cette loi furent un des grands combats du MRAP. Mais les auteurs de propos racistes pouvaient régulièrement y échapper du fait de l’interprétation restrictive de la Cour de Cassation et des contraintes procédurales qui enserrent à juste titre la loi sur la liberté de la presse.
Aujourd’hui les réseaux sociaux sont envahis par la propagande haineuse qui se sent intouchable tant sont grandes les difficultés des poursuites. Il est urgent d’interroger leurs modes de fonctionnement, de se donner les moyens d’identifier, de poursuivre et, s’il y a lieu, de condamner les expressions de racisme. Même lorsque le délit est constitué au regard de la loi française, les difficultés sont quasi-insurmontables lorsque les textes sont hébergés à l’étranger.
La loi de 1972 doit demeurer un des moyens juridiques essentiels de la lutte contre le racisme sous toutes ses formes, quels qu’en soient les auteurs, dans le cadre de la défense et de la promotion des Droits Humains universels et pour la promotion du "vivre ensemble".
La lutte contre le racisme est judiciaire mais aussi idéologique, citoyenne et politique.
Elle est judiciaire lorsqu’elle permet d’organiser accueil, soutien et défense des victimes malgré la difficulté pour faire aboutir les plaintes. Elle l’est lorsqu’elle s’oppose aux diffamations et injures envers une personne ou un groupe de personnes, aux provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale. A ce titre on peut pointer, parmi d’autres, quelques professionnels heureusement condamnés : Jean-Marie Le Pen, Eric Zemmour, Henri de Lesquen, Renaud Camus. Mais il peut aussi être nécessaire d’engager des procédures contre les hommes et femmes politiques au pouvoir. Le MRAP n’a pas hésité à le faire contre Brice Hortefeux, Claude Guéant, Manuel Valls, Robert Ménard...
Les idées de l’extrême-droite, porteuses de racisme et de discriminations, doivent être combattues avec d’autant plus de fermeté qu’elles contaminent non seulement la droite républicaine mais aussi des personnalités se réclamant de la gauche. Depuis trop d’années elles ont trouvé un écho dans les politiques menées par les gouvernements successifs, particulièrement en matière de discriminations et d’immigration.
Les politiques néolibérales marquées par la montée de la précarité, du chômage, des inégalités, de la pauvreté minent nos sociétés. C’est sur ce terreau que prospèrent les idées des porteurs idéologiques du racisme et de la xénophobie.
Les digues sont rompues qui décrédibilisaient la parole de l’extrême-droite fascisante, autoritaire, xénophobe, homophobe et sexiste. La reprise et la banalisation de ses idées taraudent toutes les couches de notre société ; leur audience est un danger pour les valeurs républicaines et la République elle-même.
La lutte idéologique passe par un discours prônant l’égalité et la fraternité. L’éducation populaire contre le racisme en est un outil essentiel. Pour déconstruire les préjugés et lutter contre les discriminations, le MRAP a noué de nombreux partenariats avec les établissements scolaires, la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les structures pour la formation des personnels d’éducation, d’animateurs, d’assistants sociaux, de policiers…
Lutter contre les discriminations systémiques générées par les pratiques sociales et institutionnelles, c’est notamment refuser les contrôles au faciès, les discriminations à l’embauche, au logement, au travail..., c’est exiger le droit de vote pour les résidents extra-communautaires.
L’horreur des attentats de 2015 et 2016 a provoqué une indignation totalement justifiée. Mais le projet de déchéance de la nationalité, avancé par le président de la République, a légitimé des prises de positions xénophobes et racistes. Il a créé dans les populations d’immigrés ou de descendants d’immigrés le sentiment d’être des citoyens de seconde zone.
Les dispositions liberticides de l’état d’urgence, le caractère ciblé, vers des groupes soupçonnés a priori suspects, des contrôles, des perquisitions, des assignations à résidence, voire des violences policières, comporte un caractère de racisme institutionnel.
Les politiques criminelles et irresponsables envers les migrants, le rejet de l’autre et le repli sur soi qui les portent, la désignation des migrants comme boucs émissaires rendus responsables par certains de la situation économique et sociale désastreuse sont la porte ouverte à toutes sortes de discriminations notamment racistes.
Les Roms restent le groupe social le plus méconnu, confronté au plus grand rejet de la part du reste de la population.
Les enjeux de la rencontre du 21 octobre sont donc multiples. Elle doit concourir à donner à tous les citoyens, victimes du racisme ou non, décidés à lutter contre ce fléau, les outils juridiques nécessaires, pertinents et efficaces sans porter atteinte à l’un des Droits Humains les plus précieux, la libre communication des pensées et des opinions.
Le collège de la Présidence du MRAPJean-Claude Dulieu, Renée Le Mignot, Augustin GrosdoyRetrouvez cet article sur le site internet de l’humanité