1er mai 1995 – 1er mai 2021 contre le racisme et l’extrême droite plus que jamais
Le 1er mai 1995, Brahim Bouarram, 29 ans, profitait d’une journée ensoleillée. Il ne savait pas que des mains criminelles allaient le précipiter dans la Seine et mettre fin à ses jours. Les auteurs de ce crime venaient de quitter le défilé du Front National.
Pour la seconde fois depuis 26 ans, nous ne serons pas, ce 1er mai, sur le Pont du Carrousel en raison de la covid-19 mais nous n’oublions pas. Nous n’oublions pas parce que ces rassemblements tous les 1er mai sont devenus des symboles du nécessaire combat contre toutes les formes de racisme, combat qui est plus que jamais d’actualité.
Nous n’oublions pas non plus Ibrahim Ali, un jeune comorien de 17 ans assassiné d’ une balle dans le dos le 21 février 1995 par un colleur d’affiches du Front National, ni Mohammed Khouas assassiné au pied de son immeuble le 4 mai, 1996 à Sens (Yonne), un an après Brahim.
Nous n’oublions pas Ilan Halimi , kidnappé, séquestré, torturé et assassiné parce que Juif ainsi que Saïd El Barkaoui, froidement abattu sous les yeux de sa famille à Ychoux dans les Landes. Son voisin lui tirait dessus à cinq reprises en le traitant d’ « enculé d’arabe ».
Nous n’oublions pas les enfants de l’école Ozar Hatorah à Toulouse ainsi que les victimes de l’Hypercacher de la Porte de Vincennes, onze hommes, femmes, enfants assassinés parce que Juifs ou encore Sarah Halimi, assassinée à son domicile à Paris en avril 2017.
Oui, le racisme tue et les bras des assassins sont armés par des discours de haine et de rejet de « l’Autre » parce que différent.
Les Roms sont toujours victimes de préjugés et de discriminations. En mars 2019, des rumeurs diffusées sur les réseaux sociaux, attribuant aux Roms des enlèvements d’enfants en Île de France ont donné lieu à des déferlements de haine et des lynchages de personnes. Des camionnettes ont été incendiées, des maisons détruites. Il y a eu des dizaines de blessés graves.
L’épidémie de coronavirus a donné lieu à des réactions irrationnelles de racisme et a réveillé comme dans le cas des Roms des fantasmes d’un autre âge. Des personnes perçues comme asiatiques ont été victimes d’insultes, de dénigrement ou d’un évitement, de comportements humiliants et inadmissibles. Le MRAP le rappelle, un virus n’a évidemment pas d’origine ethnique ou nationale ! Il frappe indifféremment des personnes de toutes origines ou nationalités, confirmant l’unité biologique de l’espèce humaine.
Cette montée des racismes n’est pas propre à la France : les nuages bruns s’amoncellent en Scandinavie, Pologne, Slovénie, Hongrie. Dans toute l’Europe, l’extrême-droite est en phase ascendante et dans certains pays elle est aujourd’hui une menace immédiate.
Mais l’extrême- droite n’est pas seule en cause. Les préjugés xénophobes et racistes continuent d’imprégner le discours politique français, bien au-delà des partis qui en ont fait leur honteux fonds de commerce.
Quand les droits des migrants sont sans cesse remis en cause, au mépris des engagements internationaux de la France, quand le droit de vote pour les résidents non communautaires a été « oublié », quand en France, les expulsions d’étrangers n’ont jamais été aussi nombreuses, quand les contrôles au faciès perdurent, quand les Rroms sont violemment expulsés de bidonville en bidonville, quand la persistance des discriminations mine le vivre ensemble, comment s’étonner de la banalisation du racisme ?
Enfin, comment ne pas penser à cette Europe de la honte qui fait de la Méditerranée le cimetière de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, victimes de trafiquants sans scrupules et du verrouillage des frontières de l’Europe. Le 22 avril dernier, un bateau de réfugiés s’est échoué au large des côtes libyennes sans que personne ne leur porte secours , entraînant la mort de 130 personnes ; « le moment de la honte », selon le pape François.
Les migrants qui sont capturés en mer et refoulés en territoire libyen sont soumis à des conditions de vie inhumaines : insuffisance de nourriture, d’eau, de soins médicaux, mais aussi passages à tabac, tortures, violences sexuelles, esclavage, homicides….… Plus personne ne l’ignore.
A côté de discours et de politiques inacceptables, ce sont aussi les inégalités sociales qui bafouent les valeurs de la République et créent un terreau favorable à la montée du rejet raciste de « l’autre ». Le désarroi social, le sentiment d’abandon de larges secteurs urbains et ruraux expliquent aussi le vote Front National même si nous savons que l’extrême droite n’a jamais et nulle part, été synonyme de progrès social et économique, bien au contraire.
La menace d’un second tour Le Pen-Macron aux présidentielles de 2022 , voire d’une victoire de Marine Le Pen au second tour est plus que jamais dans les esprits.
En ce triste anniversaire de l’assassinat de Brahim Bouarram, le MRAP tient à rappeler que le racisme est un phénomène unique dont les cibles et les formes peuvent, selon les moments et les circonstances, se développer, s’atténuer ou renaître de leurs cendres et que la solution n’est pas dans de futurs matins bruns, mais dans une mobilisation de tous pour faire reculer les problèmes sociaux générateurs de souffrances, d’inégalités , de concurrence et de ghettoïsation. Elle est dans la mobilisation pour une véritable égalité des droits en déconstruisant les préjugés historiquement instillés pour justifier toutes les dominations, notamment l’esclavagisme et le colonialisme pour ce qui concerne notre histoire récente. C’est pour cette tâche que les antiracistes sont mobilisés. Des jours difficiles nous attendent. Il y a urgence !
Paris, le 29 avril 2021
Photo : 1er mai 2017, sur les berges de la Seine, hommage à Brahim Bouarram en présence de son fils Saïd et de Renée Le Mignot, coprésidente du Mrap (à gauche). Thomas Samson /AFP