Le matin du 11 septembre 1973, Salvador Allende, Président du Chili, élu démocratiquement le 4 novembre 1970, est renversé par un coup d’État des forces armées du pays. Après des mois de déstabilisation (manœuvres institutionnelles, grèves patronales, manifestations violentes, assassinats, tentatives de coup d’État, etc.), l’armée chilienne intervient et bombarde le Palais présidentiel. Elle est soutenue par l’organisation fasciste « Patrie et Liberté », par le Parti national et par les États-Unis. « Nous ne devons pas laisser l’Amérique latine penser qu’elle peut emprunter ce chemin sans en subir les conséquences », avait déclaré le président américain Richard Nixon devant le Conseil national de sécurité en novembre 1970 ; la Maison Blanche avait alors décidé de « faire hurler » l’économie du pays.
Assiégé dans le palais de la Moneda, Salvador Allende se suicide après avoir prononcé deux allocutions radiophoniques au peuple chilien : « Ils ont la force, ils pourront nous asservir ; mais on n’arrête pas les mouvements sociaux, ni par le crime ni par la violence. » Il avait refusé de se rendre aux militaires félons.
Les militaires s’installent à la tête de l’État et mettent en place une terrible répression. Dans les jours qui suivent le coup d’État, 45 000 personnes, suspectées de sympathies pour la gauche ou membres de partis de gauche ou d’extrême-gauche, de syndicats ou d’autres organisations, sont arrêtées, interrogées, torturées et tuées (plus de 3000 morts) dans des casernes et navires, dans le stade national de Santiago (où est assassiné le chanteur chilien Victor Jara). L’état de siège est imposé, le Congrès est dissous, la constitution est suspendue. 250 000 Chiliens s’exilent.
L’ambassade de France à Santiago permettra à 800 personnes d’échapper aux camps et tortures de la dictature chilienne en leur accordant l’asile.
Ce renversement de Salvador Allende fait partie d’une longue suite de coups d’État contre des régimes progressistes en Amérique Latine : Guatemala (1954) 200 000 morts, Haïti (1959) 100 000 morts, Brésil (1964), Argentine (1976) 30 000 morts, Salvador (1980) 75 000 morts, Panama (1989) 3500 morts, Pérou (1990) 70 000 morts.
À partir de septembre 1975, le Chili et sa police politique, la DINA, dirigée par le colonel Contreras, prend l’initiative de la création du « plan Condor », système d’échange d’informations et collaborations entre les dictatures sud-américaines pour la traque et l’élimination des opposants. Les dictatures en place au Chili, au Paraguay, au Brésil, en Argentine, en Uruguay et en Bolivie mèneront de concert des actions clandestines contre leurs opposants.
Véritable « multinationale de la répression », le Plan Condor se poursuivra jusque dans les années 1980. Il bénéficiera du soutien de Washington, de la CIA, de l’église et de certains évêques . Les services de renseignements occidentaux apporteront leur appui, la France importera, à partir de 1956 en Argentine, les méthodes contre-insurrectionnelles utilisées durant la guerre d’Algérie, tandis que les dictatures espagnole, italienne ou portugaise emprisonneront ou exécuteront les militants expulsés dans leur pays d’origine après la conférence de 1920.
Pinochet a été écarté du pouvoir en mars 1990 par un référendum révocatoire qu’il a perdu en 1988 mais la Constitution héritée de la dictature est toujours en vigueur. Le 5 septembre 2022, près de 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. Le président, Gabriel Boric, a aussitôt annoncé sa volonté de relancer « un nouveau processus constitutionnel ».
Si aujourd’hui, les coups d’État sont moins « sanglants », les tentatives de déstabilisation et de renversement de gouvernements de gauche se poursuivent : emprisonnement de Lula au Brésil, coup d’État contre Evo Moralès en Bolivie, tentatives de déstabilisation du Vénézuela, sans oublier le blocus contre Cuba dont l’objectif avoué est de pousser le peuple cubain à renverser le gouvernement.
C’est pourquoi en ce 50éme anniversaire du coup d’État contre Salvador Allende, le MRAP solidaire des peuples d’Amérique latine , appelle à ne pas oublier et
Paris, le 8 septembre 2023