Les victimes du racisme, des discriminations, les exilés, les précaires sont, dans le vécu de cette crise sanitaire parmi les plus vulnérables. Encore plus qu’en temps normal !
Beaucoup d’enfants, de femmes, d’hommes en cours de migration vivent dans des conditions extrêmement difficiles, dans des lieux où les mesures de précaution et de confinement imposées au reste de la population n’ont aucun sens. Tous les précaires, les sans-papiers, mais aussi les sans-abris, les contraints à la promiscuité sont concernés.
Le MRAP, avec des associations et des collectifs eux-mêmes en difficulté pour exercer leurs actions de solidarité habituelles, demandent que l’État prenne les mesures nécessaires à une protection égale pour ces personnes vulnérables. S’imposent d’urgence la fin des rétentions administratives, l’accueil des sans-abris dans des hébergements « desserrés », le déblocage des impasses administratives La situation est encore plus dramatique au niveau international : les îles grecques comme Lesbos sont évidemment des bombes sanitaires, comme toutes les concentrations de réfugiés dans le monde.
Cette protection pour les plus précaires est indispensable pour l’ensemble de la population, dans une société toute entière solidaire et fraternelle. Une fois de plus, la solidarité n’est ni un vain mot, ni un seul impératif moral : c’est un principe essentiel à la vie même de l’humanité, impliquée par sa profonde unité. En l’occurrence, il n’y a pas de santé publique si certaines personnes en sont exclus, quel que soit leur statut social ou administratif. Seule une protection universelle peut protéger la société et tous ses membres. Souvent attaquée, mais souvent défendue en France, elle est encore à conquérir dans de nombreux pays.
Cette crise révèle également la persistance de vieux préjugés, de replis individuels qui se manifestent au fil des peurs et des fantasmes. Dans un premier temps, nous avons dû dénoncer le réveil et la multiplication des manifestations racistes sur le « péril jaune » et le « virus chinois ». Cette bêtise a fait long feu.
Mais une autre persiste : celle de l’appel à la fermeture des frontières. En cette période, les mesures limitant la circulation des personnes ont un sens, mais elles sont sans lien avec les frontières territoriales, qui ne délimitent en rien les zones pertinentes pour un isolement sanitaire. Ces fermetures nationales peuvent se révéler contre-productives, lorsqu’elles entravent la circulation des hommes et des produits utiles à la gestion de la crise, qui doit impérativement être collective. Mis en pratique à l’intérieur même de l’Europe, ce repli national engendre des désordres plus dangereux que protecteurs.
Cette crise sanitaire peut justifier certaines restrictions aux libertés publiques, qui doivent impérativement être fondées par leur utilité commune, et clairement limitées dans le temps. Elles doivent être prises dans le respect strict de l’État de droit.
Face à une pandémie, des politiques nationales chaotiques n’aident pas à construire une résistance efficace. Elles bloquent l’adoption de stratégies cohérentes et les échanges de moyens et de compétences qui sont nécessaires, ainsi que l’effort indispensable d’une recherche médicale urgente et coordonnée. Cette politique coordonnée au niveau international, imparfaitement préfigurée par l’OMS, fait cruellement défaut.
Ce que prône le MRAP dans d’autres domaines, comme celui des migrations, est encore plus vrai pour celui de la santé : l’humanité a besoin de politiques collectives cohérentes et solidaires pour aborder les grandes questions qui se posent à elle.
Tels sont les objectifs que le MRAP, à sa place et avec ses moyens, s’emploiera à défendre.
Jean-François Quantin, Renée Le Mignot, Pierre Mairat, co-présidents