Le 1er mai 1995, Brahim Bouarram, 29 ans, profitait d’une journée ensoleillée. Il ne savait pas que des mains criminelles allaient le précipiter dans la Seine et mettre fin à ses jours. Les auteurs de ce crime venaient de quitter le défilé du Front national.
24 ans après l’assassinat raciste de Brahim, la « bête immonde » est toujours présente.
Une série d’actes antisémites ont eu lieu ces derniers temps en France : le portrait de Simone Veil défiguré par une croix gammée, les arbres souvenir d’Ilan Halimi abattus, « Juden » tagué sur une vitrine de magasin, des quenelles réapparaissent ici ou là, des cimetières juifs profanés.
Des députés ont reçu des insultes et menaces de mort à caractère raciste sous prêtexte, que « des Noirs sont indignes de représenter leurs concitoyens français au Parlement », qu’ils restent des "fainéants arriérés », se comportant "comme des rats qu’il convient d’éliminer. «
Des tags racistes, visant les Juifs, les Arabes, les Noirs ont souillé de nombreuses vitrines de la ville de Lyon. Ils étaient ciblés puisque inscrits sur les vitrines de commerçants Juifs, Noirs, Arabes ou supposés tels.
Des injures racistes ont été proférées à l’encontre d’étudiants Africains à l’université de Metz ; des cris de singe ont visé un joueur de l’équipe de football d’Amiens
Durant les deux dernières semaines de mars , des rumeurs, attribuant aux Roms des enlèvements d’enfants dans des villes d’Ile de France, sont diffusées sur les réseaux sociaux. Cela entraîne des déferlements de haine contre les Roms, des lynchages de personnes, des camionnettes incendiées, des maisons détruites, des dizaines de blessés graves. Plus de 35 agressions ont été répertoriées par Romeurope entre le 16 mars et le 2 avril. Dans le climat actuel, où l’on voit se développer toutes les formes de racisme et de xénophobie, les mensonges les plus odieux prennent le pas sur la rationalité.
Cette montée du racisme, quelle qu’en soit la forme, n’est pas propre à la France : les nuages bruns s’amoncellent en Autriche, Scandinavie, Pologne, Slovénie, Hongrie. Dans toute l’Europe , l’extrême-droite est en phase ascendante et dans certains pays elle est aujourd’hui une menace immédiate.
Lors de la demi-finale de la Coupe d’Italie, des banderoles ont été brandies et des chants racistes entonnés par des ultras de la Lazio de Rome.
Le semi-marathon de Trieste a été fermé aux Africains, sous le prétexte de « lutter contre l’exploitation sportive », en fait l’organisateur était proche de la Ligue du Nord, il a fallu la multiplication des protestations pour qu’en fin de journée les organisateurs reviennent sur leur décision.
Mais l’extrême droite n’est pas seule responsable. Quand les droits des migrants sont sans cesse remis en cause, au mépris des engagements internationaux de la France, quand le droit de vote pour les résidents non communautaires a été « oublié », quand en France, les expulsions d’étrangers n’ont jamais été aussi nombreuses, quand les contrôles au faciès perdurent, quand la persistance des discriminations minent le vivre ensemble, comment s’étonner de la banalisation du racisme ?
Enfin, comment ne pas penser à cette Europe de la honte qui fait de la Méditerranée le cimetière de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, victimes de trafiquants sans scrupules. Le chancelier autrichien Sébastien Kurz qui dirige un gouvernement droite-extrême droite et qui exerçait la présidence tournante de l’UE propose des « plateformes de débarquement « de migrants en dehors de l’UE. Victor Orban , en Hongrie, fait ériger un mur de grillages et de barbelés aux limites de son pays, pourtant, le monde s’était réjoui de la chute du Mur de Berlin.
La France aurait assumé ses responsabilités et se serait honorée à accueillir l’Aquarius. Au contraire elle a décidé d’offrir 6 embarcations marines rapides à la Libye pour « aider la marine libyenne à lutter contre l’immigration clandestine ». Alors que les migrants qui sont capturés en mer et refoulés en territoire libyen sont soumis à des conditions de vie inhumaines : Insuffisance de nourriture, d’eau, de soins médicaux, mais aussi passages à tabac, tortures, violences sexuelles, esclavage, homicides… . Plus personne ne l’ignore.
En se barricadant ainsi, l’Europe nous fait glisser vers un cauchemar nationaliste.
A côté de discours et de politiques inacceptables, ce sont aussi les inégalités sociales qui bafouent les valeurs de la République et créent un terreau favorable à la montée du rejet raciste de « l’autre ».
Alors qu’en ce mois de mai 2019, le MRAP va fêter son 70ème anniversaire , il tient à rappeler que ces 70 années de luttes lui ont appris que le racisme est un phénomène unique dont les cibles et les formes peuvent, selon les moments et les circonstances, se développer, s’atténuer ou renaître de leurs cendres et que la solution n’est pas dans de futurs matins bruns, mais dans une mobilisation de tous pour faire reculer les problèmes sociaux générateurs de souffrances, d’inégalités , de concurrence et de ghettoïsation. Elle est dans la mobilisation pour une véritable égalité des droits. C’est à cette tache que les antiracistes doivent s’atteler, il y a urgence !
Le MRAP appelle à se rassembler mercredi 1er mai à 11h au pont du Carrousel pour un hommage à toutes les victimes du racisme.
Paris le 29 avril 2019
le communiqué