Différences n°142 - juin 1993

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Sommaire du numéro

n°142 de juin 1993

  • Edito: coup d'état contre les Droits de l'Homme par Mouloud Aounit
  • Immigration: l'intégration par l'exclusion par I. Avran
  • Erythrée: un nouvel état est né
  • Comités locaux: panorama des activités du second trimestre
  • Le droit à l'expression religieuse dans une société laïque interview de Jacqueline Costa_Lascoux par C. Benabdessadok
  • Salon du livre antifasciste: des livres pour une intelligence fraternelle par C. Benabdessadok
  • Langage et stratégie: combattre avec les mots interview de Patrick Tort par C. Benabdessadok


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Ev 1 T 0 COUP D'ETAT CONTRE LES DROITS DE L'HOMME Réforlle du code de la natioRalilé, préparoliol d'm ~ajel d. loi moOfiant ~ .Ia'" de. él ... gers, restrktion de l'exercice du droit d'asae, reofor.-I des IOItrâlei d'~enlHé 1. . fadésl, .od'dKalÎol dt Cade de ~~édure pé.aI., ~ gauyemetlelt n'y va pas de MiR lIorle. Au lIIépris des connntioas Îlternationales, des libertés et des droits fotdalIIItaux, des sovHrante5 el des clédJirll'es .ullaines. Rien ne ~slifiait une teNe préd~latiDI face à d' litres lige_ceS: la trogéd'Ie des sa .. ..,.Ioi., .. ~allème. ogu. d. r éco., ri.pfolÎol de. bol ...... Il faul être mugie r,0UI ne pas entrevoir les inteation réelles et es objectifs du 9Ol',memenl. Nettrar.ser réledorld dl Front natioltm, el hi dama.1 des gages •• ~. lhéme. de ra";' 9ra1'" de r.sésurilé, de • délnqua .... Prépalre'. r .l.e ,t,e,r. ra.i . d'un "rlai,e recompositiol de Il ,_, en dé.labit"osI cele q';' issue de pays non-lIellbres de la (ollm,nGlté é oaollique e"apéeane, esl pourtant ",odlée ou en ,oie de l'être. Faie passer rallère potion des IImles de rigueur en jetant à l'opinion l'illmigration tonne poIr apaiser ses tolères et révoltes légitimes, lIanipuler fnlaslles el ... Igaone. poIr dép~,er ~. ~oi ~." ..... , elles MetluidSCIIIM• Tovt ceci n'augure rien de bon. On ae gMverlle pas avet les pecrs, on ne sauve pas UI ~s el rangeant les ~s q.i onl fondé la RépllbliqH, 01 Iflltègre pas en (OIIII1~ant par excue. Ces I18sures oment la vaie à r lIKomprMsion, relforoent rilKertitude et r angoisse. Elles extell" t.enlla prétorité. Elles risque.t de fovoriser le re~i commulaltaire el identitaire. Elles portenl les genne. de ~ ,ioIen •• Dewant celte entreprise xénOflhobe, IIHIS avons une tâche ÎIIIlHIIse: IIObViser ceux qu~ pcrfois en sileloe, refusent l' exwsion ethl~ue et protéger, par l' .ti ... ~. droil. de 1., Mo rIati AOUNIT JUIN 1993 - N° 142 - 10 F Imm, igration L'INTEGRATION PAR L'EXCLUSION La première série de mesures de la nouvelle majorité aura été de modifier le code de la nationalité, de mettre fondamentalement en cause le droit du sol, de désigner à l'opinion les immigrés et leurs enfants, nés ou Ron en France, comme autant de suspects potentiels, de diviser la société française, précisément au nom des menaces qui pèseraient sur la cohésion nationale. "II est vrai qu'il y a, d'un côté, un appel Irès fort à davantoge de sécurité, né de l'inquiétude d'une grande partie de la population, us sondages le montrent au-delà même de ce que chacun pensait, De l'aulre, il est bien vrai qu'il faut prendre garde à ne pas piétiner les principes fondamelllauX sur lesquels est construite notre société", Dans une RENDEZ-VOUS interview au Monde daté du 18 mai, Edouard 8alladur donne le ton. Vne nouvelle fo is. Interrogé sur la réforme du code de la nationali té, il répond "sécurilé". L'amalgame devient de l'ordre du rénexe, à inculquer à "/Ille grallde panie de la populatiol!" consensuellemell t "inquiète". Inquiète de quoi? La réponse es t un peu plus haut, dans la même interview: "je crois qu'i/n 'était pas possible de laisser cOlI/inuer à se perpétrer des fra/lde.~ qui consistaient IJOtamment polir les jeulles femmes algériellnes à venir accoucher en France ell venant s 'y établir avec un titre touristique pendant lrois mois, u ur enfant y naissail et, à partir de là, celui-ci éralll français, les parents pouvaient obtenir III! lilre de séjour pour s'jnstaller en France avec tOllle lellr famille." Le portrait robot de l'éventuel "accédallt" à la nationali té française est tracé, il se résume en un mot: fraudc, Fraude , ou abus, du droit d'être français, du droit de séjourner sur le sol français, Et derrière celle "usurpation", celle de profiter des richesses de la France, D'autres, ell leur temps, disaient différemment que "la Frallce ne peut accueillir toure la misère du monde", Vn tel portrait robot tracé par le Premicr Ministre en guise d'exposé des motifs est bicn singulie r, il nous l'accordera, et fort éloigné de la réali té et des préoccupations des jeunes fra nçais, nés e n France, de parents étrangers, qui bientôt risquent de s' entendre Lire la suite page 4 Le MRAP appelle à une campagne de mobi lisalion contre le projet Pasqua sur les contrôles d'idenlité. Une semaine d' action, d' infonnalion et d'affichages est organisée, avec de nombreuses autres associations, du 14 au 19 j ui n. Cette semaine se tenninera par une j ournée nati onale d'actions et de manifestations le 19 j uin, dont une à Pari s, Pour plus de précis ion, prenez contact avec le siège national du MRAP, Lod .. ssh".... , 1/3 La_ .. MIAP_ 1 , ..... _. 5 UIIU ".d'IdhIt/s..... , 617 L' .... IIII.SJ: leardM.CI f • 7 ~:I' n~."Jo ; 'Ic.~_, .If _............. ,11/11 Spec'·"'ItIMi .... _ A SOOfICIIPI1ON IAIICI!I PAR LEMIAP , 12 pU REPÈRES LOGEMENT Suite à la requête de la ville de Paris, le tribunal des référés ordonne (15 avr.) le départ dans les deux mois des familles sans-logis qui s' abritent dans un immeuble de l'av. René Coty. AFRIQUE DU SUD Arrestations dans les milieux d'extrême-droite (liée à l'extrême- droite européenne et en particulier allemande), après l'assassinat (10 avr.) de Chris Hani au moment de la reprise des négociations dont l'élaboration d'une constitution rejetant l'Apartheid est le principal enjeu. 15 avr. : plus d' 1,5 million de personnes participent à la journée de deuil. La police tire dans la foule à Soweto: plus de 15 morts et de 400 blessés. 19 avr. : funérailles de ERYTHRÉE: UN NOUVE, ETAT EST NE Les 23, 24 et 25 avr., par référendum. les Erythréens choisissent l'indépendance, à 99,8%: l'Eryth rée devient le 52ème Etat d' Afrique. Ancienne colonie italienne (depuis 1882). qui servit de base à lïtalie pour la conquête de l'Ethiopie, puis colonie britannique (dès 194 ]). l'Ervthrée devint en 1950 par décision de l'Onu "entité alltonome f édérée à l'Ethiopie" se dotant d ' une Constitution, d ' un Parlement et d'un gouvernement. Après plusieurs années de pressions di verses de l'Ethiopie (qui souhaite, notamment. se ménager un accès à la mer). l'Erythrée est annexée à l'Ethiopie par Haïlé Sélassié en 1962 (qui dissout les instances nationales, impose la langue amhara dans les écoles ... ). Commencent alors près de trente années de lutte de libération sous la direction du Front de libération puis Front populai re de libération de l'Erythrée. d'abord contre le Négus puis contre Mengistu. Trente années et plusieurs di ~aines de mill iers de morts. La prise de la capitale Asmara le 24 mai 1991, au moment de la chute de Mengistu à Addis-Abeba, signe la victoire du FPLE en Erythrée. qui organise deux ans plus tard un référendum pour donner une assise à l'indépendance (qui devait être proclamée oftïciellement à la date symbolique du 24 mai). reconnue par l'Ethiopie de même que par de nombreux Etats. Neuf ethnies composent la nation érythréenne. Asmara et Addis Abeba envisagent l' avenir sous l' angle de la coopération. I.A. Chris Hani. Puis plus d'un million de sud-Africains participent à la grève générale à l 'appel de l' ANC, du Parti communiste et du syndicat Cosatu. Radicalisation de certains mouvements noirs: attaques contre des civils blancs (1er mai.). 24 avr., décès d'Oliver Tambo leader -en exil- de l'Anc durant la captivité de Nelson Mandela. PROCES RODNEY KING Los Angeles: un an après le premier procès des policiers auteurs de tabassages contre Rodney King (lors de son arrestation pour abus de vitesse), nouveau procès et condamnation de deux des policiers reconnus coupables (17 avr.). Voici un an, l'acquittement par un jury exclusivement blanc de ces policiers blancs accusés du tabassage d'un noir avait provoqué de violentes émeutes de protestation à Los Angeles . Cette fois, le jury se composait de neuf blancs, deux noirs et un latino-américain. Des voix s'élèvent cependant, au sein des communautés noire et latino- américaine notamment, pour faire remarquer que l'essentiel des problèmes de Los Angeles, pauvreté, drogue, délinquance, fossé entre communautés, sont loin d ' être réglés. AFFICHES Elles rappellent une autre époque: "quand nous arriverons, ils partiront ": le FN de la Jeunesse a placardé ses affiches contre les commerçants arabes de Clermont-Ferrand (18 avr.). Le même jour: devanture d'un épicier marocain et voitures détruites dans les rues avoisinantes. NÉGO,C/ATIONS ISRAELO-ARABES Reprise des négociations le 27 avr. Dans la bande de Gaza occupée, le blocus total se poursuit, au coeur du dispositif de répression. La résistance armée s'intensifie (attentat à la voiture piègée le 15 avr. en Cisjordanie contre des soldats), Le 30, retour dans leur patrie de 30 personnalités palestiniennes (sur plus de 1600 expulsées par Israël depuis 1967). 2 BOSNIE 17-18 avr. : le Conseil de sécurité de l'Onu vote la résolution 819 : elle "demande " (sic) aux milices serbes de "traiter Srebrenica comme une ville protégée ", et envisage l'envoi de 150 casques bleus. Srebrenica, en Bosnie orientale, non loin des frontières de la Serbie, subit un siège des milices serbes depuis un an, on déplore 2000 morts et des diplomates affirment que les bombardements répétés -des dernières semaines en particulier- sont "calculés pour tuer des civils". 18 : cessez-le-feu: les habitants cessent de résister aux assaillants. Menacés d'un massacre "total", ils sont contraints de rendre leurs armes à la Forpronu. Des blessés seront évacués. Mais Srebrenica refuse son évacuation totale, synonyme de victoire totale de la "purification ethnique" dans la région. Vote de la résolution 820 à l'initiative de la France: menace de blocus à l'encontre de la république de Yougoslavie si les Serbes de Bosnie n'adoptent pas le plan Vance-Owen avant le 26 (abstention de la Russie et de la Chine). Le HCR et le PAM (programme alimentaire mondial) annoncent que leurs moyens, insuffisants, ne leur permettent pas de poursuivre l' approvisionnement alimentaire de la Bosnie. 20 : les parlements auto-proclamés des Serbes de Bosnie et de Croatie décident de s'unifier. 23 : Lord Owen propose un corridor serbe reliant à la Serbie les· territoires serbes de Bosnie. La Grande Serbie est en route. 26 '; malgré l'appel de Milosevic, le parlement des Serbes de Bosnie refuse à l'unanimité le plan Vance-Owen et décide d'organiser un référendum. L'embargo entre en application le 27 contre la Serbie et le Monténégro. Nouvelles attaques des milices serbes en Bosnie orientale et dans la région de Bihac, où sont stationnés des casques bleus français. 2 mai : Radovan Karadzic signe le plan Vance-Owen à Athènes, à la condition de nouveaux découpages territoriaux et de l'approbation du parlement des Serbes de Bosnie. Mais celui-ci refuse le plan le 5. Les gouvernements serbe et yougoslave décident le 6 l'embargo écono- CHRONO mique contre les Serbes de Bosnie jusqu'à leur ralliement au plan de paix. 6 : Résolution 824 du CS: Sarajevo, les enclaves de Srebrenica, Tuzla, Zepa, Goradze et Bihac sont déclarées zones de sécurité, l'Onu ne prévoit aucun moyen pour la faire appliquer. Mi-avril : intensification des combats entre Croates et musulmans dans les régions de Bosnie proches des frontières de la Croatie: sous la houlette de Mate Boban les milices croates de Bosnie veulent "purifier" les zones que leur attribue le plan Vance-Owen, ne laissant aux combattants bosniaques Musulmans qu'une alternative: passer sous commandement croate ou partir. Nouvelles attaques croates dans le sud de la Bosnie, à Mostar, et ripostes des Bosniaques musulmans, début mai. GHETTO DE VARSOVIE 19 avr. : la Pologne célèbre officiellement le cinquantenaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie. Créé en novembre 1940 par les nazis, le ghetto séparait la population juive des autres habitants de Varsovie. Un mur l'isolait totalement, soumettant les juifs aux pénuries, à la malnutrition , à la maladie. Plusieurs dizaines de milliers d'entre eux en meurent en deux ans. En 1942 est inaugurée la politique d'extermination des juifs, et de déportation massive, régulière, de ceux du ghetto vers le camp de la mort de Treblinka. Pour le Judenrat (autorités "interlocutrices"des nazis), accepter de livrer des listes de noms d'individus à déporter permettrait l'hypothétique "espoir" que les habitants du ghetto ne seraient pas tous condamnés. Refusant ce chantage comme celui d'un probable massacre général en cas de résistance, ayant compris que la politique de déportation et d'extermination n' avaient pas de fin, plusieurs mouvements organisent une résistance armée, bientôt encouragée par la victoire de Stalingrad (fév. 1943). Ils n'obtiennent guère de soutien de la résistance polonaise. Lorsque le 19 avril, veille de fêtes juives et anniversaire du Furher les troupes nazies investissent le ghetto, pensant le DU MOIS raser en quelques heures, elles se heurtent à une vive résistance, doivent reculer sans déporter personne. L' insurrection parvient à durer jusqu'au 16 mai, comme un signal au monde. Elle est exterminée dans le feu et le sang et le ghetto rasé. Monseigneur Glemp, primat de Pologne, a choisi la date du 13 avr. 1993 pour confirmer le transfert des religieuses du carmel installé à Auschwitz. Le 14, il rend publique une lettre du pape aux religieuses, allant en ce sens. BELGIQUE: FÉDÉRATION Adoption par le Parlement (22 avr.) d'une réforme constitutionnelle transformant la Belgique en Etat fédéral composé de trois régions: bruxelloise, flamande et wallone. Le processus de réforme de la Loi fondamentale menant à cette solution fédérale était entamé depuis 1970. 24 : manifestation contre "le séparatisme " à Bruxelles (40 000 participants selon la police, 100 000 selon les organisateurs) . ATTENTAT DE L'IRA Trois bombes explosent à Londres (24 avr.), dont une de très forte dans la City, coeur financier de la ville: un mort, 45 blessés. Et importants dommages matériels. L'Ira, qui a revendiqué cet attentat et plusieurs autres dans la dernière période, affirme vouloir recommencer si "le gouvernement britannique ne fait pas un pas vers la paix". ALLEMAGNE: INCENDIES Condamnations (15 avr.) à 2 ans 1/2 et 3 ans de prison de deux participants aux violences de Rostock d'août 1992. Incendie criminel (sans victimes) d'un foyer de demandeurs d'asile (22 avr.) à Bramsche. 30 avr. : condamnation avec sursis d'auteurs de tentatives d'incendies du mémorial de l'ancien camp de Ravensbruck. Incendie criminel (nuit 1 er mai) de la maison d'une famille turque à Stockdorf (près de Munich). NOYADE Un homme d'origine sénégalaise se noie à Paris dans le canal de l'Ourcq en fuyant pour éviter un contrôle d'identité (21 avr.). ARMÉNIE: MÉMOIRE 24 avr. : 2500 manifestants (avec la participation du Mrap), à Paris, en souvenir du génocide de 1915. DÉPORTATION 26 avr. : journée nationale de la déportation. A cette occasion, des associations d' homosexuels déportés pour cette raison par les nazis demandent à nouveau leur reconnaissance comme tels. ABOLITION DE L'ESCLAVAGE De nombreux Antillais de la région parisienne fêtent à la Nation le 145e anniversaire de la fin de l'esclavage dans les anciennes colonies françaises d' Amérique et de l'Océan indien: l'association "Couleur au coeur" demande que le 27 avr. "symbole d'une étape marquante d'lins l'histoire du peuple français" soit jour férié. VILLE Débat à l'Assemblée les 27 et 28. Au-delà de l'ensemble des mesures de rigueur annoncées par ailleurs par Edouard Balladur, Simone Veil annonce quant à elle la reconduction des mesures des années précédentes concernant les quartiers défavorisés, dont les procédures de développement social urbain (407 quartiers de 369 communes à l'heure actuelle), les conventions de développement social des quartiers (touchés par un chômage avoisinant en moyenne les 20%) ... et le déblocage prochain des financements correspondants. Mais Charles Pasqua se réserve le volet "sécuritaire" de la politique de la ville et a déjà prévenu des menaces que représenteraient selon lui les jeunes et particulièrement ceux issus de l'immigration: de quoi réduire à néant le développement des DSQ? TOUVIER Examen du dossier Touvier par la Chambre d'accusation de Versailles (28 avr.). Le Mrap, partie civile, "sollicite le renvoi de 3 Touvier devant la cour d'assises pour l 'ensemble des crimes contre l 'Humanité qu'il a commis durant la seconde guerre mondiale". Décision le 2juin. FRONTIERES Alain Lamassoure, mllllstre délégué aux affaires européennes, indique à l'Assemblée (30 avr.) que la libre circulation des personnes à l'intérieur de l'Europe de Schengen (suppression des contrôles prévue en juillet pour les frontières terrestres et en décembre dans les aéroports) est reportée à une date ultérieure. 1ER MAI Manifestations dans plusieurs villes de France. Le "collectif du 6 février" appelle à défiler "unitairement pour l'égalité des droits, contre le racisme et les exclusions". Forte participation d' associations issues de l'immigration. A Paris, réquisition symbolique d'un immeuble vide appartenant à la Banque de France. REPÈRES DE SOUCHE Le Pen, lui, en est pour sa part à évoquer devant Jeanne d'Arc " les Français ... de souche "(sic). 32 personnes sont interpellées à la suite du défilé du FN, porteuses de bombes lacrymogènes , de couteaux, de poings américains, de ceintures chaînes ... NATIONALITÉ 5 mai : début du débat à l' Assemblée nationale sur la réforme du code de la nationalité adoptée en première lecture (voir notre article pages 1-4-5). PRÉSENT CONDAMNÉ Le directeur de publication de Présent condamné pour incitation à la haine raciale (14 mai) après avoir publié une interview dans laquelle Le Pen (qui bénéficie de l'immunité parlementaire) "compare les Arabes à des predateurs" : le Mrap s'était porté partie civile. Chronologie établie par I.A. CONFÉRENCE MONDIALE SUR LES DROITS DE L'HOMME Le Mrap participe à la conférence mondiale sur les droits de l'homme qui se déroule en juin à Vienne. Jean-Jacques Kirkyacharian nous en rappelle les enjeux. Il souligne que cette conférence consacrée aux droits de l'homme sera la première depuis 25 ans. Elle se tiendra dans un monde qui n'est plus celui de la bipolarisation de l'époque. L'absence de bipolari sation, dit-il, devrait permettre d'éviter des situations bloquées. par de,s vetos, des oppositions de principe. mais est sentie comme grosse de dangers. "Le danger le plus essentiel étant (peutêtre) l'absence d'enjeu réel, le consensus mou sur des fonllulations générales. La questioll du droit ail développement. par exemple. risque de n 'être traitée que par référence pieuse". Les ONG, dit-il, n'auront guère de poids dans celte conférence si le règlement actuel est suivi. Des propositions de modifications ont été formulées, pour permettre à des ONG d'intervenir à titre individuel sur les points qui relèvent de leur compétence ... Le Mrap, ainsi qu'une douzaines d'autres organisations traditionnellement amies, espère pouvoir se battre sur: - les violations des droits de l'homme dans un certain nombre de pays tels que Timor-Est, la Palestine, le Zaïre, le Maroc, Haïti.. ., tous pays qui relèvent de l'aire d' influence américaine - la nécessité de réfléchir sérieusement sur les liens entre droits civiques et politiques et droits économiques et sociaux - le développement du racisme. des xénophobies, des haines inter-ethniques dans le monde et en particulier le racisme qui vise les travailleurs immigrés et leurs familles - r accroissement du déséquilibre entre pays riches et pays en voie de développement Certaines associations ont émis des propositions auxquelles le Mrap est favorable, teUes que la création d'un rapporteur spécial sur les droits des femmes, d'un tribunal international sur les "violations importantes" des droits humains bien que. rappelle J.J. Kirkyacharian. nul ne sait aujourd' hui comment il pourrait réellement fonctionner sans être l'émanation d' un groupe d'Etats dominants. Certaines associations proposent que 0,5% du total des budgets de développement soient réservés aux droits de l'Homme. Pour J.J Kirkyacharian, il faut prioritairement que les budgets soient débarrassés du poids des dépenses militaires et que, tout aussi prioritairement, les pays développés fassent vraiment leur la recommandation de J'Onu de consacrer à cette question 0,8% de leur PNB. IMMIGRATION , L'INTEGRATION PAR L'EXCLUSION Suite de la page I dire qu'ils ne sont "plus" français. C'est pourtant sur cette image du fraudeur en puissance que s'appuie le gouvernement pour inscrire en première urgence des préoccupations nationales, de la réflexion, des débats et de l'action parlementaire la réforme du code de la nationalité et une série de mesures remettant en cause l'ordonnance de novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des immigrés en France. À PROPOS DE PRIORITÉS, ET D'URGENCES .•. On avait cependant cru déceler d'autres sujets de préoccupations que l'on imaginait prioritaires. Notamment d'ordre économique, social. En l'occurrence, ce n'est plus d'images, d'étiquettes incidemment collées à la peau, de préférence aux peaux plus hâlées que d'autres, qu'il s'agit. Mais de réalités quotidiennes et de chiffres, eux, réellement inquiétants. Le seuil des 3 millions de chômeurs a été franchi en février, l'on compterait 3 066 400 chômeurs officiels, il faudrait s'attendre à une augmentation de 350 000 dans les prochains mois, d'ici fin 1993. Le nombre de "bénéficiaires" du Rmi a progressé de 17,8% entre 1991 et 1992, passant de 488 000 à 575 000. "L'équilibre social est en jeu", écrit le Secours catholique dans un dossier sur la pauvreté en France, rendu public le 27 avril. Selon l'organisation, qui évoque deux priorités, l'emploi et le logement et souligne "la multiplication des situations de précarité", la société française compte cinq millions de personnes touchées par la pauvreté. Huit si l'on se réfère aux critères européens, selon lesquels le seuil de pauvreté est atteint lorsque les revenus de l'individu sont inférieurs à la moitié du revenu moyen national... Dans Je monde, selon un rapport du Centre des droits de l'homme de l'Onu (d'avril), un REMISE EN CAUSE DU DOUBLE JUS SOLI Jusqu'à présent, le double jus soli (selon lequel un enfant est français à la naissance si l'un au-moins de ses parents est lui-même né en Fran,'e) s'applique aux enfants dont l'un des parents est né dans une ancienne colonie française avant son indépendance. Désormais, les enfants nés en France de parents nés en Algérie avant le 3 juillet 1962 ne seront français que s' ils justifient de cinq ans de résidence régulière. Ceux des parents nés dans une autre colonie ou un territoire d'outre-mer avant la décolonisation ne seront plus français à la naissance (dès le 1er janvier 1994). mais pourront en manifester la volonté à partir de seize ans. Ceux dont les parents sont nés avant ]' indépendance dans un ancien protectorat ou territoire sous tutelle devront aussi en manifester la volonté entre 16et21 ans. milliard et demi d'êtres humains vivent dans une pauvreté absolue, un milliard sont à la limite du seuil de pauvreté, 780 millions sont victimes de malnutrition et plus d'un milliard sont totalement analphabètes. MESURfS SYMBOLIQUES ET INDECENCES De quelle sécurité parle-t-on? N'y a-t-il pas quelque indécence -faute de projet crédible, ou porteur, auprès de l'opinion ainsi visée?à pointer du doigt une partie de la population française, à crier au loup, et à décider que la première loi du Parlement fraîchement élu et le premier axe de travail du nouveau gouvernement sont de réformer le code de la nationalité et l'ordonnance de 1945? Choix à portée symbolique s'il en est! Dans d'autres pays européens, à l'Est comme à l'Ouest, on vient de voir, une fois encore en cette fin de siècle, à quel point arc-boutés sur leurs pouvoirs, des dirigeants politiques étaient capables de dévoyer aspirations ou colères populaires en réactions nationalistes, en quêtes de boucs-émissaires faciles: les Autres, ces "autres" si semblables ou si proches qu'ils vivaient dans la même ville ou le même village, se retrouvaient de l'enfance à la vie adulte de l'école au lieu de travail, partageaient loisirs et habitudes ... Démonstration terrifiante est faite en ce moment même de la puissance de la démagogie, de sa puissance destructrice et meurtrière, de l'insoutenable facilité avec laquelle la haine peut s'insinuer entre des hommes, qu'elle soit alimentée par des clichés censés se fonder sur une histoire tronquée ou par n'importe quel autre cliché, pour peu que, faute de toute autre perspective, la recherche identitaire, désespérée, soudain collectivement exaltée, tienne lieu de sens à l'existence. Où commence l'engrenage lorsque l'on s'aventure dans la logique de cette démagogie? Où peut-on avoir la prétentieuse certitude qu'il s'arrêtera? ATTEINTES AU JUS SOLI Et pourtant, forte de sa victoire massive en termes de sièges à l'Assemblée nationale, la droite se précipite sur une modification en profondeur du code de la nationalité. En 1986, le gouvernement Chirac avait tenté de faire adopter un nouveau code, la fameuse réforme Chalandon (alors Garde des Sceaux), qui mettait radicalement en cause le droit du sol, et donnait matière à satisfaction à l'extrême- droite. La mobilisation de l'opinion y avait alors fait échec, amenant le gouvernernent à mettre en place une commission, présidée par Marceau Long, qui avait formulé d'autres propositions. (voir Différences N°140). Seul le Sénat avait, en 1990, voté une réforme du code de la nationalité. De quoi s'agit-il aujourd'hui? "Que nul ne puisse devenir français à l'improviste sans 4 l'avoir su ni voulu ". Tel serait en substance, nous dit Edouard Balladur, le sens de la réforme. Il est des présentations séduisantes qui tronquent massivement les réalités! En l' occurence par deux omissions majeures: sa formule " que nul ne puisse" concerne les enfants nés en France de parents étrangers, et non de parents français, introduisant une différence entre des jeunes tous nés sur le territoire français et y ayant vécu; et l'acquisition de la nationalité ne sera alors pas systématique, (de même que pour les naturalisations par mariage ... ). Le droit du sol est touché. Ainsi, avec ce nouveau code, les enfants nés en France de parents étrangers ne deviennent- ils plus français à dix-huit ans sans formalité. Ils doivent en manifester la volonté entre 16 et 21 ans. Il est à noter que d'ores et déjà la notion de choix existait puisque jusqu'à présent les jeunes pouvaient s'ils le désiraient répudier à leur majorité la nationalité française. En revanche, des parents étrangers ne pourront plus demander la nationalité pour leurs enfants mineurs nés en France. Et les jeunes concernés, même si toute leur vie s'est construite en France, ne jouiront pas dans tous les cas de leur nationalité française, qui peut leur être refusée, après 18 ans. Six mois de prison ferme pour "crime contre la sécurité de l'Etat" (on imagine mal à quoi peut correspondre une si "petite" peine pour un délit dans un secteur aussi grave), proxénétisme, trafic de stupéfiants, coups mortels, suffiront à faire obstacle à l'acquisition de la nationalité. C'est la petite délinquance qui est visée, avec une barre placée très bas. Les députés ont ajouté un autre obstacle, absent des propositions de la commission Marceau Long: un arrêté d' expulsion ou de reconduite à la frontière. Ces entraves à l'acquisition de la nationalité française ne sont pas que des obstacles à l'intégration de jeunes pourtant de fait intégrés, dans leur vie quotidienne, à cette société qui est la leur, et une discrimination basée sur le sang, sur la filiation. Elles constituent aussi pour ces jeunes un risque d'expulsion hors du territoire français. Le mariage avec un ressortissant français ouvrira droit à l'acquisition de la nationalité française non plus immédiatement, comme tel était le cas de 1973 à 1984, ni après six mois comme c'est le cas aujourd'hui ni même au bout d'un an comme le proposait la commission, mais après deux années, sauf en cas de naissance d'un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints. Un article particulier concerne les enfants nés en France de parents nés dans une ancienne colonie française (voir encadré). On imagine les situations totalement inextricables dans les familles. LE LIT DE L'EXTREME-DROITE La réforme du code de la nationalité a été adoptée le 13 mai par 476 voix contre 88, les élus du PS et du PC ayant voté contre. On MOBILISATION DU MRAP Pour le Mrap, la réforme du code de la nationaJité votée en première lecture par l'Assemblée nationale, "trahit les propositions de la commission Marceau Long dom elle prétel/dait s'inspirer, conduit à déstabiliser et à marginaliser les jeulles d'origille étrangère /lés et scolarisés e/l Fra/lce", Il s'inquiète du projet de réforme de l'ordonnance de 1945 sur les conditions d'entrée et de séjour en france des étrangers, qui "procède d'ilne méfiance systématique à l'égard des immigrés et a pour but avoué d'en expulser le plus grand nombre possible". "Les projets du goul'ernemem constituent ulle atteinte grave à /' u/lité de la /lation et à l'identité républicaine. Ils SOIlt porteurs d'u/le aggra\'ation de la xénophobie et du racisme dans notre pays". Le Mrap, qui se prononce "pour 1111 code de la /lationalité qui soit un vériwble code de la citoyenneté". a été reçu à sa demande par tous les groupes politiques à r Assemblée nationale, ainsi que par le ministre de la Justice et par des représentants du ministère de l'Intérieur. Tt espère pouvoir rencontrer aussi les ministres des Affaires étrangères et de la Ville et des Affaires sociales. Le Mrap a notamment attiré leur attention sur les conséquences humaines des projets et entend informer et mobiliser l'opinion publique à ce sujet. Le Mrap, qui a participé à toutes les initiatives publiques contre la réforme du code au moment du débat à l'Assemblée (en regrettant leur dispersion), "s'adresse solennellement à tous les hommes et femmes vivant en France pour leur dema/lder d'unir leurs efforts. par-delà leurs différences politiques, pour que les dispositions prévues par le projet de gouvernement soient retirées et que les conséquences tragiques qu' elles entraîneraient dans les villes et les banlieues soimt évitées. Il appelle [es militants, adhérents et sympathisants du Mrap à s'adresser aux élus de leur circonscription pour les mettre face à leurs responsabilités historiques au regard de l'unité Ilationale, de la tradition républicaine et de la paLT sociale. 11 appelle tous ses comités à organiser une semaine d'information du lS au 19 juin sur les conséquences humaines des dispositions du projet Pasqua et de la réfornle du code de la /lationalité. Il propose une journée nationale de mobilisation contre le projet de loi Pasqua et la réforme du code de la nationalité le 19 juin 1993"". peut sans doute se féliciter que des voix se soient également élevées à droite pour en stigmatiser les dangers. Dans un billet à la Une du Figaro du 14 rnai, André Froissard écrit: "on l'a déjà dit ici et on va le répéter sans le moindre espoir d'être entendu: quand deux enfants du même âge sont assis sur le même banc de la même école, ils sont à traiter de la même façon et il n'est pas convenable d'exiger de l'un une déclaration d'appartenance qui ne sera pas demandée à l'autre. Il y a là une inégalité de traitement qui ne va pas très bien à ce que l'on sait des principes républicains, et il est difficile de croire qu'une telle formalité s'inscrit dans une politique d'intégration généreuse et bienveillante. On intègre mal en commençant par discriminer". On ne saurait mieux dire. Gilles de Robien, député d'Amiens qui a pourtant voté le texte, n'hésite pas à dire: "d'une loi d'intégration renforçant l'identité nationale, on passe à un texte contenant des éléments d'exclusion. C'est un autre débat". Reste à savoir, au moment où se multiplient les débats sur la ville, sur la banlieue, comment réagiront à ces rnesures discriminatoires les prerniers concernés. Mais à côté de ces voix plus lucides, d'autres reprennent à leur compte les propos de Valéry Giscard d'Estaing lorsqu'il évoquait "l'invasion" de la France par les immigrés et la nécessité de préférer le droit du sang au droit du sol, quitte à contredire la tradition républicaine de la France. Et de nouvelles surenchères n'ont pas manqué lors des débats à l'Assemblée. Il fallait s'y attendre. Comme il faut s'attendre, lorsque des préoccupations électoralistes conduisent à des politiques démagogiques qui dérapent sur le terrain de l'extrême-droite, voire qui reprennent une part importante de son programme, à en faire le lit à terme, même si l'on espère à court terme la canaliser... IMMIGRÉ OU BPONZÉ : SUSPECT NUMERO UN Le gouvernement pourtant ne s'arrête pas là puisque l'ordonnance de 1945 elle-même, qui règlemente l'entrée et le séjour des étrangers en France, devrait être modifiée. Charles Pasqua qui, dès son entrée, au gouvernement avait évoqué son voeu d'attribuer plus de pouvoirs à la police, présentait lors du conseil des ministres du 14 avril une communication sur "la sécurité de la France" où il se permettait d'épingler dans un même élan la drogue et l'immigration clandestine. La désignation de l'immigration clandestine comme une menace n'est pas une nouveauté. L'on avait vu le président de la République l'évoquer tandis qu'était abandonné le projet de 1981 de droit de vote aux immigrés .. L'actuel gouvernement, lui, s'engage dans une véritable chasse aux clandestins, et met l'ensemble de l'immigration à l'index. Charles Pasqua insiste sur l'augmentation des délits commis par les étrangers. Il oublie de 'préciser que plus du quart de ces délits ne sont en fait que des infractions à la législation sur les conditions de séjour. Le projet du ministre de l'Intérieur de modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 s'inscrit dans cette logique sécuritaire, vise à mettre en place un arsenal juridique rigoureux verrouillant les procédures d'entrée ou de séjour en France des étrangers non ressortissants de la Cee. Le droit d'asile est lui-même remis en cause. Les demandeurs d'asile politique seraient plus selectionnés encore, et ce sont les services du ministère de l'Intérieur qui feraient le premier tri, avant que la demande soit examinée au fond par l'Ofpra. Une procédure compliquée s'ensuivrait. Le texte porte aussi sur les expulsions, stipulant que l'avis de la commission d'expulsion ne serait pas nécessaire pour les cas trouble grave à l'ordre public, et réduisant le nombre de catégories protégées: les parents d'enfants français, les étudiants, les conjoints de Français mariés depuis moins d'un an ... seraient concernés. Le garde-fou juridique que constitue le recours suspensif en cas de reconduite à la frontière serait supprimé, les personnes soumises à cette procédure demeureraient en rétention administrative jusqu'à son application et pourraient faire l'objet d'une année d'interdiction du territoire. Le regroupement familial (après deux ans de résidence en France) nécessiterait des ressources suffisantes, une enquête du maire, au-delà même des conditions de logement, et l'on imagine la chaîne d'atteintes à la vie privée qui peut s'ensuivre, ouvrant en la matière une brèche non seulement pour les immigrés mais aussi pour toute la société. C'est du pré- 5 IMMIGRATION fet que dépendrait la décision, et le regroupement de la famille ne se ferait qu'en une seule fois. Un délai de deux ans serait nécessaire en cas de divorce ou de répudiation. Les caisses d'allocations familiales et maladie ne pourraient affilier les irréguliers. Le droit au mariage serait aussi remis en cause, au nom de l'amalgame mariage mixtemariage blanc. Non seulement deux ans de rnariage seront nécessaires au conjoint d'un Français pour le devenir à son tour, mais il serait interdit d'épouser un étranger en situation irrégulière! L'amour n'a plus droit de cité dans la logique sécuritaire de Pasqua. ~~L'IDENTITÉ DE LA FRANCE" Ceux qui aujourd'hui se prétendent inquiets des risques que l'immigration, -et singulièrement l'immigration non européenne- ferait peser sur "la cohésion de la société française" devraient méditer sur l'histoire de cette nation, et sur les risques que leurs propres mesures représentent pour elle, en perte de richesse si on lui impose l'uniformité. Ils seraient bien inspirés de relire Fernand Braudel, qui écrivait: "qu'entendre, par identité de la France? Sin(;n une sorte de superlatif, sinon une problèmatique centrale, sinon une prise en main de la France par elle-même, sinon le résultat vivant de ce que l'interminable passé a déposé patiemment par couches successives, comme le dépôt imperceptible de sédiments marins a créé, à force de durée, de puissantes assises de la croûte terrestre? En somme, un résidu, un amalgame, des additions, des mélanges. Un processus, un combat contre soi-même, destiné à se perpétuer. S'il s'interrompait, tout s'écroulerait". Isabelle Avran SOCIÉTÉ SOUS HAUTE SURVEILLANCE A l'heure où nous publions, le Garde des Sceaux, Pierre Méhaignerie, devait présenter (le 19 mai) en conseil des ministres un projet de loi en faveur d'un renforcement des contrôles d'identité. Comme si la loi adoptée en 1986, issue en droite ligne de celle de Peyrefitte de 1981. ne suffisait pas. Le projet Méhaignerie s'appuie sur deux. maîtres mots: "colllrôle prévmtij". Les contrôles d'identité auraient lieu désormais de jure au bon vouloir des policiers, quel que soit le comportement de l'interpellé. Selon quels critères? Il n'est guère besoin de beaucoup d'imagination pour les énumèrer. Les contrôles au faciès vont aller bon train. Est-ce là ce que le nouveau gouvernement appelle une politique de respect des libertés individuelles et d'intégration? "Si chaque citoyen peut·être victime d'ull tel recul du droit, celui-ci concernera prioritairement cell~ que l'on désigne héllivement comme les principaux fauteurs de trOl/bles: les jeulles et les étrangers" écrit le syndicat de la magistrature. On connaissait Pasqua, qui rempile à l'Intérieur. Méhaignerie se révèle dans toute sa splendeur. En mettant nne croix sur des libertés individuelles fondamentales, n'aurait-il pas aussi vite fait d'annexer le ministère de la Justice à celui de l'Intérieur? Pourquoi de tels projets. qui une fois encore désignent des suspects permanents à l'opinion publique, confortent ses fantasmes d'insécurité, de méfiance. voire de haine. plutôt que de désamorcer ceux que des stratégies démagogiques de courses au pouvoir enracinent depuis plus de dix ans? La nouvelle majorité signe là les fractures sociales qui ne manqueront pas de s'ensuivre, dans une société sous haute surveillance. COM I TÉS LOCAUX PANORAMA DES ACTIVITES DU 'SECOND TRIMESTRE Norbert Haddad, secrétaire national chargé des comités locaux, poursuit ici le tour d'horizon, entamé dans notre dernier numéro, des activités locales du Mouvement. ee panorama n'est pas exhaustif, mais il donne un aperçu représentatif de la diversité des préoccupations et des activités réalisées. IL Y A CINQUANTE ANS, LE GHETTO DE VARSOVIE Dans chaque ville, une rue du "ghetto de Varsovie". Nos Comités se sont adressés à lies nombreuses municipalités pour leur demander de donner à une rue de leur ville, le nom de "rue des combattants du Ghetto de Varsovie", à Brest, à Metz, à Marseille, etc ... Une exposition, des films, des débats sont organisés."L'héroïque insurrection du ghetto de Varsovie, une expo photo réalisée par le MRAP sera présentée à Limoges, où le Comité du MRAP demande que l'avenue Alexis Carrel soit débaptisée et rebaptisée "Avenue du Ghetto de Varsovie". A. Carrel, chirurgien de son état a eu une activité pro-nazie pendant l'occupation. Albi, le 18 avril, dans les locaux accueillant la remise des coupes aux vainqueurs des 7èmes Foulées Multicolores, une course relais entre Castres et Albi. Angoulême, conférence-débat animée par P. Krausz, membre du Bureau National. Une invitation a été adressée aux conseillers municipaux et maires des communes environnantes. Stains, le 15 mai, a présenté l'exposition consacrée au cinquantième anniversaire du soulèvement du Ghetto de Varsovie. Roanne, le Comité estime que pendant qu'on commémore le soulèvement du ghetto, on réprime dans les territoires occupés. Alors l'exposition sera conjointement mise à la disposition du public avec celle sur "Palestine : vi vre et résister". SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTINIEN Gennevilliers, présente l'exposition du 5 au 30 avril, en liaison avec la célébration de la Journée de la Terre. Pau, le Comité expose "Palestine: vivre et résister". Tarbes, le Comité expose "Palestine: vivre et résister", débat animé par A. Khenniche, membre du Bureau National. Oloron-Sainte-Marie, le Comité expose "Palestine: vivre et résister", débat animé par N. Haddad. AFRIQUE , DES IMAGES EN DEBAT Epinay-sur-Seine, le 3 avril, projection du film "Sarafina". Un débat a suivi en présence du représentant de l'ANC en France et de la Présidente du RNCA. Une occasion de réaffirmer notre soutien à tous ceux qui luttent pour la disparition totale du système d' Apartheid en Afrique du Sud. Pantin, le 24 avril, projection du film "Tadona (le feu)" de A. Drabo, suivie d'un débat "Un pays: le Mali". Les fonds récoltés lors de cette soirée d'amitié sont destinés à l'achat de livres. Ces ouvrages seront expédiés au Mali. AUTOUR DE L'EXCLUSIPN, DE LA CITOYENNETE, , DE L'INTERCULTURALlTE Nevers contre le racisme. Le théâtre d'Eleusis a présenté "Les lettres de Louise Jacobson". Une semaine d'animations et de spectacles autour des droits civiques. La dernière journée a été marquée par l'organisation d'une grande fête interculturelle. Aubervilliers, le 1er avril, plusieurs rencontres à la SES du Collège Diderot avec Mouloud Aounit, secrétaire général et Norbert Haddad, secrétaire national. Thèmes abordés : la loi du 1er juillet 1972, vivre ensemble et devenir citoyens. Marmande, le 2 avril, la troisième édition du Forum de la fraternité a été placée sous le signe de la citoyenneté. Pontault-Combault, le 5 avril, rencontre avec les élèves du collège Jean Moulin autour du thème de "la lutte contre le racisme" avec Norbert Haddad, secrétaire national. Le Comité a organisé avec les élèves des écoles primaires et des collèges un travail autour des pays et des peuples de la Méditerranée. 6 Chelles, le 8 avril, au L.P. Louis Lumière, journée banalisée sur le thème des exclusions au travers d'une dizaine d'ateliers. Animation de l'atelier "racisme" par N. Haddad. Melun, Combs-La-Ville, le 12 avril, caméra contre le racisme et les exclusions. Une soirée- débat organisée après les projections des films "Au pays des Juliettes" et "Le thé au harem d'Archimède" avec la participation du réalisateur Mehdi Charef. Blanc-Mesnil, les 13, 14, 15 et 16 avril, exposition dans les écoles maternelles sur la tolérance et l'Autre. Semaine "Vivre ensemble avec nos différences", présentation du film "Les oubliés de l'histoire" et débat avec Daniel Kupferstein, réalisateur. Limoges, le 17 avril, depuis 1978, chaque année, vers le 21 mars, Journée internationale contre la discrimination raciale, les communautés étrangères représentées à Limoges, les Associations, les Limousins se retrouvent pour une belle journée d'amitié, "Faites de l'amitié entre les peuples" en présence de Mouloud Aounit, secrétaire général du Mouvement. Bagnères-De-Bigorre, les 16 et 17 avril, un colloque organisé par le Comité, intitulé "Société interculturelle, société pluriculturelie: que se passe-t-i1 lorsque des groupes et des personnes de culture différente se rencontrent ?" Pendant deux jours, près de 200 personnes ont suivi les travaux et les communications de C. Camilleri, M. Delsouc, R. Gallimot, A. Kouidri et N. Haddad. Saint-Nazaire, le lundi 19 avril, remise des prix aux gagnants du concours de dessins, poèmes, chansons illustrant la lutte contre le racisme. Ce concours ouvert aux élèves de primaires, collèges et lycées s'inscrit dans le cadre de la semaine nationale d'éducation contre le racisme. Clermont-Ferrand, le 2J avril, "Combattre l'extrême-droite" avec la participation d'Alain Bihr, Professeur à Strasbourg et auteur d'un livre d'enquêtes sur les mouvements d'extrême-droite. Rouen, le 23 avril, du théâtre pour l'éducation contre le racisme. La compagnie Commédianose a présenté "Nous n'irons plus", une pièce pour le souvenir des horreurs de la deuxième guerre mondiale. 1 Annecy, du 29 mars au 30 avril, "Interférences culturelles", c'est du théâtre, du cinéma, des colloques, des expositions, des animations scolaires, des stages de musique pour lutter contre le racisme. Avec la participation d'une trentaine d'associations de Haute-Savoie. Poitiers, le 4 mai, réunion-débat sur le racisme avec M. Wieviorka, sociologue, directeur de recherches au CNRS, sur le thème: "Quelle analyse du racisme? Quelles valeurs lui opposer ?" Saint-Ouen, le 15 mai, fête régionale de la JOC, participation de Mouloud Aounit, secrétaire général aux côtés de SOS Racisme et de la LDH, à un débat sur le Code de la Nationalité. Vitry-sur-Seine, les 30 et 31 mai , Passion' Ados. A.C.E. un moment fort où le MRAP a rencontré des personnes jeunes et adultes sur le thème de la lutte contre le racisme .•. Quelles actions possibles? Animation assurée par M. Maner et N. Haddad, Secrétaires Nationaux. Chartres, le Il juin, soirée-débat animée par F. Prunet, secrétaire national, sur le droit d'asile et la situation des étrangers non C.E.E. vivant en France. Mont-de-Marsan, Dax, Grenoble, Marseille, Aurillac, projection du film réalisé par D. Kupferstein "Les oubliés de l'histoire", un débat sur la contribution des étrangers et immigrés à l'Histoire comtemporaine de la France à clos chaque soirée. Paris 1ge, lycée Armand Carrel, dialogue sur le racisme animé par M. Aounit, secrétaire général et D. Kupferstein. Collège Saint Blaise à Paris, Lycée Jean Monnet à Crépy en Valois, le racisme, parIons- en ! débats animés par N. Haddad, secrétaire national. Héricourt, un 1 er mai interculturel. Un après-midi convivial de langues et de cultures kurde, palestinienne et portugaise. Marseille, radio-Galère propose une exposition sur les "arabicides". J. Jurquet, à l'origine de l'exposition, anime une émission hebdomadaire sur cette station. Vitry-sur-Seine, du 19 au 24 avril, les Pionniers de France ont accueilli plus de 5 000 participants au Festival de l'Enfance, Planète- momes 93. Le MRAP a contribué à la réalisation en animant un stand avec des jeux éducatifs sur les cultures d'ici et d'ailleurs.Information et sensibilisation de l'opinion publique. Fête des associations. Une invitation à rencontrer le Comité du MRAP. Pierrefitte et Guyancourt le 8 mai. Versailles, le 15 mai, opération "Portes ouvertes" de la permanence d' accueil juridique. Saintes, le 25 mai, projection du film de C. Chabrol "l'oeil de Vichy", débat sur la responsabilité du Régime de Vichy dans la déportation des juifs animé par A. Levy, membre du Comité d'Honneur. COM I TÉS LOCAUX Pontault-Comba ult, le 18 mai, rencontre débat avec A. Serfaty dans le cadre d'une animation autour des pays et peuples de la Méditerranée. Saint-Denis, le 6 mai, des lycéens de M. Berthelot et d'un lycée berlinois ont participé à un débat animé par M.Martin à la bibliothèque Elsa Triolet. Triel-sur-Seine, le Il mai, débat sur la montée de l'extrême-droite et du nationalisme en Europe et en France qui s'inscrit dans un ensemble de manifestations intitulées "Vivre ensemble avec nos différences", animation François Prunet, secrétaire national. Figeac, le 14 mai, conférence-débat avec N. Haddad, secrétaire national - thème retenu "comment peut-on lutter contre le racisme en France aujourd'hui ?" RELANCE DE COMITÉS, FORMATION Paris, le 9 janvier, journée d'étude avec les adhérents de Paris. Interventions d'A. Lévy et de M. Aounit. Le projet: réactiver la FD de Paris. Seine-et-Marne, le J5 janvier, à J'initiative de la FD, soirée d'information organisée à Monterau et animée par N. Haddad dans le but d' implanter un comité local. Lille, le 25 janvier, réunion des comités de la FI) du Nord-Pas de Calais, en présence de N. Haddad, élection du nouveau bureau. Avignon, le 20 mai, journée de formation ouverte aux adhérents et sympathisants du Vaucluse et des Bouches du Rhône. L'historique du MRAP, le racisme en Europe, la lutte contre le racisme aujourd'hui sont au programme. J-J. Kirkyacharian membre de la présidence animera ce stage. Sarcelles, le 23 mai, participation à la Fête du quartier des Rosiers, par la tenue d'un stand et la présentation d'une exposition sur l'antisémitisme. Après 3 ans d' activité réduite, le comité de Sarcelles relance son action et constitue un nouveau bureau. RÉACTIONS Paris, le 6 avril, un adolescent est mort tué par balle pendant son interrogatoire dans le commissariat des Grandes Carrières dans le 18ème arrondissement. Le MRAP a appelé à un rassemblement le 7 avril pour dire "non à la banalisation des bavures policières". Nord, le 7 avril à 4 heures du matin, un jeune homme de 17 ans est blessé d'une balle dans la tête par un policier qui l'avait pris en chasse sur un terrain de sport à Wattrelos. Rachid n'était pas armé et ne manifestait aucune agressivité. Le MRAP appelle à observer une minute de silence à la mémoire de la victime. Norbert Haddad 7 EN BREF L'AFFAIRE ROSENBERG LETTRE A M. CLINTON Il Y a quarante ans, le 19 juin J 953, Ethel et Julius Rosenberg étaient exécutés sous l'accusation d'avoir livré le secret de fabrication de l'amle atomique à l'URSS. C'était le temps de la guerre froide. Déjà, à l'époque, entre la condamnation à mort et l'exécution des époux Rosenberg. des juristes américains avaient soul igné combien le procès avait été entaché d'irrégularités et le jury soumis à de fortes pressions anticommunistes dont les Rosenberg ont été les boucs émissaires. A l'initiative du "Groupe d'initiative pour le réexamen de l'affaire Rosenberg" composé notamment de personnalités du MRAP, une lettre a été envoyée au président des Etats-Unis afin que tous les éléments du dossier soient étudiés avec la sérénité que suppose la fin de la guerre froide. Cette lettre a été signée par plus de cent cinquante personnalités appartenant aux tendances politiques les plus variées et aux domaines de la vie sociale les plus divers. Entre autres, ci tons Maurice Schumann de l'Académie Française. Dominique Baudis, André Lajoinie, Jacques Berque, Serge Klarsfeld, Françoise d'Eaubonne ... Un débat est organisé le 10 juin à Paris en présence des premiers signataires. LE MUP VOYAGE EN LANGUE BAMBAU En décembre 1991. Différmces présentait le projet du comité local des Mureaux concernant l'édi.tion d'un ouvrage pour l'enseignement de la langue et de la culture bambara. Ce projet est aujourd' hui réalisé.: le CL et r association malienne Ben Ka Di pubiient cet ouvrage intitulé BAABU NI BAABU ( DE TEXTE EN TEXTE) qui devrait intéresser les locuteurs du bambara en France, en particulier la communauté malienne, mais aussi les ONG africaines qui travaillent à la maîtrise des langues verna, culaires en Afrique. Cet ouvrage est le résultat d'une action de longue haleine et le fruit d'un large partenariat dont la toile de fond avait été tissée avec les parents d'élèves. Dès 1991 , un cours de bambara avait été mis en place en direction d'enfants de l' école primaire avec la précieuse collaboration pédagogique de deux enseignants de J'Institut national des langues orientales (INALCO), Gérard Dumestre et Ismalll Maïga. Très vite, la nécessité d'un livre pédagogique d'enseignement du bambara. inexistant aussi bien en France qu'au Mali. s'est fait sentir comme une urgence. Le comité local du MRAP des Mureaux a coordonné les contributions de plusieurs partenaires. Ainsi, des subventions ont été accordées par le FAS-Ile de France, la ville des Mureaux, l'Agence de Coopération culturelle et technique. le ministère de la Coopération. Une chanteuse malienne, Comba Sidibe, a offert son concours artistique et financier. L' illustration du livre a été réalisée par Caroline Hawkins. BAABU NI BAABU, édité à 2000 exemplaires, est en vente au siège du MRAP pour la somme ~de 60 francs + frais de port. INTERVIEW DE JACQUELINE COSTA-LASCOUX LE DROIT A L'EXPRESSION RELIGIEUSE DANS UNE SOCIETE LAIQUE Jacqueline Costa-Lascoux, directeur de recherche au CNRS, a coordonné plusieurs chapitres des travaux de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme pour le rapport annuel de 1992. Elle nous a accordé un entretien consacré essentiellement aux questions liées à la laïcité et à l'expression religieuse, en particulier de la religion musulmane. Pour elle, la philosophie des droits de l'Homme doit être opératoire et la laïcité assurer les libertés de tous L'inclusion de la lutte contre le racisme dans la lutte globale contre les exclusions semble désormais s'imposer dans toutes les analyses sérieuses. Quels effets peut-on attendre de cette mise en perspective? Cette mise en perspective répond de manière constructive à la critique trop négative qui a été faite contre certaines formes d'antiracisme. La critique était nécessaire mais il ne faut pas, du coup, tout rejeter. L'effet pervers de l'antiracisme consiste précisément à trop limiter le champ d'intervention à l'action en justice, ce qui engage à s'inscrire dans une vision simpliste et manichéenne des auteurs et des victimes du racisme. On risque d'aggraver le racisme en centrant l'action antiraciste sur certaines catégories de la population que l'on les désigne constamment comme victimes réelles ou potentielles du racisme. Les associations elles-mêmes ont fait leur propre autocritique et mené une réflexion sur leurs modes d'action contre le racisme. En ce sens, le rapport de la CNCDH auquel les associations ont participé à part entière est la meilleure réponse aux critiques qui leur sont faites. Cette volonté d'inclure la lutte contre le racisme dans une philosophie positive des droits de l'Homme a d'ailleurs été perçue, notamment à l'étranger, comme une originalité, une exemplarité des travaux de la CNCDH. Les moyens de la connaissance des phénomènes de la discrimination et les outils pour combattre le racisme s'en trouvent élargis. Dans la mesure où ils sont davantage connus par nos amis d'autres pays d'Europe, un combat en commun peut être envisagé. sans discrimination. Arguments. En quoi cette connaissance estelle importante? Parce que nous avons beaucoup de mal à sortir des traditions nationales en matière de lutte contre le racisme. Ce travail nous rend plus crédibles pour faire émerger une action européenne commune contre le racisme. La philosophie des droits de l'Homme apparaît comme le centre de gravité de vos recherches. Comment peut-on articuler cette philosophie avec la réalité? La méthode de travail adoptée par la CNCDH avait justement pour but de répondre à la question: est-ce que les droits de l'Homme sont opératoires dans une situation de crise sociale? Ce qui induit que la philosophie des droits de l'Homme ne soit pas réduite à un discours emblématique fait de bonnes intentions et de pétitions de principe qui, au passage, peuvent devenir des alibis. Autrement dit, il s'agit de savoir si la philosophie des droits de l'Homme peut entrer dans la réalité et changer ces réalités lorsqu'elles ne sont pas satisfaisantes. A propos de la partie du rapport consacré au droit à l'expression religieuse dans une société laïque, on peut a priori être surpris de voir que la Commission se soit intéressée d'une manière aussi attentive à cette question. Quelles ont été les motivations d'une telle attention? Vous exprimez là une interrogation fondamentale. Le thème a 8 été débattu de manière extrêmement riche et intéressante parce que contradictoire. Certains membres ont relevé que la religion devenait de plus en plus objet d'injures et de comportements racistes; c'est particulièrement vrai pour l'Islam et le Judaïsme; d'autres membres ont souligné que la Commission devait se pencher sur la question de la laïcité parce que certaines formes d'expression religieuse n'arrivent pas à s'exprimer librement dans la société française. Face aux nouvelles demandes de l'expression religieuse, il nous fallait essayer de savoir si les institutions françaises offraient des réponses appropriées. La forme de travail que j'ai proposée a été adoptée et cela s'est remarquablement bien passé avec la participation active tant des laïcs que des plus hauts dignitaires des différents courants religieux. Nous avons expérimenté ce que pourrait être une véritable tolérance entre croyants et non croyants. Au bout du compte, nous avons montré que la laïcité n'est pas une philosophie fermée et discriminatoire. L'expression religieuse est douée d'un certain particularisme qui n'est pas comparable à d'autres types d'opinions; la laïcité ne tend pas à le gommer mais à le situer dans un espace des libertés de tous. Quelle a été cette méthode de travail? Notre méthode a consisté à mettre à plat les différentes revendications et les circonstances dans lesquelles les uns ou les autres se sentaient victimes du racisme pour des raisons religieuses. Nous avons défini pour cela trois champs: 1°) Le temps de l'expression religieuse; 2°) Les lieux de culte; 3°) Les signes extérieurs et les pratiques. A chaque séance, nous examinions les différentes revendications en essayant de voir ensemble ce qui est compatible et ce qui ne l'est pas. Pouvez-vous donner un exemple? L'une des demandes consiste à exempter des élèves d'écrire ou même d'aller à l'école le samedi matin; une autre consiste à vouloir respecter d'autres fêtes religieuses que celles qui sont inscrites au calendrier du vieux pays chrétien qu'est la France. Il va de soi que toutes les fêtes des religions représentées en France ne peuvent pas donner lieu à des jours fériés. Aussi ai-je proposé que chaque individu puisse disposer d'un certain nombre de jours fériés qu'il célèbrerait à sa guise, un "crédit de jours fériés". Il faut que l'on accepte que les fêtes puissent être célébrées par les individus qui le souhaitent sans que cela gêne les institutions et la vie en collectivité. Cependant, vouloir tout célébrer n'est pas compatible avec la diversité des croyances. On voit ainsi apparaître le droit fondamental des individus à honorer leurs convictions et la nécessité d'une reconnaissance de mouvements qui, collectivement, désirent célébrer certaines fêtes, mais dans le même temps, il faut respecter des règles d'ordre public et le principe de laïcité, c'est-à-dire de la neutralité des institutions publiques : la CNCDH s'est gardée de position maximaliste: on doit respecter le droit des personnes en même temps que l'on négocie avec les différentes institutions représentatives pour éviter une cacophonie dans laquelle plus rien n'aurait de sens et tout serait occasion de conflit. C'est là que l'Islam, ne disposant pas d'institution représentative, pose problème ... Les mouvements religieux qui n'ont pas d'institutions représentatives ont beaucoup de mal à se faire entendre. Nous l'avons amplement constaté pour les lieux de culte comme pour le temps de l'expression religieuse. L'intérêt d'une institution représentative réside dans le fait qu'elle parle au nom de toute une collectivité et qu'elle garantit le bon fonctionnement des contrats passés entre partenaires responsables. Les discussions que nous avons eues avec le représentant de la Mosquée de Paris, qui est une institution importante bien que non représentative de tous les courants musulmans, ont montré qu'il y avait un travail à faire: pour, pour respecter la laïcité et présenter des aspirations et des revendications examinées av:ec les institutions. Quand on est dans une laïcité fondée sur les libertés de chacun, des libertés compatibles, dans cette perspective, les droits de l'Homme sont une philosophie positive. Car, même ceux qui présentaient des revendications très précises ont dû reconnaître que certaines ne peuvent pas être satisfaites parce qu'elles contrarient d'autres revendications et porteraient atteinte à la liberté d'autrui. Un autre exemple de revendication discutée? Certains demandent qu'un enseignement religieux soit donné à l'école. Il peut, certes, y avoir des aumôneries, mais si cela est reconnu pour une religion il n'y a pas de raison pour que cela ne le soit pas pour les autres. Mais la discussion a aussi montré que les religions avaient elles-mêmes à faire un travail considérable pour s'adapter à des sociétés où les individus demandent à ce que l'on respecte la pluralité de leurs convictions y compris l'athéisme et l'agnosticisme. Un professeur de l'école publique est habilité à enseigner l'histoire des religions mais il n'est pas un prédicateur ni un officiant. L'islam pose-t-i1 davantage de problèmes que les autres religions en France? L'Islam pose problème pour les questions de représentativité et de statut personnel mais des solutions satisfaisantes existent. INTERVIEW DE JACQUELINE COSTA-LASCOUX En ce qui concerne les tombes musulmanes, par exemple, on peut parfaitement accepter qu'elles soient orientées vers La Mecque conformément aux préceptes de l'Islam; mais "les carrés musulmans" ne doivent pas devenir des cimetières séparés parce que cela serait assimilé à des pratiques discriminatoires. Selon les résultats du sondage étudiés par la Commission, les Français acceptent les lieux de culte musulmans mais à condition qu'ils se trouvent plutôt loin de chez eux ... Quand l'édifice ressemble à la grande Mosquée de Paris, tout le monde est admiratif: c'est un édifice de haut niveau architectural qui fait partie du patrimoine national. On sait que là se trouvent des théologiens. Ce qui fait peur ce sont les petites mosquées dans des locaux associatifs qui servent à "on ne sait quoi". Il Y a enfin et surtout la crainte d'une organisation et d'un financement par des puissances extérieures: on glisse dangereusement du religieux au politique. Dans ce cas, ce n'est pas l'Islam qui pose problème mais certaines formes d'expression politique qui se servent du culte pour des activités politiques. La création d'un organisme musulman représentatif semble aller de pair avec une certaine adaptation de l'Islam à un contexte laïc ... Il faut être clair: la demande d'une instance représentative est importante dans notre société; aussi importante que le respect des principes de laïcité et d'organisation publique des cultes. Certaines formes d'expression religieuse peuvent créer des réactions négatives: l'appel du muezzin au lever du soleil, c'està- dire à cinq heures du matin en été, en utilisant un haut-parleur, ce n'est pas possible dans nos villes. La question des pratiques extérieures a aussi été discutée chez les bouddhistes de France qui ont adapté certaines de leurs formes d'expression au contexte français. Bien que le bouddhisme ne soit pas une religion unitaire, toutes les Ecoles se sont fédérées et ont cherché à respecter les règles de vie en France; par exemple, ils ont compris que la mendicité des moines, pieds nus, le crâne rasé, pouvait choquer la société française. Pour s'adapter au contexte, ils ont fait entrer la pratique de l'aumône à l'intérieur des pagodes. La laïcité est une grande chance pour approfondir l'aspect philo- 9 sophique et la vie spirituelle intérieure d'une conviction. Elle permet de relativiser les signes extérieurs et contingents de la religion. Les musulmans de France vivent dans un climat marqué par une islamophobie permanente .•. Oui, et les intégrismes nourrissent ces formes de rejet de l'Islam qui sont bien réelles. Les Français ne savent pas assez qu'il existe dans la communauté musulmane suffisamment de croyants qui veulent défendre les droits de l'Homme. Si l'on n'entend que les intégri stes qui crient plus fort que les autres, on ne trouvera pas de solution. y a-t-il eu une évolution depuis dix ans? Le principe même de la nécessité d'une instance représentative est aujourd'hui acquis en tant que tel. On ne fait plus comme si l'Islam n'existait pas; ceci est une évolution positive. Plusieurs formules sont en débat. Je pense qu'une fédération des musulmans de France, à la manière de l'Union des bouddhistes de France serait une bonne solution. Mais il est préférable d'attendre que cela mûrisse à l'intérieur de la communauté.Ce n'est pas à l'Etat français de prendre parti pour telle ou telle tendance. Il s'agit de favoriser une large concertation qui permette de préciser à la fois les revendications religieuses et les règles de la laïcité. Le statut de la femme en Islam focalise avec insistance l'attention de l'opinion ... Quand pensez- vous? Je souhaiterais personnellement que les femmes musulmanes puissent s'exprimer aussi. Elles ont des choses à dire sur l'évolution de l'Islam. Certaines d'entre elles pensent que le statut de la femme en Islam s'est beaucoup dégradé ces dernières années dans certaiIls pays musulmans. Il serait tout à fait regrettable que ces femmes soient mises à l'écart, mises entre parenthèses de l'évolution de l'Islam au contact d'une société laïque à la française. Mais comment combattre la masse de stéréotypes et d'ignorance qui pèse su l'Islam et les musulmans de France? Quand la radio et la télévision diffusent des émissions religieuses sérieuses, quand des personnes qui n'ont aucun lien de proximité avec l'Islam entrent à la Mosquée de Paris, quand elles visitent une exposition à l' Institut du monde arabe, la tolérance s'impose d'elle-même. Il va de soi que si une instance se proclamant représentative des musulmans de France et s'arrogeant de ce fait un pouvoir, faisait des discours laudatifs sur la polygamie ou sur l'infériorité des femmes, ce serait une vraie catastrophe. Je ne suis pas sûre que l'image que donnent certaines écoles coraniques, avec leurs méthodes de séparation des filles et des garçons ou de châtiments corporels, soit l'image souhaitée par les musulmans. Les représentations et les pratiques discriminatoires doivent être combattues d'où qu'elles viennent, c'est cela la philosophie des droits de l'Homme. Qu'attendez-vous de ces travaux? Pour le moment, je constate que ce qui était finalement le plus original dans le rapport de la CNCDH n'a pas retenu l'attention des médias c'est-à-dire la méthode de travail qui, non seulement nous a fait progresser dans l'intelligibilité des problèmes, mais nous a aussi donné du bonheur à travailler ensemble. Ceci n'a malheureusement pas été compris. C'est aussi là que réside le déficit démocratique de la société française. Si les débats de la Commission avaient été enregistrés et diffusés par la télévision, ils auraient eu un effet remarquable sur l'opinion et sur les hommes politiques qui , toutes tendances confondues, ne croient pas au caractère opératoire des droits de l'Homme dans la lutte contre les inégalités et l'exclusion. Pour quelles raisons passe-t-on ainsi à côté des vraies nourritures de l'esprit? On passe ' son temps à parer au plus pressé. On n'anticipe jamais. Plus la réalité devient conflictuelle, plus on est pris dans le mécanisme de la réponse à l'urgence; en fait on s'enferme dans un cercle vicieux. Pourtant, il est plus que nécessaire de se donner les moyens de la réflexion pour une action à long terme. Les mesures prises dans l'urgence ne peuvent plus faire illusion. Interview réalisée par Chérifa Benabdessadok SALON DU LIVRE ANTIFASCISTE DES LIVRES POUR UNE INTELLIGENCE FRATERNELLE Un salon du livre antifasciste organisé à Paris, les 8 et 9 mai derniers, à l'inititative de l'Appel des 250 et du journal Ras l'Front, avec le soutien de nombreux éditeurs, écrivains, revues et associations, a été un franc succès. Le Mrap y a tenu un stand animé par des militantes durant les deux journées. L'originalité ne fut pas la moindre des qualités de cette action qui répondait comme en écho lointain à la fondation à Paris, le 10 mai 1934, de la "Bibliothèque allemande de la liberté" par des écrivains antifascistes allemands en exil. Mémoire donc, du fascisme et de l' antisémitisme nazi, mais aussi des massacres dictés par les guerres coloniales comme l'a souligné avec conviction et argument Benjamin Stora. Convivialité aussi et plaisir de la vie avec un dîner-cabaret et un superbe concert de jazz(l). Mille quatre cents personnes, selon les organisateurs, ont visité le Salon et une initiative du même genre serait à l'ordre du jour à Bordeaux. De nombreuses questions ont été formulées lors des quatre forums animés essentiellement par des auteurs; d' où, peut-être, le caractère plutôt serein des débats, malgré les divergences de fond ou de forme qui s'imposent lorsque l'on touche à des faits de société qui impliquent l'engagement politique ou philosophique des personnes. Ces quatre forums avaient respectivement pour thèmes : "Auteurs et éditeurs contre le fascisme" avec François Gèze, René Monzat, Maurice Rajsfus , Alain Bihr, POUR TOUT SAVOIR sur ce qui se sait ... Une bibliographie complète a été établ ie par la librairie Le point du Jour intitulée Eléments bibliographiques sur le fascisme. Elle est construite en quatre entrées : 1 - L'extrême droite en France ; 2 - Etat français, pétainisme, collaboration; 3 - Le nazisme ; 4 - Nationalisme, xénophobie, racisme et antiracisme. Ce document est disponible (10 francs pour renvoi par correspondance) à la librairie Le point du Jour. 58 rue Gay-Lussac, 75005. tél: 43 2620 17 Alain Bellet et Roger Martin; "Mémoires du fascisme en France, l'historien, les archives et l'Etat" avec Sonia Combes, Adam Rayski, Rita Thalmann, Jean Lévy et Benjamin Stora; "Langages et fascismes" avec Patrick Tort et "Engagement des intellectuels contre le fascisme" avec Henri AlIeg, Gilbert Badia, Gilles Perrault, Didier Daeninckx, Danier Bensaïd et Michel Naudy. Des constats, des hypothèses, des contradictions ont été exposés sans jamais perdre de vue la question centrale du salon : comment rendre plus intelligible et plus efficace la lutte contre la pratique et l'idéologie de l'extrême droite, potentiellement porteuses de quelque chose qui ressemblerait aux fascismes que l'Europe a connus? QU'EST-CE QU'UN LIVRE ANTIFASCISTE? Denis Langlois écrivait, un peu comme en introduction au sujet: "Le livre est la meilleure et la pire des choses. C'est à peu près le même papier, les mêmes caractère d 'imprimerie, mais il y a des livres qui appellent à la haine et d'autres à l'amour. Des livres qui plongent dans les égouts et d'autres qui escaladent le ciel. Des livres qui incitent à massacrer ses voisins et d'autres à leur tendre une main fraternelle". Et d'ajouter: "Et, quand la nuit devient un peu trop sombre, (le /ivre antifasciste) c'est celui qu'on peut brûler non pas pour le faire taire, mais pour s'en servir de torche, en détachant délicatement les pages une à une "(2). Pour Alain Bihr, dont nous avons publié une interview dans notre dernier numéro, les livres-enquêtes ou les livre-analyses sur le Front national répondent à la nécessité d'aller plus loin que la simple dénonciation de ce parti comme "raciste". Il s'agit d'éclairer l'arrière-plan sociologique mais aussi de tenter de répondre à l'ampleur des défis que l' émergence du FN provoque. Ces défis étant tous aussi redoutables les uns que les 10 autres: crise du mouvement ouvrier, crise de la forme nationale de l' Etat, crise du sens ou de la représentation dans un ordre symbolique. François Gèze, directeur de La Découverte, a, pour sa part, exprimé sa gêne, partagée par d'autres intervenants, quant à l'utilisation du terme "antifasciste": pour lui, la comparaison entre la période actuelle et celle de la montée des fascismes dans les années 30, supporte l'idée que les différences l'emportent sur les ressemblances. Les arguments développés durant ce premier forum montrent deux caractères intéressants concernant l'édition-diffusion des livres sur le FN et l'extrême droite: d' une part, malgré ce que l'on croit reconnaître comme une crise de l' édition et une baisse de la lecture, ces publications ne se vendent pas trop mal; à titre d'exemples: "Face au racisme" (P-A. Taguieff), 10000 exemplaires vendus; "La France raciste" (M.Wieviorka), 12000 exemplaires. Pourtant ces ouvrages ne sont ni faciles à lire ni bon marché. D'autre part, les risques encourus par l ' édition de tels ouvrages ne sont pas aussi importants que ce que l'on pourrait croire a priori. Le parcours n'est pas toujours facile, notamment en termes de risques judiciaires, le FN prenant un malin plaisir à attenter une kyrielle de procès à l'encontre de la presse mais aussi des auteurs et éditeurs de livres; ce qui a d' ailleurs obligé La Découverte à publier "Le Front national, l'argent et l'establishment" avec trois ou quatre pages blanches, dans lesquelles était initialement mis en cause un groupe hôtelier proche du FN lequel aurait fait une telle pression sur le témoin apportant la preuve des faits que celui-ci s'est rétracté. Face à ce type de problèmes, les auteurs semblent défendre le principe que les règles du jeu sont les mêmes pour tous, fascistes ou graines de fascistes inclus : la preuve de la vérité des faits doit être donnée ou bien ces faits n'existent pas. DES CHAPITRES OUVERTS On ne peut que partager la foi de René Monzat dans le livre qui reste le support principal pour dire des choses approfondies et argumentées. La société française est ainsi faite et la diversité humaine telle que "tant de gens vivent très bien sans jamais ouvrir Le Monde alors que pour d 'autres sa lecture quotidienne paraît indispensable". En fait, nous disait-il, " les livres s'adressent à quelques milliers de personnes qui s'emparent des argumentaires et des connaissances qui leur sont livrés pour faire de l'action politique ou sociale, ou pour écrire à leur tour ". Et c'est là, semble-t-il, que se dessine l'espace de la circulation indispensable entre le monde décrit et analysé par les li vres et celui dans lequel nous vivons et agissons au jour le jour. Auteur et militant, René Monzat insiste sur la résistance à la pression qui consiste à gommer les différences idéologiques. "Ma double activité, ajoute-t-il, correspond au besoin de transformer les manifestes en action et les actions en manifeste. Afin, notamment, de nourrir notre vision de la société et de nousmêmes ". De nombreux autres chapitres ont été ouverts à la discussion : en particulier, la question de l'accès aux archives avec deux sujets : la "balade" encore incompréhensible des fichiers des Juifs établis par Vichy et la non-accessibilité aux archives de la guerre d'Algérie; quant à l'engagement des intellectuels, les intervenants ont notamment souligné la nécessité de redéfinir ce terme en fonction de l'évolution de la société et des progrès redoutables de l'exaltation du nationalisme. (1) Avec : Michel Benita, Simon Marais, Aldo Romano, Sylvain Kassap, François Corneloup, Marc Buronfosse, David Pouradier, Duteil, Henri Texier, GIenn Ferris, Nicol as Geneste, François Merville (2) Dossier-présentation du Salon, supplément à Ras l'front n° 12 Chérifa Benabdessadok LANGAGE ET STRATÉGIE COMBATTRE AVEC LES MOTS Patrick Tort assure la direction d'un Dictionnaire du Darwinisme à paraître prochainement aux Presses ' universitaires de France. Il a publié récemment avec Lucien Bonnafé (et le soutien du Mrap) un petit ouvrage intitulé "L'Homme, cet inconnu? Alexis Carrel, Jean-Marie Le Pen et les chambres à gaz"(1). Ce travail est consacré à un personnage controversé, A. Carrel, qui a créé et dirigé sous l'autorité de Pétain une "Fondation française pourl'Etude des Problèmes humains", à destination eugéniste et raciste selon les auteurs. Nous avons interrogé P. Tort durant le Salon sur sa manière d'aborder la question des races (et du langage antiraciste) qui diffère sensiblement de celle d'Albert Jacquard, notre référence à tous. Les développements de P. Tort, qui n'engagent que lui, méritent d'être entendus par les lecteurs de Différences. Vous vous opposez violemment à l'idée que les races n'existent pas. Pourtant, c'est là un argument souvent proposé par des scientifiques de renom; et un argument fort, par contrecoup, pour les militants antiracistes. Vos propos détonnent. Que voulez-vous dire aujuste? Patrick Tort : Dans un texte que j'ai publié récemment(2), j'ai fait la mise au point sui vante: Le biologiste sait aujourd ' hui qu'aucune race "pure" n'existe ailleurs que dans l'imaginaire raciste. Mais il sait aussi, s'il est naturaliste, que les races (sous-espèces ou variétés) existent dans l'espèce humaine avec la même nécessité évolutive que dans n'importe quelle autre espèce animale. Il sait enfin que le mélange interethnique est toujours bénéfique (luxuriance des phénotypes, vigueur hybride, etc). Un raisonnement particulièrement naïf de certains chercheurs (hémotypologistes, généticiens des populations, démographes férus d'anthropologie biologique ,tous praticiens assermentés des méthodes quantitatives) a pourtant cherché à établir que la condition fondamentale de possibilité du racisme étant l'affirmation même de l'existence des races humaines, il suffisait d'en finir avec la race pour que tombât du même coup ce qui était pensé comme sa conséquence idéologique directe

l'idée d'un rapport naturel

d'inégalité entre celles-ci. Vite trouvée, la solution parut radicale. Chiffres en mains, ces chercheurs prouvèrent que du point de vue des constituants les plus fins de la biologie humaine, les distances raciales apparentes étaient négligeables ou non significatives. La sélection de critères appartenant à des niveaux bien inférieurs à celui de l'individualité phénotypique globale assurait la relativisation escomptée. Peu importaient la couleur de la peau, la texture des cheveux et tous les autres critères "visibles" ou "vécus", puisque l'invisible, le déterminant caché -forme moderne phantasmée de l'intime essence des êtres et forme ordinaire de l' hyper réductionnisme- av ait statué sur leur secondarité, voire leur insignifiance. Le racisme était un non-sens puisque la race n'existait pas. Mais alors, si par hasard, il advenait qu 'au regard d'autres critères tout aussi isolables et pertinents, la race existât quand même, le racisme redevenait- il dans ce cas normal et légitime? Que peut valoir une argumentation qui, effectuant une réduction de champ vertigineuse dans l'analyse d'une réalité (la race visible), entend supprimer ou réduire à une simple apparence à son niveau d' appréhension ordinaire (sa visibilité) pour délimiter un problème qui l'affecte précisémen t à ce niveau ? Le rejet de la race - quels que soient par ailleurs l'extrême précarité sémantique et taxinomique de cette notion et son degré de sursaturation idéologique se réduit en fait à ce que la psychanalyse nomme comme un déni de ré,alité, qui se paiera, tôt ou tard, d'un retour perturbant de ce qu' il refoule. Il eût été plus simple, plus juste, plus réaliste et plus généreux de reconnaître les races et de les aimer. 1 11 Vous appelez à la méfiance face à des mots piégés (identité, racines, patriotisme, etc) et face à d'autres qui sont empruntés au registre de la maladie (gangrène, cancer ... ). Faudrait-il abandonner, dans leur usage métaphorique, ces mots "raptés" par l'extrême droite et la nouvelle droite? Sinon, quelle stratégie mettre en oeuvre sur le terrain des mots? Patrick Tort: Certains termes sont toujours malheureux ou dangereux. C'est le cas de ceux qui assimilent la société à un organisme, donc la société en crise à un organisme malade, donc à un organisme qui doit être purgé ou imputé, ou débarrassé de ses parasites, etc. Ces traits culminent dans le discours de l'hygiène raciale allemande et le vocabulaire hitlérien. Il faut les abandonner non seulement comme dangereux, mais comme impropres (une société n'est pas un organisme, etc). D'autres ont pu porter à une certaine époque le sens d'une résistance à l'oppression, mais ont été en même temps les mots de la future oppression elle-même : voir l'Italie du tournant du siècle et le sens qu 'y prirent les références aux "racines" ou aux "sources" de la "romanité" . Mussolini n'était pas loin. Le mot "identité" est connoté de façon dominante aujourd'hui par la tradition énonciative de l'extrême droite. Il est donc préférable d'éviter son usage non critique. Toute référence au passé comme prescripteur d'avenir (car c'est ça l'identité) est toujours lourde d'un développement totah taro-réactionnaire possible -même dans la bouche des plus convaincus des "progressistes", et malgré eux . Le vocabulaire de l' "héritage" perdu et retrouvé, du "retour aux sources", de la "pureté des origines", issu de convictions irrationnelles, a produit malheureusement plus que des discours. Le vocabulaire militant anti-fasciste et antiraciste, examiné sous cet angle, aurait sans doute luimême intérêt à pratiquer au plus vite, pour accroître son efficacité réelle et pour éviter tout détournement, une sérieuse auto-analyse. (1) 1992, Syllepse,41 rue J-P .Timbaud, 75011 Paris (2) in Les cahiers du Renard nO 130 Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok UNE ECRITURE QUI TUE? " Une bête, c'est quelque chose de fort, de terrible, de dévastateur. Le mot rend un son barbare. Mais croit-on pouvoir combattre la barbarie en jouant l'ange? Ce serait vouloir parer un coup de sabre avec un po.ignet nu? Il faut s'en pénétrer: la bonté aussi doit blesser. Blesser la sauvagerie ... Comprenez-moi, je ne dis pas que nous devons aller tuer Hitler. Ce serait bestial, mais pas intelligent. Cependant, il faut employer des armes meurtrières, sinon la pègre vivra jusqu'à la fin des temps, du moins de notre temps. Comment avoir, nous écrivains, une écriture qui tue?" Bertold Brecht La Bête intelligente est dangereuse APPEL A SOUSCRIPTION Chers amis et lecteurs, Les appels au soutien financier sonl communs au MRAP et quasi rituels, sÎ bien qu'ils finissent par passer inaperçus. on se dit: .. le MRAP a des problèmes de fin de mois, el comme toujours il finira par s'cn sortir", Sauf, que de difficultés cn difficultés. d'année difficile en année difficile la situation devient intenable. La baisse des subventions publiques, la stagnation de nos ressources propres. notamment par le maintien du montant de l'adhésion depuis 5 ans, se conjuguent avec un engagement toujours plus important et diversifié de notre Mouvement ce qui menace notre existence même. Face à cette situation des mesures difficiles de réorganisation du siège ont été prises. elles passent malheureusement par te licenciement du tiers de nOIre personnel. Mais ces mesures ne suffiront pas. Il a donc été décidé de demander au1t Comités Locau1t, outre le développement, et la mobilisation qu'il va nOLIS falloir accroître, au1t adhérents du MRAP et lecteurs de Différences, d'organiser et de porter une grande souseription auprès de nos nombreux sympathisants. Bien sOr il s'agit là d'une campagne financière qui vise l'Objectif de recueillir lin demi million de francs polir le mois de sepumbre prochoi/l ; mais ce sera aussi un travail de popularisation du MRAP qui insistera sur l'idée que la luite contre le racisme ne saurait. surtout dans le conte1tte actuel, se priver de l'instrument que constitue notre Mouvement. Un certain nombre de Comités Locaux, Adhérents. Sympathisants Personnalités. membres de notre Comité d'Honneur ont déjà soutenu cette initiative tels Henri ALLEG, Jacques BERQUE, François GREMY, Georges HOURDIN, Charles PALANT, Laurent SCHWARTZ, Jean SURET CANALE, Michel VOVELLE. Bernard ZEHRFUSS: et déjà, les premières souscriptions ont rapporté à notre Association la somme de 55 050 Francs. Grâce à vous celle campagne sera un succès, NOS COORDONNEES BANCAIRES ET POSTALES SONT LES SUIVANTES: GMF8 VERSAII.LES CpTE N° 02231072110n3 AGENCE N° 00002 CCP CODE ETS 30041 CODE GUICIIET 00001 CPTE N°I482585L020n3 PREMIERS SOUSCRIPTEURS CmtlTÉS LocAux: AGEN 2000 p, ALBY 5000 p, ANNECY 1500 F. BAGNERES DE BIGORE 5000 F, BAGNOLET 500 F, BEAUSOL.EtL. 1000 F,BoROEAUX PTT 1000 F, BREST 1000 F, EPINAY 1500 F, GRENOBLE 500 F, MACON 2000 F, MENTON 2000 F, NANCY 1000 F, PAU 1000 F, TOULOUSE 300 F, VINCEN!\'ES 3000 F, VIROFLAY 500 F, VOIRON 2000 F. NL\{ES 1000 F, FtOERATIONS: GARD 1 000 F. ESSONNE 10 000 F AI IU~KEl\'TS ET SVMPATIUSAl\"l'S : AUXENFANS 1000 p, BAINAUD 650 F, BELLER 200 F, BERQUE 200 F, BILLOT 1000 F, BRON 100 p, CUCK 200 F, DESCRIVAIN 200 F, FORGEOT 200 F, FOUILLOT 100 F, GOLDFAND 250 F, GORIN 200 F, GREMY 1000 F, GRILLO 500 F, J. 1000 F. HUISMAN 800 F. LABADQ-MARTINEZ 50 F, LAFON 500 F, MAIRE 200 F, MAUDRY 500 F, MAUSS 500 F, MENDES FRANCE M.C 500 F, MICHALOWICZ 200 F, NOVAT 500 F, PALANT 1000 F, PETILLOT 100 F, SALARDAINE 100 F, VOVELLE 500 F 12 LES CHANTS DE ROBERT OESNOS Un s pectacle poé tique Robert Desnos est donné par le Studio Alain de Bock les 13 (à 16 heures), 14 et 15 juin (à 20h30) à l' ACNAV. 3, rue Amyot, 75005 Paris. Ce poèle prolixe et tendre, surréaliste el résistant, ami d'Eluard, d'Artaud el de Picasso méritait un spectacle chaleureux et réconfortant, en ces temps gris. L'accordéon accompagnera, en intennèdes, les textes du poète qui seronl dits par des comédiens disséminés parmi les spectateurs. Vous pourrez vous y mêler pour la modique somme de 25 francs en r éserva nt votre place par téléphone au siège du MRAP. 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex 11 Tél.: 48068800 Télécopie: 48 06 88 01 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole Martial Le Nancq • Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok • Administration· gestion Patricia Joulwmet • Journaliste Suivi de fabrication Isabelle A vran • Publicité aujoumal • Abonnements Isabel de Oliveira • Mise en page Areo · Tél.: 48 501811 • Impression Montligeon TéL: 33 858000 • Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1992-10

Notes

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