Différences entre les versions de « Droit et Liberté n°310 - février 1972 »

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    • Editorial: Violence et jeunesse par Albert Levy
    • Société: mort à Toulouse (antisémitisme) par Marguerite Kagan
    • Du danger d'être guadeloupéen par Janine Langiert
    • Coupables d'être gitans par Laure Fresneau
    • Quelque part en France par Pierre Crepel
    • Le bidonville a tué cinq fois par Marie-France Sottet
    • D.O.M. le temps du mépris par Joby Fanon
    • Qui protège Klaus Barbie par Louis Mouscron
    • Les cratères, les marguerites et les hommes par le Dr Arlette Solomon-Carpentier (Indochine)
    • Apartheid: une attitude incroyable (abstention française au vote du conseil de sécurité)
    • Dossier: Le racisme devant la loi
      • Pour une protection décente des minorités ethniques par Fred Hermantin
      • Impuissance de la législation présente par Me Armand Dimet
      • Les discriminations légales contre les travailleurs immigrés par Me Manfred Imerglik
    • Civilisation; la découverte de la Polynésie par Marie-Jean Beraud-Villars
    • Livres: le fascisme dans son époque de Ernst Nolte présenté par J.C Labracherie
    • Education à la Fraternité: Halte au racisme; interview de Daniel Trarbach de la J.O.C. recueilli par Anne-Marguerite Nouailhac


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~ \0 LENC ::.- 2 La manière dont je vis Je n'ai que seize ans et je suis lycéenne . Depuis des années, tous les sentiments, tous les faits racistes me choquent profondément et me révoltent. J'aimerais pouvoir faire quelque chose contre ce que je considère comme un fléau: le racisme . J'essaie bien de lutter, mais, seule, que puis-je faire? Je ne puis que montrer aux autres la manière dont je vis. Les trois quarts de mes amis étant des juifs, des Nord-Africains ou des Espagnols ; l'autre quart étant formé d'un peu de toutes les couleurs, d'un peu de toutes les nationalités. Si j'ajoute que je suis petitefille d'immigrés espagnols, illettrés, vous comprendrez, je pense , pourquoi je lutte contre toutes les formes d'oppression. Si je me propose d'adhérer au M.R .A.P., c'est que j'espère pouvoir vous servir (je peux toujours coller des affiches!) . Marie-Cécile PLÀ, 94-lvry. Tirer dans le tas •.. Je passais ce matin rue Charles-III et me suis un instant trouvé mêlé à la foule nombreuse et animée qui assistait, comme au spectacle, aux manifestations diverses et dangereuses des détenus, juchés sur le toit de la prison. A un moment, non loin de moi , un propos jaillit : « A part quelques Français, il n'y a que des Bougnouls et des Polaks là-dedans ; on pourrait envoyer les C.R.S.» Et les voisins de surenchérir violemment

« Au temps des Allemands,

cela ne se serait pas passé comme ça» . Je suis parti sans essayer d'intervenir ... Mon propos n'est pas d'émettre une appréciation sur les événements de la prison Charles-III à Nancy. Nombreux sont ceux qui affirment (et le ministre de la Justice en premier) qu'il faut modifier le reglme pénitentiaire en France. Mais les deux phrases relevées, si elles ne sont pas encore symptomatiques de notre époque, sont cependant inquiétantes. Depuis quelque temps, la recrudescence du racisme est un phénomène perceptible chez nous . D'abord , des cafés - nombreux - qui refusent de servir le noir, le Nord-Africain, le Turc ... Puis l'affirmation que les travailleurs étrangers envahissent la France, qu'ils prennent le pain de l'ouvrier français, que c'est - presque - à cause d'eux qu'il y a des difficultés économiques dans notre pays . Et aujourd'hui, ce propos effroyable, qu'on pourrait « tirer dans le tas», car ce ne sont que « des Bougnouls et des Polaks». C'est vrai que du temps de l'Allemand - du nazi plus exactement - nombreux étaient les « Untermensch», les moins que rien : juifs, noirs, Tziganes, communistes, gaullistes, résistants .. . d'autres encore . Ils étaient liquidés systématiquement . C'était la belle époque du fascisme à son apogée et certains sembleraient regretter ce passé. On ne peut tolérer qu'à l'occasion de difficultés diverses, un état d'esprit s'installe qui permettrait peut-être une autre installation, combien dangereuse ... Et comme le poète tchèque, fusillé par ces mêmes nazis, il faut redire, et redire : « Homme, veille». Léon HERZBERG, président du Comité du M,R,A,P, de Nancy. Un chic type Sait-on par quel bout commencer pour faire l'éducation à la fraternité dont parle Marguerite Bonne, dans son article de votre dernier numéro (si intéressant!). Combien elle a raison de dénoncer la perfidie de ceux qui, pour donner une preuve d'objectivité, commencent par exprimer leur sympathie à tel ou tel noir, juif, Arabe ou autre, pour mieux mettre en évidence leur antipathie à ces mêmes gens, grâce à ce petit mot i nsidieux

« mais» ...

Il me revient en mémoire un souvenir à ce propos, qui me permit de comprendre ce que devrait être vraiment un antiraciste . C'était il y a une dizaine d'années, on donnait à la télévision (mais oui!) une dramatique . Il s'agissait de deux amis, l'un noir, l'autre blanc . Or, à un moment, à la suite d'une violente altercation, le blanc se fâcha {j'allais dire: « tout rouge»), et, dans CooeRIER son courroux contre son camarade, lui lança de furieuses insultes : « Salaud! voyou! voleur! menteur!» etc ., etc. Quand il s'arrêta, écumant de fureur, l'accusé s'avança les bras grands ouverts vers son copain, lui faisant la plus tendre des accolades, en lui disant, les yeux pleins de larmes: « Tu es un chic type! Tu m'as traité de tous les noms, mais pas un instant tu n'as eu l'idée de me crier :' « Sale nègre! » .. . Geneviève GOLDRING, 92-Asnières. Chaque jour .•• Voici quelques témoignages: Dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18 décembre, un ami algérien s'est fait attaquer par plusieurs hommes alors qu'il attendait dehors le docteur pour sa petite fille. Il était contusionné au visage, et a obtenu un arrêt de travail. Il est prostré, le moral à zéro. J'ai des camarades immigrés, qui sont exploités par les propriétaires . Les bons logements leur sont souvent refusés quand « on les voit» ; mais on les recherche pour leur faire occuper et payer cher un logement ou une chambre se trouvant dans un état dégoûtant. A la terrasse d'un café, nous avons .a~t ndu, un samedi ma- I tin de JUI let, deux Algérien". u~ EsVilgn 1 et moi , pendant quarant 'flinutes (d'abord patiem- " ment puis impati.,m'ment) pour être servi s. ~éflexions entendues par une jeune femme martiniquaise : « Vous achetez des vêtements ? On ne porte pas des pagnes de feuilles, chez vous? » ... « Vous avez des maisons, chez vous ?» ... « Elle parle bien le français ! » ... Tous ces faits (et d'autres encore) m'ont été rapportés par des personnes qui luttent pour l'égalité, la fraternité et la liberté dans leur vie de chaque jour . Merci pour votre effort. Ch. RIEFFEL, 88-Epinal. Silbermann et Shylok Je suis juif, et très chatouilleux sur mes onglnes. Durant toute ma vie (j'ai 52 ans), je n al jamais laissé passer une insulte, ni même une allusion, sans la relever vertement (sauf évidemment pendant l'occupation). J'ai lu, il y a fort longtemps « Silbermann », et je n'ai nullement eu l'impression que ce livre était antisémite, même si, par moments, il dépeint notrE:! peuple sous des dehors peu sympathiques. Mais nulle race, nul peuple ne sont parfaits. J'ai eu la même réaction devant l'adaptation télévisée . Aussi, je ne puis comprendre votre antagonisme à l'égard de « Silbermann» et de l'auteur qui ici n'est pas en cause . D'autre part, vous ne trouvez pas « Le marchand de Venise» antisémite . Moi non plus, et je trouve que c'est une oeuvre admirable de Shakespeare . Mais tout est dans le jeu des acteurs et la mise en scène. On peut le présenter comme un personnage bas et abject. J'ai vu l'adaptation jouée par Sorano, et je vous assure que Shylok était très humain. Pourtant, il eût fallu trés peu de nuances pour le « fai re passer de l'autre côté ». Je dois dire que je n aime pas non plus qu'on nous flatte. Nous sommes comme tout le monde : nous avons nos bons et nos mauvais côtés. 1. GLASBERG. Paris-2" . dans ce ,nuInèro MORT A TOULOUSE Le mystère qui plane sur la mort du jeune Roger Allouche sera-t-il jamais éclairci? (p. 4) DU DANGER D'ÊTRE GUADELOUPÉEN Insultés, frappés, gardés 42 heures sans nourriture ni sommeil, deux lycéens aux prises avec la police à Saint-Denis (p. 5). LE BIDONVILLE A TUÉ CINQ FOIS Deux ans après Aubervilliers, un nouveau drame à Villeneuve-le- Roi (p. 6 et 7) . QUI PROTÈGE KLAUS BARBIE? Une bataille aux multiples implications ... dont le châtiment du « boucher de Lyon » est l'enjeu (p. 11 et 12). LES CRATÈRES, LES MARGUERITES ET LES HOMMES Le génocide au Vietnam dénoncé par des médecins du monde entier (p . 12 et 13) . 1* LE RACISME DEVANT LA LOI Pourquoi les propositions élaborées par le M.R.A.P. doivent être votées d'urgence (p. 17 à 28). LA DÉCOUVERTE DE LA POLYNÉSIE Une civilisation admirable dont les oeuvres sont rassemblées pour quelques mois au Musée de l'Homme (p. 29 et 30). DAVID ET BETHSABÉE L'art, la Bible ... et la vie (p. 31) . EN COUVERTURE: la cour de récréation du collège Saint-Nicolas, à Toulouse (Photo Elie Kagan. Maquette : Lucky Thiphaine). MENSUEL 120, rue Saint-Denis - Paris (2e) Tél. 231-09-57 C.C.P. Paris 6070-98 ABONNEMENTS eUnan:25F e Abonnement de .soÛtien ; 50 F Am Réunion, Maghreh, Afrique/rem- C()p f",aos, Cambodge, Noure.fle·CaJé· ti(if/ic : 25 P; 4u(rès pays: $5 P. ChangemelU d'adresse : i F. Directeur de publication : Albert Lévy tmprimerie la Haye DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 éditorial T danS Violence et -Jeunesse ROIS « affaires » en quelques semaines, où l'on voit (dans des conditions fort différentes , il est vrai) se conjuguer jeunesse et violence, en même temps que se manifeste le racisme, d'une façon certaine dans deux cas, en contrepoint l'autre. A Toulouse , le spectre de l'antisémitisme est évoqué autour du jeune Roger Allouche , mort au collège Saint-Nicolas. Parce que juif dans une école chrétienne , parce qu'un professeur l'a insulté naguère, parce qu'on a peine à croire qu'un seul coup porté à un garçon de quinze ans suffise à le tuer, on a rappelé « Silbermann». Même si les faits se réduisent pour le moment, à des confidences faites en privé, à des silences équivoques, à des craintes , à des « rumeurs» , celles-ci sont significatives d'une coupure née de l'Histoire entre communautés, et des méfiances qui subsistent malgré les efforts entrepris de part et d'autre. Quoi qu'il en soit, et sans préjuger des conclusions de l'enquête , il restera longtemps encore une gêne, des rancoeurs , que notre vocation est d'apaiser. Reste aussi cette violence involontairement meurtrière , qui témoigne d'une situation préoccupante. A Ajaccio , autre schéma : plusieurs jeunes gens tuent de sang-froid deux Tunisiens qui , contrairement à de précédentes victimes , refusaient de se laisser rançonner. C'est un racisme de brutes , et pourtant , l'un des assassins , qui n'avait que quinze ans , allait paisiblement à l'école , une fois ses forfaits accomplis . Des Arabes, pour eux, ce n'étaient pas vraiment des hommes, sans doute, les abattre ne tirait guère à conséquence , ils sont si faibles , si méprisés , et l'on se sent si fort à les tenir dans sa ligne de mire ! ... A Saint-Denis enfin , c'est le racisme s' acharnant sur des adolescents à la peau noire, Parce que certains , blancs , voyageaient sans ticket , ce sont eux , quoique tout à fait en règle , qui « paieront pour les autres » ... Ils paient, en effet: coups , injures, humiliations et , par-dessus·tout , inculpation pour .. , violences à agents. GARDONS-NOUS d'amalgamer, et de juger en hâte. Ces « affaires» si dissemblables , s'éclairent pourtant l'une l'autre. Il faut bien constater en France , une montée du racisme, dont nous n'avons là que les symptômes les plus récents. Comment ne pas situer dans ce contexte, sans pour autant les justifier, les crimes d'Ajaccio , les suspiscions de Toulouse, les sévices de Saint- Denis? Les autorités, nous l'avons souvent répété , ne font pas ce ' qu' il faudrait pour juguler ce fléau , c'est même, on le voit , le contraire quelquefois. Quant à la violence , dont le racisme est une composante, elle est partout dans le monde où nous vivons. Quoi d'étonnant si les jeunes en sont les acteurs ou les victimes . Car que leur offre notre société en crise,'sinon l'injustice , le mensonge , le mépris de l'homme, une oppression dont ils éprouvent eux-mêmes le poids dans le refus du dialogue , alors qu'ils souhaitent participer au progrès , à la vie et se sentent , eux aussi , incompris , rejetés? Comment ne pas rechercher dans le climat qui les entoure la raison véritable d'un désarroi qui entraîne certains dans le cycle des passions et des brutalités déchaînées? A INSI , la violence n'est pas l'apanage des jeunes. La ligne de démarcation ne passe pas , selon nous, entre eux et les adultes , mais entre ceux qui s'accommodent des scandales actuels et ceux qui ne les acceptent pas. Des jeunes, de plus en plus nombreux manifestent la volonté de mieux comprendre , d'agir lucidement, Pour les combattants d'une juste cause , quel que soit leur âge, il n'y a pas de « conflit de générations ». Au M.R .A.P. , jeunes et aînés luttent ensemble contre les préjugés , les haines aveugles qui peuvent, dans certains cas , aboutir au meurtre. Ensemble nous luttons pour que cessent les discriminations et la ségrégation de fait dont souffrent les travailleurs immigrés, pour que les pouvoirs publics sortent de leur passivité , prennent des mesures efficaces contre le racisme dans les domaines de la loi , de l'information , de l'éducation. Ensemble, nous apportons notre pierre à l'édification d'un monde meilleur, plus humain et plus juste. Albert LEVY. 3 société Mort , a Toulouse SUR la rive gauche de la Garonne, dans une rue tranquille du vieux quartier Saint-Cyprien, derrière l'ègl ise St-Nicolas, une lourde porte cochère ... ; à l'autre bout de la ville, une maison très simple dans un Jardlll ètroit ces deux endroits ont vu vivre et mounr un garçon de 14 ans et demi : Roger-Pierre Allouche, dont toute la ville parle aujourd'hui. Magnifique garçon, de haute stature (1,77 m pour 70 kg), Roger-Pierre Allouche ètait, depuis six ans, demi-pensionnaire au collège Saint-Nicolas, rue Amiral-Galache à Toulouse, établissement privé catholique que frèquenta également son frère, âgé aujourd'hui de dix-sept ans. Voici la version « officielle» des faits : il pleut le mercredi 26 janvier vers 12 h 20. Les élèves qui attendent l'heure d'entrer au réfectoire se sont réfugiés sous le préau directement ouvert sur la cour. Une altercation éclate entre Roger Allouche et un de ses camarades plus âgés qui lui envoie un coup de pied. Sous la douleur, le jeune Allouche se plie en deux - il semble souffrir du bas-ventre -, il se rend alors aux toilettes d'où il sort peu après au dire du surveillant. Il revient sous le préau, rejoint son camarade pour lui demander semble-t-il les raisons de son acte. Une nouvelle bourrade l'envoie heurter un mur. Roger est blessé au visage. Il recule de quelques pas, vacille et s'écroule sans connaissance. Porté dans le bureau du directeur du collège, M. Louis Roux, il est aussitôt examiné par le médecin d'une clinique voisine qui tente le bouche à bouche, avant l'arrivée du service de réanimation de l'hôpital Purpan. Un massage cardiaque est pratiqué. En vain; l'enfant meurt sans avoir repris connaissance. Selon l'autopsie réalisée par le docteur Madrange, la mort du jeune Roger serait due à un arrêt du coeur et ne serait pas consécutive aux coups reçus. Le permis d'inhumer est délivré, l'enterrement prévu pour le vendredi 28 janvier. « C'est alors que j'ai voulu en avoir le coeur net nous dit le père, M. Elie Allouche, je ne pouvais pas laisser partir mon fils comme ça sans savoir •.. » Savoir : le mot est lâché. Savoir pourquoi, comment Roger est mort? Pourquoi cette bagarre, et s'est-elle bien passée comme l'affirment les autorités? Les questions se succèdent, des points troubles existent et en particulier les traces suspectes relevées sur le corps de l'enfant qui font réagir l'entourage. Donc, une heure avant les obsèques, sur demande de la famille qui s'est constituée partie civile pour homicide involontaire, Me Merle, professeur de criminologie à la Faculté de Droit, obtient du juge d'instruction, M. Cros, qu'une contreexpertise soit pratiquée : elle est confièe au professeur Planque. L'enterrement est reporté au lundi 31 janvier. 4 Le jeune Roger AlIouche ; M. Elie Allouche (troisième en partant de la gauche) et les journalistes ; la rue du drame. Ce rebondissement, dans une affaire apparemment simple. alerte aussitôt la presse. Un reporter d'Europe nO ' 1, après avoir rencontré le père, apporte un élément nouveau : l'antisémitisme aurait été à l'origine de l'altercation. Car Roger Allouche est juif. Sa famille a quitté l'Algérie en 1962, dans le flot des « rapatriés». Avec environ 20000 autres personnes, ils sont venus grossir la communauté juive de Toulouse. Le M.R.A.P., aussitôt prévenu, réagit avec toute la prudence que la situation impose, mais aussi avec fermeté il demande « instamment aux autorités compétentes de faire de toute urgence la lumière complète .et d'établir les responsabilités ». La mort brutale d'un enfant révolte, bouleverse toujours. Mais elle prendrait une autre dimension s'il ètait prouvé que le racisme n'y est pas étranger. A Toulouse, comme ailleurs, le racisme existe. « Il y a un an à peu près, nous rapporte Mme c. ... certaines de mes collègues de travail, n'osaient plus aller seules dans certains magasins dont les propriétaires étaient juifs. On parlait de disparitions jamais éclaircies, d'enlèvem.ents, etc. )1 Encore cette fameuse « rumeur» qui avait sévi si gravement à Orléans ! « J'ai d'énormes difficultés, ajoute son mari qui s'occupe de l'accueil d'étudiants étrangers, à trouver des chambres surtout pour les Algériens et les Africains.» Alors que le drame du collège SaintNicolas suscite une émotion profonde, que la communauté israélite publie un communiqué exprimant ses doutes et son inquiétude, M. Allouche, ayant convoqué la presse au lendemain des obsèques semble quelque peu désemparè et répond aux questions avec gêne. « Je ne peux rien dire tant que les résultats de la contre-expertise ne sont pas connus», déclare-t-il. « Je ne peux rien dire», affirme-t-il encore quand on lui demande si son fils s'était plaint de certaines formes d'antisémitisme au collège Saint-Nicolas. « En revanche, se souvient M. Allouche, il est vrai qu'un de ses professeurs, le professeur d'espagnol, a traité Roger de .. « sale race ». Mon fils est parti en claquant la porte. Il avait les élèves pour lui. Je suis venu voir le directeur qui m'a proposé de faire changer mon fils d'école. Mon fils n'a pas voulu, il avait l'habitude de SaintNicolas. Et pourquoi changer l'enfant plutôt que le professeur? Je l'y avais mis, pensant que c'était « bien surveillé » ••• « Roger se sentait bien chez nous; mais aujourd'hui, il faut épargner les autres enfants. Ça n'a été au départ qu'une taquinerie », dit le directeur, M. Louis Roux. « Il ne me semble pas, assure Monseigneur de Courrége, proche collaborateur de l'archevêque de Toulouse, que dans les relations des enfants entre eux, la question d'origine ait été soulevée.)1 Les premières réactions de M. Allouche ont-elles été, sous le coup de la douleur, excessives? Seraient-elles dues aussi à cette psychose de persécution qui existe encore chez les minorités longtemps opprimées ou persécutées. Sa réserve actuelle a-t-elle d'autres causes que les circonstances de la mort de son fils? Dans un tel climat, l'affabulation peut aisément devenir· évidence et c'est aussi la « rumeur» : « On l'a tué, a-t-on entendu dans Toulouse, ils se sont jetés à cinq ou six sur lui... C'est un lynchage ... », etc. D'autres questions se posent, qui ali mentent encore le trouble de cette affaire. y a-t-il eu un ou plusieurs agresseurs? Et s'il y a eu un seul agresseur, la violence du coup porté peut-elle être le fait d'une simple « taquinerie Il? Le coup porté a-t-il entraînè la mort? De source officieuse, il s'avère qu'il n'y aurait pas eu traumatisme crânien. En revanche, plusieurs médecins nous ont affirmé qu 'un coup violent porté dans les parties génitales peut entraîner la mort. Seuls, les résultats de l'autopsie pourront déterminer ce qu'il en est. Nous conclurons avec une remarque - mais en la prenant à rebours - de M. Barret, le jeune officier de police aux allures d 'étudiant à cheveux longs : « Si c'était pas un juif, mais un Dupont, on n'en ferait pas autant de cas. 1) L'hypothése est mal posée et l'argument ne tient pas. C'est l'existence du racisme et de l'antisémitisme, la carence flagrante dans l'éducation et l'information qui nous tient en éveil; c'est le climat de violence qui fait des jeunes à la fois des victimes et des coupables, que nous dénonçons. Pour en revenir aux simples faits, les circonstances de la mort de Roger Allouche, si elles ne nous permettent pas d'affirmer l'existence de motivations raciales, ne nous autorisent pas non plus, à ce stade de l'enquête, à les nier complètement. Saura-t-on jamais ce qui s'est vraiment passè ce 26 janvier à midi trente, sous le préau du collège Saint-Nicolas? Marguerite KAGAN DROIT ET LIBERTÉ - N' 310 - FÉVRIER 1972 Du danger d'être ••• Gérard ct Christian Melyon. G uadeloupéen S'IL était nécessaire de démontrer encore qu'être Antillais - et a fortiori un jeune Antillais - constitue parfois pour la police un élément suffisant de culpabilité, l'affaire Melyon en apporterait une preuve supplémentaire. Christian et Gérard Melyon sont deux frères âgés de dix-sept ans et dix-huit ans, d'origine guadeloupéenne, habitant à Garges-les-Gonesse, et fréquentant le premier le lycée de Goussainville, le second celui de Gonesse. Ayant participé à une manifestation de soutien aux fonctionnaires du « D.O.M .» grévistes de la faim, mercredi 26 janvier, ils reviennent vers 20 h 20, avec un groupe à la gare du Nord. Ils montent dans un train sur le départ , en direction de Garges, certains de leurs camarades n'ayant pas eu le temps de se munir de billets. Entre Paris et Saint-Denis, un contrôle a lieu: tous les membres du groupe, jeunes et adultes , refusent de s'y prêter. Le contrôleur appelle du renfort et bloque les portes. Mais , à l'arrêt de Saint-Denis, les personnes dépourvues de titres de transport s'esquivent sans qu'elles soient rattrapées par le contrôleur lancé à leur poursuite. A Pierrefite , le contrôleur fait descendre cinq jeunes Antillais tous munis de billets, parmi lesquels les frères Melyon ainsi que la fille et le fils de Marius Miron, l'un des grévistes de la faim, leur disant : Il Vous paierez pour les autres Il et les remet aux mains de policiers. Ils sont emmenés au commissariat de Saint-Denis, où ils sont fouillés et soumis à une vérification d'identité. Vers 23 h 30, Marc et Dominique Miron et une autre jeune fille, Viviane Joseph-Julien, tous trois mineurs , sont libérés. C'est alors que diffèrent totalement la version officielle de la police , et le récit que Gérard Melyon donna des événements au cours d'une réunion regroupant les représentants des associations de parents d'élèves, de syndicats, du conseil d'administration du lycée de Gonesse que fréquente l'aîné des Melyon et en présence du proviseur de cet établissement. Ce dernier a tenu à souligner que Il le récit de Gérard avait l'accent de la vérité Il. Peu après la libération des enfants Miron , les effectifs de nuit prennent la garde. La présence d'un agent antillais dans la précédente brigade aurait-elle empêché certains débordements? Gérard a raconté en effet comment peu après la relève, lui et son frère sont devenus la cible de propos racistes . A Christian s'approchant d'une affiche: Il Alors, on apprend à lire en Afrique? Il Ou encore :(( Si j'avais le temps, je te ferais blanchir Il, etc. Et on commence à les bousculer. Le plus jeune, Christian , e3t jeté à terre , contraint à retourner à sa place à quatre pattes, alors que les coups de pied pleuvent sur lui. Christian s 'évanouit. Gérard , affolé, s'empare d'un banc , il n'a pas le temps de s'en servir, il est maîtrisé et tabassé . La police dira - de même que France- Inter - que Gérard, tentant de s'évader avec son frère , voulait se servir du banc comme d'un bélier. Suite logique de cette dernière version: les deux frères , inculpés de coups et blessures à agents, sont gardés à vue, alors que le commissariat de Garges- les-Gonesse confirme un quart d 'heure a'près l'exactitude de leur résidence. On peut se demander pourquoi ils ont été gardés alors qu'on libérait les enfants Miron. On a prétendu que les frères Melyon avaient donné une fausse ~ 5 -+ adresse. Pourtant, ils avaient été fouillés et Gérard portait sur lui sa carte de membre d'un mouvement de jeunesse. Cette thèse a d'ailleurs été abandonnée. Après avoir été dévêtus, Gérard et Christian sont enfermés dans un cachot . Une heure après , Christian est emmené à la Chapelle où se déroulent les nuits de garde à vue des mineurs habitant certains départements de la région parisienne. Averti dans la nuit, M. Melyon se présente dès 8 h 30 au commissariat où a été ramené Christian. Ses fils devaient sortir dans la matinée, ce que confirmera plus tard le commissaire, au cours d'une entrevue avec les ,parents et les professeurs des jeunes garçons. Mais leur libération n'a pu être ordonnée. Ce jeudi matin, Christian et Gérard insistaient pour que les sévices dont ils avaient été victimes figurent au procès-verbal. Donc ils ne sont pas relâchés. Entre temps, M. Melyon qui avait constaté que Christian respirait avec difficulté, obtient que ses fils subissent un examen médical et radiographique. Une première radio est soumise à deux interprètations différentes; une deuxième radio constate l'existence d'une fêlure récente d'une côte. De l'hôpital de Saint-Denis, les jeunes gens sont ramenés au commissariat d'où ils doivent être déférés devant le Parquet de Bobigny. Mais il est 20 h lorsqu'ils arrivent à Bobigny. Le juge d'instruction n'étant plus là, ils sont conduits au dépôt. Il y a vingt-quatre heures qu'ils n'ont ni bu ni mangé. On refuse une paillasse à Christian qui souffre de la poitrine. Les deux frères passent la nuit dans le froid et la saleté. Le vendredi à 8 h, on leur porte du café. On procède aux vérifications d'usage: photos, empreintes ... A 10 heures, ils sont interrogés par le juge d'instruction de Bobigny, M . Kuhn, en présence de l'avocat désigné par la famillè, Me Kaldor. Leur libération - provisoire - intervient quarante-deux heures après leur interpellation. Une enquête est ouverte par l'inspection générale des services de la préfecture de police. Janine LANGIERT. GANTS - TETINES Chez votre pharmacien 6


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Quelque part ( en France ... Les origines. - « N on seulement vous ne surveillez pas vos enfants, mais vous les encouragez à mal faire (ils urinent par les balcons, déposent leurs ordures dans les escaliers, saccagent les plantations, insultent les grandes personnes, battent les enfants des autres locataires ... ) Ainsi s'exprime M. Grassot, président de l'Office d'H.L.M. du Lot-et-Garonne, s'adressant à cinq familles de Miramontde- Guyenne, pour leur signifier le 29 juin que « l'Office a décidé de résilier [leur] contrat de location à compter du 31 juillet 1971 ». Affaire banale, sans rapport avec le racisme? Certes, M. Grassot nous affirme (et il est peut-être sincère) que les locataires inquiétés le sont à cause de leur comportement « volontairement odieux» et non à cause de leur origine algérienne. Mais un examen plus approfondi des faits amène à une autre appréciation . Les faits réels. - Un rapport d'expertise demandé en premiére citation, le 2 juillet, par le tribunal de grande instance de Marmande, ramène les faits à des dimensions plus réduites, établissant que, seuls, quelques enfants « mal élevés» sont en cause et que personne ne reproche rien aux parents. L'huissier, sans doute trompé par les déclarations d'un concierge, croit toutefois utile de faire une conclusion défavorable aux familles et ajoute cette phrase inquiétante : « A notre avis l'Office d'H.L.M. aurait pu loger toutes ces familles d'origine nordafricaine dans un seul et même bâtiment, en plusieurs appartements, ce qui aurait évité un contact permanent avec les autres locataires d'origine française ( ... ») La mobilisation. - Dès le début de l'affaire, une pétition réunit en une semaine 64 signatures dont celles de plusieurs élus locaux, de quatre prêtres, de locataires du H.L.M... Rectifiant les outrances et les erreurs, elle précise notamment: « Les enfants sont accusés d'insulter les grandes personnes : il est évident que, les parents parlant très peu français, les enfants sont amenés par la force des choses à traiter d'affaires qui ne devraient pas les concerner, et c'est de cette façon qu'ils sont accusés d'insolence ... » « Cette mesure prise uniquement à l'encontre de « Français d'origine algérienne » nous' paraît être une mesure curieusement discriminatoire et raciste, fo,!! regrettable à un moment où la presse et i'a radio font campagne auprès de l'opinion publique pour l'accueil et l'intégration des immigrés.» Le M.R.A.P., également, prend fermement position sur le plan départemental et national, par voie de presse et en intervenant auprès de la préfecture et de l'Office d'H,L.M ... Le jugement. - Le 8 décembre, le tribunal remarquant que l'expert n'a pu « constater lui-même les dégâts inyoqués », que les reproches adressés aux familles sont extrêmement limités, que les déclarations du concierge sont largement fausses, tenant le plus grand compte de la pétition,. etc., condamne le président de l'Office d'H.L.M. aux dépens. Notons toutefois que le tribunal ne rejette pas la possibilité de regrouper les Algériens dans un seul et même bâtiment. Les signataires de la pétition et le M.R.A.P. restent vigilants. Moralité. - Quel est donc le fond de l'affaire? Quelques enfants vivant dans ctes conditions difficiles (familles nombreuses, parents blessés et connaissant peu le français ... ) font des bêtises comme on en voit partout, Alors, sous l'impulsion d'un petit nombre de personnes plus ou moins racistes, on attribue l'ensemble de ces actions douteuses à l'ensemble des Algériens de l'immeuble. Des gens haut placés en profitent pour proposer l'isolement des locataires d'origine nord-africaine. Voudrait- on les parquer dans des ghettos? Mais la leçon principale à tirer de cet épisode, c'est la victoire remportée et l'efficacité d'une action unie et réfléchie. Miramont-de-Guyenne nous a prouvé que c'était possible. Pierre CREPEl Coupables -d'être Gitans Q UE l'on doive blâmer les auteurs des violences et brutalités dont les vieillards sont les principales victimes; que les magistrats, la police, la gendarmerie mettent tout en oeuvre pour mettre fin à de tels actes, c'est là ce que tout citoyen d'une « société policée» peut aisément comprendre, et dont il peut même se réjouir. Cela étant dit, il ne doit pas moins s'émouvoir de la présentation des faits à laquelle se complaît à Grenoble « Le Dauphiné Libéré» dans ses numéros des 23 et 24 novembre derniers sous la signature d'André Veyret. Le début du premier article nous fait rapidement glisser du concept de voyou à celui de nomade. « Tous sont nomades », est-il indiqué pour caractér~r les « odieux agresseurs» appartenalÛ~âu « gang des lâches», arrêtés à la suite « d'une battue monstre». Et, cela découle de ce qui précède, « ils ont , selon leurs habitudes, nié tout ce qu'on leur reprochait». Le fait d'attacher à tout un groupe humain l'usage tactique du mensonge relève, selon nous, d'une attitude touchant au radsme. l'excès de passion A priori, leur attitude étant pour ainsi dire « institutionalisée», on leur fait procès d'intention, découlant d'une « loi» qui les détermine : « Si les gendarmes pensent que leurs « clients» avaient des rapports avec la bande concurrente, ils savent qu'ils ne pourront compter sur leurs confidences. Le silence est une règle d'or chez les nomades. La formule: « N'avouez jamais!» a sans doute été inventée par eux!.. Le même a priori est attaché à la prophétie de diaboliques tactiques de couverture des « alliés» des Gitans: « Il est possible aussi que, pour innoc~ter leurs amis, les alliés des Scheid, Buch et Winterstein commettent à leur tour dé semblables agressions: « ils vous ont dit que ce n'était pas eux; vous voyez bien que c'est vrai , puisque « ça» continue! ». Ainsi, la continuation des délits qui pourrait innocenter les suspects arrêtés, devient, s'agissant de Gitans, la preuve même de leur culpabilité. Tout cela serait peut-être convaincant si l'excès de passion n'accumulait les maladresses. Que penser de celle-ci : « Le sixième membre a été identifié. C'est un nomade, bien sûr» ? Ce subjectivisme (inconscient ?) ne peut pas laisser serein un antiraciste. DROIT ET LIBERTÉ - ~Jo 310 - FÉVRIER 1972 Une vaste opération. Un autre développement, burlesque, celui-là, nous arrête. Un voleur de voitures est dit « victime» des nomades, dans la mesure où « son allure suspecte» le fit arrêter par dès « civils» en patrouille, à la recherche des Gitans, supposons- nous. Et il est dit, au regard des bandits gitans « presque sympathique». Dans cet article où tout est mêlé, on ne sait plus démêler où commence et où s'arrête la culpabilité « des gitans». En fait, ils sont coupables de tout: coupables de « mauvaise foi» quand ils vont jusqu'à « prétendre que c'étaient les gendarmes» qui leur avaient abîmé le portrait pour les faire parler - eux à qui on reproche dans le même article de n'avoir pas « l'habitude de raconter leur vie lorsqu'ils se trouvent en présence de gendarmes ». Coupables d'inhumanité; sauf le jour où ils laissèrent en paix une nonagénaire ne possédant que dix francs: « Pour une fois, les Gitans avaient eu une réaction humaine», écrit le journaliste. Coupables de lâcheté, puisqu'ils n'ont pas usé d'armes lors de la « battue» : « Précisons que si les « lâches» exhibèrent parfois des armes au cours de leurs expéditions, aucune ne fut retrouvèe en leur possession , qu'ils se rendirent sans opposer la moindre résistance et qu'ils supplièrent la population de SaintPierre- de-Chartreuse de ne pas les frapper ... Ils furent lâches jusqu'au bout». Coupables de n'être pas reconnus par des vieillards « sourds», « aveugles» ou n'ayant « pas eu le temps de voir». Coupables de « vivre à la dure». Coupables d'exister puisque suspects de naissance : « Une vaste opération fut alors décidée dans les différents camps de nomades de la région», raconte André Veyret. Coupables de tous les délits : c'est un rêve apaisant, mais ses racines sont racistes. Mais la racine du racisme n'est-ce pas la violence? Or, que penser d'un journal qui fait paraître dans sa tribune libre, une lettre exprimant le voeu d'établir la peine de mort pour les chauffeursroutiers, « écraseurs professionnels?» Que penser de ces articles sur le « gang des lâches», où l'on exalte les violences d'une partie de la population en colère, qui a formé « spontanément une véritable armée civile», pour suppléer les gendarmes, lesquels doivent refréner le zèle des lyncheurs : « Si les gendarmes ne nous en avaient pas empêchés, déclare l'un d'eux, nous aurions tué les bandits avec nos fusils, mais nous aurions au moins voulu avoir la satisfaction de les « arranger un peu». Satisfaction accordée, semble-t-il ; le journaliste constate que les « nomades» arrêtés « portent sur leurs corps et leurs visages meurtris les traces de la colère. Et M. André Veyret d'applaudir. Décrivant ce qu'il appelle « une véritable battue aux sangliers», il n'hésite pas à conclure : « Comme on les comprend, ces gens dévoués qui étaient dans la position du chasseur occasionnel, trouvant après de longs efforts une proie immonde ». Cette prose écoeurante se passe de commentaires. Laure FRESNEAU. Au fil des jours ... • . Un étudiant ou étudiante « européenne .. qui doit être « calme .. : telles sont les conditions imposées par un propriétaire de chambre et affichées au tableau du restaurant universitaire Mabillon. • Un chef-d'oeuvre de bêtise ordurière et raciste : c'est la lettre envoyée à une jeune femme antillaise mariée à un français. Le thème de ce chiffon est de remplacer les singes du Zoo par des êtres humains... Inutile d'en dire plus! • Parce qu'on lui reprochait d'avoir au cours d'une altercation avec un contrôleur de la R.A.T.P., donné un coup de poing à un agent de police, un travailleur malien a été condamné à six mois de prison. Peine très lourde ... mais insuffisante semble-t-il puisque M. N'P.G. est menacé d'être expulsé de France, bien qu'il n'ait, depuis son arrivée en France en 1966, jamais attiré sur lui l'attention des services de police. 7 Du racket au meurtre NOUS avions besoin d'argent », (( devait déclarer, lors de son interrogatoire, Martin Bighelli, qui, avec trois complices, le samedi 22 janvier, a tué à coups de carabine deux travailleurs tunisiens. qui avaient refusé de leur en donner. Bighelli et ses complices, dont deux jeunes gens mineurs, avaient orgamse depuis le mois de septembre un racket parmi les travailleurs tunisiens, habitant de pauvres masures, des baraquements dans la lointaine banlieue d'Ajaccio. Cinquante francs ici, cent francs là, tous étaient soumis à la taxe. S'ils n'obéissaient pas, c'était la râclée. La terreur régnait parmi les Tunisiens, proies faciles pour les futurs assassins. Leur situation en Corse n'étant pas toujours réguliére, on peut les détrousser sur des routes désertes, les cambrioler, les taxer, les attaquer, les battre sans craindre qu'ils puissent se plaindre à quelque autorité que ce soit. On sait qu'ils ont besoin de leur travail, qu'ils ne peuvent se permettre de le perdre, aussi dut soit-il, puisque repose sur eux la vie de familles entières restées au pays. «Nous voulions seulement leur faire peur », ont déclaré les jeunes gens qui, se passant la carabine, ont arrosé de vingthUit coups de feu un baraquement, à Alata, occupé par plusieurs travailleurs. L'un d'eux, affolé par la fusillade, Fezaï Messaoud Ben Aicheb, âgé de 16 ans, fut tué par une balle sectionnant l'artère aorte, alors qu'il faisait irruption hors de la baraque. D'Alata, les jeunes assassins retournèrent à Pietralba, où ils abordèrent un autre ouvrier tunisien, M. Kalaoui Ben Saad. Un des deux mineurs, J. N., 15 ans, lui réclama de l'argent. Devant son refus, il fit feu par deux fois sur sa victime, prétendant que le malheureux avait menacé son camarade, B. R., 17 ans 1/2, d'une pierre. Les témoignages d'autres ouvriers tunisiens permirent de retrouver la trace des meurtriers et de les identifier. L'émotion a été vive en Corse, où d'autres scènes de violence se sont produites. Mgr André Collini, évêque d'Ajaccio, a notamment déclaré : «D ne s'agit pas de simples faits divers qui concerneraient uniquement les forces de police et la justice. La fréquence des scènes de violence prend valeur de symptôme et révèle le malaise général de la société dont nous sommes à la fois coupables et victimes.» 8 Cf) CD

co "7 c .'C,"D S &. InunI .. és DURANT une froide nuit de ce mois de janvier, une famille portugaise du bidonville de Villeneuve-le-Roi a péri carbonisée. Dans ces baraques en planches, on se chauffe en faisant brûler dans un poêle rudimentaire de vieux cageots, des débris de toutes sortes. Les dangers d'asphyxie et d'incendie sont permanents. Jeudi 27 janvier, le M.R.A.P. était présent aux obséques de ces victimes d'une société inhumaine et d'un grand patronat cynique. Cinq cercueils, trois tout petits, ceux de Maria, 6 ans, Thérésa, 9 ans et Mario, 18 mois; les deux autres sont ceux des malheureux parents, Ollina et Joachim Castro de Ribeiro, 36 et 33 ans. Je me dis qu'ils sont arrivés au bout de leur chemin de misère et de solitude. Des immigrés portugais nombreux, habitant ou non le bidonville, les frères de M. et Mme Ribeiro, le maire, M. Maxi· me Kalinsky et les élus municipaux de Villeneuve-le-Roi, des représentants de diverses organisations démocratiques soit 500 personnes environ, sont présents dans ou hors de l'église, où la messe sera célébrée en portugais. Evidemment, cela montre que l'indifférence n'est pas totale, et pourtant que de résignation et de douleur muette dans les regards de tous nos frères immigrés recueillis et dignes !... Sept baraques ont brûlé et c'est la municipalité de Villeneuve-le-RoI qui a fait en sorte de reloger les familles sinistrées (une trentaine de personnes environ) à Ivry, Vitry, Choisy, Orly et Valenton. C'est la municipalité également qui a ouvert une souscription pour aider ces familles et qui a pris en charge les frais des obsèques, les frères de Ribeiro et leurs familles faisant, hélas! partie des sinistrés. Les gerbes de fleurs sont celles de la municipalité, d'organisations démocratiques, de camarades portugais. Si j'insiste sur ces points matériels, c'est parce que, jusqu'à ce joûr, et bien DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 !!! aï A » G) » z que la presse, la radio et la télévision aient abondamment commenté l'événement, aucun service officiel, soit social, soit administratif, ne s'est manifesté. L'ambassade du Portugal n'a pas bougé non plus. Ah, si ! l'Etat était présent : deux cars de C.R.S. derrière l'église ... Personne, en « haut-lieu », ne s'est donc soucié ': de savoir comment les choses « s'arrangeaient» après ce drame. Comme c'est souvent le cas en la matière, l'Etat se décharge de ses responsabilités et compte sur la conscience humanitaire des gens. M. Chaban-Delmas et M. Vivien, ministre du Logement, ont pourtant « visitè » un bidonville, il y a quelques mois; tout comme M. Debré l'avait fait en 1962, ils ont promis la disparition rapide de tous les bidonvilles ... M. Debré devait le faire en deux ans, et pour M. ChabanDel mas, décembre 1971 devait voir la fin de cette lèpre. Que ne viennent-ils voir le bidonville de Villeneuve-le-Roi ... ou ce qu'il en reste! Cet ensemble de cahutes disjointes, envahies par la boue et les détritus est un spectacle révoltant. Parmi les bidonvilles, recensés ou non, que je connais, celui-là est le plus inhumain, peut-être. Comment des enfants, des familles peuvent-ils vivre ainsi? Comment un pays qui se dit libéral et évolué peut-il permettre cette honteuse situation ·? Aucun accueil n'est prévu pour ces travailleurs nécessaires à notre économie. Une partie des dépenses militaires, par exemple, ne pourrait-elle pas servir à la construction des foyers ou logements nécessaires? Le grand patronat français et les gouvernements des pays exportateurs de main-d'oeuvre tirent de substantiels profits de ces immigrés: ne devraientils pas contribuer à leur relogement? Hélas! combien faudra-t-il encore de morts, de catastrophes de cette sorte, pour que des mesures efficaces soient prises par les autorités responsables? Marie-France SOTTET. Que faire? A l'initiative de la Confédération nationale des locataires, diverses associations, dont le M.R.A.P., viennent de lancer un appel demandant des mesures urgentes pour le logement décent des travailleurs immigrés. Après avoir souligné que « nombreux sont ceux (de ces travailleurs) qui participent à la construction de logements sans en profiter », les associations signataires soulignent « que 20 % de la population étrangère, soit plus de 650000 personnes, vivent dans des taudis (meublés, garnis, bidonvilles de toutes sortes) ; qu'il faut trouver une solution nouvelle pour 240 000 isolés et 100 000 familles; que, selon le rythme d'introduction de main-d'oeuvre immigrée prévue par le VIe Plan, il faut prévoir l'accueil, chaque année, de 90000 isolés et de 20 000 familles; que la situation prèsente compromet gravement la santé de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants (plus de 700 000 d'âge scolaire); que les équipements sociaux collectifs sont actuellement sacrifiés à une politique de profits; que la pénurie actuelle de l'habitat laisse en fait le champ libre aux marchands de sommeil en tout genre; que cette situation accentue la discrimination qui pése sur les travailleurs immigrés et favorise ainsi le développement du racisme ». Pour résoudre ces graves problèmes, les associations préconisent, dans le cadre d'une politique sociale du logement, une série de décisions immédiates : « Que les crédits destinès à la résorption de l'habitat insalubre soient considérablement augmentés; que la contribution patronale, sous forme du 1 % supplémentaire ou de réservation de lits, soit au moins doublée; qu'aucune expulsion n'ait lieu sans qu'un relogement convenable, tenant compte des conditions de travail et de transport des intéressés, soit préalablement proposé; que l'habitat des immigrés et de leurs familles soit de plus en plus intégré à l'habitat des Français, par l'augmentation des crédits destinés à la construction H.L.M. pour le relogement de tous les travailleurs sans discrimination; que la gestion des foyers de travailleurs immigrés soit d'abord une gestion sociale, et que les travailleurs y soient associés». Appuyant pleinement sur ce chapitre la plate-forme revendicative de la C.G.T. et de la C.F.D.T. à l'occasion de leur semaine d'action du 7 au 12 février, les associations invitent enfin l'ensemble de la population à intervenir auprès des élus. Cet appel est signé par : la Confèdération nationale des locataires, l'Amicale des Algériens en Europe, la F.A.S.T.I., la CIMADE, le M.R.A.P., l'Union générale des travailleurs ' sénégalais en France. 9 d.o ..... Le temps du· mépris LA grève de la faim des sept fonctionnaires des D.O.M. s'est terminée le 24 janvier à 0 heure. La vertueuse indignation du ministre des D.O.M. qualifiant de « moyen de pression inadmissible» cette grève, nous conduit à nous interroger sur les moyens dont dispose le citoyen antillais pour protester contre l'arbitraire . Ainsi depuis plus de dix ans, la répression gouvernementale, au mépris de la légalité républicaine, contraint des hommes et des femmes à l'exil. Las d'attendre, forts de leur bon droit reconnu par les plus hautes juridictions, quelques-uns d'entre eux engagent une bataille contre la discrimination. Bataille d'espoir. Espoir dans les lois de ce pays. Espoir dans la vigilance des organisations syndicales et démocratiques. Espoir dans le sursaut d'une opinion publique anesthésiée par les mass media à la dévotion du pouvoir. Aux yeux de celui-ci, c'est inadmissible. Pour important qu'il ait été, le mouvement de solidarité n'a pas suffi à sortir le gouvernement de son silence dédaigneux. Les pétitions, les meetings, les défilés, les interventions des plus hautes autorités morales se sont heurtés à sa morgue hautaine. Imperméable à la discussion, indifférent au sort de ces hommes et de cette femme qui risquaient leur vie pour le triomphe de la loi, il s'est tu. Un membre du cabinet de M. Chaban-Delmas aurait déclaré : « Laissons pourrir le mouvement; croyez-vous que les Français vont se mobiliser longtemps pour sept fonctionnaires antillais et réunionnais?» Cela donne la mesure du mépris dans lequel est tenue l'opinion publique française. Inadmissible, ce jeûne. Admissible, en revanche, la répression colonialiste selon la loi du plus fort. Admissibles aussi l'exil et le bannissement sans jugement de familles entières. Mais il ne s'agit que de ces citoyens marginaux que sont les Antillais et les Réunionnais . Exil qui s'apparente singulièrement à l'assignation à résidence qu'ont connue les Algériens. En attendant les camps de concentration. Mais, en haut lieu, on a la mémoire courte. On oublie que le temps du mépris précède sou'vent de peu celui de la révolte. Le schéma de la décolonisation est monotone à force de se répéter . L'âne bOÎteux Dans la « Mort de l'Etat républicain» M. Michel Debré écrit : « Quand on parle d'âne bOÎteux, personne en France n'a de doute, c'est la justice qui est visée.» Ce n'est pas une simple boutade . C'est toute une politique qui est ici définie par le père de l'ordonnance de 1960. Toute l'économie de celle-ci qui permet sans jugement l'expulsion ou la' révocation des fonctionnaires antillais et réunionnais, ne vise à rien moins qu'à mettre la justice hors circuit. Et même quand les juges, après sept ou huit ans d'interminables batailles de procédure, sont saisis, leurs sentences sont foulées aux pieds. 10 Joby Fanon emmené en ambulance, du siège du M.R.A.P. à l'hôpital, où il a poursuivi la grève de la faim encore trois jours et demi. A deux reprises, les jugements rendus au nom du peuple français n'ont pas été exécutés. Les arrêtés illégaux, annulés, sont maintenus. Les ministres admettent ces dénis de justice. Ils trouvent admissible de refuser de se soumettre à des jugements qui ont force de loi et transforment ainsi, par leur comportement antidémocratique, la justice en « âne boiteux». Depuis près d'un mois que la grève est arrêtée, aucune initiative n'est prise par le gouvernement. L'opinion, un moment alertée se reporte sur d'autres problèmes. La technique du pourrissement semble réussir. Plus grave, le gouvernement durcit sa position et prépare l'accentuation de la répression. Les grévistes Barret, de Gamaleya, Miron n'ont pas perçu leurs traitements . Il serait même envisagé, contre toute logique et au mépris du statut de la fonction publique, de déclencher contre eux une procédure d'abandon de poste. Avec au bout leur révocation. Qui p(us est, loin d'abroger l'ordonnance, son extension à tous les fonctionnaires serait à l'étude. Il . s'agirait par ce biais, cie faire disparaître le caractère exceptionnel etdiscriminatoire de ce texte en le rendant applicable à tout le territoire français! Ce projet, s'il voyait le jour, confirmerait ce que nous avons constaté de tout temps, à savoir que les mesures attentatoires aux libertés publiques sont d'abord expérimentées et limitées aux colonies et ensuite généralisées à toute la France. L'érosion des libertés publiques est à la mesure de l'indifférence de l'opinion publique, de son insuffisante vigilance, de la démission de la majorité parlementaire. Le mépris du pouvoir fait le reste. Benjamin Constant déjà notait : « Que le paysan laboure, que le fabricant fabrique, que le prêtre psalmodie ... que chacun enfin fasse son métier, est la devise du pouvoir, lorsque le 'pouvoir veut opprimer les hommes.» Nous avons tout essayé. Notre confiance dans les institutions judiciaires de ce pays a été taxée de naïveté, voire d'inconscience. Il s'agit pour nous, désormais de tirer les conséquences du choix gouvernemental refusant tout dialogue. Il s'agit fondamentalement pour nous du refus de l'oppression . Joby FANON hier et aujourd'hui .Qui protège Klaus · Barbie ? KLAUS BARBIE, le « boucher de Lyon» paiera-t-il jamais pour ses crimes monstrueux ? Comparaîtrat- il devant les juges français? S'il en était ainsi, cela signifierait qu'il a été « lâché» par ceux qui le protégent depuis 28 àns. Rappelons briévement les faits (1). Chef de la gestapo de la région lyonnaise depuis l'invasion de la zone sud (novembre 1942) jusqu'à la Libération, Klaus Barbie organisa une répression féroce contre les résistants, et la déportation massive des juifs. Il tortura personnellement Jean Moulin, président du Conseil national de la Résistance, l'ingénieur Max Barel, Raymond Aubrac. On a retrouvé un télégramme par lequel il annonce l'envoi d'enfants juifs à Drancy, d'où ils partiront pour les chambres à gaz. Lors du procés d'Oberg et Knochen, responsables des services policiers nazis pour l'ensemble de la France, le commandant Flicoteaux, commissaire du gouvernement devait souligner, en septembre 1954, que « de nombreuses exécutions sommaires dans la région de Lyon au cours de la période qui suivit le débarquement allié, furent l'oeuvre de Barbie ». Comment ce massacreur échappera-t-il au châtiment? Le sang de ses victimes n'est pas encore séché que Klaus Barbie se rend au-devant de l'armée américaine, sur la route de Bourgoin. On perd ensuite sa trace pendant quelques années. Trois mandats d'arrêt sont délivrés contre lui par le juge d'instruction militaire de Lyon, les 31 août, 12 septembre et 6 décembre 1945. En vain. Et c'est par contumace que le tribunal militaire le condamne à mort, le 16 mai 1947, verdict confirmé le 28 novembre 1954. Mais, entre temps, le « boucher de Lyon» est retrouvé. « Lors du procés Hardy, en mai 1950, précise « France d'Abord », le commandant Gardon, commissaire du gouvernement, déclara officiellement, dans l'acte d'accusation, qu' il avait souhaité une confrontation Hardy-Barbie, mais que celui-ci « ne peut être extradé .pour des raisons intéressant la défense nationale des Etats-Unis». Au cours du même procés, le commissaire Bibes vint déposer sur ses rencontres, en cours d'enquête, avec Barbie. Il l'avait rencontré le 14 mai 1948 à Francfort et les 18 mai et 16 juillet 1948 à Münich, dans les locaux de l'armée américaine, en présence d'officiers américains, après s'être engagé à ne poser aucune question sur son activité de l'époque» (2). Cette activité, on la devine alsement : le bourreau nazi s'est vu confier un emploi correspondant sans doute à ses talents dans les services secrets américains. « Barbie, écrit « France-Soir)), était en 1947 L "homme de la situation M. Hubert Schruebbers - c'est l'hebdomadaire Der Spiegel qui le fait savoir - exerçait sous Hitler, les fonctions de procureur dans les procès politiques, intentés aux communistes et à d'autres adversaires du régime. Il a requis contre eux de lourdes peines devant les tribunaux d'exception à Hamm, Dortmund, Cologne, Düsseldorf et Karlsruhe. Interrogé. M. Schruebbers déclare avoir fait condamner ces antinazis Il pour haute trahison)) et affirme Il ne rien trouver d'immoral dans ses antécédents judiciaires Il. Or, aujourd'hui, en République fédérale allemande, ce zélé serviteur du nazisme est ... président de l'Office de protection de la Constitution. Ses dispositions d'esprit n'ont guère changé. C'est sur avis de l'Office qu'il dirige que le Parti communiste allemand (D.K.P.' a été déclaré Il ennemi sans équivoque possible de la Constitution Il. Il est aussi chargé de veiller à la révocation de tout fonctionnaire qui serait qualifié d'II extrémiste Il, en vertu d'une décision prise récemment par la réunion des Premiers ministres des laender. Cette mesure qui, cyniquement, met sur le même plan les néo-nazis et les opposants de gauche à la politique du gouvernement, vise, de toute évidence, essentiellement ces derniers. DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 Est-ce le même homme? En haut. Klaus Barbie à 30 ans. alors qu'iI dirigeait 1 a Gestapo de Lyon; en bas, Klaus Altmann. photographié récemment au Pérou. - avant de disparaître - en étroite liaison avec la C.I.A., contacts que semble avoir maintenus, celui qui se fait appeler, en Bolivie, M. AItmann» (3). La « découverte» de ce prospére homme d'affaires, qui ressemble tant à Barbie, se produit 25 ans aprés la « disparition» de celui-ci, dont la présence fut cependant signalée successivement à Stadtbergen (Baviére), à Vienne (Autriche), au Caire, aux Etats-Unis, en Amérique Latine enfin, où il se rendit lorsqu'en 1961, la Fédération ouest-allemande des Victimes du nazisme (V.V.N.) porta plainte contre iui. Que s'est-il passé pour que, soudain, son cas revienne à la premiére page des journaux? Le 2 février 1971, un accord est conclu entre la France et la République Fédérale allemande sur le châtiment des criminels de guerre. Son application entraînerait-elle la reprise de la procédure contre les anciens nazis condamnés par contumace en France et qui vivent en toute quiétude outre-Rhin? On l'ignore, puisque cet accord n'est toujours pas ratifié et que son contenu n'a pas été rendu public par les autorités françaises, malgré de nombreuses demandes. Une lettre à ce sujet, adressée en septembre 1971 par le M.R.A.P. au ministre des Affaires Etrangéres, est restée sans réponse. En tout cas, le 22 juin dernier, le procureur Rabi, de Münich, décidait de classer « faute de preuves» le dossier Barbie. On se souvient de l'émotion que provoqua cette décision : le 13 septembre, une délégation de cinquante représentants de la Résistance et de la Déportation conduite 11 ~ par M. Marcel G. Riviére, arrivait à Münich, venant de Lyon, et etaIt reçue au siége du Parquet, par le procureur général adjoint, M. Ludholf. Parmi les délégués, se trouvait le président du Comité lyonnais du M.R.A.P., Gilles Lewkowitz. Peu aprés, conformément aux promesses obtenues, on apprenait la réouverture du dossier C'est à ce moment que Klaus Altmann quitte la Bolivie pour le Pérou. Dans des condItIons mystérieuses, le parquet de Münich entre en possession de photos et d'informations indiquant que Klaus Altmann et Klaus Barbie ne sont qu'une seule et même personne. Le gouvernement françai s, informé à son tour, reste passif pendant plusieurs semaines, et quand il demande au gouvernement péruvien l'extradition d'A1tmann, celui -ci a regagné depuis quelques heures la Bolivie, où il rencontre le ministre de l'Intérieur. Quand la Bolivie est saisie à son tour d'une demande d'extradition, on annonce à La Paz l'emprisonnement d'Altmann pour une vieille affaire de dette. Quelques jours aprés, étant libéré, il « disparaît ». Altmann, cependant, tout en admettant avoir été· SS, se défend d'être Barbie. Mais le parquet de MüniclJ. déclare que l'examen anthropométrique de sa photo, comparée à celle de Barbie, est concluant. De plus, les dates de naissance données par Altmann pour lui-même et ses enfants sont exactement les mêmes que celles de Barbie et de ses propres enfants. Des questions A ce point de l'évolution des événements, maintes questions se posent; et les poser ne peut d'ailleurs que contribuer à éclairer cette sombre affaire : • Est-il vrai, comme l'écrit « FranceSoir » (3) que la « découverte» et la recherche de Barbie résulte d'« un réglement de comptes» entre services secrets? Selon ce journal, « l'ami» chez qui Altmann s'était réfugié au Pérou, un nommé Fritz Schwend, serait, lui aussi, « lié de très près aux services secrets américains)). La photo reçue par le procureur de Münich et les informations ayant permis d'identifier le personnage, proviendraient de deux Allemands vivant l'un en Bolivie, l'autre au Pérou. Si « réglement de comptes'» il y a, se produit-il entre agents ouest-allemands et américains? Ou bien agissent-ils d'un commun accord? Veulent-ils ou non « perdre » Barbie ? Le peuvent-ils? • Comment expliquer le zéle soudain du parquet de Münich (auquel l'appareil judiciaire ouest-allemand ne nous a guére habitué) qui, aprés avoir tenté de protéger Barbie, s'évertue apparemment à le confondre? Comment expliquer qu'il ait recours, pour cela, aux bons offices de Mme Beate 12 Klarsfeld, qui s'est rendue au Pérou et en Bolivie porteuse, dit-on, de documents permettant d'identifier Klaus Altmann, et qui revient à Münich, où le procureur Ludholf se fait un devoir de lui confier d'autres éléments d'information? Or on sait que Mme Klarsfeld, en raison de ses activités passées a eu maille à partir plusieurs fois avec cette même Justice ouest-allemande, dont aujourd'hui elle « apparaît décidément comme l 'interlocuteur privilégié», écrit « France-Soir » (3). Pourquoi le parquet de Münich, le gouvernement de Bonn n'agissent- ils pas eux-mêmes, directement? Ne connaissaient-ils pas avant ces derniéres semaines la véritable identité d'Altmann? • Pourquoi le gouvernement français, convaincu aujourd'hui qu'Altmann est en réalité Barbie, a-t-il tant tardé à demander son extradition? Evoquant la demande faite au Pérou, qui est parvenue aprés le départ d'Altrhann, « Le Monde » (4) pose la question de savoir si elle « n'a pas été faites sciemment avec retard afin d'éviter de faire échouer les efforts actuels de Paris en faveur d'une amélioration des relations avec le Pérou». Mais une autre question se pose. Altmann, qui dirigeait au Pérou une compagnie de transports maritimes, a déclaré dans une interview télévisée, qu'il négociait actuellement avec la Compagnie Générale Transatlantique française, et qu'il a fait tout récemment un voyage en France. Quel en était l'objet exact? Les autorités françaises ignoraientelles al~rs les soupçons qui pesaient sur cet homme? N 'ont-elles pas eu la curiosité de s'interroger à son sujet? Un proche avenir, peut-être, apportera certaines explications à ce faisceau de faits troublants. Le M.R.A.P., pour sa part, appuie les efforts du Comité national de liaison pour la recherche et le châtiment des criminels de guerre, formé de plus de 40 organisations d'anciens résistants et déportés. Il a participé à la manifestation qui s'est déroulée à l'initiative de ce Comité, le 9 février devant l'ambassade de Bolivie à Paris (5). Il demande au gouvernement français d'intervenir avec toute la vigueur nécessaire pour qu'enfin le criminel Barbie soit arrêté, extradé et châtié. Louis MOUSCRON (I) Voir «Droit et Liberté" de septembre-octobre et de novembre 197 1. (2) «France d'Abord - Le Journal de la Résistance" septembre·octobre 197 1. (3) « France-Soir ", 1 cc février 1 972. (4) «Le Monde ", 1 cc février 1972. (5) Le M.R.A.P. était représenté notamment par Charles Palant, Albert Levy, Alexandre Chil-Koz· lowski, Francis Boniart, Marguerite Kagan et de nombreux militants. ...... rs 4 et 5 décembre 1971 s'est tenue à Paris, à la salle des conférences du Sénat (Palais du Luxembourg) une conférence internationale sur la médecine et la guerre d'Indochine. Convoquée par un Comité d'initiative compos~ de médecins et de scientifiques venus de tous les horizons politiques et géographiques (des pays capitalistes comme des pays socialistes), hautement qualifiés, comprenant plusieurs Prix Nobel, elle a rassemblé pendant ces deux jours plus de 200 médecins et savants de 17 pays . Il y avait parmi eux dix personnalités scientifiques et médicales américaines, pour la première fois réunies avec des représentants indochinois, médecins non seulement de la République Démocratique du Viêt-nam (R.D.V.N .), mais aussi des zones libérées et combattantes du Viêt-nam du Sud , du Laos , du Cambodge, venus spécialement à Paris pour cette occasion. Les qualités techniques et scientifiques des rapporteurs et leur expérience puisqu'ils avaient presque tous été en Indochine et avaient étudié et vécu sur place les problèmes dont ils parlaient, que ce soit dans les zones libérées ou dans les zones occupées par l'armée américaine, ont donné aux travaux un intérêt exceptionnel. Un espoir était né lors de l'annonce de l'arrêt des bombardements au Nord et de la promesse de désengagement de l'armée américaine . En fait , et de nombreux exemples ont été donnés, les bombardements n'ont jamais cessé sur la zone sud de la R.D.V.N. et bien au contraire ont continué, de plus en plus perfectionnés et denses sur toutes les zones libérées du Sud-Viêt-nam. Récemment même ils ont repris sur le territoire de la R.D .V.N ., écrasant les objectifs civils, comme par exemple l'hôpital de Than Hoa. Au lieu de l'arrêt de la guerre, c'est son extension à toute l'Indochine qui s'est produite , et , pour suppléer au départ d'un nombre restreint 20 millions de trous de bombes. Le paysage « remodelé ». Une guerre typiquement raciste. de fant assins , on assiste à l'utilisation de plus en plus raffinée de toutes les techniques les plus modernes de l'électronique, de l'informatique et d,e la chimie au service de la guerre « presse-bouton ». Il s'agit d'une véritab le guerre expérimentale pratiquée avec des moyens quasi industriels. C'est de plus une guerre typiquement raciste : il s'agit de populations « jaunes» et considérées par le Pentagone comme sous-développées matériellement et intellectuellement. Citons quelques interventions. Le Dr Sidel, récemment de retour d'Indochine, professeur de sociologie médicale au College Albert Einstein de New York, a mis en évidence l'utilisation par les forces américaines de la médecine à des fins militaires et politiques . Le Dr Steven Rose, de GrandeBretagne, professeur de biologie a montré que l'usage des nouvelles bombes anti-personnelles dont les frag ments en plastique sont spécialement conçus pour être invisibles aux Rayons X, donne une indication sur la nouvelle DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 ""- Les crateres, les n~aruuerites et les hOluUles stratégie utilisée par les Etats-Unis en vue d'immobiliser le maximum de ressources sanitaires en rendant le traitement des blessés extrêmement difficile et en prolongeant leur invalidité lorsqu'ils peuvent être sauvés. Il a dénoncé l'hypocrisie qui consistait pour les dirigeants américains à annoncer qu'ils renonçaient à l'utilisation du célèbre et terrible « produit orange» alors qu'il était encore utilisé, ainsi que d'autres défoliants et, surtout, que l'armée « fantoche» sudvietnamienne en avait de grands stocks à sa disposition. Le professeur A. Westing (U.S.A.) . professeur au Windham College, département de biologie , qui a fait trois voyages aux Viêt-nam du Sud pour enquêter pour la Commission des affaires étrangéres du Sénat américain sur les effets des bombardements et l'épandage des produits chimiques, et dont le rapport fait autorité , parla des différents procédés de dévastation totale employés, depuis les gaz jusqu 'à la fameuse bombe de 7 ,5 t « daisy-cutter» (( faucheuse de marguerites») qui détruit tout dans un rayon d'un kilomètre (300 ha) , mais agit également sur la flore et sur l'homme dans un secteur plus étendu . Il conclut: « Il apparaît clairement que le paysage de l'Indochine est, sans scru pule et implacablement, remodelé à une échelle sans précédent dans l'histoire». Un médecin délégué par le service de santé du Front de Libération du SudViêt- nam attira l'attention sur ce qu'il a appelé la « cratérisation» de l'Indochine. Il y a maintenant plus de 20 mil lions de trous de bombes qui sont autant de réservoirs d'eau stagnante et de sources de maladies, car ils servent de repaires à tous les insectes propagateurs de maladies comme la filariose, la dengue et le paludisme. Le Dr. Feinbloom (U .S.A.) a fait la démonstration de la mise en action d'un « champ de bataille automatique », zone entièrement démunie de soldats, mais scientifiquement et industriellement parsemée d'engins destructeurs et informateurs, pièges à hommes « écoutés » et commandés à distance». Faisant contraste avec cette viciation de l'esprit qui fait tourner la science vers la destruction de la vie, l'effort des services de santé de la R.D.V.N. et des services de santé des forces libératrices des pays d'Indochine apportpit de solides raisons d'espérer en l'homme, de même que les interventions des délégués des différentes associations médicales nationales de solidarité. Le Dr. Dorothy Hodgkin, de GrandeBretagne, Prix t'Jobel, récemment de retour de R.D .V.N. a montré le haut niveau scientifique de la médecine dans ce pays , de même que d'autres témoins . Des rapports des Drs Pholsena, du Laos, ln Sokan , du Cambodge, Tran Huu Tuoc et Hoang Thuy Nguyen de la R.D.v.N ., Nguyen Kim Hung du G. R. P. du SudViêt- nam ont montré les difficultés et les réalisations tant dans les soins que dans l'édification du réseau médical, dans la formation des cadres médicaux, dans la création des bases matérielles (infirmeries , hôpitaux, fabrication de médicaments et de vaccins) et les travaux de recherche . L'aide des pays socialistes a été évoquée par le professeur Sakaharow, vice-président de la Croix-Rouge soviétique, le Dr. Gavalda , de Cuba, le Dr. Szanto, de Hongrie. Enfin , les délégués des Associations Médicales Européennes (France, Italie , Grande-Bretagne, Belgique , Hollande, Suède , Allemagne fédérale, Suisse) ont apporté leurs expériences et leurs projets . A l'issue de ces deux jours de travaux très denses, une résolution a été votée dont voici la conclusion: « La Conférence Internationale sur la médecine et la guerre d'l ndochine qui a pu réunir tant de médecins venus de différents pays d'Asie, d'Afrique, d' Europe et d'Amérique, décide de développer au maximum à l'échelle internationale le soutien moral et matériel aux services sanitaires et aux peuples d'Indochine». Dr. Arlette SOlOMON-CARPENTIER. Nous rendrons compte dans notre prochain numéro de l'ASSEMBLÉE MONDIALE CONTRE LA GUERRE D'INDOCHINE qui se déroule â Versailles les 11, 12 et 13 février, et à laquelle participe une délégation du M.RA.P. 13 ~ leur « ami )) Manifestation en Rhodésie. « Une attitude incroyable)) (( C'est une attitude incroyable », s'est exclamé un délégué africain, à propos de l'abstention de la France dans les quatre principaux votes qui sont intervenus lors de la session africaine du Conseil de Sécurité, à Addis-Abeba. C'était la premiére fois, depuis sa création en 1945, que le Conseil de Sécurité de l'O.N.U. quittait New York. Ouverte le 28 janvier, cette session était consacrée aux problémes de l 'Afrique australe, d'une importance majeure pour l'avenir du continent tout entier : l'apartheid en Afrique du Sud, le sort de la Namibie, et la situation au Zimbabwe (Rhodésie). Au nom du gouvernement français, M. Jacques Kosciusko-Morizet a refusé de voter une resolution, approuvée par tous les autres membres du Conseil, qui manifestait son (( opposition totale à la politique d'apartheid de l'Afrique du Sud», reconnaissait (( la légitimité de la lutte du peuple sud-africain opprimé, conformément à ses droits politiques et humains» et réclamait la libération immédiate de tous les opposants à l 'apartheid. M. KosciuskoMorizet, invoquant les difficultés de liaison avec Paris, a justifié son abstention en expliquant qu'il ne pouvait voter un texte demandant aux pays d'observer l'embargo sur les fournitures de matériel militaire au régime de Pretoria. Abstention encore de la France - et de la Grande-Bretagne - en ce qui concerne le retrait des forces d'occupation sudafricaines de Namibie, l 'ancien Sud-Ouest africain annexé par l 'Afrique du Sud. Abstention également de la France - et veto britannique - sur le projet de résolution africain qui demandait à la Grande-Bretagne de renoncer à l'application de l'accord de principe conclu le 14 24 novembre 1971 entre M. lan Sqlith, Premier mlmstre de la Rhodé si~ , et Sir Alec Douglas-Home. Ce plan qui accorde actuellement le droit de vote à 7 000 Africains sur 5 millions, permettrait à ces derniers d'accéder à la majorité dans... 65 ans. L 'arrivée de la commission d'enquête présidée par Lord Pearce et qui ne comprenait que des blancs, le 11 janvier à Salisbury donna le signal à de nombreuses manifestations dans la population africaine. La répression de la police rhodésienne aidée des unités sud-africaines qui stationnent sur le territoire fut sanglante : i M-N quatorze morts, cinquante-six blesses parmi les Africains. Enfin, la France s'est aussi abstenue lors du dernier vote demandant au Portugal de retirer ses troupes d'Angola, de Mozambique et de Guinée-Bissao, aux Etats de reconnaître l'indépendance de ces pays et de cesser toute aide qui permettrait au Portugal de continuer la répression. Il faut rappeler l'importance des intérêts français dans la construction du barrage de Cabora-Bassa, sur le Zambéze, au Mozambique, dont les 3/4 de la production en électricité sont destinés à l'Afrique du Sud, la Rhodésie et le Malawi. 1 l La Namibie paralysée Pour la premlere fois dans l'histoire de la Namibie (Sud-Ouest africain), un vaste mouvement de grève paralysant toute .activité économique se poursuit depuis la mi-décembre à travers tout le territoire . Les grévistes, des Ovambos (originaires du Nord du pays), entendent dénoncer l'occupation illégale de la Namibie par l'Afrique du Sud qui a été déclarée déchue de son mandat en 1967 par l'O.N.U. Ils protestent également contre les mesures discriminatoires qui leur interdisent de changer de travail et de demander des augmentations de salaires. L'ampleur de cette grève inquiète particulièrement les autorités de Prétoria , qui ont annoncé l'envoi de renforts de police afin de « protéger le public contre toute intimidation» (!). Les résultats ne se sont pas fait attendre: 90 personnes, dont 11 femmes et 4 enfants ont été z « l'J

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uj o ë 5: M. Kadjavivi au siège du M.R.A.P. tuées dans le « Bantoustan» de 1'0vamboland. Pour exposer la gravité de la situation, M. Peter Katjavivi , représentant à Londres du S.W.A.P.O. , mouvement de libération qui a engagé la lutte armée, a tenu le 27 janvier une conférence de presse au siège du M.R.A.P., la veille de l'ouverture de la session africaine de l'O.N.U . Un même titre : « Notre ami Xavier Vallat» dans Rivarol et dans Aspects de la France! Que les deux journaux revendiquent , après Minute, l'amitié de ce personnage ne nous étonne pas! Pas plus que ne nous étonne le panégyrique fait dans Rivarol (13-1-72) par Pierre Dominique, qui s'extasie sur la haine des juifs dont était animé l'ex-commissaire aux questions juives. Il Il ne les voulait, dit Pierre Dominique, rapportant un mot de Xavier Vallat, Il qu'à dose homéopathique Il. Je lui ai souvent entendu dire qu'il n'y avait pas en lui la moindre idée de persécution mais qu'il voulait empêcher une invasion Il. De son côté , Bernard Fay dans Aspects de la France, ose écrire : Il Vallat accepta les tâches les plus dures et les plus dangereuses : nettoyer et humanis'er le commissariat aux Affaires juives, succéder à Henriot assassiné pour avoir défendu la vérité. Il Nettoyer et humaniser, deux mots odieux quand on connaît le destin de toutes les victimes du Commissariat aux questions juives. la bataille d'Irlande La situation s'aggrave en Irlande du Nord. Le 30 janvier dernier, l'armée britannique a ouvert le feu par une manifestation - interdite - organisée à Derry par l'Associ.ation pour les Droits civiques qui rassembla 3000 personnes s'élevant co.ntre les arrestations arbitraires et les mesures d'internement sans jugement. Bilan de cette répression : 13 civils tués , 16 blessés. 30 000 personnes dans une ville paralysée par la grève , ont suivi les obsèques. La République d'Irlande proclamait sa solidarité en décrétant une journée de deuil national ; à Dublin, 40000 travailleurs ont manifesté devant l'ambassade britannique qui a été incendiée. La situation échappant de plus en plus au gouvernement de Belfast qui se contente de. menacer les catholiques de représailles et de réaffirmer sa volonté de rester dans le RoyaumeUni , la main-mise de Londres sur l'Ulster se fait plus directe et l'armée britannique joue un rôle grandissant. Aussi . craignaiton à juste titre que la marche silencieuse, organisée le 6 février par l'Association pour les Droits civiques , donne lieu aussi à un massacre . Malgré l'interdiction , le défilé fut maintenu. Le retrait des troupes britanniques, l'abolition de la législation répressive, le respect des droits démocratiques de tous les habitants de l'Irlande du Nord et l'obtention d'un système électoral égalitaire sont les principales revendications de l'Association pour les Droits civiques , qui mène, depuis 1968, une campagne de désobéissance civile. . ' La grève des impôts et des redevances directes est observée à 100 % dans de nombreux quartiers catholiques. L'Association vient de recevoir le soutien des Trade-Unions britanniques qui demandent un programme exceptionnel d'aide économique pour résoudre le chômage grandissant en Ulster: il s'élève à 8,4 % pour l'ensemble de la population, et touche 30 % des catholiques contre 3 à 4 % des protestants. DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 • Ils rêvent de février 1934 Ordre Nouveau continue ... Croix celtiques au vent, « Ordre Nouveau», le G.U.D. organisation d'étudiants d'extrême-droite, la Restauration nationale, et « des personnalités de l'Opposition nationale», comme dit « Rivarol», décidaient de manifester au Quartier Latin ce jeudi 2 7 janvier (ci-dessus) sous prétexte de dénoncer les scandales financiers. Ils renouent avec la tradition et célèbrent peut-être des anniversaires; c'est aussi au nom de la défense d'un certain « Ordre moral» qu'en février 1934, les Croix de feu, Camelots du Roi et autres descendaient dans la rue. Etait-ce la première sortie publique de ce « Front national» dont parle « Rivarol» (13-1-1972) qui poursuit cc sa campagne permanente pour l'unité de (leur) famille politique Il? C'est, en tout cas , toujours selon « Rivarol» (27-1-1972) , « la première (manifestation) admise par le pouvoir depuis deux ans» de la part des groupements de cette sorte. cc Il importe, lit-on encore dans ce journal, de développer au maximum les possibilités d'intervention positive dans la vie politique du pays Il. On est fixé , si on avait des doutes sur les perspectives qu'envisage l'extrême-droite en France. D'autant que la veille de cette manifestation, « Ordre Nouveau» avait bénéficié d'une étrange caution. Dans un jugement rendu le 26 janvier par la XVII e Chambre correctionnelle, quatre journalistes - A. Laloue et A. Wurmser pour l'Humanité, M . Rodinson pour Lutte ouvrière et J.-P. Beauvais pour Rouge - étaient condamnés chacun à 200 F d'amende et 1 F de dommages et intérêts cc pour avoir employé des expressions de nature à nuire à l'honneur et à la considération des membres d'cc Ordre Nouveau'II, ainsi que le précisait Le Monde du 28 janvier 1972. Il s'agissait d'une plainte en diffamation et injures engagée par « Ordre Nouveau» à propos des comptes rendus de la réunion publique organisée par ce mouvement le 13 mai 1970 à la Mutualité. 15 z « l'J

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.!!1 iD o ë .c a.. Selon que vous serez .•. Une grève s'est déroulée parmi le personnel d'Air France, en Martinique, qui demandait à bénéficier des mêmes avantages que le personnel métropolitain, et surtout, aux mêmes taux, Car, lorsqu'avantages il y a, c'est à un taux absolument discriminatoire. Ainsi. la prime de voiture est de 350 F par mois pour le métropolitain, de 5,75 F pour l'Antillais; l'allocation-maternité de 789 F pour le premier, de 351 F pour le second; les congés payés de 36 jours ouvrables, plus 2 jours de délai de route, plus 1 jour de visite médicale pour le premier, de 28 jours ouvrables pour le second; l'avancement régulier tous les 2 ans pour le métropolitain, tous les 8 ans pour l'Antillais! Sans commentaire. cc Les pinardiers et les juifs )) Le 22 janvier, dans le village de Saint-Samson-de-Bonfossé (M anche) se tenait un rassemblement de bouilleurs de cru, réunis pour réclamer une liberté plus grande dans la fabrication de l'alcool. Un député, un sénateur, étaient présents. Il y eut de nombreux discours, des envolées lyriques (( Votre cause est juste, puisque c'est celle de la liberté »). On s'éleva « contre les visites domiciliaires et les perquisitions, méthodes d'un autre âge, méthodes révoltantes , qui sont indignes d'une nation démocratique ». L'une de ces harangues retient notre attention . M . Fouilleul, vice-président des Distillateurs du Mortainais, affirmant qu'il « n'irait pas par quatre chemins», dénonça avec véhémence : « les banques, les gros pinardiers et les juifs» (La Manche Libre, 30 janvier 1972). Ces propos aussi rappellent « un autre âge». L'antisémitisme , ici comme ailleurs, est un moyen de masquer les véritables problèmes, les vrais responsables . Les paysans ont besoin d'une analyse lucide pour se défendre contre les graves difficultés qui les assaillent (et pas seulement en matière de fabrication d'alcool) . De pareilles diversions ne peuvent que leur rendre le plus mauvais service. Quand les faits sont si clairs Dans une déclaration à la presse, l'archevêque d'Adelaïde, Mgr James William Gleeson, de la commission Justice et Paix d'Australie, a demandé à tous les catholiques de son archidiocèse d'examiner la réalité de l'apartheid. La déclaration a été provoquée par la visite en Australie d'équipes de l'Afrique du Sud , composées exclusivement de joueurs blancs. L'archevêque a déclaré : « Le Pape Paul VI nous a tous exhortés à l'action, et non aux platitudes, en faveur de la justice sociale pour les opprimés du monde. Comment pouvonsnous donner notre assentiment à ces appels, tout en continuant à participer à des jeux dont la première règle est la suprématie blanche? Le monde interprètera certainement le comportement de l'Australie comme un acquiescement à l'apartheid. Ce sera surtout vrai des pays qui ont connu l'exploitation . « Si nous sommes incapables de prendre position contre les avances les plus intimes que nous fait l'apartheid, quand les faits sont si clairs, alors pour quelle cause de justice sociale prendrons-nous jamais position? Quelle espérance y a-t-il de découvrir nos responsabilités envers notre peuple aborigène?» Pour conclure, Mgr Gleeson a dit : « Tout en rejetant la violence et le mépris personnel , J'appuie les efforts faits pour empêcher les équipes australiennes de jouer avec les équipes de la suprématie blanche de l'Afrique du Sud.» 16 Tartuffe Afrikander ON en tue, on en tue. Au Vietnam, des jaunes, cks Chinetoques, naquhés. C'est un jeu ck fléchettes : hommes, femmes, eryants dans le paquet. En Corse, à Lyon, quelques bicots. Pour leur pauvre pognon, ou rien - pour le plaisir ck tuer. Tout comme aux U.S.A. ou en Afrique du Sud. C'est ainsi dans les pays civilisés ... Vous voyez bien, Monsieur, que ce ne sont pas cks hommes ! ... D'ailleurs notre police. Que j'cogne dans le raton! Celui les couilles écrasées. Et l'osto tél1wigne, se trouve toujours quelque toubib pour tout nier ... Et voilà rurquoi, I1wi, je ne veux pas des 'WirS dans mon café . ... Comme je lui faisais observer qu'il était raciste, il m'a toisé : «Il n)- a pas de racistes ici. Vous insultez la Frmzce ... Seriez-volls juif, ou quelque apatrick?» Ainsi, son mépris devenant menaçant m'a répondu Tartuffe Afrikander. Et je pensais que, comme dit Molière, nous aurions grand besoin de prmces «ennemis ck la fraude» et que d'équitables lois contre le racisme soient enfin adoptées et promulguées. Jean CUSSAT-BLANC Nouveaux délais Reporté à plusieurs reprises, le procès d'Angela Davis qui devait s'ouvrir le 31 janvier à San José, èst à nouveau retardé jusqu'à la fin du mois de février. La jeune militante - qui vient d'avoir vingt-huit ans - attend son jugement depuis quinze mois. C'est le deuxième anniversaire qu'elle passe en prison , dans des conditions de détention cruelles et dangereuses pour sa santé : elle est menacée de cécité totale. Elle risque la condamnation à mort, mais elle peut craindre aussi l'exécution sommaire dans sa cellule, comme George Jackson, abattu au pénitencier de San Quentin. C'est d'ailleurs à San Quentin que s'est déroulée une grève de la faim entreprise par vingt-deux détenus politiques noirs : ils protestaient contre les sévices dont ils sont l'objet et réclamaient le respect de leurs « droits d'hommes». Parmi les grévistes figurent Fleeta Drumgo et John Clutchette, les deux survivants des « Frères de Soledad», ainsi que Ruchell Magee, accusé avec Angela Davis de participation à la fusillade du tribunal de San Rafael en 1970. Nazisme pas mort La synagogue de Madrid, qui avait été ouverte en grande pompe il y a quatre ans, vient d'être l'objet d'une attaque du plus pur style nazi. Sur les murs ont été barbouillés des slogans tels que: « Mort aux juifs!», « Synagogue, judaïsme: danger», « Dehors, les traîtres! » ... Il semble que ces souillures sont le fait d'une organisation s'intitulant « les guerilleros du Christ-Roi», qui s'est récemment illustrée en détruisant des dessins de Picasso dans une exposition privée à Madrid . À New York , également, est annoncé un attentat de même nature : trois incendies ont endommagé la bibliothèque et les objets rituels de la synagogue « Khouvi Thora» à Brooklyn . Le rabbin Berniker a déclaré que ces incendies venaient après d'autres forfaits semblables; il a précisé qu'une bombe incendiaire avait été lancée récemment contre une école religieuse . Les coupables n'ont pas été arrêtés. DROIT ET LIBERTÉ N° 310 - FÉVRIER 1972 .,. Le rae.• s ••, e devant la loi /f.u début de janvier 1972, le refus de servir les noirs dans une brasserie du Quartier Latin et la dénonciation par le M.R.A.P. de cette pratique, ont suscité une émotion certaine dans l'opinion publique. Le montage de coupures de presse encarté au centre de cette revue ne représente qu'une partie des journaux qui, en France et à l'étranger, ont signalé et commenté ces faits. La révélation de ces discriminations a eu pour conséquence d'attirer l'attention sur d'autres cas semblables d'établissements où est refusée la clientèle nord-africaine, plus fréquemment encore que la clientèle noire: on en signale à Nice, Lyon, Saint-Claude (Jura), dans la région grenobloise, et d'autres se découVriront sans doute, dans la mesure où les intéressés se sont vus ainsi encouragés à affirmer ouvertement leur droit et leur dignité. L'affaire a mis en relief les lacunes de la législation française en matière de racisme. Comme il y a quelques années au « ParisLondres », c'est par le biais du « refus de vente» que peut être sanctionnée cette forme particulière de discrimination. Mais les autres? Celles qui ont lieu par exemple dans le domaine de l'emploi, du logement? Et s'il existe bien un texte relatif à l'injure et à la diffamation raciales, sa mise en oeuvre s'avère d'une difficulté telle qu'elle n'assure pas la protection des victimes. Le racisme n'est pas hors-la-loi en France. C'est ce problème qu'étudient ici Me Fred Hermantin, avocat à la Cour, vice-président du M.R.A.P. et Me Armand Dimet, professeur aux I.U.T. de Saint-Denis et de Villetaneuse, membre du Conseil national du M.R.A.P. Leurs articles font ressortir combien est nécessaire l'adoption des propositions de lois élaborées par le M.R.A.P. dès 1959, déposées et soutenues aujourd'hui à l'Assemblée nationale par des députés appartenant à tous les groupes. Ces textes seront-ils inscrits à l'ordre du jour de la prochaine session, qui débute le 4 avril? Il y a, semble-t-il, une petite lueur d'espoir. C'est une raison de plus pour continuer de mobiliser l'opinion, en vue de demander et d'obtenir enfin cette mesure gouvernementale. Un autre aspect du problème, cependant, doit nous préoccuper. S'il est indispensable de s'en prendre aux discriminations de fait, aux atteintes à la dignité humaine qui sont quotidiennes dans notre société, il faut aussi souligner l'existence de discriminations légales frappant les immigrés dans leurs droits sociaux, syndicaux et leurs libertés individuelles. C'est à l'analyse de cette situation et des solutions proposées pour y remédier qu'est consacré l'article de Me Manfred Imerglik, avocat à la Cour, membre du Bureau national du M.R.A.P. UROII El LIBERTÉ - N' 310 - FÉVRIER 1972 17 .. Pour une protection décente ---des minorités ethniques A l'initiative de l'Institut international des Droits de l'Homme (Fondation René Cassin), un colloque s'est tenu à la Faculté de Droit de Besançon du 9 au Il décembre dernier. « Les droits de l'homme en 1970-1971» et « La France devant la discrimination raciale» constituaient les deux thémes essentiels des conférences et tables rondes animées par des universitaires, des conseillers d'Etat, des juristes, des représentants des Eglises, des syndicalistes. Un public nombreux et jeune témoignait par sa présence de l'importance des problémes étudiés. Le président René Cassin devait tirer les conclusions de ces très riches journées d'étude. (l) En préambule au compte rendu de ce colloque, il est difficile de taire cette paradoxale impression de malaise, ressentie en dépit de la qualité des travaux. En effet, en cette Année internationale de lutte contre la discrimination raciale, aucune manifestation, aucune initiative n'avait été prise par les pouvoirs publics. Le gouver- Le colloque juridique de Besançon. A la triblme (ci-dessus), le président René Cassin et M. Claude Jessua, doyen de la faculté de Droit. nement s'était contenté de proclamer que « le racisme ne passera pas )J. Rien d'autre. Aucune directive donnée aux enseignants en vue d'une journée antiraciste. Aucun débat à la télévision. Rien à propos des propositions de lois en instance. Il est heureux que des organisations telles que l'Institut international des Droits de l'Homme ait pu réaliser · un colloque de cette qualité. Mais n'était-ce pas en même temps la preuve d'une invraisem- 18 blable carence des pouvoirs publics, par ailleurs, se contentant trop facilement d'indignations vertueuses et platoniques. Quoi qu'il en soit, à Besançon, des hommes venus d'horizons différents, confrontaient leurs réflexions sur les problèmes du racisme actuel. Tel juriste disséquait minutieusement un texte difficile, tel autre décrivait la vie d'un groupe ethnique, tel sociologue exposait le résul tat d'enquêtes sociales, tel prêtre disait l'humiliation ressentie dans sa chair d'Antillais... Bref ·une approche progressive, sinueuse, dénuée de tout pédantisme. Du bon travail. Sans diminuer l'importance de tous les sujets examinés, les problèmes qui nous ont semblé s'imposer furent traités par le professeur Vouin, dans son rapport sur « la répression de la discrimination raciale en France)J, et lors de la table ronde organisée à propos des « travailleurs migrants et la discrimination raciale». Ces deux débats rendaient compte des problèmes posés aux victimes de la discrimination raciale et des lacunes de la loi qui est censée les protéger. Que des travailleurs immigrés et notamment les Nord-Africains, les Africains, les Antillais, se voient brutalement refuser l'accès de certains établissements, ou soient discrètement récusés comme candidats locataires, qu'ils soient quotidiennement confrontés du fait de leur appartenance ethnique, aux problèmes de chômage ou d'emplois ·subalternes, tout cela est malheureusement devenu monnaie courante à notre époque. Comment àppréhender les coupables de ces discriminations? Sur quelles bases juridiques peut-on valablement poursuivre les auteurs des discriminations et des agressions racistes? Le problème était ainsi posé lors de ce colloque de cet incontestable réalité du racisme face à un arsenal juridique désuet et de plus en plus dérisoire. Un élément supplémentaire, mis en exergue, souligne l'urgence des solutions à apporter à cette situation qui ne saurait se perpétuer. Avec les travailleurs immigrés installés aujourd'hui dans les taudis, dans les caves, dans les bidonvilles qui entourent les villes, le tiers-monde est maintenant au coeur de l'Occident. Et il traîne avec lui, comme u~e tare, l'inévitable cortège de mépris, d'humiliatiohs, de racisme. C'est une raison supplémentaire pour éduquer, pour endiguer, mais aussi pour prévoir et sanctionner les excès. Or, à ce colloque de Besançon, il a ete démontré uné fois de plus que le décret-loi du 21 avril 1939 ne rendait pas compte des problèmes actuels et était incapable d'assurer une protection décente aux minorités ethniques, agressées en tant que telles. Il n'est pas question ici de rentrer dans le détail de l'analyse juridique, mais il faut tout de même préciser que la multiplicité des conditions requises pour qu'il y ait délit d'injures ou de diffamation raciste, que les restrictions qui limitent ceux qui peuvent introduire cette procédure ont vidé cette loi de toute portée pratique. Que l'on soit obligé pour sanctionner un délit raciste d'avoir aujourd'hui recours à un artifice sur le refus de vente, en dit long Q sur la faiblesse de cette loi. Que des décisions reconnaissant l'injure ou la diffamation raciste aient également été contraintes de déclarer que les poursuites ne pouvaient intervenir pour des raisons de forme en dit également long sur l'ambiguïté de ce texte. Sur ce point le colloque de Besançon a été unanime. C'est l'honneur de notre Mouvement d'avoir compris depuis plusieurs années la nécessité de modifier ces textes et d'avoir présenté des propositions à ce point sérieuses qu'elles ont été intégralement reprises par tous les groupes actuels de l'Assemblée nationale. Ces propositions de loi rendent plus faciles l'incrimination raciste, en ce sens que le délit est plus facilement déterminé. Sont également prévues des sanctions contre ceux qui refusent le travail, le logement pour des raisons tenant à la race. Enfin, outre les particuliers, les associations, telles que le M.R.A.P. pourraient se constituer partie civile dans le cadre de procès antiracistes. Il faut préciser que l'unanimité réalisée sur cette question à l'Assemblée nationale, fait qu'il sumrait que le débat sur ces propositions de lois soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée pour qu'elles soient aussitôt adoptées. Mais le gouvernement, maître de l'ordre du jour en a décidé autrement. Il se contente de proclamer « que le racisme ne passera pas)J. Pendant ce temps-là, dans les bidonvilles ... , dans certaines brasseries du Quartier Latin ... , dans certains quartiers d ' Orléans et d'Amiens ... Au cours du colloque de Besançon, nous avions émis le voeu, que cet aréopage non politique vote une motion qui aurait été adressée au gouvernement, au président de l'Assemblée, au président du Sénat pour demander l'inscription de l'un quelconque de ces projets de loi à l'ordre du jour. No~s ne fûmes pas suivis. Mais il faut continuer ce combat. Certes, il ne faut pas s'exagérer l'importance des lois et imaginer qu'elles peuvent tout résoudre dans ces vieux marécages des préjugés et du refoulement. Mais c'est une étape indispensable vers la dignité. Merci aux organisateurs du colloque de Besançon d'avoir permis de le rappeler. Me Fred HERMANTIN (1) Voir « Droit et Liberte» de janvier 1972, page 25. DROIT ET LIBERTÉ - N° 3 10 - FÉVRIER 1972 1 mpuissance de la législation présente [ AN N EE 1971 , proclamée « Année internationale de lutte contre le . racisme et la discrimination raciale» par l'assemblée générale des Nations unies (résolution nO · 2544 (XXIV) du 11-12-1969). s 'est achevée après que notre pays eut enfin adhéré à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale . Il s'agit là d'une décision importante dont nous nous sommes réjouis . En effet l'article 4 de cette convention stipule quelles sont les mesures législatives que doivent prendre les Etats signataires. Or, intervenant dans le débat à l'Assemblée nationale , le 15 avril 1971 , M. Jean de Lipkowski, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères , avait indiqué : « Il ne nous a pas paru nécessaire de modifier notre législation pénale, car notre appareil répressif actuel est compatible effectivement, avec les obligations prévues par la Convention . » Tous les députés qui sont intervenus dans le débat ont contesté ce point de vue avec lequel nous ne pouvons être d'accord . Depuis 1959 le M.R.A.P. mène campagne pour le vote et la promulgation d'une législation antiraciste . A cet effet, il a été amené à élaborer trois propositions de lois qui ont été communiquées aux parlementaires. Ces textes ont été pris en charge par dès députés de toutes tendances qui les ont officiellement déposés. Des rapporteurs ont été désignés en commission . L'actuel rapporteur de la commission des lois est M. Alain Terrenoire. Mais ces propositions ne sont jamais venues en discussion à l'Assembiée nationale ou au Sénat, car l'ordre du jour des séances est, rappelons-le, fixé par le gouvernement. Accepter enfin la discussion et le vote de ces textes au cours de l'Année internationale, c'eût été non seulement pour notre pays une manière éclatante de monÙer aux autres nations tout l'intérêt que nous portons aux recommandations et décisions de l'O.N.U. , mais aussi, sur le plan intérieur, c'eût été combler un vide effarant car, comme 0: Cl Léon Lyon-Caen, Premi er Président honoraire de la Cour de cassation. C'est alors qu'il était président du M.R.A.P. que, sous sa haute autori té, les propositions de lois contre le racisme Ont été élaborées par la commission juridique du Mouvement. nous ne cessons de le proclamer depuis treize ans maintenant, la législation antiraciste est quasi inexistante en France. Il n'y avait strictement rien avant 1939. Ce dont profitèrent les propagandistes racistes . Spécialement à partir de 1933, certains journaux français , reprenant les thèmes de la propagande antisémitique des nazis , entamèrent de violentes campagnes contre les juifs, provoquant parfois même des heurts assez violents. C·est dans ces conditions que le gouvernement Daladier fit promulguer le décret-loi du 21 avril 1939, communément appelé décret-loi M archandeau , du nom de son auteur, qui complétant les art. 32 , 33 et 60 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 , créa les délits de diffamation (art. 32 ~ 2) et d'injures (art. 33-2) $( envers un groupe de personnes ... qui appartiennent , par leur origine, à une race ou à· une religion déterminée» lorsque la diffamation ou l'injure auront pour « but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants ». 19 Le gouvernement de Vichy, à peine installé, abrogea le décret-loi Marchandeau, le 27 août 1940, et amnistia tous les faits ' commis antérieurement au décret d'abrogation. Le général de Gaulle, dans sa fameuse ordonnance du 4 août 1943, relative au rétablissement de la légalité républicaine, annula le décret de Vichy, ainsi le décret-loi Marchandeau fut donc remis en vigueur. C'est à ce jour, le seul texte législatif antiraciste existant en France. La discrimination et la ségrégation raciales 1. - Mais permet-il réellement de lutter contre toutes les formes du racisme si vigoureusement dénoncées par toutes les instances internationales? Le président Léon Lyon-Caen , Premier président honoraire de la Cour de cassation, avait dans une étude remarquable, en 1959 (( Droit & Liberté» nO 180), souligné que les actes de discrimination ou de ségrégation raciales échappaient totalement à la rénression pénale. De fait, ces « pratiques anti-humaines, antisociales, des plus préjudiciables à notre régime démocratique» qui constituent des violations flagrantes des droits de l'homme, ne sont sanctionnées par aucun texte, soulignait alors le président du M .R.A.P. ' Il a fallu toute la sagacité du collectif juridique du M .R.A.P. pour que soient néanmoins condamnés des cafetiers qui refusaient l'accès de leur établissement à des personnes dont l'origine ethnique, la couleur de la peau ou la confession leur déplaisaient (Affaire du Paris-Londres , septembre 1963. Jugement de février 1966!), le refus de vente étant un délit assimilé à la pratique des prix illicites par l'art. 37 de l'ordonnance du 30 jljin 1945. Les injures et diffamations racistes 2. - Le décret-loi Marchandeau, qui ne s'applique pas aux cas de discrimination et de ségrégatIon raciales réprime- t-il au moins toutes les diffamations et injures racistes? La réponse fournie par les tribunaux est négative. Pour que le délit puisse être retenu , il faut que - outre l'injure et la diffamation - soil rapportée la preuve que l'auteur poursuivi ait eu le but d'exciter à la haine entre habitants. C'est ainsi que dans un jugement du 20 janvier '1971 , la 17" chambre cor- 20 rectionnelle de Paris (affaire Perroux, Gazette du Palais, 8-12-71), résumant toute la jurisprudence, motivait ainsi sa décision : « Attendu que cette expression et ces deux phrases qui critiquent, sans les nommer ouvertement certains israélites français et semblent leur reprocher d'avoir eu en quelque sorte une « double -allégeance», contiennent effectivement une expression outrageante et méprisante d'une part, et deux imputations de faits de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération des personnes visées d'autre part; « Attendu toutefois que cette expression injurieuse et ces deux phrases diffamatoires, si elles se révèlent aussi choquantes dans l'expression que maladroites dans la forme, n'ont pas eu pour but d'appeler à la haine entre les citoyens

qu'ainsi fait défaut un élémeÇlt

essentiel des délits reprochés à Christian Perroux, lequel doit être relaxé des fins de la poursuite sans peine ni dépens ... » 3. - Lorsque, manifestement il y a diffamation ou injure racistes dans le but d'exciter à la haine entre habitants, une personne appartenant au groupe diffamé peut-elle demander réparation devant les tribunaux?' Là encore la réponse donnée par les tribunaux est négative. Un certain Goata ayant écrit : « Il est malheureux qu'Hitler n'ait pas grillé tous les juifs», il fut poursuivi par le destinataire de la lettre. La XIe chambre de la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 3 mai 1967, rejeta la demande comme irrecevable : « La cour d'appel de Paris déclare que ce texte (le décret-loi M archandeau) qui ne considère que les injures dont seraient victimes « des groupes de personnes » n'a pas pour objet d'apporter à certaines personnes prises individuellement une protection particulière en raison de leur race ou de leur religion, mais de sauvegarder l'unité nationale. La personne à qui des injures de caractère racial sont adressées ne pouvait pas, dans ces conditions, être assimilé, e à une partie lésée». (Revue des droits de l'homme , IV, 1.71, étude de Me Fred Hermantin). Pour qu'un particulier puisse être recevable dans son action , il faut qu'il soit personnellement visé par la diffamation ou l'injure! Ce dont se garderont bien les racistes. 4. - Si les particuliers ne peuvent pas intervenir, les associations antiracistes le peuvent-elles? Là, toujours, la réponse des tribunaux est négative! Les 16 et 22 juin 1961, Pierre Poujade dans son journal « Fraternité française » avait très violemment attaqué les juifs. Le M.R.A.P. et l'Union des engagés volontaires et anciens combattants juifs avaient porté plainte, et le tribunal correctionnel de Limoges condamna Poujade, le M.R.A.P. fut déclaré recevable et obtint des dommages et intérêts (7 novembre 1962). Mais la cour d'appel de Limoges, par un arrêt du 25 avril 1963, relaxa Poujade, estimant qu'il n'y avait pas le but d'exciter à la haine entre habitants et déclara le M. R .A. P. irrecevable. Sur pourvoi , la Cour de cassation déclarait dans ses attendus du 6 avril 1965 : « Attendu que l'association n'était pas personnellement visée et ne pouvait se prétendre atteinte par des imputations InJuneuses, fussent-elles caractérisées ... » 5. - Si, ni les particuliers, ni les associations ne peuvent engager des poursuites, l'action du ministère Public palliet- elle au moins ces impossibilités? Hélas! Le président Léon Lyon-Caen écrivait en 1959 : « Malgré le grand nombre de faits qui auraient pu, dans ces quinze dernières années, justifier l'application des dispositions légales, elle fut extrêmement rare, pour ne pas dire inexistante. » Nous n'avons rien à changer à cette appréciation, qui conserve son actualité et toute sa vigueur. La plupart des plaintes adressées par le M.R.A.P. au Procureur de la République n'ont eu aucune suite. En effet, le ministère Public dispose du pouvoir d'appréciation ' 'de l'opportunité des poursuites. Hormis les cas extrêmes, il s'abstiendra de toute poursuite, écartant les doléances des victimes « agissant sous l'impulsion d'une réaction sentimentale justifiée mais intempestive» ! (Gazette du Palais, 8 décembre 1971, note sous jugement de la 17" cour du 20 janvier 1971). Notre affirmation que la législation antiraciste est quasi inexistante en France, se trouve vérifiée par les faits. C'est pourquoi notre Mouvement et tous les antiracistes se doivent de multiplier leurs efforts pour que le Pouvoir législatif et le Pouvoir exécutif dotent enfin notre pays d'une législation et d'une réglementation conformes aux aspirations et aux idéaux démocratiques, ainsi qu'aux voeux et résolutions antiracistes de la communauté internationale . Me Armand OlMET, 1 'Les discriininations légales contre les .t rav.a ill,e urs ____ IOlllllgres IL suffit de se promener dans les villes et villages français et d'être de bonne foi pour constater le phénomène le plus important de la discrimination raciale dont le travailleur immigré est la victime. A lui les travaux les plus pénibles en même temps_que les plus mal payés et dont le travailleur français ne veut· pas. On explique généralement cette situation par une différence de formation, tant scolaire que professionnelle, dont la responsabilité incomberait au pays d'origine de l'ouvrier. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet notamment en ce qui concerne les ouvriers originaires des pays autrefois sous administration française. Mais notre propos n'est pas là . En effet, en dehors de cette discrimination économique ou professionnelle, le travailleur immigré est victime d'une véritable discrimination d'ordre juridique. Cette discrimination est fort mal connue. Les pages qui vont suivre ont pour but d'analyser dans un premier temps le statut juridique de l'ouvrier étranger en France sous l'angle de la discrimination dont il est victime, pour ensuite, dans un deuxième temps, indiquer les moyens législatifs proposés par le M.R.A.P. et d'autres mouvements démocratiques pour faire cesser cette injustice à l'égard d'hommes et de femmes qui contribuent incontestablement et d'une manière très importante au développement économique de notre pays. 1 - LA DISCRIMINATION DANS LE STATUT ACTUEL DE L'OUVRIER IMMIGRE EN FRANCE A vrai dire nous devrions parler non pas du statut juridique, mais des statuts juridiques de l'ouvrier immigré. Car, selon que cet ouvrier est originaire de l'Afrique du Nord, de l'Afrique noire ou de tel pays d'Europe, il aura un statut juridique plus ou moins rigoureux. Et, en ce qui concerne les ouvriers originaires de l'Europe, il y a lieu de distinguer entre le statut de celui qui est originaire d'un pays du Marché commun ou du reste de l'Europe. Il est évident que la discrimination s'exerce moins durement à l'égard des ouvriers originaires des pays du Marché commun qu'à l'égard, par exemple, de l'ouvrier originaire de l'Algérie ou du Portugal. Comme l'ouvrier originaire d'un pays du Marché commun est généralement plus instruit que son camarade de l'Afrique ou du Portugal, il s'ensuit que le front des victimes est amputé en grande partie de ses éléments les plus instruits et qui pourraient donc être un élément important de la lutte pour l'égalité des droits. Cette observation préliminaire faite, nous n'allons pas étudier séparément la discrimination subie par chaque groupe d'immigrés, mais analyser cette discrimination selon le droit dont l'ouvrier immigré est totalement ou partiellement privé. DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 .. Et pour faire ressortir l'existence de cette discrimination graduée en fonction de l'origine de l'immigré, nous indiquerons à l'intérieur de ces chapitres , les différences existant en faveur ou en défaveur de ces groupes. 10 L'ouvrier immigré et le droit de séjourner en France Théoriquement l'ouvrier étranger désireux de venir séjourner en France devrait être titulaire : a) D'un passeport en cours de validité visé par le Consul de France de son pays d'origine; b) D'un contrat de travail visé par le ministère du Travail ; c) D'une autorisation du même ministère; d) D'un certificat médical délivré par un médecin agréé. En pratique, la plupart des ouvriers entrent en France sans remplir toutes ces conditions. Cela est tellement vrai que le gouvernement a lui-même prévu une procédure officielle de régularisatiqn de la situation des ouvriers immigrés soit entrés clandestinement, soit titulaires seulement de l'un ou de l'autre des documents ci-dessus énoncés. Une fois en France, l'étranger doit se présenter dans les huit jours, soit à la préfecture, soit au commissariat de police soit encore à la gendarmerie, pour sollièiter la délivrance d'une carte de séjour. Cette carte ne' lui sera délivrée que s'il peut produire un engagement de travail. Il reçoit alors une carte de résident temporaire valable au maximum pendant un an. Ce n'est qu'à l'expiration de la durée de validité de cette carte qu'il peut être mis en possession d'une carte de résident ordinaire (valable pendant trois ans) et enfin d'une carte de résident dit privilégié (valable pendant dix ans) . Mais qu'il soit titulaire de l'une ou de l'autre de ces trois cartes, l'ouvrier étranger reste exposé à l'arbitraire de l'administration quant à son autorisation de séjourner en France. En effet, le ministre de l'Intérieur, ou, dans certains départements, le préfet, peut à tout moment retirer à l'ouvrier immigré son autorisation de séjour, et dans ce cas il devra quitter le pays dans le ,délai imparti sous peine d'être traduit devant le tribunal correctionnel. Théoriquement, l'ouvrier expulsé a la possibilité de se faire 25 entendre par une commission spéciale constituée auprès du préfet de son département. Mais cette possibilité est chimérique pour deux raisons : 1° Il suffit que le ministre ou le préfet invoque l'urgence, pour que l"immigré soit automatiquement privé de cette faculté. 2° L'avis exprimé par la commission ne lie pas l'administration , qui a parfaitement le droit de passer outre. Il existe enfin le recours contentieux devant les tribunaux de l'ordre administratif. Mais ce recours n'est pas suspensif ; donc l'ouvrier expulsé doit. pendant la procédure (qui est souvent très longue). avoir quitté le pays. Il résulte de ce qui précède , que ie droit de séjourner en France , une fois accordé , reste précaire et met l'ouvrier immigré dans une situation de faiblesse extrême ~ l'égard de l'administration. Cette dernière, dans de très nombreux cas , a partie liée avec l'employeur. C'est ainsi que très souvent la carte de séjour n'est pas délivrée directement à l'ouvrier, mais à son employeur qui la garde par-devers lui. L'on imagine facilement la pression que cette situation permet au patron d'exercer sur son ouvrier. En ce qui concerne les ouvriers originaires des pays du Marché commun, la directive du conseil de Communauté européenne du 25 février 1964 (Journal officiel 1964, page 668) indique que « chaque Etat membre reconnaît un droit de séjour permanent aux ressortissants des autres Etats membres qui s'établissent sur son territoire en vue d'y exercer une activité non salariée , lorsque les restrictions afférentes à cette activité ont été supprimées en vertu du traité» et que « ceux qui sont admis à exercer une activité sur le territoire d'un autre Etat membre en vertu de la législation nationale de cet Etat obtiennent un titre de séjour d'une durée au moins égale à celle de l'autorisation accordée pour l'exercice de l'activité ». C'est en exécution de cette directive, du règlement du 15 octobre 1968 et de la directive du même jour que ces ressortissants reçoivent une carte de séjour valable au moins cinq ans et automatiquement renouvelable. Leur carte de travail est également valable pendant au moins cinq ans. 2° La discrimination de l'ouvrier immigré dans le droit au travail Outre la discrimination signalée en tête de cette étude qui concerne la nature du travail généralement confié à l'ouvrier immigré, ce dernier subit une deuxième discrimination du fait qu"il doit être titulaire, outre la carte de séjour, d'une carte l'autorisant à travailler. Cette carte peut être de l'une des catégories suivantes : - Carte temporaire (durée , activité professionnelle et validité territoriale nettement délimitées). Carte ordinaire à validité limitée (durée de validité : trois ans , délivrée pour une certaine profession). - Carte ordinaire à validité permanente (sans limitation de durée, valable pour toute la France, activité professionnelle limitée) , • - Carte permanente (autorise son titulaire à exercer toute profession de son choix sur tout le territoire de la France) . Sous réserve de ce qui est dit ci-dessus en ce qui concerne l'ouvrier originaire d'un pays du Marché commun, l'administration a le pouvoir absolu de délivrer ou de refuser et même de retirer la carte de travail celle-ci une fois délivrée (sous résèrve également de la situation du titulaire de la carte de résident privilégié- qui se trouve en France depuis au moins dix ans , à qui la carte permanente de travail doit être obligatoirement délivrée). 26 Le retrait de la carte de travail équivaut à une expulsion de fait . 3° La discrimination de l'ouvrier immigré dans l'exercice des droits civiques Ce terme comporte généralement l'étude sur l'électorat, l'éligibilité et d'une manière générale le droit d'un individu de participer à la vie publique du pays dans lequel il se trouve. L'ouvrier immigré ne jouit pas de la plupart de ces droits en raison du fait que leur ' exercice est généralement subordonné à la possession de la nationalité fran çaise. Le nombre croissant d'ouvriers immigrés en France et l"importance de leur participation à la vie économique française, ont obligé le gouvernement à consentir aux ouvriers immigrés un certain nombre de ces droits. Leur exercice sera traité sous trois aspects . 1 ° Le droit d'association et d'être syndiqué. L'ouvrier immigré a le droit de faire partie d'une association. Mais si le nombre d'adhérents d'origine étrangère dépasse le quart, l'association cesse d'être considérée comme étant de nationalité fran çaise et est alors soumise à un contrôle très strict de la part du ministère de l'Intérieur. De même l'ouvrier immigré a le droit de se syndiquer. Mais, il n'a pas le droit d'exercer les fonctions de délégué syndical. Il est évident que cette interdiction réduit énormément la portée du droit de se syndiquer, car qui, mieux que l'ouvrier immigré, connaît les problèmes particuliers qui se posent à ses camarades de travail. Ici également, les ouvriers originaires des pays du Marché commun sont assimilés aux ouvriers français en raison du règlement du conseil de la Communauté économique européenne du 15 octobre 1968. 20 Le droit d'être délégué du personnel ou membre d'un comité d'entreprise. Quels sont les droits des ouvriers immigrés en la matière? Sachant que certaines entreprises importantes ont un personnel composé à concurrence de 80 % d'ouvriers immigrés, l'on comprend l'importance du problème ainsi posé. Tous les ouvriers immigrés ont le droit de voter aux élections des délégués du personnel. Pour être éligible, l'article 7 de la ·Ioi du 16 avril 1946 exige les conditions suivantes : Etre de nationalité française. Etre âgé de 21 ans accomplis. Savoir lire et écrire. Avoir travaillé dans l'entreprise sans interruption depuis 12 mois au moins. Sont exempts de la condition de la nationalité française : - Les étrangers titulaires de la carte de résident privilégié. - Les travailleurs frontaliers titulaires de la carte permanente pour toute profession salariée. La situation des travailleurs algériens em ployés en France a donné lieu à un contentieux important en ce qui concerne leurs droits d'eligibilité aux organismes représentatifs du personnel. La déclaration de principe relative à la coopération économique et financière annexée aux accords d'Evian stipule en effet dans l'article 7 : « Les ressortissants algériens résidant en France, et notamment les travailleurs , auront les mêmes droits que les travailleurs fran çais à l'exception des droits politiques». La discussion portait donc sur la question de savoir si le terme « droits politiques» englobait le droit d'éligibilité aux organismes représentatifs du personnel. Cette discussion paraît maintenant close par deux arrêts rendus le 18 mai 1971 par la Cour de cassation , admettant Ils apportent W1 concours indispensable à l'économie française ... .. . leurs fam illes sont privées de certains droits sociaux dont bénéfi cient les autres travailleurs. que la déclaration d'Evian avait force légale et devait être interprétée comme conférant aux ouvriers algériens le droit d'éligibilité. Cette interprétation indique clairement que cette éligibilité faisait partie des droits privés et non pas des droits publics. Le même jour la Cour de cassation a refusé le droit d' être délégué du personnel à un ouvrier camerounais présenté par ' Ia C.F.D.T. aux élections des délégués du personnel de la Régie Renault. Mais cette question de principe résolue une autre difficulté surgit. En effet, comme il a été indiqué ci-dessus, il faut que les délégués sachent lire et écrire. Les employeurs ont donc fait admettre par les tribunaux que cette condition devait être interprétée comme signifiant que le candidat devait savoir lire et écrire le français. Un jugement du tribunal d"instance de Nancy (24 novembre 1969) a ainsi annulé la désignation de deux délégués d'origine algérienne sachant seulement lire et écrire l'arabe . Ses motifs ne paraissent pas résister à un examen plus approfondi des faits et des textes . Observons d'abord que les décisions de la Cour de cassation du 18 mai 1971 ont admis que les accords .d' Evian priment les lois internes. Or, les accords d'Evian confèrent aux ouvriers algériens tous les droits des ouvriers français sans subordonner leur exercice à la connaissance de la langue française . De même en ce qui concerne le traité de Rome, toute la Doctrine estime que les ressortissants de ces pays sont éligibles (Batiffol Droit Inter- DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 national Privé nO 189) et en ce qui concerne l'impossibilité dans laquelle se trouverait l'ouvrier immigré ignorant notre langue d'exercer ces fonctions , nous nous permettrons de faire deux remarques : 1 ° Comment l'ouvrier immigré du Marché commun, qui, lui, a incontestablement le droit d'éligibilité sans qu'on exige de lui la connaissance de la langue française , exercera-t- il les mêmes fonctions? L'ignorance de la langue française ne paraît donc pas être eo ipso, un obstacle à l'exercice de ces fonctions. 2° Si l"ignorance d'une langue devait constituer une cause d'inégalité, que dire d'un délégué représentant le personnel d'une entreprise constitué à concurrence de 80 % d'ouvriers d'origine algérienne, et qui ignorerait l'arabe? Cette ignorance ne le rendrait-elle pas plus incapable d'exercer ces fonctions , que l'ouvrier algérien sachant seulement l'arabe? Er) fait il s'agit d'un faux problème. Les entreprises employant un nombre d'ouvriers immigrés suffisamment important pour que ces derniers puissent élire un des leurs comme délégué, ont généralement des interprètes à leur disposition. L'on ne voit en effet pas comment une telle entreprise pourrait fonctionner autrement. Il est évident q'ue cet interprète pourrait , si cela était nécessaire, faciliter l'exercice des fonctions par l'ouvrier immigré ne sachant que l'arabe. 3° Les droits civiques du Français naturalisé. En principe l'étranger naturalisé Français ne peut pas exercer de fonctions électives pendant un délai de dix ans à compter de la promulgation de son décret de naturalisation, sauf exceptions prévues aux articles 81 , 82 et 83 du Code de nationalité française. Cette disposition a pour effet de mettre le Francais naturalisé (en ce qui concerne l'éligibilité comme délégué du personnel) dans une situation inférieure à celle accordée par la doctrine et la jurisprudence aux ouvriers immigrés d'Algérie , et de toute manière aux ouvriers immigrés originaires d'un pays du Marché commun. Toute l'incohérence des incapacités édictées à l'encontre des naturalisés apparaît quand on constate que, par la loi du 19 juillet 1934, la durée de l"incapacité pour le naturalisé d'accéder aux fonctions publiques rétribuées par l'Etat, aux offices ministériels et au barreau a été réduit à cinq ans, alors que pour , être simplement délégué du personnel ou membre d'un Comité d'entreprise, la ioi a laissé subsister une incapacité qui dure dix ans après la naturalisation. 4° La discrimination des ouvriers immigrés en matière de droits sociaux. Selon que le pays dont l'ouvrier immigré est Originaire a passé avec la France des conventions de sécurité sociale ou non, cet ouvrier bénéficiera en France de prestations plus ou moins importantes. Mais il faut rappeler que les ouvriers immigrés quel que soit leur pays d'origine sont soumis aux mêmes obligations quant au paiement des cotisations sociales. Une différence supplémentaire résulte de la domiciliation en France de la famille des immigrés. 1 ° La famille de l'ouvrier étranger réside en France. Quand on connaît les conditions dans lesquelles les ouvriers immigrés sont logés en France, l'on comprendra que cette catégorie d'ouvriers immigrés est extrêmement réduite . Dans cette hypothèse néanmoins, l'ouvrier immigré, quelle que soit sa nationalité, reçoit les allocations familiales, les assurances maladie, maternité, décès dans les mêmes conditions que les ouvriers français. Toutefois , l'allocation de maternité 27 n'est attribuée que si l'enfant est né fra.nçais ou acquiert cette nationalité dans les trois mois de sa naissance. De même, les familles des travailleurs immigrés installées en France ne peuvent pas bénéficier : - Des cartes de priorité pour les femmes enceintes, et des cartes de familles nombreuses (réduction sur les prix des transports) . - Des bourses d'études pour leurs enfants. 2° Si la famille est restée au pays d'origine. Sous réserve des accords bilatéraux existant éventuellement entre ce pays d'origine et la France, c'est la législation sociale du pays d'origine qui s'applique. a) En ce qui concerne les prestations familiales : La famille française comprenant trois enfants touchera 337,00 F. En Algérie ............................... 90,00 F Au Mali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37,00 F En Mauritanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75,00 F Au Maroc . .............................. 100,00 F Au Sénégal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75,00 F En Italie ................................ 117,07 F En Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 110,00 F Au Portugal ............................... 55,00 F Pour certains pays d'Afrique, le régime local dispose que les allocations familiales ne sont pas payées pour tous les enfants. b) Salaire unique: Les familles résidant hors de France n'y ont pas droit. ~) Remboursement des soins aux familles: La famille de l'ouvrier originaire d'un pays du Marché commun en bénéficie comme les familles françaises. Les Espagnols, Portugais, Algériens et Grecs en bénéficient pendant trois ans. Les familles marocaines, tunisiennes, maliennes, sénégalaises et turques n'y ont pas droit. Il Réformes législatives La Convention adoptée par la conférence internationale du travail le 25 juin 1958 condamne expressément toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion publique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité des chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession. Elle demande que soit abrogée toute disposition législative et modifiée toute disposition ou pratique administrative qui sont incompatibles avec une politique de non discrimination. De même la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dispose dans son article 3 : « Des efforts particuliers seront faits pour empêcher toute discrimination fondée sur la race, la couleur ou l'origine ethnique notamment en matière de droit civil, d'accès à la citoyenneté, d'éducation, de religion, d'emploi, d'occupation et de logement. » Rappelons que la France a signé ces Conventions. Une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 3 octobre 1 968 par les membres du groupe communiste et apparentés exige donc logiquement: 1 ° Que toutes les dispositions limitant le droit à la libre circulation des étrangers en France soit abrogées. 2° Que les cartes de séjour soient délivrées gratuitement et soient renouvelables de plein droit. 28 3° Que les immigrés, les réfugiés et les apatrides soient assimilés aux Français indépendamment de toutes conventions de réciprocité pour le bénéfice des dispositions de la législation civile et la législation du travail. 4° Que l'ouvrier immigré bénéficie des mêmes droits que l'ouvrier français en ce qui concerne les accidents du travail, la sécurité sociale, les prestations familiales, le salaire unique (que la famille réside en France ou dans le pays natal), l'allocation de maternité, la médaille de la famille, les cartes de priorité aux femmes enceintes et aux familles nombreuses, les secours de chômage, etc. 5° Que l'ouvrier immigré bénéficie des mêmes droits que l'ouvrier français en ce qui concerne les élections prud'hommales, les élections de sécurité sociale, l'éligibilité Gomme délégué au comité d'entreprise et délégué du personnel, du droit d'administrer ou de diriger des syndicats professionnels. Une proposition de loi déposée par M. Halbout le 3 octobre 1968 sur le bureau de l'Assemblée nationale (Journal officiel du 23 mai 1969) demande que des cours d'alphabétisation et d'enseignement du français soient organisés en faveur des travailleurs immigrés analphabètes avec le concours et sous le contrôle du ministère de l'Education nationale et du ministère des Affaires sociales. Toutes ces propositions ont été renvoyées en commission et ne sont jamais venues en dicussion en assemblée. Le même sort a été réservé à une de loi concernant renseignement du français, l'alphabétisation et la promotion sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale par les membres du groupe communiste et apparentés, le 3 octobre 1968; ainsi qu'à la proposition de loi « tendant à renforcer la garantie des droits individuels et des libertés publiques des travailleurs immigrés », déposé par le même groupe le 3 juin 1970 ; et aussi aux deux propositions de loi déposées le 1 er juin 1971 par M. Marette, rune « tendant à garantir la dignité et améliorer la qualité d~ vie des travailleurs immigrés en France», l'autre « tendant à assurer la représentation des travailleurs étrangers en France au Conseil économique et social ». Nos lecteurs savent que les textes élaborés par le M.R.A.P. tendant à soumettre à une juridiction les mesures d'expulsions des étrangers et déposés par MM. Durafour, Sanford et Barrot du groupe P.D.M., ainsi que les textes de loi concernant une véritable législation antiraciste élaborés également par notre Mouvement ont subi le même sort, bien que ces textes de loi aient été régulièrement déposés à toutes les législatures depuis 1959 et que des rapporteurs membres de la majorité aient été désignés. Nous avons délibérément voulu donner à cette étude un ton mesuré comme il sied à tout travail juridique. L'on permettra à l'auteur d'indiquer que la simple énumération des textes et solutions jurisprudentiels ne doit pas cacher aux lecteurs que ces décisions ont pour résultat de tenir des centaines de milliers d'hommes et de femmes vivant en France dans la situation de véritables parias dans une société dite de consommation. Ces hommes et ces femmes contribuent d'une manière déterminante à l'essor de l'économie française et non seulement le droit résultant des Conventions internationales signées par la France, mais l'intérêt bien compris de l'économie française exige leur parfaite égalité avec les ouvriers français en ce qui concerne les logements, renseignement, le droit au séjour, le droit au travail, les droits sociaux et les droits civiques. Tous les vrais démocrates, tous les vrais progressistes oeuvreront avec le M.R.A.P. pour obtenir l'adoption des mesures législatives qui aboutiront à cette égalité. Me Manfred IMERGLIK clnllsatlons La découverte de la Polynésie IL y a deux cents ans, un cinquième du globe demeurait inconnu. Le savant président de Brosses, s'appuyant à la fois sur des récits vagues de navigateurs anciens et sur une hypothèse scientifique contestable, croyait à l'existence d'une terra australis incognita, continent qui, en faisant contrepoids dans le Pacifique Sud à la masse de l'Asie, de l'Europe et de la moitié de l'Amérique, aurait permis à la terre de tourner rond. Avocat fervent de l'exploration de cette terre australe fabuleuse, l'érudit président avait publié en 1756 un gros ouvrage qui se terminait par une exhortation au roi et au peuple français à prendre rapidement possession de cet immense continent. Son ouvrage immédiatement traduit en anglais éveilla plus d'intérêt de l'autre côté de la Manche qu'en France. Bougainville partit le premier en 1766, avec instruction d'explorer cette terre australe et sans doute d'en prendre possession , mais aussi d'en rapporter « des échantillons et des dessins», et aussi d'observer l'éclipse du Soleil par Vénus qui préoccupait fort les astronomes à cette époque car on espérait à raide de son observation en différents points du globe, pouvoir mesurer pour la première fois la distance de la terre au soleil. L'expédition de Bougainville marque donc un tournant qui sera suivi par celles de Cook dans les voyages de découverte

pour la première fois, un souci d'informations scientifiques

fait adjoindre aux marins des hommes de science , et c'est ainsi que Bougainville partira accompagné entre autres, de Commerson, naturaliste-botaniste et astronome, qui rapportera un journal manuscrit de 350 pages illustrées de croquis, les échantillons de 3 000 plantes nouvelles, et qui finalement mourra en 1773 à lïle-de-France (Ile Maurice) où il s'était rendu pour observer la fameuse éclipse du Soleil par Vénus. Un grand mirage On doit à Bougainville la véritable découverte de Tahiti , en avril 1768, où l'Anglais Wallis n'avait fait qu'une brève escale l'année précédente. Bougainville , ami des philosophes , familier du mythe du bon sauvage, aura l'heureuse inspiration de baptiser cette découverte la Nouvelle -Cythère , mais loin de se comporter en véritable précurseur des ethnographes, il ne verra les Tahitiens qu'à travers le mythe qu'il croit voir réaliser sous ses yeux. Illusion fascinante qu' il transmettra à ses contemporains en publiant à son retour, en 1771 , son fameux « Voyage autour du monde ». Outre les croquis de Commerson , Bougainville avait rapporté des îles polynésiennes rencontrées (Tahiti et une partie de Tuamotu) des objets qui ont été malheureusement perdus ou détruits, les derniers disparaissant au cours de la dernière guerre. Il nous reste de cet homme intellectuellement bien doué et ouvert aux idées de son temps, un grand mirage qui mènera Gauguin, et tant d'autres, à la recherche du paradis des Iles DROIT ET LIBERTE - N° 310 - FÉVRIER 1972 .. Statues du dieu A'A et du dieu Rao. des mers du Sud et dont quelque chose demeure au fond de l'imagination de chacun de nous. On lui doit aussi une réaction basée sans doute sur une illusion idyllique, sur une rêverie philosophique , à partir d'une réalité superficiellement observée , mais qui aura des prolongements immenses: pour la première fois , un Européen découvrant « le bon sauvage» en chair et en os, se demande si la civilisation de ce dernier n'est pas supérieure à la sienne, par certains aspects? Le capitaine Cook quitte l'Angleterre pour le premier de ses trois voyages en 1768-. Lui aussi est accompagné d'une équipe de savants, naturalistes, botanistes, astronomes et ses instructions ressemblent à celles de Bougainville. Cook est un marin de grande valeur, d'origine modeste et monté par le rang , c'est un remarquable meneur d'hommes, un organisateur et un esprit ouvert. Ses trois campagnes qui s'échelonnent de 1768 à 1779 constitueront des succès sans précédent grâce à la fois aux remarquables qualités de leur chef, aux progrès extraordinaires réalisés par les instruments de navigation et par l'amélioration de l'état de santé des équipages résultant de la lutte systématiquement menée par Cook contre ce fléau des grandes expéditions maritimes: le scorbut. Ce peuple si attachant Au cours de son premier voyage (1768- 1771), Cook passe à son tour à Tahiti, y fait une longue escale et y érige un observatoire portatif d'où Joseph Banks observera la fameuse éclipse du Soleil par Vénus. Puis il accomplit un périple à travers la Polynésie qui lui fait pressentir l'inexistence du continent austral et lu i permet d'établir pour la première fois la carte de la Nouvelle-Zélande dont il fait deux fois le tour. Il repart en 1772, ~ 29 ~ avec mission expresse d'élucider le problème du continent austral. Il exécute alors U[l véritable ratissage du Pacifique Sud, de la banquise aux tropiques et ira de nouveau en NouvelleZélande et à Tahiti. Un~ troisième expédition ayant pour but cette fois de rechercher un passage au-delà du détroit de Béring le fait passer pour la troisième fois à travers la Polv.nésie, faire une dernière escale à Tahiti et au retour de son exploration infructueuse du Pacifique Nord, s'arrêter à Hawaï où il trouvera la mort au cours d'une échaùffourée. Cook s'était attaché visiblement aux Polynésiens et particulièrement aux Tahitiens qu' il observe cependant avec' beaucoup plus de sang-froid et de réalisme que son prédécesseur, Bougainville. Homme remarquable qui a acquis lui "même des connaissances en matière d'hydrographie, €le mathématiques et d'astronomie , formé sans doute au contact des spécialistes qu'il emmène à son bord , il rapporte de ses voyages des observations d'une exactitude et d'une pénétration qui peuvent le faire considérer comme l'un des premiers ethnographes. Que renéontrèrent Bougainville et Cook? La Polynésie d' aujourd'hui n'en a conservé que les paysages: atolls ou îles montagneuses et les descendants de ce peuple polynésien si attachant. Pendentif (TIe de Pâques). Primauté à l'esthétique Ce que l'exposition « La découverte de la Polynésie» présente au public, à côté d'une brève évocation des grands navigateurs appuyée sur un petit nombre de pièces et de manuscrits majeurs, c'est l'ensemble des objets par lesquels s'est manifestée, à l'époque de la découverte , la. civilisation polynésienne. On y trouve groupés sous les noms de Tahiti , Nouvelle-Zélande, Tonga, île de Pâques, Marquises, îles Cook et Australes et Hawaï, 180 des plus remarquables objets qui furent rapportés par Cook et ses compagnons et par les expéditions qui les suivirent immédiatement et qui présentent un art si raffiné dans la confection d'un objet usuel, d'une arme, d'un ornement ou d'une statue religieuse que l'on en demeure saisi. Maurice Leenhardt n'écrivait- il pas dans « Arts d'Océanie» : « Les Océaniens sont le seul peuple au monde qui ait donné à l'esthétique la primauté»? 30 De fait , les Polynésiens n'ont pas connu l'expression écrite (on ne connaît d'écriture que les tablettes à usage religieux de l'île de Pâques dont les trois plus belles se trouvent dans l'exposition et dont la signification demeure totalement mystérieuse) . C'est donc des objets que les Polynésiens se sont instinctivement servis pour donner le jour à une expression intellectuellement informulée mais plastiquement d'une extraordinaire éloquence . C'est ce dont témoignent ces pièces uniques du British Museum (( Femme qui danse» d'Hawaï, statue du dieu A'A des îles Cook) , du musée de Saint-Germain-en-Laye (statue du dieu Rao), ces tiki en forme de bâton sculpté au visage hallucinant venant de collections particulières (îles Cook et Austraies) , ces tiki des îles Marquises venant du Musée de l'Homme ou de collections particulières, ces pagaies cérémonielles de l'île de Pâques (collections particulières) , cette proue de piroque de l'île Chatam merveilleusement ouvragée (Musée d' Histoire naturelle de Rouen), ces manches de chasse-mouches de Tahiti aux sculptures minuscules par la taille mais magnifiquement monumentales par leur conception et leur traitement (M usée d'Archéologie de Cambridge, Musée de l'Homme et collections particulières). Tels sont quelques-uns des témoins de ce que Bougainville et Cook découvrirent entre 1768 et 1779 et qui ont été rassemblés dans cette exposition pour rendre hommage, en ce 200· anniversaire de .Ia découverte, au peuple polynésien et à sa culture. Marie-Jean BERAUD-VILLARS, Administrateur de la Société des Amis du Musée de l'Homme. Cette exposition a lieu au Musée de l'Homme, Palais de Chaillot jusqu'au 15 juin, tous les jours (sauf mardi) de 10 à 18 h, le mercredi jusqu'à 21 h. ,. LES EDITIONS DU PAVILLON Directeur-gérant Roger MARIA 5, rue Rollin, Paris-5" - Tél : 326-84-29 - C.C.P. Paris 10.865.02 C.C.P. Paris 10.865.02 Vient de paraÎtre : • Jean-Baptiste Marcellesi, Chargé de maîtrise de conférence à l'Université de Rouen : Le Congrès de Tours (décembre 19201. Etudes sociolinguistiques. Préface d'Ernest Labrousse, professeur à la Sorbonne, avant-propos de Jean Dubois, professeur à Paris-Nanterre .. . ... ...... .. ..... 45 F • Jacques Reclus, ancien prof3sseur à l'Université de Pékin: La Révolte des Taï-Ping (1851-18641. Prologue de la Révolution chinoise. Préface de Jean Chesneaux, professeur à la Sorbonne . ... . . .. . .. .. ... . 28 F • E.-N. Dzelepy : Le Secret de Churchill. Vers la Troisième Guerre mondiale? 1945 .... ... . .... 33 F • Jean Humbert, professeur à l'Institut de francais de l'Université de Fribourg : . Le vrai visage de la langue française . . . . . . . . . . . . . . .. 22 F • Action poétique n° 49 (1919 - La Commune de Budapest - MA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 F • Etienne WEI LL-RAYNAL, agrégé d'histoire, docteurs ès-lettres Le double secret de Jeanne la Pucelle révélé par des documents de l'époque. Préface d'André BILLY, de l'Académie Goncourt...... . ........ . ..... . .. . .. . . 24 F • Odet DENYS Oui était le chevalier de Saint-Georges? Préface de Pierre COT ...... .. 18 F Vente aux libraires ODÉON-DIFFUSION, 24. rue Racine. Paris-VI" - Tél. : 033-77-95. arts David et Bethsabée TE Grand Palais prête quelques-unes de ses nouvelles cimaises .L à l'un des chefs-d'oeuvre de la tapisserie bruxelloise, « La Tenture de David et Bethsabée)). Cet ensemble confié par le musée de Cluny, qui faute de place, ne peut l'exposer, se compose de dix immenses tapisseries. Chacune relate, nOtls dit-on, un ou plusieurs événements de l'histoire de David, roi de Juda et d'Israël. Mais avant de passer à la « lecture)) de ces oeuvres, regardonsles sans nous préoccuper du sujet. A droite, en pénétrant dans la galerie, une première tapisserie attire notre regard : vaste composition aux couleurs contrastées, elle semble tout entière centrèe autour du vêtement bleu et blanc de l'un des personnages. La qualité du blanc est tout à fait extraordinaire, il retient et renvoie tout à la fois la lumiére. La laine, matériau vivant, a gardé à travers les siècles, sa luminosité, et peut faire apprécier la virtuosité du lissier. Cet éblouissant détail n'est qu'un exemple parmi d'autres, de tous ceux qui attendent l'amateur tout au long de sa visite. Parfois il se croira au meilleur jour de la tapisserie gothique, où des centaines de personnages emplissent la surface, parfois au contraire, il verra l'espace s'ouvrir sous ses yeux, dans de vastes palais de la Renaissance. Il pourra se laisser séduire par les audaces de compositions et de couleurs, mais quand il voudra retrouver les personnages tels que nous les décrit l'Ancien Testament il pourra être déçu. En effet l'une des notions essentielles de la Bible, n'est-elle pas la royauté contrôlée par le prophétisme ? Ce principe n'est guère illustré ici. Une seule tapisserie évoque la rencontre de David et du prophète Nathan, et elle est surtout prétexte à une composition « ou la colère de Dieu et la justice passent avec d'admirables ailes)) (2). Plus loin nous voyons David recevant la reddition de Rabba, et Joab, général du roi, rassemblant le butin devant la ville incendiée. C'est sur cette dernière scène que se termine l'exposition, nous laissant l'image d'un tyran absolu et cruel. Les passions et les déchirements du roi de Juda et d'Israël, la transformation "et la purification de David, vénérè tel un prophète par l'Islam même, n'apparaissent pas non plus. Mais ne peut-on dire aussi, que l 'artiste, plus fidéle qu'il ne semble à son héros musicien et poète, s'est soucié avant tout de formes, de couleurs et d'espace? Solange DREYFUS. DROIT ET LIBERTÉ - ND 310 - FÉVRIER 1972 .. David recevant les Insignes royaux du vaincu (détail). En arrière'plan : « la ville de Rabba en Ramilles)). (1) Grand Palais jusqu'au 27 mars 1972. (2) P.-M. Grand, Le Monde, 22 décembre 1971. 31 • cinélDa Trois films chinois Du cinéma chinois, on ne connaissait à ce jour, que la déclaration de Mao Tsé Toung : « Le cinéma a aussi sa place dans la lutte menée contre la culture féodale.» Or, pour la première fois, trois films chinois sortent à Paris. D'auteurs inconnus, car désormais, le tournage d'un film est devenu une oeuvre collective, avec critique collective du travail achevé, ces trois oeuvres ne suscitent guère à vrai dire, qu'une curiosité assez limitée. Elles permettent surtout un constat sur ce qu'est devenue la culture chinoise sous l'effet de la « révolution culturelle», de ses erreurs et de ses outrances. Il La construction du pont de Nankin sur le Yang-Tsé Il est une ode au béton et à l'acier mise au service d'une idéologie . Dans ce documentaire, au côté propagandiste assez pesant, on voit comment «armés de la penséé de Mao, les ouvriers chinois réussissent à ériger un pont là où les impérialistes et les révisionnistes le jugaient impossible». Un peu moins académiques et rudimentaires sont Il La Guerre des souterrains Il et Il Le Détachement féminin rouge Il. Le premier relate un épisode de la guerre sino-japonaise . Toujours grâce au Parti communiste et à la pensée de Mao, des villageois résistent aux impérialistes japonais en creusant de nombreux souterrains. Quant au second, c'est un ballet à thème révolutionnaire qui conte les aventures de Wou-tsing-houa face au tyran Nan. Tournée sous la supervision de la femme de Mao Tsé-Toung, Kiang Tsing, cette façon de mettre en images la lutte contre l'oppression apparaît trop figée et solennelle. Actuellement, aucun film de pure fiction n'est encore tourné en Chine et il faut avouer que ces trois « spécimens» du cinéma maoïste sont assez décevants et peu convaincants. « Espagnoles à Paris )) Un film, dont on dit déjà beaucoup de bien, sort ces jours-ci à Paris. Il s'agit de « Espagnoles à Paris», de Roberto Bodegas. Cette sorte de « 0 Salto» traitée sur le mode allègre relate les mésaventures tragi-comiques de jeunes Espagnoles venues travailler à Paris comme bonnes dans les beaux quartiers . Il sera intéressant pour les amis du M.R.A.P. d'étudier les problèmes posés par cette forme d'immigration et abordés dans cette oeuvre. Trois festivals Signalons trois festivals cinématographiques du tiers monde . Il est de nombreux domaines où l'indépendance de l'Afrique reste purement formelle : le cinéma, où l'emprise coloniale est flagrante est de ceux-là. Ainsi, jusqu'à présent, les films arabes et • La 25e Vente de solidaritékermesse de la Commission centrale de l~nfance aura lieu dans les salons de l'Hôtel Moderne du 15 au 20 mars 1972, de 10 heures à 20 heures sans interruption. 32 africains avaient été découverts dans des festivals occidentaux. Pour remédier à ce désolant état de fait, des festivals auront lieu en 1972, à Damas, du 12 au 19 févri er, à Ouagadougou , du 4 au 11 mars, et à Carthage, du 30 septembre au 7 octobre. Nul doute que ces trois manifestations seront le tremplin d'oeuvres intéressantes et originales comme ce fut le cas, par exemple, à Carthage , en 1966 pour Il La Noire de ... 11 de Ousmane Sembène, et Il Le Veilleur de nuit Il de Chawki en 1968. Marie-France SOTTET Un disque témoignage , LIBEREZ ANGELA DAVIS 1 • Le spectacle donné par la Compagnie JOSÉ VALVERDE du Théâtre Gérard Philipe

Un disque G.U. LDX 74460 Chaque année, l'Association des écrivains de langue française qui regroupe tous les pays francophones - Afrique, Antilles et Guyane, Madagascar, Suisse, Belgique, Canada, etc. distingue un auteur originaire d'une de ces régions. En 1971 , pour les Caraïbes, elle a couronné en lui attribuant son prix, le dernier recueil de poémes de notre amie Marie-Magdeleine Carbet « Rose de ta grâce» (1). « Poéte ... 'un mot qui me dépasse, qui res~ à définir, auquel je n'aspire pas, nous a-t-elle déclaré. Je glane la poésie partout où je la trouve, dans la vie de tous les jours, dans les yeux d'un enfant, comme une chose simple et naturelle. « Etre poéte pour nous autres adultes, c'est retrouver la pureté, l'état de grâce d'un enfant. « Je ne recherche pas l'effet poetique. Je gratte des carottes, je fais des travaux de couture... je m'interromps pour fixer une image qui va disparaître. Selon mes loisirs, je la travaille. Mais je conserve le premier jet, le rythme s'impose à moi : il se manifeste dans le souffle, la respiration, dans les sensations. « C'est aussi ce rytllme qui existe dans le créole, ce « patois», dont Gilbert Gratiant qui en conserve le culte, en dénombre les valeurs, voudrait qu'on dise qu'il est une langue. Le créole a jailli lorsqu'ont été mis en présence les esclaves africains importés aux Antilles et les colons. Ce st poéSie Rose de A ta grace du vieux français prononcé à la maniére africaine, non pas du « p'tit négre», mais un langage condensé, trés harmonieux, trés rythmé, trés difficile à comprendre, à répéter, à cause de l'accent tonique qui peut modifier le sens du mot. Il n'a pas d'orthographe, car il n'existe pas en tant que langue écrite, mais il se conserve dans les traditions orales : proverbes, comptines, récits, poémes, etc., richesses qu'il ne faut pas laisser perdre, patrimoine de notre peuple. « En ce qui me concerne, j 'écris en fran çais. Il y a trop longtemps que nous parlons le français pour que j 'éprouve le besoin d'utiliser des expressions africaines ou antillaises. Le probléme n'est pas d'ailleurs du moyen d'expression mais plutôt de l'audience que nous recherchons comme ecnvam. « J'ai la pénible impression d'être enfermée dans un ghetto. Il est fait un sort spécial au roman antillais sur lequel on porte un jugement a priori. Ainsi, on attend de moi que je me présente dans le style « jamais malade, jamais mou'i' », avec tout l'arriére-plan du folklore. En fait, je m'en voudrais qu'on dise de mes romans qu'ils ne sont qu'antillais. Je pense qu'ils peuvent être écrits par n'importe qui, puisqu'ils posent des problémes humains, tout en se reférant aux Antilles. Au fond, nous avons le tort d'être des exilés, ni Français, ni étrangers, puisque nous ne profitons pas des égards dus à ces derniers. » M.K. (1) Paru aux éditions du Cerf-Volant. Cf. « Droit et Liberté» nO 298. PIEDS SENSIBLES Les chausseurs du super-confort et de l'élégance CI" vix UNIQUE en CHEVREAU. en SPORTS et en TRESSE MAIN Femmes du 35 au 43 - Hommes du 38 au 48 6 largeurs différentes (9") GARE SAINT-LAZARE, 81 , rue St-Lazare (MO Saint-Lazare . Trinité) (6' ) RIVE GAUCHE, 85, rue de Sèvres (M" Sèvres - Babvlone) (lÜ'") GARE DE L'EST, 53, boulevard de StrasbouI;g (Mu Château.d ' F:au) .


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DROiT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 Jeunes . ~ poetes A part les revues de poésie - les quelques vigoureuses dont je vous ai parlé et les autres de c1ientéles ou cénacles - qui parle des jeunes poétes ? Il est vrai, tous paraissent à compte d'auteur et cette aubaine aux éditeurs ne saurait correspondre au choix. Et comme tout recevoir comme tout lire n'est pas possible, il faut découvrir dans un lot. Qu'on m'excuse donc d'ignorances injustes. Le dernier reçu, le plus opulent : Fri· den -Kraft. Son Mélusine (1), justifiant son sous-titre a la saveur de l'amour et lutte pour une floraison de l'homme. Une séve violente y craque en bourgeons. La trouvaille baroque en jaillit fleur d'insurrection. J'aime que ce frémissant écrive : Je ne suis que la plainte de l'eau qui s'assèche, la larme du feu qui s'éteint. Notre ami Jean-Claude Antok assume dans son Ex-Ode (2) la tendre contradiction du poéte, puisqu'il désire que son poéme soit « pelletée de silence» mais écrit : Ilfaut chanter Il faut beauté Musique d'or dans les doigts agiles C'est Qu'âge mort si tu l'éveilles Viendra le soir d'un renouveau Dans Noyer la mer (3), Christian Augére, en sonores « touffes de couleurs » lie lui aussi « des mots qui se rebellent... jusqu'au silence ». Il nous invite à boire sa tisane d'épines. Et, il le faut avouer, on en a envie. Dans cette remontée classique, d'où émergent Gateau, Foreau, Loi, Sodenkampf, avec ses Floraisons (4), Michel Fauré prend place : Et le coeur bien au chaud, le regard bien len terre. Dans Cimaise (1), pour Bernard Picavet, le mot est un agent de change et : Les canons crachent des banquiers Mais notre ami Claude Paris, coeur toujours juvénile, en Seize poèmes de l'amour et la mort, simples et émouvants, rend présente celle qu'il a perdue quand : Les jours naissent et meurent à la limite [de l'éternité. Jean CUSSAT-BLANC. ( 1) Traces. (2) J .· P. Oswald. (3) Rougerie. (4) Subervie. 33 • Ii~es " Le fascisme dans son époque Il CHACUN des trois tomes du Fascisme dans son époque (1), par l'historien Ernst Nolte comporte un historique des mouvements fascistes, un exposé de leur organisation et enfin une recherche sur leurs racines psycho-sociologiques. Déjà, avant l'Action française, Joseph de Maistre et Drumont avaient essayé de substituer dans l'imagination ouvriére l'ennemi racial à l'ennemi de classe. La lecture de Maurras révéle plus profondément une conception de la « Beauté éternelle », inséparable selon lui des positions sociales existantes et qu'il faut défendre contre ses ennemis. Au premier rang de ceux-ci, la Démocratie qui, en amalgamant des groupes humains « naturellement différenciés », défigure la « déesse France». Ennemis encore les « Etrangers », qui troublent la pureté de la patrie, la finance internationale et la Révolution qui détruisent la fortune des particuliers et de la nation. Ennemis enfin, le romantisme allemand opposé au classicisme antique et le christianisme primitif, qui enseigne le détachement des autorités terrestres en faveur de l'Absolu divin. L'effort de l'Action française vers l'élaboration d'une idéologie cohérente ne se retrouve pas chez Mussolini qui se recommande d'une primauté de l'action. L'histoire du fascisme italien se confond avec l'évolution qui conduisit Mussolini du marxisme à l'extrême-droite nationaliste. Nolte recherche les causes de cette évolution dans 'la réalité italienne de l'entre deux guerres et dans le caractère impressionnable de Mussolini. Ne pouvant faire la révolution marxiste avec des socialistes dont il rejetait « l'humanitarisme bourgeois », et des « masses populaires» insuffisamment éduquées, il fit avec les conservateurs une révolution politique qui déboucha sur la guerre et sur le succès de la réaction. Aprés les occupations d'usines de 1920, il eut recours au mythe : « Le fascisme est un besoin de notre race aryenne et méditerranéenne qui, à un moment donné, s'est sentie menacée dans ses raisons de vivre essentielles.» Cette crainte maurrassienne d'une mala- • Notre ami Yeru expose des peintures et dessins à la galerie fi Art du monde», 23, rue Jacob, Paris-6e , du 2 au 29 février. 34 die universelle menaçant la « race pure» se réduit cependant, chez Mussolini, à quelques germes de racisme politique. Elle constitue en revanche l'essence de la doctrine hitlérienne, dont Nolte retrace l' historique depuis Mein Kampf non sans en avoir cherché les sources chez Rosenberg et le comte de Gobineau, dont le racisme apparaît surtout comme le réflexe défensif d'une classy dirigeante. Qùe le national socialisme comporte ce réflexe, Nolte ne le nie naturellement pas. Mais l'intérêt de son analyse réside moins dans le récit historique que dans le développement des racines psychologiques du nazisme. Pour Hitler, trois nécessités font loi : l'autarcie économique contre l'internationalisation de l'économie, l'auto-protection de la nation dans un territoire assez vaste, et le maintien par la guerre éternelle des particularités sociale et raciale contre le bolchevique et le juif. Au fond, Hitler veut, comme Maurras, fixer la vision marxiste des classes dans un univers non dialectique et stable. Dans cette intention, il faut empêcher l'homme d'enfreindre « les lois naturelles» et vaincre sa tendance à dépasser le réel : en somme, il faut lutter contre la transcendance. Or, la société libérale laisse se développer à la fois la transcendance pratique, laquelle tend à l'émancipation socio-économique de tous les hommes, et la transcendance théorique par laquelle les hommes dépassent par la pensée tout ce qui est donné en direction d'un absolu. A la transcendance pratique s'oppose le conservatisme traditionnel. Il n'y a fascisme que lorsqu'à la négation de la transcendance pratique s'ajoute le refus de la transcen dance théorique et de l'angoisse qu'elle entraîne avec elle. Mais dans cette lutte pour étouffer l'angoisse, le fascisme utilise précisément celle-ci : son combat est donc grevé d'une contradiction interne. Ainsi, Le Fascisme dans son époque, à travers des développements touffus et un peu jargonnants, tente-t-il, non seulement une définition de l'essence des doctrines fascistes, mais aussi une approche des problèmes philosophiques posés par la métamorphose des sociétés au XXe siécle. Jean-Claude LABRACHERIE (1) Ed. Julliard, 3 tomes (t. 1 : L'Action française; t. II : Le Fascisme italien; t. III : Le National Socialisme). La « rumeur » d'Orléans Il La rumeur d'Orléans Il à l'actualité ... On se souvient de cette vague d'antisémitisme qui visait tout particulièrement des commerçants juifs accusés de se livrer à Il la traite des blanches Il, et boycottés par la population, en proie à une véritable psychose collective. C'était en 1969. Ces faits ont été évoqués dans l'un des épisodes du feuilleton Il Francois Gaillard, ou la vie des autres·lI. L'avocat redresseur de torts fera la lumière dans une sombre histoire de disparition d'une jeune femme employée comme vendeuse chez un commerçant juif. Celui-ci, ancien déporté est aussitôt soupçonné d'avoir organisé son enlèvement. La Il rumeur Il se développe: aucune cliente ne pénètre plus dans son magasin. François Gaillard prend l'affaire en main et découvre la vérité. Dans le tableau que nous reproduisons, l'artiste Clément Desprée a voulu, lui aussi, évoquer la Il rumeur d'Orléans Il, dont il montre le caractère délirant : il s'est servi des éléments que colportait la population pour mieux en stigmatiser l'absurde. Mahalia M AHALIA JACKSON est morte le jeudi 27 janvier 1972 d'une attaque cardiaque, à Chicago, à l'âge de soixante ans. Elle avait souffert d'urie premiére crise cardiaque, il y a six ans. Après sa convalescence, elle avait fait sa rentrée dans le Michigan en 1966. Depuis, elle avait repris courageusement ses tournées tout en essayant de se ménager. Fille d'un docker qui officiait à la messe le dimanche, elle avait été contrainte pour vivre, dans sa jeunesse, de se livrer à tous les métiers auxquels étaient vouées les filles noires : gardienne d'enfants, bonne à tout faire, ouvriére d'usine, blanchisseuse ou marchande de fleurs. Mahalia, née à la Nouvelle-Orléans en Louisiane le 26 octobre 1911, n'eut jamais de maître de chant et apprit d'elle-même à chanter sans même savoir lire la musique, comme tant de musiciens de iàzz. Son immense talent la fit placer au même rang que Bessie Smith ou Billie Holiday. ackson, ou A ses débuts elle s'inspira de Ma Rainey et d'Ida Cox. Mais elle refusa toujours de chanter le blues, lui préférant le « gospel song» ou les « negro spirituals lI. « Quand j'étais jeune disait-elle, je connaissais le blues. Mais tous ceux qui chantent des « blues» burlent au secours au fond d'une fosse. Je ne suis pas de ceux-là. Le « blues» est désespoir, le « gospel» espérance. Je me consacre au « gospel» à la gloire de Dieu et à l'amour confiant qu'il m'inspire. » Elle refusa donc toute sa vie de chanter de la musique Il profane» avec les grands musiciens de son époque - et certains le regretteront - pour se consacrer exclusivement à la musique chantée dans les temples baptistes, même en concert public au Carnegie Hall, accompagnée par sa pianiste Mildrer Falls et le joueur d'orgue Ralph Jones. Avec elle, le chant évangélique prend une réelle grandeur, que ce soit « Silent night », « Didn't it rain lI, « Tired Elijah Rock» ou (( In the Upper Room lI, l'un de ses plus grands succès. DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 l'uHie du ((gospel song)) Historiquement, l'origine de la musique de jazz provient du chant de travail. Qu'il fût esclave ou homme libre, le nègre du XIXe siécle était tenu pour un enfant heureux de vivre et accueillant la misère avec une chanson ioveuse. Mais dans les collines et dans les plantations, le nègre donnait une âme à la musique en y introduisant ses propres misères et ses rares moments de joie, le" tout cimenté par une extase sensuelle et une occasionnelle exaltation religieuse. Le nègre ne réagissait pas par des cris de joie au travail harassant de l'esclave. La musique qu'il créait, il la créait sur l'ordre de ses maîtres, « pour éliminer toute occasion de récriminations ou de préparatifs de révolte lI, comme l'a dit Duke Ellington. Parallèlement aux chansons laïques florissait le (( negro spiritual lI. Les plus compréhensifs des contremaîtres et des propriétaires d'esclaves, qui se sentaient pe\lt-être un peu responsables des misères des noirs dont ils avaient la charge et qui étaient eux-mêmes croyants, enseignèrent la Bible aux plus vieux et aux • plus sages de leurs esclaves. Alors, tout comme ils l'avaient fait pour la vie quotidienne de la plantation, du camp de travail ou du bagne, ces esclaves, comme le dit Duke Ellington, l'un des plus prestigieux d'entre les musiciens de jazz « étudièrent le Livre de Sagesse et mirent en musique des mots de réconfort et d'espoir qui, d'année en année, étaient répétés à leurs frères de race». Avec Mahalia Jackson, ce message prend une ampleur, une grandeur, une gloire tout à fait remarquables grâce à son exceptionnel talent dans un beau timbre de contralto. Mais les temps ont changé, et une bonne part de jeunes noirs américains veulent aujourd'hui participer dès ce monde aux richesses de la terre et non les reporter à l'hypothétique autre vie chantée par Mahalia. Jean-Claude ANTOK. 35 FABRIQUE DE DOUBLURES 40 RUE DES JEUNEURS/PARIS 28 36 LA VIE DU M.RAl? , 1 FÉVRIER 1972 Q ________ ~~ ____________________________________ J SaÏnt-Claude : un cOII1.lté né dans la lutte • E refus de servir les Algériens dans L deux cafés de Saint-Claude (Jura) a suscité une vive émotion (1). Avec l'appui d'organisations et de. personnalités très diverses, et notamment du Comité d'Accueil aux travailleurs immigrés, un comité provisoire contre le racisme s'est constitué, bientôt transformé én comité du M.RAP. L'une de ses premières initiatives, une conférence-débat tenue le 26 janvier à la salle des fêtes a rencontré un grand succès. Plus de 300 personnes étaient présentes, parmi lesquelles beaucoup de jeunes et de travailleurs immigrés. Après l'exposé de M" Armand Dimet, membre du Conseil national du M.RAP., les nombreuses questions et interventions ont témoigné du vif intérêt soulevé par les problèmes de l'accueil et des conditions de vie des immigrés, et des moyens de lutte contre le racisme. Dans le compte rendu détaillé qu'a publié l'édition locale du « Progrès», sont citées en particuliers les interventions des abbés Lajeune et Gabriel Maire ainsi que de M. Seppecher, inspecteur départemental de l'Education nationale. A la tribune, Armand Dimet était entouré de Mme Marichy, présidente du Comité d'Accueil aux travailleurs immigrés, et de Maurice Rollar1dez. membre du nouveau comité du M.R.A.P., dont le secrétaire èst Michel Jacquemin, et qui compte six autres membres : Claude Prat, Marie Penfeilhoux, Mohammed Boudouda, Robert Treillard, Mireille Millet et Jean Chambard. A l'issue de la soirée, une vingtaine de' participants se sont rendus au café du « Progrès» et s'y sont vus, une fois de plus, refuser les consommations demandées. Un constat des faits a été dressé par les agents de police aussitôt alertés, et plainte a été déposée. Dans un communiqué, le comité sanclaudien du M.R.A.P. annonce qu'il (1) Voir « Droit et Uberté» de janvier 1972, p. 7. DROIT ET LIBERTÉ - ND 310 - FÉVRIER 1972 Le meeting du z 6 janvier. « entend mener à son terme l'action sur l'appui du maire et, il l'espère, de entreprise pour que justice soit rendue la grande majorité de la population». et que les actes de racisme, quels qu'ils Déjà, de nombreuses adhésions sont soient, disparaissent dans notre ville.» enregistrées. Félicitations aux antiracistes « Le Comité sait, conclut ce communi- sanclaudiens, à qui nous souhaitons qué, qu'il peut comp~er dans ce domaine la bienvenue parmi nous. La quinzaine d'Argenteuil Du 1" au 13 février, une Quinzaine de lutte contre le racisme ·et d'informations sur la situation des travailleurs immigrés se déroule à Argenteuil, dans le Val-d'Oise. Elle est organisée conjointement par la Maison des Jeunes et de la Culture, le Centre culturel municipal et le comité local du M.RAP. De nombreuses initiatives ont été préparées en commun : une exposition de peilltures, sculptures, objets qui se tient au Centre culturel; une exposition de photos itinérante; trois soirées-débats en différents lieux de la ville avec projection du film « Etranges étrangers»; un montage audio-visuel, réalisé par la M.J.C., et qui, lui aussi, sera présenté .. en trois endroits; une soirée-cinéma, avec « Nuit et Brouillard», d'Alain Resnais, et « 0 Salto», de Christian de Chalonge ; une soirée théâtrale bilingue (français et arabe) ; enfin, le 19 février, un colloque sur le thème « Immigrés et enseignement», dont l'organisation a été confiée plus particulièrement au M.R.A.P. et au C.L.E.P.R. (Centre de uaison des Educateurs contre les Préjugés Raciaux). Cette réalisation exemplaire est le fruit d'un travail collectif approfondi, qui a duré plusieurs mois, et qui s'est accompagné d'une mobilisation contre les discriminations pratiquées dans quelques cafés à l'égard des consommateurs nordafricains. Nous en rendrons compte en détail dans notre prochain numéro. 37 Solidarité dans la banlieue sud de Paris Les conditions de logement des travailleurs immigrés, même dans le cas de foyers gérés par les préfectures sont le plus souvent déplorables. Dans le cas où les habitants de tels foyers réussissent malgré les menaces d'expulsion, les brimades diverses, à s'organiser . un tant soit peu pour formuler collectivement leurs revendications, il est essentiel que l'opinion publique antiraciste s'exprime pour que des améliorations substantielles soient obtenues. Dans le département des Hauts-de-Seine, les habitants d'un foyer à Bagneux, géré par la préfecture, déposent le 5 mars 1970 une pétition où ils demandent: « Qu'il soit donné satisfaction sur les points suivants : - La réparation dans toutes les chambres, réfection de la peinture et la protection de l'humidité (toiture). Le changement de draps tous les quinze jours. - L'installation de douches. - Pour l'entretien, du savon et des balais, ainsi que tout le nécessaire à cet effet. Le nettoyage et le changement de couvertures. - L'autorisation des visites des familles, des amis. - L'autorisation d'apporter un poste de radio. Pour les loisirs : - Une salle d 'activités pour les jeux de cartes, dominos, etc., ainsi qu'un poste de télévision de façon à nous distraire pendant nos heures de loisirs. - Le charbon doit être distribué régulièrement, de même la non-responsabilité des accidents provoqués par les appareils de chauffage. - Qu'il ne soit pas exigé pendant la maladie ou un changement de travail, des bulletins de paye pour le paiement du loyer. - L'élargissement du congé à 90 jours et non 60 jours. - Qu'il soit mis fin aux renvois abusifs. )) Début avril 1970, après des démarches de la municipalité, ces questions sont discutées avec le responsable de la préfecture de Paris qui promet de les régler. Début 1971, projection du film « Etranges Etrangers» à la Maison des Jeunes de Fontenay-a.ux-Roses où un cours d'alphabétisation fonctionne. Lors du débat qui suit, l'existence de ces revendications toujours insatisfaites est signalée par quelques habitants du Foyer qui expriment leur désir de ne pas être isolés de la population. Sur proposition du M.R.A.P. un collectif se crée sur place pour alerter l'opinion publique. De nombreuses et patientes démarches auprès des organisations, partis, syndicats, personnalités civiles et religieuses des communes limitrophes ' aboutissent à la diffusion d'une pétition commune avant l'été et à diverses interventions auprès des autorités, qui font qu'une solution intervient au mois de juillet concernant les problèmes matériels : réfection du foyer, déblocage de crédits par le Conseil général pour une salle de télévision et des douches. Mais les autres revendications n'ont pas été prises en considération. Un tract a été distribué, le député a reçu une délégation du M .R.A.P.; une délégation des signataires du tract s'est rendue à la préfecture. 38 Le Comité local de la banlieue-sud de Paris. COMBINÉ Distribution : Sangêne - Merci Tél. : 744-67-59. NS. Bouly, 71, rue de Provence, Paris-9' - ,...... LE MANS Le club culturel et social universitaire du Mans a org'anisé le mardi 11 janvier dans un amphithéâtre du centre universitaire du Mans une soirée sur le thème « Qu'est-ce que le racisme?» Cette réunion mérite notre attention à plus d'un titre : l'animateur du club M. Tshilenga a réussi à rassembler sur ce petit campus et malgré la concurrence de trois autres conférences, plus d'une soixantaine de personnes d'opinions très diverses. Il a en outre obtenu qu'un cômpte rendu détaillé de la soirée passe dans le journal local « Le Maine Ubre». Après la projection du film « Etranges étrangers», Pierre Crépel, qui représentait notre Mouvement, a mené un débat sur les causes et les conséquences du racisme. La discussion a été fort animée, et enrichissante pour tous. Seul le gardien qui devait fermer les portes a pu mettre fin à la séance. CHERBOURG « Seule l'intolérance est intolérable», a déclaré notamment le Dr Hébert, député-maire de Cherbourg, en inaugurant, le 15 janvier la Semaine d'Action contre le Racisme organisée dans cette v'lIe, à l'initiative du Foyer laïque AlbertMathieu, avec le concours de nombreuses associations: J.O.C., lycées techniques, patronages laïques, Francs-Camarades, M.R.A.P., M.D.L.P., Fédération des OEuvres Laïques, clubs U.N.E.S.C.O., centres sociaux, Ugue des Droits de l'Homme, Mouvement de la Paix, C.G .T., C.F .D.T., F.O., F.E.N., et divers partis politiques. M. Deschamps, animateur du Foyer laïque Albert-Mathieu a présenté l'exposition réalisée au foyer du théâtre municipal sur le thème « Racisme et dignité». Au p~ogramme de la semaine figuraient en 0Utre, trois conférences- ' débats (dont ùrie réservée aux jeunes) et trois soirées tipématographiques. SARTROUVI LLE Le journal « Le Courrier Républicain» de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) publiait en novembre dernier une lettre (anonyme) protestant contre l'implantation à Houilles de 175 logements destinés à des Algériens vivant actuellement dans des habitations insalubres. Parmi les arguments employés, certains relevaient de toute évidence du racisme : explication des difficultés scolaires par le « cotat intellectuel» (sic) « particulièrement bas» des enfants d'immigrés; présentation des travailleurs immigrés comme des « associaux» menacant « la DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 tranquillité du vOIsinage» et dont la présence risque de prendre « une ampleur cancérigène (sic) dans un laps de temps très court». Les comités du M.R.A.P. et du C.L.E.P.R. de Sartrouville et ses environs ont répondu par une lettre indignée à ces préjugés et à ces insinuations. « L'unanimité des professeurs ovillois, soulignent-ils, n'existe que sur le constat d'une situation scolaire rendue difficile par la carence du pouvoir, non sur la condamnation du niveau scolaire des enfants (. .. ) Quant au « cotat intellectuel particulièrement bas», attribué aux élèves des écoles de Houilles, ne le trouvet- on pas chez certains adultés, si l'on en juge par le style de la « lettre ouverte» ? MONTPELLIER Le comité du M.R.A.P. de Montpellier nous adresse un riche bilan de ses activités. Après une conférence sur le racisme de M. Ernest Kahane, professeur à la Faculté des sciences, il prépare, pour la mi-février, un débat public sur l'action antiraciste, puis, pour le 10 mars, la projection du film « Mektoub» en présence du réalisateur, Ali Ghalem, à l'université Paul-Valéry. « Uaisons laïques», organe local de la Fédération des parents d'élèves (Cornec) a publié un article présentant les activités du M.R.A.P. BORDEAUX A l'occasion de la programmation dans un cinéma de Bordeaux du film « La bataille d'Alger», de Gilio Pontecorvo, diverses organisations, comme la Restauration nationale, et l'Association des combattants de l'Union française , se sont livrées à des manifestations visant à empêcher les projections. Le 28 janvier, ces manifestations ont pris un caractère ouvertement raciste. Un certain nombre de « spectateurs» proférèrent des cris orduriers et insultants à l'égard des Algériens, applaudissant chaque fois qu'apparaissaient sur l'écran des images de violences dirigées contre le peuple algérien. Un Nord-Africain isolé dans la salle a été pris à partie et agressé; ses vêtements étaient à moitié arrachés quand la police est enfin intervenue pour expulser les perturbateurs. Le Comité local du M.R.A.P. et l'Association de solidarité avec les travailleurs immigrés ont protesté vigoureusement par des communiqués de presse contre ces agissements. Le 2 février, plus de cent Algériens ont assisté à la représentation qui s'est déroulée dans le calme. CI NANCY Une exposition sur le racisme a été présentée par le comité du M.R.A.P. de Meurthe-et-Moselle, au lycée J.-Callot, à Vandoeuvre. Lors de son ouverture une soirée-débat a eu lieu avec les élèves, leurs parents et leurs amis invités par le club « Notre temps» qui fonctionne au lycée. Plusieurs membres du comité du M.R.A.P. y participaient: MM. Herzberg et Gandwerg, Mmes Garandeau et Tenenbaum, Mlle Rémy. D'autre part, le Club Cinéma a présenté le film « L'Afrique des banlieues», réalisé par l'O.R.T.F.; le débat qui a suivi était animé par M. Gérard Mangolt. [ NOTRE CARNET Nos deuils Le pasteur Charles WESTPHAL, ancien président de la Fédération protestante, est mort le Il janvier à Montpellier. Pasteur à Grenoble sous l'occupation, il prit une part active à la défense des juifs persécutés; et par la suite, il poursuivit des efforts tenaces pour faire échec à l'antisémitisme, et rapprocher les églises chrétiennes du judaïsme, collaborant à ce sujet avec Jules Isaac. A maintes reprises, le pasteur Westphal s'était associé à l'action du M.R.A.P., il avait, l'an dernier, accordé une interview à « Droit et Liberté». Nôus exprimons nos sincères condoléances à Mme Westphal et à sa famille, ainsi qu'à la Fédération protestante de France. Albert Lévy, secrétaire général du M.R.A.P., a eu la douleur de perdre son père M. Joseph LÉVY, décédé dans sa 88e année. Qu'il trouve ici l'expression de l'amicale sympathie de « Droit et Liberté» et de ses lecteurs. Naissance Nous avons le plaisir d'annoncer la naissance de Ismaël, fils de nos amis Ibrahima et Marie-Madeleine DIAKITÉ. Nos cordiales félicitations et nos voeux les meilleurs. ...----ON DEMANDE----. PHILATÉLISTES Le M.R.A.P. prépare une importante exposition philatélique internationale. Nous en parlerons d'une façon plus complète dans notre prochain numéro. Pour aider à sa réalisation, le concours de nombreux philatélistes est nécessaire. Tous ceux que cette initiative intéresse sont invités à prendre contact d'urgence avec le secrétariat du M.R.A.P., 120, rue Saint-Denis, Paris (2e) (Tél. 231-09-57). 39 1 SACHÉZ AUSSI .QUE ... J • A la suite d'un attentat raCIste perpétré à Reims contre un travailleur tunisien, une assemblée a eu lieu à l'I.U.T. de technologie, avec la participation de M. Esparre, membre du Conseil national du M.R.A.P. • le comité du M.R.A.P. de Grenoble organise, le le, mars, à la cinémathèque, une soirée avec le film de Jean Schmidt « Derrière la fenêtre». Le débat sera animé par Albert Lévy, secrétaire général du Mouvement. • Au lycée commercial de Cachan (94) , le film « Etranges étrangers» a été projeté aux élèves de terminale. Un débat a eu lieu ensuite, animé par Albert Lévy. • le comité de Dijon du M.RAP. a rendu public un communiqué exprimant son soutien aux sept grévistes de la faim des D.D.M. dans lequel il reprend une partie de l'article de Joby Fanon paru dans le dernier numéro de « Droit et Liberté». • le 60" anniversaire de l'A. N. C. (African National Congressl. l'organisation de lutte contre l'oppression raciste en Afrique du Sud, a été célébré au cours d'une soirée organisée à Paris par l'A.E.M.NA (Association des Etudiants Musulmans Nord-Africains!. Lucky Thiphaine, membre du secrétariat national, représentait le M.R.A.P. • l 'abbé Pihan. vice-président du M.RAP , et MarcAndré Bloch. membre du Conseil national, président du C.L.E.P.R., ont présenté les activités du Mouvement à un groupe d'étudiants appartenant aux clubs U.N.E.S.C.D. • Premier comité départemental du M.R.A.P. constitué dans la région parisienne, le comité du Val-de-Marne a pour présidente Marie-France Sottet et pour secrétaire Robert Lehmann. • A la réception organisée le 28 janvier par la revue « Contacts », publiée par le comité d'établissement de la Régie Renault, le M.RAP. était représenté par Michel Garcia, secrétaire du comité de Boulogne. • A la manifestation organisée au Père Lachaise en hommage aux morts de Charonne, tués il y a 10 ans lors d'une manilestation contre l'O.A.S., le M.R.A.P. était représenté par plusieurs membres du Bureau national. M. Soustelle et le racisme UN meeting annoncé à Lyon par la LI.C.A. (Ligue internationale contre l'antisémitisme) pour le 7 février, a été annulé au dernier moment : les représentants des cultes, de la Ligue des Droits de l'Homme et d'autres groupements démocratiques, inVItes, avaient refusé de s'asseoir à côté de M_ Jacques Soustelle, élu récemment président de la fédération du Rhône de la LI.C.A. Il ne nous appartient pas d'intervenir dans les affaires intérieures de cette organisation. Cependant, nous nous sentons concernés, lorsque la LI.C.A., stigmatisant l'intolérance prétendue des démocrates lyonnais, affirme que la désignation de M. Soustelle au poste qu'il occupe est « une victoire sur le racisme». Présenter ainsi ce qui' apparaît à beaucoup comme une opération politique, tendant à remettre en selle le personnage constitue à nos yeux un détournement de . cette cause antiraciste qui nous est chére. On ne saurait oublier, en effet, que M. Soustelle fut le fondateur (en 1956) de l' « Union pour le salut et le renouveau de l'Algérie française» (U.S.R.A.F.), puis du « Rassemblement pour l'Algérie française» (1959), avant d'être un membre dirigeant de l'O.A-S- C'est dire que toute la derniére partie de sa carriére politique a été consacrée à exciter à la guerre, à lutter contre la reconnaissance au peuple algérien de sa personnalité et de son droit à l'autodétermination_ Etrange conception de l'antiraci sme! Il Y a tout juste dix ans, c'était le massacre de Charonne. Huit manifestants étaient tués pour avoir voulu protester contre les crimes odieux de l'O.A.S. Quelques jours plus tard, un million de Parisiens leur faisaient cortége. Mais deux mois plus tard, alors même que les accords d'Evian sont signés, que la paix, douloureusement, devient un espoir, une chance à saisir, l'O.A.S. intensifie encore ses activités criminelles, rendant impossible l'entente entre Européens et Arabes en Algérie. Le dernier carré des jusqu'au-boutistes se donne un « comité exécutif » (exécuter prend alors son sens le plus sanglant) : il est composé du général Argoud, de Georges Bidault, et aussi de Jacques Soustelle. Nostalgique du temps où il « gouvernait» l'Algérie, M. Soustelle n'a jamais accepté l'indépendance de ce pays. Récemment encore, à l'occasion du litige opposant les dirigeants algériens aux compagnies pétroliéres, il s'élevait, comme « Minute» contre les « concessions» que « nous avons multipliées », et réclamait la dénonciation des accords d'Evian. Il présente ceux-ci comme la cause de « la dégradation politique et morale du régime ». Parce qu'il ne voit aucune contradiction entre ses complicités colonialistes et ses professions de foi antiracistes, parce qu'aprés avoir cautionné les « ratonnades » de l'O.A.S., il déclare condamner celles qui se produisent aujourd'hui à Lyon, cela justifie-t-il qu'une place de choix lui soit offerte dans une organisation qui entend s'opposer au racisme ? Nous ne le croyons pas. IOrap BULLETIN D'ADHÉSION Désireux de soutenir l'action contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix, PRESIDENT : Pierre PARAF ; VICE-PRESIDENTS : Charles PALANT. abbé Jean PIHAN , Fred HERMANTIN ; SECRETAIRE GENERAL: Albert LEVY. COMITE D'HONNEUR Bâtonnier Paul ARRIGHI , Georges AURI C. Claude AVELINE, Robert BALLAN GER, Roger BASTIDE, Jean CASSOU, Aimé CESAIRE, Charles de CHAMBRUN, André CHAMSON. Pi erre COT, louis DAQUIN , Hubert DESCHAMPS, Henri DESOILLE, Michel DROIT, Maurice DRUON Pasteur André DUMAS, Adolphe ESPIARD. Henri FAURÉ, Max-Pol FOUCHET, Marcel GROMAIRE, André HAURIOU, Pierre JOXE, Charl es-André JULIEN , Alfred KASTLER, Henri LAUGIER, Alain LE LEAP, Michel LEIRIS, Jeanne LEVY, Darius MILHAUD, Théodore MONOD, Etienne NOUVEAU , Jean PAINLEVE, Marcel PRENANT, Al ain RESNAIS, Emmanuel ROBLES, Francaise. ROSAY. Armand SALACROU. Jean-Paul SARTRE. Laurent SCHWARTZ, Jean SURET-CANALE, Jacqueline THOME-PATENOTRE, VERCORS, Dr Pi erre WERTHEIMER . Nom Profession Adresse J'ADHÈRE AU M.R.A.P. Prénom . . . Je vous envoie, à cet effet, la somme de Je souhaite : • recevoir une documentation complète sur le M.R.A_P. • être invité à ses réunions et manifestations, • participer' à l'un de ses Comités locaux ou professionnels. Robert ATIULY, Vincent AURIOL, Jean DALSACE, Georges DUHAMEL, Yves FARGE, Francisque GAY, Jacques HADAMARD, Georges HUISMAN, Jules ISAAC, Frédéric JOLIOT-CURIE, Jean LURÇAT. Léon LYONCAEN , André MAUROIS, Amiral MUSELlER, Marc Le montant de la carte d'adhésion là partir de 10 francs) est laissé à l'appréciation du souscripteur, SANGNIER, André SPIRE, Général Paul TUBERT. Cha- selon ses possibilités, compte tenu de la necessité d'apporter le soutien le plus efficace à l'action du naine Jean VIOLLET. M.R.A.P. MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET POUR LA PAIX (M.RA.PJ ______ 120, rue Saint-Denis - Paris (2") - Téléphone: 231-09-57 - C.C.P. : 14-825-85 Paris ------. 40 IDUCAIlom A LA FRATERNITE « Halte DOUZE avenue de la Soeur-Kosalie, prés de la place d'Italie. C'est le siége de la J.O.C. (Jeunesse Ouvriére Chrétienne) masculine. Au 2e étage, Daniel Trarbach, rédacteur en chef du mensuel « La jeunesse ouvrière », me reçoit dans son bureau. Daniel Trarbach a èté ouvrier mètallo, puis permanent de la J.O.C. avant d'être chargé, cette année, de la rèdaction du journal. - J'ai entendu parler de l'action contre le racisme menée pendant le mois de janvier par les jeunes de la J.O.C. Pourriezvous m'indiquer en quoi elle consiste? - Mais certainement. Outre l'en quêtecampagne d'année que mène la J.O.c. (l'an dernier c'était sur l'argent, cette année sur la santé), nous avons tous les ans, au mois de janvier un « mois international )J, pendant lequel nous cherchons à sensibiliser les jeunes de tous les pays du monde sur une question pour éveiller leur solidarité de jeunes travailleurs. Cette année nous avons choisi le racisme. Comment se dèroule cette action? - Les jeunes sont invités : 1. A regarder autour d'eux pour voir s'ils constatent des faits de racisme, ou entendent des réflexions racistes, à examiner leur propre comportement et même à rechercher les causes du racisme. 2. A coller des affiches dans leur quartier, à tous les coins de rue ((( Halte au racisme : même droits pour tous »). 3. A diffuser le journal. Le numéro du mois de janvier, axé sur la question du racisme, a été tiré à cinq fois plus d'exemplaires que les numéros des autres mois de l'année. 4. A lire et étudier énsemble le journal. Les pages centrales qui sont à découper et sont rédigées en français, espagnol et portugais (nous aurions voulu aussi une version en arabe, mais il y avait des problèmes d'impression), peuvent être distribuées à d'autres copains J'ouvre le journal à la page centrale et je lis: DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 au racisme! ••• )) « Le racisme existe dans ton usine, ton école, ton quartier, ta ville ... Le racisme est aussi en nous, dans notre coeur, vis -àvis des plus faibles ... Et toi, là où tu vis ?.. « La J .O.c. t'appelle à agir : au travail .. . , dans ton quartier. .. , à l'école ... pour que partout le racisme soit vaincu, pour que tous aient les mêmes droits. « Car la J.O.C. croit : - « que chaque homme, qu'il soit jaune, noir ou blanc a la même destinée; - « que tous sont aimés d'un amour sans fin par le Christ, le fils de Dieu; - « que tous les hommes ont les mëmes droits et devoirs; - « que les immigrés, les Français, les jeunes travailleurs de toute race ne se libèreront pas chacun de leur côté, de l'esclavage ; - « que les organisations ouvrières sont les outils que s'est donnée la classe ouvrière pour se libérer de l'exploitation, du racisme, pour bâtir un monde de fréres. » Daniel Trarbach reprend : - Vers la fin du mois, lorsque la réflexion a été menée dans les petits groupes, il y a une assemblée de masse, au moins une par fédération . Cette année. l'assemblée de masse était fixée au 22 janvier. Nous avons 210 fédérations en France et il y a bien eu au moins 300 assemblées de masse. - Comment se passent ces assemblées ? - Cela dépend des militants qui les mènent. Ça peut être du genre meeting; ou bien il peut y avoir des projections de diapos, par exemple sur les immigrés, ou des compte-rendus des travaux de groupe. On fait le bilan et on relance l'action. Enfin, le 23 janvier, nous avons eu dans toute la Françe la journée de solidarité internationale, avec vente de cartes. Le but de cette collecte est surtout d'aider le développement de la J.O.c. des autres pays. La J.O.C. existe dans 90 pays. L'argent collecté est envoyé à la J.O.c. internationale. Nous cherchons à unir les jeunes de tous pays, de toutes races dans un mouvement de solidarité, pour que tous les jeunes travailleurs de France se sentent frères des jeunes travailleurs immigrés ou de ceux des autres pays du monde. Interview recueillie par Anne-Marguerite NOUAILHAC. 41 « L'avenir de nos enfants se joue avant 7 ans )) « Or, l'équipement collectif destiné aux jeunes enfants présente de graves carences ... » Cette mise en garde figure dans un appel lancé par le Il Groupe d'études pour la défense et la rénovation permanente de l'école maternellell (1), dont la dernière réunion de travail a eu lieu sur le thème: Il L'enfance en difficulté Il. Dans cette perspective, le G.R.E .P. a été tout naturellement appelé à se préoccuper de la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés. Il a d'ailleurs élaboré sur ce sujet un questionnaire qui sera diffusé dans les écoles maternelles, les écoles primaires et les crèches . Il espère que ce questionnaire contribuera à sensibiliser à ce grave problème tout le personnel des établissements ainsi contactés, et, plus particulièrement, en suscitant une réflexion et des discussions communes. Au ' cours de cette réunion, une information d'un grand intérêt nous a été communiquée par M. Alain Bourgarel, instituteur à l'école du Port de Gennevilliers (2) et responsable du S.G.E.N. : c'est le vote, par le S.G.E.N., d'une motion relative à la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés, motion dont l'orientation est définie par cette affirmation essentielle : « Les objectifs de la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés sont les mêmes que ceux de la scolarisation des enfants d'ouvriers français. Il Nous vous donnerons des informations plus détaillées sur cette importante motion en huit points dans une prochaine rubrique d' « Education à la fraternité» . (1) G.R.E.P. 94, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris-6·. (2) Ecole de la Cité de Transit. « Je ne l'imaginais pas )) 1 ES élèves de 4"-9 du lycée Emmanuel-Mounier à Grenoble L ont visité une exposition réalisée dans la bibliothèque municipale, à l'initiative des anciens déportés, A la suite de cette visite , on leur a proposé le sujet de composition française suivant : cc Vous écrivez aux organisateurs de l'exposition visitée. Quels points positifs soulignez-vous, en ce qui vous concerne, relativement à leur initiative? Eventuellement, quelle objection au sujet du contenu du cahier mis à la disposition du public." Voici , intégralement, la copie d'un élève : « Le professeur de français nous avait demandé d'aller voir l'exposition organisée par les anciens déportés. C'était la première fois que j'allais voir une exposition de ce genre. Elle m'a beaucoup intéressé car elle était bien illustrée par de nombreux documents qui étaient tous fort intéressants. Cela retraçait la vie d' Hitler avec beaucoup de précisions. Je n'ai pas été tellement surpris de voir certaines photos car je suis bien averti par mes parents; enfin j'ai quand même eu un choc en voyant certains documents par exemple : « l'amusement des SS » ; à la vue des fours crématoires que je n'avais jamais vus auparavant, la chaise de la « bastonnade», les travaux obligatoires du S.T.O. Enfin toutes les cruautés inimaginables des dirigeants des camps. Ceci est indéfinissable. C'est une preuve de lâcheté , ce ne sont pas des hommes. Je trouve lamentable qu'on laisse des gens pareils en vie et après on réclame leur liberté. J'espère qu'il y aura de nombreuses expositions aussi instructives que celle-ci dans toute la France pour dégoûter tout le monde de la guerre.» Une autre copie complète et corrige ce point de vue : « J'ai entendu parler des personnes d'âge respectable qui disaient que les jeunes garçons et filles n'auraient pas ' dû venir. Je trouve cela absolument faux et je vous remercie de nous avoir fait entrer ( .. . ). Je n'ai retenu de cette exposition que des scènes accablantes, mais je pense qu'il ne faut pas être raciste envers les Allemands de notre génération et les traiter comme des gens d'autres peuples. » Un troisième devoir précise : « Vous avez eu une idée géniale en demandant la collaboration de certains résistants qui servaient de guide. Dans cette exposition, eux seuls étaient capables de nous faire sentir et surtout savoir, le mot « résistance ». Plusieurs devoirs disent combien ces jeunes ont été « horrifiés » de ce qu'ils ont découvert à l'exposition: « J'avais souvent entendu parler des déportés et des camps de concentration , mais vraiment je ne l'imaginais pas comme cela.» C'est la paix qu'ils souhaitent dans le monde après leur visite : « Les très belles photographies et les textes ... m'ont montré à quoi pouvait mener une guerre : c'est atroce ... Je pense aussi que les guerres seront bientôt définitivement finies. » • Les éditions François Maspero ont publié un important ouvrage sur l'immigration en France : « BidonviUes)). Les auteurs, Monique Hervo et Mat'ie-Ange Charras, ont axé leur étude sur l'wl des bidonvilles de Nanterre. EUes ont donné la pal'ole à quelques-uns des habitants qui « ont voulu et su se faire l'échos de milliers de fruniUes qui s'enlisent comme eux dans les bidonviUes ... )) «EDUCATION A LA FRATERNITE. est la rubrique mensuelle du'Ceutre de Liaison des . Educateurs contre les Préjugés Raciaux (C.L.E.P.R.). • En hommage aux trente journalistes disparus au Vietnam, une exposition de photos sur la guerre du Vietnam se déroule pendant tout le mois de février dans les locaux de la F.N.A.C., 26, avenue de Wagratll, Pat'is-Se• 42 Le C.L.E.P.R. développe ses activités : - En organisant des rencontres et des débats entre éducateurs tel le colloque de Nanterre sur la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés. - En favorisant les échanges d'expériences entre les enseignants' et en leur envoyant la documentation qu'ils demandent. Il a besoin, pour cela, du soutien de tous ceux qui s'intéressent à son action et la jugent nécessaire. MONTANT DE LA COTISATION: Membre actif: JO F (donnant droit aux deux numéros annuels de Droit A Liberté où paraît un dossier de 8 pages réalisé par le C.L.E.P.R.), cette cotisation minimale étant portée à 5 F pour les abonnés à Droit & Liberté. ' Membre donateur: 20 F. Membre bieufaiteur : A partir de 30 F. Adresser les adhésions à Mlle Renée Babouléne, 50, rue des Poissonniers, Paris (Ise) avec un chèque postal (3 volets) à l'ordre de Mlle R. Baboulène, institutrice - C.L.E.P,R. (C.C.P. 18 177-35, Paris). paJ,".l .S, février 1912 Lettre . à nOS lecteur!. - a~ès le cri sont parven~ ·anvier. . tions noUS tre nUIlléro de J'est De lll'emières ~~:c~:Ons l~cé ~:;~ 1 505 ?,an~s, ~~ts , d'al~e que a ante l'laiS j,Ilsuff rt aUX besOj,Il~ l.~~ c'est a C'est enc~urpe~t début, par. r~~: l'avons SOUll.: q:~e noUS q:u' un tou de notre revue. . enS francS par et p:t"es~ts 10 lJl1LLlONS d' anCl. un défiCl.~ de face. dont nous devons fal.re . . ul tés de la: lll'esse , spectaculaire, l leS dl.ffl.C s d'une façon, uotidien DepuiS notre appe vité, sont ap~ C'est le 23~me q:pour lie~ indiq:uions la ~~ ' n de \l'Paris-Jour ~ s la. libératl.on• l'ore deS avec la dis~ l.°e de parattre 192.168.254.42Ul.ut du siècle, le nom . Ul. ceSs . le ~ev pariSl.en q ance , depUl.S . urd'hui. semble de la. !é de 349 à 80 aUJo la plupart titres est to . disposent pour t lll'éoccu- . deS q:uotidiens, q:~ante publicité, es DROIT & situatl.on ~ 'une abon ui comme Si la. s..aY'lts moyens e~ ~o~ .. nues mili ta.n~s q:ces' batailles de de pUl. ~~ .. deS perl. \,Uo~ • lieu ~e te q:ue dl.re urvivre au mJ. panvuTE tentent de s LlB\. , . 'l'opinion géants ? ua jamaiS nécessal.r~ ~ecteurs leS 'RTE est plUS q: . dépend de se. leurs DROIT ~ L1~1 doit vi'Yl'e. Sa :~sements de sou~:n~es 'bonnes françal.se •. t C'est leurs . ère protectrl.C plUS conscl.en.sdresseront la ~~cher 'de succomber. l ctes, q:Ul. 'l'Vlur 1 eml'" ,rOS col e , . dispensable r- EST ElfrBE v volonteS j.l)! DROIT &. LlBERî! lA VIE DE Â~~NOOS.Â~SS~. - ~~NS. DROIT & LlBE~TE La souscription. Liste .n° 1 (1972) '. VoiCi .~s. versemen~s reçus ~n' janvier pour" 'a SOUScription de· DrOit & Uberté : DROIT ET LIBERTÉ - N° 310 - FÉVRIER 1972 Couffe: 5 - Rouda : 20 - Laurendeau : 100 - Lévy : 30 - Brustlein : 1 00 ~ Leblond : 20 - Lavisse : 150 - , Rostin : 100 - Israël : 40 _ . Lewkowitz : 10- Bernas : 20 - Chiche : 100 - Renard: 10 - Rouzé : 25 - Citrinot : 500 - Hattab : 65 - Angelloz : 50 - Grillet : 20 _ Engles : 20 - Bloch: 50 - Alcalay : 50 - Toubeau : 20. Total: 1 505 F. . 43

SUt CUEST ft. n;6 de CheVOf"* 33 eOROC"UX " PAS RACISTE, Jf.4.IS.~ ( ... dte) ~ droit de choisir la clientèl~ si vous ne l'avez déjà fait. Amenez à notre Mouvement un adhérent nouveau. un nouvel abonné à 1( Droit & Liberté Il . Participez à notre effort quotidien. au sein de nos comités et commissions. Faites-nous connaître vos suggestions. SOUSCRIVEZ! Quelle que soit la forme de votre concours. nous nous permettons de compter sur vous MERCI. Pierre PARAF. président du M.R.A.P.; Charles PALANT. abbé Jean PI HAN. Fred HERMANTIN. vice-présidents; Albert LEVY. secrétaire général; Francis BONIART. trésorier. Chèques bancaires à l'ordre du M.R.A .P., 120, rue Sai nt-Denis, Paris-2· - C.C.P. : Paris 14.82 5- 85. En espèces à l'adresse ci-dessus, ou appelez 231 -09-57 et un militant nu M.R .A.P. se rendra chez vous à l'heure souhai tée. ~ MOI. II: ne \IIIS pil~ rilel'!.:. m'H' • f f:lnll~ n'I'~l P"lo fil.:.,I.::. 1'1);'1. ees jQ1Ir~.~L. l Vl.d,'v;'IJ "kun •• Pari\. 1)lu~Jcun ;;ale.. houd.:nt n.llfO:. ," .. " , Ipm •• HI rJff:lJrc J~. ... po:lfllk~. rim ", le\ !\;I tncn, t ld1O,:nl plu~icur\ h.lr~ un rdr;o11l 1 flc.lné en f'klne !ll!.lj"e l ,le laie ~ /1.1 11$. lA R€PUHUQlIf ou CfNl RE iP.~"')r h lIoliu kuOftlilt .. ai. d'j. i4' Ah l' Il •• , IIne ~t . ..... it ., Chwt .... l'M , J} fMW. W ,..fic. 4 i 111_;q .... hl MÛoit u' .rh ..,.iIlt Il'- fII.".,. du ,r.clatIII" III~ ft _t pmd4 I'1 ~~.m,",,,l df/#l.l IIU bra,m 'je tlM Q,at.ârl •• t, llfhi, lit t 1-.,/oIooYIo$"' __ , 11, ~d lltlfll' :,.,. __ d 1 . 11, ri '" té-, ~I " p"uo""tl _,.~, t4.uJ .. ,..,.. if "',,01',- Il- .• "l4i ;.~ ,-/ ../..~JI,t: ,),,,.,,.Ç ,,,t. 4, .. {." J't fi.. ü .. 1u.. n' 0~dlu,.. " "IIU_.(II'1I e~l te:!c '1u'un meeting de l'r;Jlc~I,lh,,n '" ,'I;c I)rr:lat'4' .:. 1 1 lIulU-": d'I 1:,'\;1'1. k 1 le.rter, l'II .. H..:;bp!. k card'Il;,1 Rcndlt!. Jrche\',' {CI': .k 1 yor.. laf'p;:!I.~ '-l- • Il'11' k, hOiIHIIC' u .'tvCnl i'tr,- 1"t!,l,' IC, da'h Jeur ,Mlcr,-nec. tilt ........ !!o;_ "P""G:-_ 1~fj:~::'Li:r ·

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Notes

<references />