Droit et Liberté n°299 - février 1971

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    • Tribune: L'Algérie et les mariages mixtes par Omar Bedjaoui
    • Editorial: pour la personne humaine reflexions du Bureau National sur la situation en Afrique
    • Une délégation du MRAP reçue par le Premier Ministre (Année contre le racisme)
    • Pétrole et nostalgie par Jacques Tenessi (Minute en accusation)
    • Ivry sur Seine: fin d'un scandale (usine taudis)
    • Menaces sur Angela Davis par Shofield Coryell
    • Proche-Orient: depuis 1967 les esprits ont évolué interview d'Eric Rouleau par Jacques Tenesi
    • Dans le Sud-Est asiatique avec le pape par l'abbé Jean Pihan
    • Dossier du mois: Les juifs soviétiques par Louis Mouscron; les interventions du MRAP
    • Le free jazz au diapason de l'actualité par Jean Wagner
    • L'arme de la drogue par Robert Pac
    • Le prix de la Fraternité remis à Michel Drach (Elise ou la vraie vie) par M. Kagan
    • MRAP 1970: bilan
    • Education à la fraternité: Racisme; connais pas! par Olga Wormser-Migot

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FÉVlIJER I!JI • fit' zn • 1'1101 . UO flWlCS "MINUTE" EN ACCUSATION Proche-Orient : l'heure de la vérité Avec le Pape en Asie Dossier : les juifs soviéti(lues Tribune L'Algérie et les mariages mixtes RÉcEMMENT, à l 'initiative du ministre algérien de l 'Enseignement originel et des Affaires religieuses, M. Mouloud Qassim, une brutale offensive a été lancée contre la liberté du mariage et on a pu lire dans la presse officielle des " études» imprégnées de racisme et de xénophobie. A l'issue d 'un séminaire sur" la pensée islamique» présidé par le même ministre, les participants ont réclamé des (( autorités compétentes dans le monde islamique)J qu'elles interdisent le mariage avec les étrangéres et les étrangers. L 'offensive menée par M. Mouloud Qassim et ses amis - de nombreux hauts fonctionnaires, ministres et cadres politiques sont mariés avec des étrangéres - ne peut être expliquée que par la situation politique et sociale de l'Algérie. Les « arguments» avancés sont révélateurs ... Il est paradoxal - c'est le moins qu'on puisse dire - que M. Mouloud Qassim ait cité en exemple le refus du Grand Rabbin de Tel-Aviv d'unir la petite-fille de M. Ben Gourion à un officier israélien parce que la mére de celle -ci, convertie au judaïsme, n'était pas juive de naissance. Il est irritant, du moins pour des musulmans, d'entendre que « si l'Islam permet aux musulmans de se marier avec des femmes de confession chrétienne ou juive, il vaut mieux renoncer )J. Il est surprenant, pour un Algérien émigré, qu'un responsable gouvernemental puisse affirmer que les conditions qui l 'ont obligé à l'exil sont (( à jamais révolues)J. Enfin, il est indigne - le peuple algérien ayant lutté pendant des décennies contre le colonalisme et son corollaire le racisme - qu'un Algérien puisse écrire dans un mensuel officiel: (( Le mariage mixte, dans la forme .actuelle des rapports entre les hommes et les nations, apparaît comme une superstructure non viable, nocive même, où les chocs des deux protagonistes qui se mésestiment et ont peur l'un de l'autre, aboutissent à la fabrication d'infra-humains - leurs enfants - meurtris, douloureux. ballottés entre deux mondes qui s'affrontent. )J Cela signifierait que telle jeune fille, issue d'un mariage mixlè èl ljue poursuivaient pendant la guerre de libération toutes les polices et l'armée pour sa participation au mouvement national appartiendrait à la catégorie des « infra-humains» ! L 'offensive de M. Qassim et de ses amis est de toute évidence « à usage interne :» Eile apparaît comme une tentative de diversion. Le gouvernement algérien a établi un plan de réforme agraire qui tend à abolir des priviléges qui s'étaient maintenus dans l 'Agérie indépendante. C'est quand la mise en application de ce plan se pose concrétement qu'on tente arbitrairement de mobiliser le peuple algérien sur des problémes « abstraits ». Déjà en 1963, au moment où la gestion des entreprises industrielles et agricoles par les travailleurs eux-mêmes allait être insti tutionnalisée, les mêmes hommes avaient prétendu défendre la pureté de l 'Islam par les mêmes procédés ... La presse officielle algérienne paraissant en France a « ignoré» la campagne menée au pays. Pourtant, en Algérie, on avait insisté sur la nécessité de préserver les émigrés de la tentation du mariage. Mais les travailleurs algériens en France sont confrontés à des problémes concrets et on le sait bien à Alger! Omar BEDJAOUI. 2 Quelle Il coopération Il ? En Algérie depuis trois ans, j'ai malheureusement l'occasion presque journalière , de constater combien le racisme anti-arabe est virulent dans le milieu dit européen ... On se demande alors ce que le mot « coopération » peut bien signifier! Ne pourrait-on pas parler de ce grave problème , de ce qu'on appelle « coopération » ? Continuez votre tâche si genereuse et indispensable d'information! Souhaitons que toutes les {( barrières » tombent , et que nous réalisions vraiment ce que peul et doit être l'universalisme. G.B. Professeur de lettres. Territoires occupés Je connais votre sou ci de ne publi er dans Droit et Liberté que des informations honnêtes, véridiques et contrôlées, Il me semble cependant que votre vigilance à cet égard s'est trouvée en défaut dans l'e ntrefilet que notre revue a consacré dans le numéro de novembre 1970, page 16, à la répre ssion israélienne dans les territoires occupés. D'abord , le document utilisé est éminemment suspect par ses sources. Sans doute , lisons-nous dans ce bref article , il s'agirait d'un {( memorandum de la Ligue israélienne pour les Droits de l'homme et du citoyen», et vous avez pu penser qu'il y avait là une garantie suffisante des faits allégués. Mais , à ce sujet, les remarques suivantes me paraissent s'imposer 1 ° Qu'il puisse exister en Israél une {( Ligue des Droits de l'homme», et qui dénonce ces exactions, réelles ou prétendues, montre déjà que le clim at qui règne dans ce pays n'est pas ce climat d'oppression et de terreur que l'on prétend : une Ligue allemande des Droits de l'homme eûtelle été possible dans l'Allemagne hitlérienne? Et - toutes proportions gardées - j'attends encore qu'une Ligue soviétique des Droits de l'homme puisse élever sa protestation contre les discriminations dont les juifs sont aujourd'hui , dans ce pays , les victimes . emBlER 2° Il aurait fallu vous demander ce que représente exactement cette Ligue israélienne des Droits de l'homme. Il est notoire qu'il y a dans ce pays un parti qui épouse aveuglément , sur tous les problèmes du Proche-Orient, les thèses arabo-soviétiques. Que votre {( Ligue» puisse être une simple émanation de ce parti , c'est là une hypothèse que l'on ne saurait a priori exclure: et dans ce cas que vaudrait son témoignage? 3° Cette hypothèse est d'autant moins invraisemblable - et j'arrive ici à ce qui me parait, dans cette affaire, le plus grave - que ce document n'a pas été reçu du pays même d·ont il émane, mais trouvé dans une publication d'une certaine {( Association de solidarité franco-arabe », qui ne cherche même pas un instant à dissimuler ses positions farouchement pro-arabes et anti-israéliennes. Je ne veux pas allonger cette lettre en reprenant un à un les faits évoqués. Certains d'entre eux, comme les dynamitages de maisons, que je déplore tout autant que vous, sont d'ailleurs patents et ne sont pas contestés par les autorités israéliennes elles-mêmes. Par contre, sur le chapitre des « tortures», je constate simplement que l'immense majorité des témoignages invoqués dans le texte de {( l'Association de solidarité fran co-arabe» le sont dans la forme suivante : X ou Y - arrêtés et inculpés - « se sont plaints d'avoir été torturés» sans qu'aucun commencement de preuve soit apporté à l'appui du bien-fondé de telles plaintes. Au total, tout a été fait , dans lés quelques lignes de Droit et Liberté que j'incrimine , pour accréditer - encore une fois sans preuves suffisantes - l'idée que l'occupation israélienne ne le cède pas en horreur à ce que fut en Europe l'occupation nazie; rapprochement familier, on le sait, à la propagande arabe . Je ne pense pas un instant que les rédacteurs de Droit et Liberté aient eu l'intention de se faire les agents de cette propagande : mais si leur bonne foi a été surprise, c'est une raison suffisante pour redoubler, à l'avenir, de prudence et de vigilance. Avec mes sentiments les meilleurs. Marc-André BLOCH. N.D.l.R. - Les observations de notre ami Marc-André Bloch, qui témoignent de son souci de voir « Droit et Liberté» accomplir sans défaillance sa mission d'information objective mettent l'accent sur un problème à la fois important et délicat. Nous comprenons pleinement ses prèoccupations. Précisons, pour expliquer la publication du texte qu'il incrimine , que plusieurs rapports établis par des commissions d'enquête - dont une désignée par les Nations-Unies - font état de violations des droits de l'homme dans les territoires occupés par Israël. Le gouvernement israélien a toujours rejeté les pro- DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 testations qui se sont exprimées dans ce sens et récusé les témoignages qui les étayaient. En présence d'affirmations opposées, donnant lieu à de telles polémiques, nous nous sommes abstenus d'écrire quoi que ce soit qui puisse exciter encore les passions. Il nous a semblé pourtant (comme à divers autres journaux français) que le document publié par la Ligue israëlienne des Droits de l'homme et du citoyen méritait ' au moins d'être signalé . Il est certain que les options politiques - dans un sens ou dans l'autre - peuvent influencer le jugement, surtout dans un ,domaine où il est particulièrement difficile d'établir des preuves et d'authentifier les témoignages. Il va de soi , en tout cas, que, soumettant à nos lecteurs une information, il n'a jamais été dans nos intentions de nous associer à quelque campagne que ce soit, qui viserait à un dénigrement systématique et outrancier. L'essentiel est, à nos yeux, de s'en tenir - autant que possible - aux faits! Pour la vie ... Profondément émue par la sentence de Leningrad, je vous prie de m'associer aux démarches que vous ferez pour demander la grâce des deux condamnés à mort. Mireille G. MIAILHE Paris. Absent de Pari s, je tiens à me joindre à votre appel pour que les six condamnés à mort de Yaoundé aient la vie sauve. Bachir TOU RE. Contre Il Minute Il Je me solidarise avec {( Droit et Liberté» dans le procès qui l'oppose à un journaliste de {( Minute», par suite de la dénonciation des « erreurs » commises par ce journaliste sur la délinquance des travailleurs nord-africains en France . Un voeu : que notre presse (la grande presse) aide notre pays à devenir plus juste et humain, plus digne d'accueillir sur ses chantiers les travailleurs étrangers (Nord-Africains, entre autres) . Trop de gens, chez nous, sont un triste exemple pour eux. Pasteur CHRISTOL Paris. Pour moi vous êtes réellement des amis, dont j'attends le journal avec impatience cha- FÉVRIER 1971 que mois. Je suis entièrement d'accord avec votre action en général , et à l'égard de {( Minute » en particulier. Il y a longtemps qu'une telle publication ne devrait plus exister. C'est pourquoi je me solidarise avec vous dans le procès qui vous oppose à lui. J'en profite pour vous demander si le nommé François Brigneau, qui écrit dans {( Minute » est le même que le sieur du même nom qui écrit des articles dans une revue nautique. Mme HENRY 63-Aulhat-Saint-Privas. N.D.l.R. - Il s'agit bien du ",ême François Brigneau, que l'on voit aussi participer aux manifestations d'« Ordre Nouveau ». Les Black Panthers et le racisme Je me permets de vous si gnaler, dans votre numéro de janvier 1971, une erreur, due, je présume , à un manque d'in" formation . Il s'agit de l'article de M. Marcel Martin, intitulé {( Post-scriptum», et plus précisément du jugement assez sommaire (il tient en une demiligne) que l'auteur porte sur un mouvement radical des noirs américains, le parti de la Panthère noire, {( The Black Panther Party». {( L'un des dangers qui guettent les minorités opprimées, dit-il , c'est de faire du racisme à l'envers; les Black Panthers ne s'en cachent pas, vis-à-vis du Blanc. » Il ressort au contraire de tous les documents publiés par ce parti , de tous les discours de ses chefs, de tous ses actes depuis sa fondation en octobre 1966, que : « Le parti de la Panthère Noire n'est pas un parti d'extrémistes noirs racistes, pas un parti raciste du tout» (Bobby Seale, président du B.P.P.). L'alliance que le B.P.P. a contractée avec le parti {( ra dical » blanc « Peace and Freedom Party » et la {( Philadelphia Convention » de septembre 1970 où le B.P.P. a colla boré étroitement avec tous les militants désireux de changer le système social , sans distinction aucune de race, en sont deux preuves parmi tant d'autres. J 'ai d'ailleurs pu , moimême, me documenter sur 1 la question, sur place, lors d'un récent séjour aux EtatsUnis; peut-être pourrai-Je espérer trouver, dans un prochain numéro de votre journal, une étude plus approfondie sur ce mouvement, qui présente un intérêt certain. Sylvie JACQUOT 94-Villejuif. Danses cubaines? Le Festival international de danse, auquel préside Mme Alexandre-Debray, offre , chaque automne aux amateurs de ballet, des spectacles magnifiques. Parmi les différentes sociétés annoncées sur l'affiche du Théâtre des ChampsElysées, mon attention fut retenue, cette année, par les représentations du Ballet national de Cuba. Un vif désir me possédait d'admirer des ballerines de la grande île antillaise. Je me faisais une fête de retrouver dans le spectacle qui m'était promis un peu de cette atmosphère, de ce climat, de ces couleurs et de ces rythmes caractéristiques de toutes les Antilles, si différentes que soient nos petites îles, Martinique et Guadeloupe, de la grande Antille, de culture et de moeurs africo-espagnoles. Grande fut ma déception. Non que le corps de ballet ne fût pas digne d'éloges. Mais il n'y avait dans ce Ballet national cubain, rien de national ni de spécifiquement cubain. Rien du chatoiement des nuances vives, harmonieusement mariées, rien des rythmes voluptueux que j'attendais; en un mot, rien d'Antillais. Les Cubains seraient-ils à ce point européanisés qu' il n'y aurait plus de personnalité cubaine qui se puisse affirmer dans la danse? Et puis comment se fait-il que je n'aie vue aucune étoile, aucune ballerine d'une couleur autre que blanche? Il est difficile de croire qu'il n'a pas été possible de découvrir des vocations dans les catégories ethniques qui composent les neuf dixièmes de la population cubaine ... Ou bien encore a-t-on craint que des ballerines de couleur tant soit peu foncée fissent tache sur la scène très parisienne des Champs-Elysées? Odet DENYS, Paris. 3 dans ce nUDlèro PÉTROLE ET NOSTALGIES « Minute» relance sa campagne anti -algérien ne avec une violence rarement atteinte . 21 organisations dénoncent le danger (p . 5). FIN D'UN SCANDALE A Ivry-sur-Seine , 550 travailleurs africains ont quitté l'usine-taudis. Leur action a abouti (p. 8) . ANGELA DAVIS MENACÉE La jeune militante noire américaine risque la peine de mort (p. 9). PROCHE-ORIENT L'OPINION PUBLIQUE A ÉVOLUÉ DEPUIS 1967 Eric Rouleau, qui connaît bien les pays, les problèmes et les hommes de cette région fait le point (p. 10-11). PAUL VI EN ASIE L'abbé Pihan était du voyage. Il livre ses impressions (p. 12). 1* bftWERJ,----- LES JUIFS SOVIÉTIQUES Après Leningrad, des interrogations (p. 15 à 23). Notre couverture : Le cessez-le-feu a été reconduit. Les problèmes demeurent . La menace persiste (photo N.P.A.). 4 ~roit& liberté MENSUEL 120. r~e Saint-Denis - Paris (2") Tél. 231-09-57 - C.C.P. Paris 6070-98 ABONNEMENTS • Un ail : 25 F • AbOnnement de. soutien : 50 F "In/illes. RéuniOl/, Maghreb, AJi"ique./i·uJJcop/ WI/{!: Lao.\, Cambodge, NOllrelte-Culé, dOl/fil: lS F. ,·Iillres p'~rs .- 35 F. Clutll.!tYIl/el1t (/'II(/I'('.'iS(' .- 1 F. Directeur de publication Albert Lévy Imprimerie la Haye-Mureaux 1 éditorial Pour la personne hUlDaine 1 E procès et les exécutions de Yaoundé, les nouvelles consternantes qui parviennent L de Guinée ont inspiré au Bureau national de M.R.A.P. les réflexions suivantes. Il croit de son devoir d'en saisir l'opinion. 1 De tels événements, qui semblent ne concerner que les affaires intérieures d'Etats • africains , interpellent évidemment la conscience de tout homme soucieux de justice et prêt à se dresser pour la défense de la dignité humaine. Mais ils interpellent aussi la conscience du militant antiraciste. En effet, ces événements entraînent des « retombées» racistes. L'homme de la rue, souvent mal informé, n'est que trop incité à généraliser et à se laisser aller à des jugements méprisants sur l'Afrique tout entière et sa prétendue incapacité à répondre aux exigences de la civilisation. Il importe donc de faire face à ce nouveau danger. 2 On constate par ailleurs que la conscience collective semble beaucoup moins émue • par ce qui se passe en Afrique que par ce qui s'est passé récemment à Burgos ou à Léningrad. Il n'est que de comparer l'importance respective des articles parus dans la presse en chacun des cas . D'autres « événements», se situant en d'autres pays du Tiers-Monde, et tout aussi douloureux que les procès de Yaoundé ou de Conakry, sont même complètement ignorés chez nous (par exemple les condamnations à mort prononcées à Séoul, en Corée, au début de janvier) . Cela manifeste bien l'absence du « sens de l'universel», le peu d'intérêt porté à la vie humaine lorsqu'il s'agit des peuples lointains et des autres races. J Au sujet de ces procès en Afrique, plus encore qu'au sujet des affaires de Burgos et • de Léningrad, il semble bien que l'ampleur des protestations soit trop souvent fonction des sympathies ou des antipathies politiques. Certains paraissent ne parIer de ces « affaires» que dans la mesure où cela sert leur politique, ou tout au moins pour justifier une position politique, et non avant tout pour des raisons d'humanité . Le véritable combattant de la paix et de la justice, le véritable militant antiraciste, devrait protester avec la même énergie chaque fois que les droits de la personne humaine sont bafoués. Ne devrait-on pas faire preuve d'une sévérité plus grande à l'encontre de ceux envers lesquels on a des sympathies personnelles, en raison de l'adhésion qu'ils ont donné aux idéaux qui sont nôtres, chaque fois que l'on constate chez eux une défaillance à l'égard de ces idéaux? 4 En dépit des insuffisances mentionnées ci-dessus au point 2, on constate que l'im- • pact de l'opinion publique internationale est nettement en augmentation, chaque fois que celle-ci est saisie de procès politiques mettant en danger des vies humaines. Les instructions baclées, la non-reconnaissance des droits de défense, l'absence d'observateurs impartiaux, l'application de la peine de mort provoquent une indignation croissante. C'est là un phénomène irréversible, dont l'importance est considérable. On peut s'en féliciter. IL est absolument nécessaire que les Etats africains, tout comme les autres, en tirent la conséquence. Lorsque l'on s'inquiète de ce qui se passe chez eux, lorsque des pétitions, des appels à la clémence, des protestations sont adressées à leurs gouvernants dans un esprit de solidarité humaine, de telles démarches ne doivent pas être confondues avec la mise en cause de leur indépendance , ni avec les manifestations, condamnables, du racisme et du néo-colonialisme . Nul ne peut plus, aujourd'hui, s'abriter derrière son propre Code pénal. Vouloir être à égalité avec les autres nations, c'est savoir que l'on s'expose au feu croisé de l'opinion mondiale . Là où les organisations internationales, et l'O.N.U. elle-même, sont impuissantes parce qu'il s'agit d'affaires dites « intérieures», la conscience humaine parle plus haut et plus clair que le juridisme . Au-dessus de l'Organisation des Etats, il y a de plus en plus la communion des peuples et des hommes. Quiconque cherche des prétextes pour se refuser à entendre ces voix qui s'élèvent de partout, pose un acte de retrait de cette communion humaine et se condamne à la solitude. Il Droit & Liberté Il l Une délégation du M.R.A.P. reçue par le PreHlier Ministre TE 5 janvier 1971, une délégation du .L Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix, (M.R.A.P.) a été reçue à l'Hôtel Matignon par M. Jacques Chaban-Delmas. Cette délégation était composée de MM. Alfred Kastler, prix Nobel et André Chamson, de l'Académie française, membres du comité d'honneur du Mouvement

Pierre ParaI, président; Charles

Palant, l'Abbé Jean Pihan, Me Fred Hermantin, vice-présidents; et Albert Lévy, secrétaire général. Elle a soumis au Premier ministre une série de propositions concernant la célébration par la France de l'Année internationale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, que l'O.N.V. a procl1mée pour 1971. Formulant l'espoir que notre pays, tant par l'action des Pouvoirs publics que par la mobilisation des bonnes volontés, participera dignement à cette campagne mondiale, les représentants du M.R.A.P. ont évoqué les recommandations contenues dans la résolution des Nations unies qui s'y rapporte. Le Premier ministre a réservé un accueil compréhensif à la délégation et exprimé son intérêt pour l'action du M.R.A.P. Des dispositions ont été prises pour que les propositions soumises soient examinées prochainement par les services compétents. M. ChabanDelmas a indiqué, en particulier, que la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, approuvée par le Conseil d'Etat, sera soumise à ratification au début de la prochaine session parlementaire. A l'issue de l'entretien la délégation a remis une note qui souligne notamment les points suivants: 1. Education La célébration de l'Année internationale devrait être suscitée et eI}couragée dans les établissements scolaires du 1er et du 2e degré, non pas sous la forme d'une leçon ou d'une dissertation, mais en recourant à des méthodes actives, entraînant la participation, l'initiative et la recherche per-. sonnelle des éléves. A cet égard, le M_R.A.P. approuve pleinement la note adressée sur ce probléme au ministre de l'Education nationale par M. MarcAndré Bloch, président du Centre de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (1). Le M.R.A.P. suggère en particulier la réalisation collective (par groupes ou par classes) de dossiers sur les préjugés DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 c 'C" l '": .~ LU raciaux en France et sur la situation des travailleurs immigrés, comportant dessins, photos, coupures de presse, comptes rendus d'enquêtes et de lectures, analyses de films, tableaux statistiques, etc. Ces dossiers pourraient donner lieu à des expositions publiques dans les établissements scolaires, les Centres régionaux de documentation pédagogique, ou encore sous l'égide des municipalités, qui accorderaient des récompenses aux participants. Il serait souhaitable, aussi d'encourager les débats, projections, conférences en liaison avec les problémes du racisme dans les Maisons des jeunes et de la culture. cipation des représentants des employeurs et des syndicats ouvriers, et qu'elle assure aux travailleurs étrangers des conditions d'accueil convenables. Il estime que doit être intensifiée la construction de foyers De gauche à droite: Charles Palant, Alfred Kastler, l'Abbé Pihau, André Chamson, Fred Hermantin , Pierre Paraf, Albert Lévy. 2. Information La résolution de l'O.N.V. souligne à juste titre le rôle des grands moyens d'information dans la lutte contre le racisme. Outre les efforts qui seront accomplis par la presse, des émissions trés diverses pourraient être envisagées par la radio et la télévision françaises, auxquelles le M.R.A.P. apportera tout son concours. 3. Pour les travailleurs immigrés Probléme spécifique à notre pays, la situation des travailleurs immigrés devrait donner lieu, durant l'Année internationale, à une série de mesures susceptibles de réduire les discriminations de toutes sortes dont ils sont l'objet Le M.R.A.P. souhaite en particulier que l'organisation de la migration, en fonction des besoins de l'économie, se fasse dans le cadre de l'O.N.l. (Office national de l'immigration), avec la partiet de logements, avec le concours de l'Etat et de fonds patronaux; et que, lorsque les immigrés habitent des foyers, ils doivent pouvoir participer à leur gestion et à leur fonctionnement. Les autres propositions avancées dans ce domaine concernent : la simplification des formalités administratives relatives à la carte de séjour et de ,travail; la suppression des restrictions frappant les immigrés en matière de droits sociaux et syndicaux, de participation aux élections dans les entreprises, de création d'associations et de publications; la modification de la procédure d'expulsion, de manière à garantir aux étrangers tous les recours légaux devant les tribunaux, et éviter ainsi les décisions arbitraires; le développement de l'alphabétisation et de la formation professionnelle des travailleurs immigrés; la multiplication des classes de rattrapage et d'adaptation pour les enfants d'immigrés afin de leur permettre de s'intégrer ensuite pleinement dans les classes normales et de ~ 5 ~ bénéficier de meilleures possibilités de promotion. 4. Pour les Gitans Des dispositions apparaissent nécessaires pour améliorer la situation des Gitans et combattre les préjugés répandus à leur égard : annulation des restrictions qui les frappent en matière de piéces d'identité et de circulation, construction d'aires de stationnement pour leurs caravanes, afin de favoriser la scolarisation des enfants, mesures facilitant la sédentarisation de ceux qui le désirent. 5. Au Parlement La résolution de l'O.N.V. suggére une « réunion spéciale du Parlement», le 21 mars, date de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. En France, l'Assemblée nationale pourrait consacrer une séance du début de la session d'avril aux problèmes se rapportant au racisme. L'ordre du jour pourrait prévoir des débats sur trois points: - Adoption des propositions de lois antiracistes élaborées par le M.R.A.P., déposées à l'Assemblée nationale depuis plusieurs années par des députés de diffé rentes tendances; - Ratification de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l'O.N.V. en 1965 ; A L'UNESCO Composée de Pierre Paraf, président du M.R.A.P., Albert Lévy, secrétaire général, et du professeur Marc-André Bloch, membre du Conseil national, président du Comité de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (C.L.E.P.R.), une délégation a été reçue le 13 janvier au siége de l'V.N.E.S.C.O. Elle s'est entretenue avec M. Lyons, directeur du département des Sciences sociales et Mme Herzog, responsable du département de Philosophie. Quelques jours plus tard, le 18 janvier, cette même délégation rencontrait le directeur du Centre d'information des Nations unies pour la Belgique, la France et le Luxembourg, M. Paul Jankowski, qu'entouraient son adjoint, M. Luc Van Bel- 6 - Mesures' tendant à améliorer le statut et les conditions de vie des travailleurs immigrés en France. 6. Autres suggestions La délégation a attiré également l'attention sur diverses autres suggestions contenues dans la résolution des Nations unies : proclamation de l'Année internationale par une déclaration officielle, émission d'un timbre-poste spécial, soutien à l'organisation de colloques et rencontres sur la lutte antiraciste, encouragement aux éctianges culturels et sportifs entre pays de races différentes, etc. 7. Le problème de l'apartheid Enfin le M.R.A.P. se devait de rappeler que la résolution des Nations unies insiste tout spécialement sur la lutte contre l'apartheid, forme la plus condamnable et la plus flagrante aujourd'hui, de la discrimination raciale. Elle invite les gouvernements à « fournir une assistance morale et inatérielle aux peuples qui luttent contre la discrimination raciale sous quelque forme que ce soit». Le M.R.A.P. exprime l'espoir que l'Année internationale sera mise à profit par le gouvernement français, qui apporte une aide économique et militaire aux autorités racistes de Prétoria, pour réexaminer son attitude dans ce domaine. el à L'O.N.U. lingen, et l'attaché de presse du Centre, M. Riviére. Dans les deux cas, les délégués du M.R.A.P. ont fait connaître les réalisations et les projets de notre Mouvement; ils se sont informés des programmes de l'O.N.V. et de l'V.N.E.S.C.O., à l'occasion de l'Année internationale contre le racisme. Dans un climat de sympathie, ces entretiens ont permis de préciser un certain nombre de domaines dans lesquels les efforts du M.R.A.P. et du C.L.E.P.R. pourront être coordonnés avec l'action des grandes organisations internationales. (1) Marc-André Bloch a exposé le point de vue du C.L.E.P.R. dans le dernier numéro de « Droit & Liberté» (p. 55) sous le titre : « La tâche de l'éducateur ». Les cartes 1971 D'ores et déjà, des milliers d'amis du M.R.A.P. ont souscrit pour la carte~ l97 , Qu'ils soient remerciés. ' " Si vous ne l'avez pas fait, hâtez-v?us ! , Si vous souhaitez recevoir une ou plusieurs cartes (pour placer dans votre entouE' rage) hâtez-vous aussi de les demander! ' Car, pour l'Année internationale le M.R.A.P. a besoiV plus que jamais de tous les soutielJs. Il faut que les souscripteurs soient nombreux et génél'eux pour ai- , der au combat si nécessaire, que nous avons à mener. Il faut que beaucoup de donateurs réguliers réalisent,ilvec ou sans tirelire, le système de « 1 &anc par jour contre le racisme » proposé dans notre dernier numéro. Nous comptons sur 'Vous. vue IDe dérange,' " Holnol)) MANIFESTATION d'ouverture à inscrire au calendrier de l'Année internationale de la lutte contre le racisme, l'avant-première de la pièce d'Athol Fugard, Ta vue me dérange, Hotnot! s'est déroulée le 17 janvier au Théâtre de l'Ouest parisien, à Boulogne, En une brève allocution , Charles Palant, vice-président du M, R ,A, p, salua la nombreuse assistance et les personnalités présentes, Remerciant les dirigeants du T,O. P., il traça à grands traits les réalisations et les tâches du M.R.A.P. au seuil de cette année où toute l'opinion antiraciste est appelée à se mobiliser. Pu is ce fut le spectacle. Mise en scène par Pierre Vielhescaze, dans un dispositif dû à Pierre Bobillot, sur l'excellente musique de Claude Cagnasso , cette piéce qui valut à son auteur le retrait de son passeport dégage un tel climat d'angoisse et d'oppression, grâce à la magistrale interprétation d'Yvan Labéjof et de Robert Rimbaud que, très vite, malgré le démarrage un peu lent, le spectateur doit entrer dans le jeu : il n'est plus au théâtre , de passif son rôle devient actif, il tait partie du monde extérieur, cet apartheid , qu i retient les deux demi-frères Zach et James prisonniers derrière leur grillage. La mise en scène, très discrète, laisse toute sa valeur au texte qu'on aurait aimé peut-être plus percutant , plus dense, mais qui met à nu les mécanismes les plus intimes du racisme, dans le système de l'apartheid . Le public nombreux, par de vifs applaudissements, exprima son adhésion à la courageuse entreprise du T.O.P. et de son directeur qui choisit par conviction personnelle et en accord avec son équipe la voie royale de la difficulté en montant cette pièce , qu'il faut absolument aller voir (1). (1) Jusqu'au 18 février T.O.P. , 60, rue de la 8elle~ euille , 80ulogne (92), métro Marcel-Sembat. Pétrole Au moment ou l'ex- leader de l'O.A.S. Jacques Soustelle fait' à Lyon sa rentrée politique , Minute relance, avec une violence rarement atteinte, sa campagne anti-algérienne . Si' les mots ont un sens , François Brigneau, rédacteur en chef de l'hebdomadaire raciste et dirigeant d'Ordre nouveau, envisage rien moins que la reconquête de l'Algérie : (( La politique méditerranéenne de la France a toujours été, d'abord, la mise hors d'état de nuire des pirates arabes. Il n'est jamais trop tard pour la recommencer. Il En 1830 déjà .. . En 1966, les gens de Minute avaient pris prétexte d'un viol imaginaire pour tenter de dresser la population contre les Algériens (Attention aux Arabes li. Cette fois , c'est dans les problèmes rencontrés en Algérie par les groupes pétroliers français (1) qu'il trouvent matière à exprimer leur racisme. Le vocabulaire de M. Brigneau (les Melons, le lumpenproletariat bicot) reflète déjà la mentalité du personnage. Mais là n'est pas l'essentiel. L'essentiel est dans la falsification des faits. Il Pour le monopole de NOTRE pétrole, écrit M . Brigneau, on a englouti des sommes fabuleuses Il. Il paraît pourtant évident - du moins à une personne intellectuellement équilibrée - que le pétrole algérien est richesse naturelle de l'Algérie. Le temps est tout de même loin où le même Jacques Soustelle proclamait dans une belle envolée que la Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris. Quant à « l'aide» apportée par la France à l'Algérie, M. Brigneau et les siens savent pertinemment qu'elle n'est pas la conséquence d'un quelconque sentiment de charité ou de solidarité. M. François Brigneau réclame le renvoi de tous les Algériens résidant en France et ne justifiant pas d'un travail régulier. Dans un premier temps, précise- t-il. Les lecteurs ayant été mis en condition, dans le numéro suivant, M. J.-P. Mefret prétend présenter la situation des Algériens en France, poussant l'indécence jusqu'à affirmer que ceuxci envoient les 4/5e de leur paie en Algérie! Combien faudrait-il donc qu'i ls gagnent pour survivre? Il est nécessaire, devant une telle falsification , de rappeler quelques chiffres. Au 1 er juillet 1970, 455338 Algériens de plus de 16 ans (dont 57 927 femmes) étaient recensés; 163 291 étaient em- DROIT ET LI BERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 et ••• " I,~~stalgies ployés dans le bâtiment publics, 51 237 dans les industries mécaniques, 31 266 dans la production des métaux, 19886 dans les indus- DEHORS tistique connue, 21 664 avaient été admis, durant l'année 1967 , dans les hôpitaux de Paris (au 1 er janvier 1969, on estimait à 131 424 le nombre d'Algériens résidant dans la région parisienne). Il est paradoxal - en apparence du moins - que Minute n'a it jamais évoqué le pourquoi et le comment de la situation des Algériens en France. filtliI! La LES Il est plus facile de crier Au feu! quand on a des tendances à la pyromanie. ALGERIENS! Us n'ont plus leur place chez nous après le coup .. ""'. de force des,pirates du 'pétrole Un député , M. Léon Feix , a demandé à M . Jacques Chaban-Delmas l'interdiction de Minute et la dissolution des groupes racistes et fascistes tels Ordre Nouveau, France, etc. • LA MENACE SUR L'ESSENCE • Assez de capHulations, M. Pompidou Cette fois encore, il faut bien le constater, les pouvoirs publics , le Parquet, sont restés indifférents à la campagne de Minute. J.T.

LES (PIQUANTES)

_~ HISTOIRES D'ARLEITV $U( k PQtis.4~ tpm.tiJl."4Ac ti)t!be' ljIl@.I(Plf1f,,,,n ~'t (1) Sur 1 franc d'essence payé par le consommateur français, 47 ,5 centimes vont à l'Etat et 6 ,3 constituent le bénéfice des compagnies pétrolières. L'Algérie ne reçoit que 7,9 centimes. tries chimiques, etc. ; ils constituaient, en 1966 déjà, 42 ,1 % de la population des bidonvilles; selon la dernière sta- • Dans une déclaration publique, la délégation extérieure du Parti de l'Avant-Garde socialiste appelle travailleurs algériens et français à former un front commun contre les racistes. 21 organisations s'élèvent contre les canapagnes racistes de (( Minute )) PRENANT prétexte des discussions dignité et aux droits des travailleurs immiactuelles sur les problèmes du grés. Il est préjudiciable aux Français pétrole et sur les relations franco- eux-mêmes, algériennes, une campagne d'excitation Nous ne pouvons le tolérer. à la haine raciste se développe en France, Nous ne pouvons accepter que les Dans cette campagne, l'hebdomadaire Pouvoirs publics restent passifs devant de « Minute », une fois de plus, s'illustre par telles campagnes. Ils doivent user des disses calomnies et ses injures contre les positions légales existantes pour s'opposer travailleurs algériens, titrant par exemple à toutes les excitations au racisme. dans son numéro du 14 janvier: « Dehors 1971 étant l' « Année internationale les Algériens! Ils n'ont plus leur place contre le racisme», nous demandons que chez nous ! » viennent d'urgence en discussion les di- En vue de défendre des intérêts ina- verses propositions de lois déposées vouables, qui ne sont en aucune façon depuis longtemps au Parlement contre la ceux des travailleurs français, « Minute» discrimination et la diffamation racistes. n'hésite pas à falsifier grossiérement Accueil et Promotion - Amitié et ProIes faits. Les travailleurs algériens, comme motion - ASCOFAM - C.F.D.T. - C.G.T. - l'ensemble des travailleurs immigrés, Christianisme social - CIMADE - Comité contribuent au développement de .1'éco- d'Aide médicale aux Migrants - Convention nomie française; non seulement ils ne des Institutions Républicaines - F.A.S.T.I. - bénéficient pas de faveurs particulières, Fédération de l'Education Nationale - comme l'affirme « Minute», mais ils su- France-Algérie - G.A.L.E.T. - Jeune Répubissent au contraire de multiples discri- blique - Ligue des Droits de l'Homme - minations et sont victimes d'une exploi- Mouvement Chrétien pour la Paix - Moutation renforcée. vement contre le Racisme, l'Antisémitisme Le racisme est une plaie de notre société. et pour la Paix (M.R.A.P.) - Objectif 72 - La méconnaissance ou la déformation Pax Christi - Parti Communiste Français - systématique des réalités en sont les Parti Socialiste Unifié. véritables causes. Il est une atteinte à la Paris, le 2 février 1971 7 c 'C" l ~ Ivry-sur-Seine Fin d'un scandale Les traTailleurs atrlcalns ont quitté T OUT a changé pour eux. Ils avaient vécu dans des conditio'ns difficilement imaginables, ' travailleurs maliens, mauritaniens, sénégalais mêlés et solidaires, dans une usine désaffectée d'lvry-sur-Seine . Ils étaient quelque 550 et ne disposaient que de deux robinets d'eau potable , de cinq w .-c. et de deux lavabos. Leurs couvertures n'avaient été ni changées ni même nettoyées depuis quatre ans. Tout était moisi dans ce vaste taudis. Le logeur décida un jour de porter le loyer de 40 à 60 francs . C'en était trop. On a pu calculer qu'en 31 mois, le propriétaire avait encaissé 434000 francs. Et que 28 de ses locataires, au moins, avaient été hospitalisés dans la seule année 1968 (1). De plus , le gérant, avec une certaine arrogance , entendait contrôler les fréquentations de ses locataires, dont les revendications le laissaient parfaitement indifférent, ainsi d'ailleurs que les injonctions publiques du ministre de l'Intérieur. Les locataires entreprirent donc une grève du loyer (2) . Ils durent, pour la mener à terme , déjouer de nombreuses provocations. Leur action, organisée et tenace , soutenue par diverses organisations , dont le M .R.A .P. , a porté ses fruits . -- DI -lB l'usine-taudis 120 d'entre eux sont aujourd'hui hébergés à Villejuif, 130 à Thiais , 22.0 à Ivry. Ce relogement, ils l'avaient accepté au cours d'une assemblée générale. Nous avons rendu visite à ceux d'Ivry, rue Jean-Jacques-Roussealj.. Le bâtiment, confié à la gestion de l'ASSOTRAF a belle allure . Des plantes dans le hall , des motifs décoratifs montrent déjà qu'on est loin de l'ancien taudis . Le nouveau foyer est flambant neuf. Dans le vaste et clair réfectoire, Africains et Nord-Africains sont rassemblés. Les derniers occupent le quatrième étage . L'un d'eux nous indique que le loyer est de 100 francs par mois, ce qui fait lourd par rapport au salaire moyen. Mais l'eau , le chauffage, l'entretien sont à la charge de l'Association gestionnaire . Les chambres, occupées chacune par quatre personnes , sont un peu petites. Il Mais quand on vient de la rue Gabriel-Péri .. ·. Il. Nous rencontrons Mamadou Diandouma, que ses camarades firent leur porte-parole. Bien sûr, il manifeste sa satisfaction d'avoir quitté l'ancien taudis . Il tire renseignement de l'histoire : Il Notre relogement est dû en tout premier lieu à notre propre action, celle-ci a cep enl l l l Le bâtiment de la rue Jean-Jacques-Rousseau a belle allure . 8 Ce portail cachait un scandale. dant été facilitée par le soutien que nous ont apporté les organisations françaises et la municipalité d'Ivry Il. Offre d'emploi Entreprise parcs et jardins recherche jardinier paysagiste manoeuvre jardinier, jeune, actif, présentant bien. Nord-Africains, s'abstenir. ( La Dépêche du Midi. du 16 décémbre 1970.) Ensemble, en compagnie de Marcel Zelner, conseiller municipal, nous visitons quelques chambres. Ici, les locataires refusent de se laisser photographier, sans explication. Réflexe d'autodéfense . a A'fo-~;-;-~7eces meubtees o;:.;tes ~ li te Rlom. sallf P~rtuuttt~, - S'adrf' ,;ser M M," lwl P.lo;:s..1.(I,.:1h. 70 tue Il Lafa.,.ctt~ . HlOm 134 li· • Demande employée de maison. nifé R x. (ences exfgees ~ stable . et ~érteu~e 125 i'l f. Extrait de .« Riom-JOurnal» du 9 janvier 1971". Quatre lits, deux armoires dans chaque chambre. On peut maintenant parler de chambre. L'action des Africains, la pression de l'opinion a entraîné le déblocage de fonds par le Fonds d'action sociale . Il y a là une leçon à tirer. Le problème, à l'échelle nationale , reste cependant posé. Marcel Zelner nous le confirme : la politique offi'cielle d'immigration ne prévoit pas les structures d'accueil , les immigrés sont concentrés sur le territoire de certaines communes seulement. J.T, 1) « Le Livre des travailleurs africains en France », Ed. Maspéro. 2) « Droit et Liberté » nO 284. • Menaces sur Angela DavÏs La jeune IDilitante noire risque la peine de IDort AUCUNE affaire, à ma connaissance, n'a jamais suscité un mouvement de (( . solidarité aussi vaste et aussi varié. Il C'est ce que John Abt, l'avocat d'Angela Davis, la jeune femme noire inculpée de complicité de meurtre et de rapt, vient de déclarer à un journaliste. Selon John Abt , Angela Davis se trouve sur le banc des accusés tout simplement parce qu'elle a lutté avec efficacité contre la persécution de son peuple. Les autorités Il cherchent à montrer au monde que ça ne paye pas d'être un militant Il, dit-il. Un vaste mouvement s'est rapidement développé pour tenter de l'arracher à la mort qui la menace (car c'est de cela qu'il s'agit). Il comprend des groupes aussi divers que le Y.W.C.A . (Young Women's Christian Association), groupe plutôt conservateur qui n'avait jamais auparavant pris position sur un cas individuel ; les Panthères noires ; le N.A.A ,C.P. (Association pour le progrès des gens de couleur) , plutôt modéré ; le National Lawyers Guild (Guilde des avocats) groupant des avocats progressistes

le Civil Liberties Union

(Union pour les libertés civiques); des dirigeants syndicaux , y compris des délégués régionaux ou locaux du puissant syndicat des Travailleurs de l'automobile (U ,A.W.), du Syndicat des employés de bureau (Office Workers Union), du Syndicat des camionneurs , etc. De nombreux groupes d'étudiants et de professeurs d'université se sont également prononcés en sa faveur. Angela Davis est accusée par l' Etat de Californie d'être coresponsable , en tant que « complice», de la mort de quatre personnes tuées au cours de la tentative manquée de libération de trois prisonniers noirs dans un tribunal , à San Rafael. C'est le jeune Jonathan Jackson - frère de George Jackson , l'un des trois détenus noirs de la prison de Soledad, accusés du meurtre d'un gardien - qui, armé d'un fusil , avait fait irruption dans la salle du tribunal où était jugé un autre noir. En Il libérant 1) le prévenu, ainsi que deux autres prisonniers noirs cités comme témoins, il avait pris comme otages le juge, le procureur et trois jurés. Les Chez votre pharmacien DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 policiers ouvrirent le feu sur la voiture dans laquelle ils tentaient de s'échapper, tuant le juge , le jeune Jackson et deux des prisonniers. Quant à Angela , elle n'était même pas dans la région de San Rafael au moment où se déroulait cet épisode . Elle est accusée d'avoir acheté les armes utilisées par Jonathan Jackson . Sachant que ses chances de bénéficier de la moindre justice étaient nulles dans le climat d'hystérie raciste qui régnait en Californie, Angela prit la fuite à l'annonce de l'ouverture de l'enquête contre elle . Elle fut cependant arrêtée par le F.B.I. , à New York , le 13 octobre. Après plusieurs semaines passées au secret dans une prison newyorkaise , elle a été remise entre les mains des autorités de Californie où se déroulera son procès pour rapt et meurtre. D'après la législation californienne, en effet, un complice est aussi « coupable» que l'auteur d'un délit. Déjà, en automne 1969 ... Angela Davis, brillant professeur de philosophie à l'Université de Californie et membre actif du Parti communiste , s'était attiré depuis longtemps les foudres des autorités de Californie. Déjà en automne 1969, ces autorités , poussées par le gouverneur Reagan , avaient essayé de la chasser de son poste sous prétexte que les réglements interdisaient à une « rouge )1 d'enseigner. Mais cette décision avait été repoussée par l'ensemble du corps enseignant et des étudiants , qui prirent position pour la liberté d'expression de cette jeune intellectuelle communiste et contre les chasseurs de sorcières. En réponse , Reagan et les autres membres du conseil d'administration refusèrent , au printemps 1970, 'de renouveler son contrat pour l'année à venir. Les étudiants et les enseignants menacèrent alors de faire grève et de fermer toutes les universités de l'Etat si elle n'était pas réintégrée. Dans une déclaration faite récemment de sa prison , Angela Davis précise : Il Ronald Reagan et l'Etat de Californie, après avoir voulu me priver de mon poste parce que je suis membre du Parti communiste, veulent maintenant me priver de la vie, Pourquoi? Pas parce que je suis la dangereuse criminelle qu'ils décrivent; pas parce qu'il existe le moindre soupçon de preuve des accusations qu'ils ont montées de toute pièce contre moi, mais parce que, dans leur esprit pervers, tout révolutionnaire est un criminel de choix, Il Si les autorités se sont tellement acharnées contre Angela Davis , c'est sans doute parce qu'elle n'a jamais séparé théorie et pratique. Tout en enseignant à l'Université, elle était plongée dans le travail politique de la communauté noire, prenant activement la défense des frères de Soledad (1) et de toutes les victimes de la discrimination raciale et de l'injustice. Voilà son véritable crime. Shofield CORYELL (1} Voir « Droit et Liberté» nO 29B. • Un meeting contre la répression raciste qui se généralise aux Etats-Unis se tiendra à Paris, le 17 février à 21 h., au 44 de la rue de Rennes, à l'appel du K Comité d'information et d'action pour la défense des droits des noirs américains ", avec la participation notamment du M.R.A.P., du Parti communiste, de la Convention des Institutions républicaines, de la C.G.T., de la Ligue des Droits de l'Homme, d'Objectif 72, de la C.I.M.A.D.E. de l'Association française des juristes démocrates. 9 Proche-Orient Depuis 1967 les esprits ont é~olué AUjourd'hui, une paix est possible 1 A rep~ise de la ~issi~n de M . Gunnar Jarring, mission qui vise à la mise en appliL cation de la resolutlon du 22 novembre 1967 du Conseil de sécurité de l'O.N.U. , laisse espérer une solution au conflit du Proche-Orient. D'autant que, dans les deux camps, les esprits ont évolué : l'approche des problèmes est beaucoup plus réaliste qu'elle ne l'était en 1967. Nous avons demandé au journaliste Eric Rouleau , qui connaît bien les pays, cc les hommes et les problèmes du Proche-Orient de nous parler de ces évolutions. a Une interview d'Eric Rouleau J 'AI constaté depuis la guerre des S'x jours une certaine évolution dans l'opinion publique arabe, Une certaine polarisation s'est faite . Deux minorités se sont affirmées: l'une est ce qu'on appelerait.en France une minorité gauchiste; jusqu'au boutiste, elle veut la destruction de l'Etat d'Israël et la constitution d'un Etat unitaire, démocratique et laïque, pour reprendre les termes des organisations palestiniennes. L'autre est pour une reconnaissance d' Israël et une normalisation des rapports entre lui et les Etats arabes. Celle-ci se recrute - je pense à l'Egyptedans les milieux bourgeois qui ont pour préoccupation essentielle de faire du commerce , d'établir des relations économiques avec le dynamique Etat voisin et de s'aligner sur la politique américaine . Et puis il ya la masse de ceux qui ont été traumatisés par la défaite de 1967 et qui ont tiré des conclusions de cette défaite. Cela, je l'ai constaté au Caire, à Damas, à Beyrouth , à Bagdad . Beaucoup considèrent que les pays arabes ne peuvent battre militairement Israël, que les régimes en place sont incapables de mener jusqu'au bout une guerre classique ou une guerre populaire. Certains acceptent l'idée d'une coexistence . Récemment encore, dans les cafés du Caire , j'ai entendu des gens défendre publiquement le droit à l'existence d' Israël, celui-ci gardant cependant très mauvaise réputation, considéré comme expansionniste, impérialiste , raciste. Mais il est accepté et ceci est nouveau dans le monde arabe. Je me souviens d'une expérience personnelle. Voici 18 mois environ , j'avais participé à la télévision égyptienne à une table ronde. J 'ai dit qu ' il fallait comprendre les réactions des 1 sraéliens en mai-Juin 1967, tenir compte de l'histoire des juifs qui avaient connu persécutions et massacres en grand 10 nombre. J 'ai dit aussi - présentée à plusieurs reprises, l'émission ne fut pas censurée que certains dirigeants arabes avaient dépassé la mesure dans leurs propos. Dans les rues du Caire , j'ai été arrêté des dizaines de fois par des gens qui me remerciaient de leur avoir permis d'entendre enfin des vérités sur les juifs, sur les Israéliens. J 'avais pensé choquer les auditeurs et c'est le contraire qui se produisait. Deux problèmes En Israël, il y a eu une évolution parallèle mais très différente . Au lendemain de la guerre, dans l'ivresse de la victoire , le général Dayan attendait un coup de téléphone de l'un des dirigeants arabes. Mais on ne tue pas un peuple parce qu'on l'a abattu militairement. Et puis , c'était mésestimer le rapport des forces internationales : les Arabes devaient trouver des alliés dans les pays de l'Est et dans l'opinion internationale . Depuis, la majorité des Israéliens ont compris qu'aucun des deux blocs ne peut permettre une victoire décisive de l'un ou l'autre des deux camps. Si , en Israël , un sondage était organisé de façon claire , je suis persuadé qu'entre les territoires occupés et la paix, la majorité préférerait la paix. Il est vrai que deux problèmes se superposent : le problème israélo-arabe et le problème israélo-palestinien. Deux positions sont possibles en ce qui concerne les Palestiniens : la lutte jusqu'à la réalisation d'un Etat unitaire et laïque allant de la Méditerranée au Jourdain ; ou la création d'un Etat palestinien. Il faut noter, au sujet de la première , qu'elle marque un progrès certain : le temps n'est plus où l'on parlait de « jeter les juifs à la mer » ou de les renvoyer dans les pays de leurs parents. La nouvelle position a pénétré les masses et n'est plus celle des seuls dirigeants. Je vous donne une précision à propos de la Syrie, parce que la Syrie a très mauvaise réputation : un sondage récent a révélé que 75 à 80 % des officiers étaient partisans d'un règlement politique du conflit. Cela explique en partie le changement facilement opéré de l'équipe dirigeante . La Syrie « gauchiste » était isolée dans le monde arabe , et l'armée et la population ont bien accueilli la nouvelle équipe dirigée par le général Hafez Assad . La population n'accepte plus les surenchères, ne croit plus au bellicisme. se superposent Les tenants de l'autre position - ceux du moins qui la soutiennent en s'affirmant solidaires des Palestiniens - , tiennent le raisonnem ent suivant : une situation a évolué ; beaucoup de sang a coulé , les contradictions sont nombreuses et il n'est pas possible de créer un Etat unitaire ; un peuple israélien existe maintenant ; il faut donc fonder un Etat palestinien sur une partie de l'ancienne Palestine . Ici on trouve une possibilité de solution du conflit israéloarabe en même temps que celle du conflit israélo-palestinien . Je pense pour ma part, qu 'on ne peut pas résoudre tous les problèmes en même temps, alors que le conflit dure depuis un demi-siècle , que les ingérences des grandes puissances, des petites puissances, des groupes de pression économique, viennent les compliquer. Dans la dernière période , les organisations palestiniennes se sont isolées. Quelque temps avant sa mort, le président Nasser avait dit aux dirigeants palestiniens qu'en acceptant le Plan Rogers il voulait ne pas être absent du jeu qui se faisait à l'échelle mondiale sur le Proche-Orient et qu'eux faisaient l'erreur de ne pas vouloir jouer le jeu. De fait, le mouvement palestinien, auquel participent beaucoup de militants droits, honnêtes, a souffert d'un manque de réalisme . Acceptant le principe d'une solution pacifique , il aurait pu poser ses conditions. On aurait été obligé de tenir compte de son point de vue. Il a considéré qu'une solution pacifique par négociation indirecte était immorale. Il s'est placé en dehors du jeu. 1 ' Les Israéliens peuvent ainsi affirmer qu'ils ont contre eux cent millions d'Arabes et les Américains livrer des armes en conséquence . Le monde arabe n'est pas mono- Pour ce Palestinien de VVahadat (Jordanie) chaque jour est chargé de dangers. Sur l'attitude du roi Hussein à leur égard , les Palestiniens ont également fait un faux calcul. ' J'étais à Amman avant, pendant et après la guerre civile jordano-palestinienne de septembre. J'ai bien vu que le Palais n'avait pas l'intention de déclencher une répression, du moins à ce moment-là. Il y a été poussé par les provocations de certains fidayin , aidé par la lassitude de la population civile. Cette population en avait « pardessus la tête », elle souhaitait l'ordre, l'ordre quel qu'il soit. Même quand on n'aime pas le ro i, on veut pouvoir ouvrir son magasin , son échoppe (dans les pays arabes, la petite bourgeoisie est extrêmement importante). Un dirigeant palestinien me disait dernièrement: « Il n'y a que les Israéliens qui feignent de croire à l'unité du monde arabe et les Américains qui y croient ». DROIT ET LI BERTÉ N° 299 - FÉVRIER 1971 lithique , les rapports sont des rapports normaux entre Etats différents. Cela est apparu à l'opinion publique et a permis une certaine évolution . En ce qui concerne l'évolution de l'opinion en France, je ne peux donner que des impressions. D'après un récent sondage en tout cas, la sympathie pour la politique israélienne a baissé sans que pour autant la sympathie pour les Arabes ait beaucoup augmenté. Autrefois, tout ce qui venait d'Israël était accepté, tout ce qui venait des pays arabes était rejeté comme mensonger ou hypocrite . Les choses ont changé parce qu'il y a eu cette révélation de la puissance militaire israélienne alors qu'on croyait à un tout petit Etat menacé de destruc ~ tion et que les Israéliens étaient en danger d'extermination . Il semble que l'opinion françai se considère maintenant le barrage d'Assouan, ici en construction , a été un chantier gigantesque. Inauguré récemment. il apportera à l'Egypte des possibilités d'industrialisation jamais connues, Israël comme un Etat pareil aux autres. Pour ma part , je donne beaucoup de conférences , tant en France que dans le reste de l'Europe . En 1967, j'avais beaucoup de peine à me faire entendre sinon comprendre . Aujourd'hui, beaucoup me trouvent singulièrement modéré. Il faut parler enfin des chances de paix. Israéliens et Egyptiens ont intérêt à la prolongation du cessez-le-feu, même si la mission Jarring ne progresse pas, les Israéliens parce que les vainqueurs sont toujours pour le statu quo, les EÇJyptiens parce Cl ue la ÇJuerre leur coûte trè s cher et qu 'Ils savent que M. Jarring a peu de temps devant lui (1). Il n'y a pas d'autre voie que celle de cette mission. Une négociation directe est impossible du point de vue des Arabes . Il n'est pas exclu que la mission Jarring débouche sur des négociations directes, mais il faudrait pour cela qu' Israël accepte le principe de l'évacuation des territoires occupés en 1967. Le problème central est là : la paix sera-t-elle fondée sur des annexions ou non? C'est une question de rapport de forces . Pour l'heure, Soviétiques et Américains sont les avocats des deux parties. Paradoxalement, les chances de paix ont augmenté depuis que les fusées soviétiques sont installées sur le canal de Suez. Tant qu'il y avait une possibilité d'imposer une paix à l'adversaire - je le dis pour les deux camps - , il n'y avait pas de possibilité de paix. Aujourd'hui , le général Dayan et le président AI-Sadate savent qu'ils ne peuvent pas faire traverser le canal à leurs troupes . Les antagonistes sont acculés à faire la paix par la négociation ; que celle-ci soit directe ou indirecte est secondaire. La mission Jarring peut échouer dans l'immédiat. Elle est en tout cas la seule voie possible. Propos recueillis par Jacques TEN ESSI. (1) Cette interview a été recueillie fin ianvi er. 11 Dans le Sud-Est asiatique et en Océanie, a"ec le Pape .... pressions __ _ de ~oyage J 'AI « fait» le voyage du pape (fin novembre-début décembre , 1970), comme journaliste, 45000 kilométres, 60 heures d'avion, 8 étapes, un vrai marathon. J'ai noté un certain nombre de choses intéressantes en ce qui concerne nos préoccupations, et je constate que la grande presse ne les a pas mises suffisamment en lumiére. i: Je commencerai toutefois par une remarque d'ordre général : je regrette l'emploi presque constant d'un certain style « romain» ou « diplomatique» qui oblige le commentateur à se livrer à toute une exégése pour faire ressortir tout ce qui a été dit. Le Pape dit parfois des choses très fortes, mais dans un langage qui « ne passe pas la rampe ». On sent qu'il craint de provoquer des brimades envers les chrétiens, l'expulsion de leurs chefs et finalement le stoppage de l'action de l'Eglise. On aimerait mieux un langage plus abrupt, « à la saint Jean-Baptiste». En fait, dans les conditions actuelles, le système se révèle finalement plus réaliste; il permet d'avancer pas à pas et de donner mauvaise conscience aux puissants. Par ailleurs, quelle que soit la prudence du vocabulaire, il faut reconnaître qu'aucun chef d'Etat en visite dans un pays étranger n'oserait parler aussi nettement. Le Pape peut se permettre de faire comme s'il était partout chez lui, quand il a l'air de s'adresser seulement aux fidèles de l'Eglise. Mais ses paroles atteignent toute la population d'un Etat, et son gouvernement. C'est surtout très visible quand il se trouve dans un pays où les chrétiens ne sont qu'une minorité (ou, parmi les chrétiens eux-mêmes, les catholiques, comme en Australie). Aux évêques, réunis à Manille, j'ai plusieurs fois posé la question : « Quelle est l'influence de l'Eglise en Asie?» On m'a répondu : « Elle est bien plus considérable qu'elle ne devrait l'être si l'on s'en tenait à son importance numérique. » Et à la question : « Est-elle considérée comme une force conservatrice ou une force de progrés ? » On me répondait : « Assurément comme une force de progrès. Ce message manifeste une compréhension prophétique de ce que l'Asie sera demain dans le monde. Une population qui représente déjà plus de la moitié de l'humanité. D'où « le poids qu'a l'Asie pour le présent et encore plus pour l'avenir du monde entier». Et le Pape envisage alors « le déroulement des choses» (il n'en dit pas plus, mais c'est lourd de sens) en souhaitant qu'il se passe « de manière bénéfique et rationnelle». Il ajoute : (( Nul 12 ne désire plus sincèrement que nous vous voir tous prendre la place qui vous revient dans le monde et participer selon la justice aux moyens et aux avantages du bien-être économique et social. JJ Et comme cela entraîne pour lui des considérations sur le fait que la situation actuelle est très loin de ce que requiert la justice, il en parle sans faux-fuyants, notant au passage la nécessité d'une coopération à l'échelle mondiale. Il parle des ouvriers « qui aspirent à de plus justes salaires JJ, il mentionne la nécessité des réformes agraires. En une autre occasion, il rappelle aux riches la sévérité du Christ : (( Peut-être l'heure est-elle venue d'ouvrir vos yeux et vos coeurs à de nouvelles et grandes visions, qui ne soient pas faites de luttes d'intérêt, de haine et de violence, mais qui soient à l'enseigne ... du véritable progrès. JJ Enfin, s'adressant aux évêques d'Asie, il leur dit sans équivoque que les problémes d'Asie doivent être pensés et résolus par des Asiatiques, et il leur demande de manifester que le message de l'Evangile n'est pas lié à ses expressions occidentales. Immigration et racisme En Australie, autre langage. Dans un pays « sur-développé», Paul VI signale les dangers qui guettent les sociétés où (( sont satisfaits les besoins matériels et temporels JJ : dangers d'égoïsme et de repli sur soi, danger de (( se refermer sur son cercle restreint JJ. La presse australienne ne s'y est pas trompée. Elle y a vu une claite allusion aux restrictions apportées à l'immigration de gens de couleur. L'Australie compte 12 millions d'habitants et pourrait en nourrir 100. Les îles du Pacifique « éclatent» et leur population ne sait plus où aller. .. Le Pape venait de se rendre aux Samoa. De Pago-Pago, terre américaine, il avait gagné, par un petit avion, Apia située en terre indépendante. Il y a là le premier évêque (et le seul jusqu'alors) de race polynésienne. C'est de là, et en prenant en quelque sorte appui sur ce témoignage vivant, qu'il a lancé un appel au monde pour une action « missionnaire» tenant compte de l'égalité des races. Quelques jours aprés, à Sydney, il ordonnait évêque, pour la premiére fois, un Papou, devant un clergé australien conservateur et imbu de la supériorité de la race blanche. Pour la premiére fois, une conférence épiscopale pan-océanique met en présence les chrétientés classiques et trop tranquilles d'Australie et de Nouvelle-Zélande, et les représentants des îles innombrables et pauvres, qui peuvent enfin s'exprimer et provoquer des interrogations. Fraternité humaine Les étapes de Djakarta et de Colombo se situent dans des pays où le christianisme est nettement minoritaire. Ici et là, le Pape manifeste la sympathie éclairée de l'Eglise à l'égard des religions non chrétiennes. Il reprend à cet égard les textes du second Concile du Vatican. Il exprime son désir de voir les religions collaborer fraternellement pour le progrés social, pour la paix, pour le secours à tous ceux qui souffrent. C'est ce qu'il avait déjà dit, le premier jour, à Dacca (Pakistan oriental) en rappelant qu'il avait demandé aux organismes catholiques de secours de collaborer activement à l'action des autres organismes. A Colombo, il n'hésite pas à revenir sur la nécessité d'une meilleure répartition des « biens de la terre». A Hong-Kong (que n'a-t-on pas écrit sur les sous-entendus politiques de cette escale!), il résume tout en terminant son homélie par un mot « que personne rie l'obligera à taire» : le mot (( aimer JJ, le mot « qui restera ». Tout cela mériterait ample développement. La place manque. Croyez bien que j'ai suivi tout ce périple avec à la fois l'affection d'un chrétien et l'esprit critique d'un journaliste et d'un militant antiraciste. Finalement, je crois que le bilan du voyage est nettement positif, et que pour bien jauger ce positif, il faudrait pouvoir le découvrir non pas avec nos yeux d'Occidentaux, mais avec les yeux et la forme d'esprit d'un Asiatique ou d'un Océanien. Juger avec notre mentalité à nous, c'est encore une séquelle du racisme. Abbé Jean PIHAN. Jouet de petit-ms COMMANDE au Père Noël ce beau jouet. Regarde. L'auto est amphibie et l'officier sur le coeur porte avec la croix de fer, la croix gammée. C'est un héros .. . Tu dis qu' il a fusillé ton grand-père , il était donc communiste. Et toi. qu'il a massacré presque toute ta famille , serais-tu juif ? .. Mais vous, il ne vous a tué personne. Vous n'êtes pas communiste ni juif. Voyez. Made in Japan. Ça vient du pays des Kamikazés et c'est pas cher ... Comment , vous dites, une honte !. .. Vous m'insultez , monsieur ... Oui . Vous, vous me comprenez. Ah ! vous vendiez des ceinturons. God mit uns, bien sûr. Business is business. Jean CUSSAT-BLANC Dégradation d'un pont Le 15 juin 1970, à Aix-en-Provence, trois jeunes gens étaient arrêtés et déférés au parquet. Le 20 juillet, ils étaient condamnés chacun à 3 'mois de prison avec sursis et à une amende de 500 francs. Ils avaient été inculpés pour « dégradation d'un pont destiné à l'utilité publique et pour des inscriptions sur des immeubles privés», ce qui signifie en clair qu'ils avaient voulu effacer ou modifier des inscriptions telles que (( Mort aux juifs! il ou Il Le juif est un individu répugnant Il. Leur condamnation a été récemment ramenée à 15 jours de prison avec sursis, 60 francs d'amende et 100 francs de dommages et intérêts. C'est tout de même cher payer ... Ces étrangers qui coûtent cher ... Entendu par l'un de nos amis, dans un café de Villeneuve-La Garenne, d'un consommateur qui venait de terminer la lecture ~ du Parisien libéré : Il Tout ce qu'ils m'ont rapporté, moi, les Algériens, c'est un accident du travail. Un doigt esquinté en cassant la gueule à un Arabe ... J'ai dit que c'était une caisse qui me l'avait abîmé ... Je touche 800 francs par mois ... Il. Encore un qui doit accuser les immigrés du déficit de la Sécurité sociale! L'invitation au voyage La Tribune libre, revue de la Chambre syndicale nationale des Représentants de commerce et de l'Industrie invite ses membres à une mission professionnelle au mois d'août prochain. En Afrique du Sud. Pourquoi avoir choisi le pays de l'apartheid? I( Parce que, explique La Tribune, la République sud-africaine a créé une forme de Il connivence Il de la race blanche et de la race noire: positive, constructive, qui a été appelée l'apartheid DROIT ET LIBERTÉ - ' N" 299 - FÉVRIER 1971 - le développement séparé - formule fort mal comprise en France et qui ne peut l'être que sur place, en Afrique même, parce que la puissance économique de rAfrique du Sud jouera un rôle essentiel sur toute l'Afrique et occupera dans tous les pays noirs des positions économiques qui nous échapperont si nous n'y prenons garde Il. Voire! Mais n'est-il pas déjà indécent de parler de « connivence» (pourquoi ces guillemets?) entre les dirigeants de Johannesburg et les noirs qu'ils considèrent comme étrangers dans leur propre pays? Incidents à Fort-de-France Le 21 janvier dernier, de violents incidents éclataient à Fortde- France, à la Martinique, et les forces de police investissaient la mairie de la ville. L'intervention de ces forces, consécutive à une manifestation de jeunes protestant contre le prix d'accès à un stade de football , est révélatrice du climat qui règne aux Antilles. C'est pour évoquer ce climat que le Regroupement de l'émigration guadeloupéenne et le Regroupement de l'émigration martiniquaise ont organisé, le 27 janvier à Paris, une conférence de presse placée sous la présidence de Michel Leiris. Des interventions de j'Abbé Victor Permal, Me Fred Hermantin et Me Marcel Manville, il ressort que dans des pays où plus de la moitié des habitants ont moins de 20 ans et où des libertés sont prises par l'autorité préfectorale avec la loi, le moindre incident, une grève, une manifestation peuvent provoquer une répression extrêmement dure (1). (1) Dans son nO 295, ft Droit & Libertés a publié un dossier: ft A la recherche des Antilles s. Des faits qui ••• • Les poursuites contre quatre officiers supérieurs à la suite du massacre de Song-My ont été abandonnées. Pour sa part, l'ancien procureur des Etats-Unis au procès de Nuremberg, M. Telford Taylor, a mis en cause la responsabilité du général Westmorland, commandant en chef au Vietnam. • M . James Farmer, un noi~ a démissionné de son poste de secrétaire-adjoint à la Santé . « M . Nixon , a-t-il dit, doit 1 choisir entre les forces favorables aux noirs et les forces hostiles ». • Une commission d'enquête auprès des soldats américains stationnés en Allemagne, nommée par le Pentagone, a observé chez les noirs CI un mécontentement aigu et une colère explosive Il. • La revue « U.S. News and World Report» estime à million le nombre de soldats américains stationnés hors des Etats-Unis. • Accusé du meurtre d'au moins 400000 juifs, Frantz Stangl, l'ancien commandant du camp de concentration de Treblinka (Pologne) a été condamné à la détention à perpétuité par un tribunal ouest-allemand. • En un an, les exportations d'armes par la France ont presque triplé. Leur montant dépasse maintenant 7 milliards. • De 1911 à 1968,2323 personnes ont été pendues, en Afrique du Sud (dont 2 238 noirs). Plus de 1 000 exécutions capitales ont eu lieu depuis 1953. • L'église réformée de France a approuvé la création d'un fonds de lutte contre le racisme. ••• donnent à penser 13 ~ Une rue pleine de nègres Dans le quartier du Gros-Caillou , à Paris, une femme était récemment assassinée dans sa boutique. Peu de jours après, l'un de nos amis faisait un achat dans la même boutique. Il demandait au jeune homme qui le servait s'il savait quelque chose sur le drame. cc C'est ma mère qui a été assassinée, répondit le jeune homme. Pour ce qui est de l'assassin, je ne sais qu'une chose, c'est qu'il s'agit d'un homme de couleur; il Y a tout près d'ici une rue pleine de nègres Il. Il ajoutait comme pris de remords, toujours à l'intention de notre ami , lui-même homme de couleur : cc Tuer quelqu'un pour lui voler quelques billets, le produit d'une journée de vente, ne peut être que l'oeuvre d'un fou Il ... Les nomades ont-ils des droits? Au printemps dernier, 150 Git ans avaient dû quitter les te rrains de la Rode, où ils étaient installés, à Toulon, pour s'installer 6 kilomètres plus loin, dans le quartier de Lagoubran. A la Rode allait s'édifier une zone urbaine. La transplantation s'était faite parfois de bon gré, parfois sous escorte policière. " se trouve que le nouveau camp est installé sur un terrain englobé dans une « zone rouge Il, celui-ci étant situé à proximité de la pyrotechnie maritime. Deux robinets d'eau avaient été branchés sur une canalisation appartenant à la Marine nationale . L'eau devint de plus en plus rare , jusqu'à disparaître complètement : le règlement intermsait la fixation d'une population à l'intérieur de la « zone rouge». Les Gitans doivent donc aller chercher de l'eau à 5 kilomètres de leur lieu de stationnement. La question se pose une fois de plus : les nomades ont-ils des droits? Aliénation Une jeune femme écrit de Cayenne à un Laboratoire parisien pour lui demander s'il existe des produits cc pour blanchir la peau Il. Elle désire donner à sa peau cc une très belle couleur Il, ce la rendre belle et délicate Il. Sa lettre est longue de 20 lignes, le mot cc blanchir Il y revient à maintes reprises, chaque fois souligné. Constatons simplement que l'aliénation provoque de singuliers raisonnements. Rugby et raéisIDe 1 E 5 janvier dernier, une nouvelle équipe de France de L rugby à quinze était formée; quinze joueurs, cinq remplaçants, de nombreuses évictions. D'ordre compétitif certes, mais aussi politique (tous les joueurs ne sont pas d'accord avec les di rigeants de la Fédération française de rugby) . Le « trois-quarts aile» certainement le mieux en forme depuis plusieurs saisons (il fit gagner la France contre l'Angleterre , lors du dernier tournoi des 5 nations) joue au « Stade Toulousain ». Or ce joueur n'est pas sélectionné pour l'équipe de France . Jusque-là , rien d'étonnant, les sélectionneurs évincèrent des joueurs de fa çon injustifiable . Mais, il faut savoir dans ce cas, que le joueur s'appelle Bourgarel , que sa couleur est noire, et que l'équipe de France doit partir en juin prochain faire une tournée en ... République Sud-Afri caine . Au pays où l'on lutte contre la « reprodu ction de l'invasion noire! » C'est pour cela qu'un joueur est écarté de l'équipe de France . Sa forme n'est pourtant mise en doute par personne , même pas par les sélectionneurs. Ces braves gens ne sont pas racistes, mais tout de même ! ... partir au pays de l'apartheid avec un noir à l'aile! H.L. 14 Déchéance? Le gouvernement rhodésien a décidé de déchoir de sa nationalité M. Guy Clutton- Brock. Celui-c i, un Rhodési en d'origine européenne, était l'un des fondateurs d'une ferm e où travaillaient 40 personnes , noirs et blancs (la ferme avait été édifiée avec raide du Conseil mondial des Egl ises) . Le 18 novembre dernier, la police investissait le domaine , dispersait ses habitants et arrêtait le responsable noir, considéré comme menaçant « l'ordre et la sécurité publics». M. Clutton- Brock a décidé de ne pas faire appel de la mesure prise par M. lan Smith et ses amis. " considère cette mesure comme « un acte illégal commis par un régime hors la loi li. " lui faut un certain courage pour s'opposer aussi fermement aux autorités racistes de son pays. AllelDagne Fédérale Mort d'un entrepreneur P ROPRIETAIRE d'une importante entreprise de construction de Dusseldorf, Heinz Bernhard Lammerding, est mort le 13 janvier dernier, à l'hôpital de Bad-TOlz, près de la frontière autrichienne, à proximité du village de Greiling où il se faisait bâtir une fort belle villa. Responsable des massacres de Tulle et d'Oradour, l'ancien général S.S. Heinz Bernhard Lammerding avait été condamné à mort en 1951 et en 1953 par un tribunal français. Entré en 1931 dans le parti nazi, Lammerding était en 1939 l'un des premiers officiers supérieurs S.S. De 1940 à 1943, il participe aux campagnes de France et de Russie. Cette dernière année, il est chef de l'état-major du commandement spécial de la lutte contre les Résistants de l'Europe entière. On peut imaginer déjà ce que cette responsabilité suppose d'exactions. Le 25 janvier 1944, Lammerding est nommé commandant de la 2' division blindée S,S. Das Reich, stationnée près de Bordeaux. Au mois de juin, cette division fait mouvement vers le nord. Sur son chemin - et sur l'ordre de Lammerding comme il a été établi de façon irréfutable par Jacques Delarue - elle se livre à des massacres. A Tulle, 99 civils sont pendus aux balcons, puis leurs corps sont jetés dans une décharge publique. Le lendemain, à Oradour-sur-Glane, elle assassine 642 personnes dont 241 femmes et 202 enfants. La division Das Reich poursuit ensuite sa marche sanglante. Le 20 janvier 1945, Lammerding quitte la France. Il est promu chef de l'état-major d'Himmler. Après la guerre, il se réfugie en zone britannique puis disparaît officiellement. Les condamnations des tribunaux français ne l'effrayent pas. Devenue souveraine, l'Allemagne fédérale ne procèdera pas à des extraditions. De plus, le cas de Lammerding ayant été jugé, celui-ci ne comparaîtra pas devant un tribunal ouest-allemand. Début janvier, on apprenait qu'un accord allait être signé entre les gouvernements français et ouest-allemand : les criminels de guerre allemands déjà jugés en France mais par contumace seraient rejugés en Allemagne fédérale. Lammerding sè rapproche de la frontière autrichienne, avant de mourir dans un lit. Lammerding est mort. Ses obsèques ont été l'occasion d'une manifestation nazie. Plusieurs centaines d'individus s'étaient rassemblés à Dusseldorf, parmi lesquels de nombreux anciens S.S. Beaucoup portaient leurs décorations nazies. Un ancien membre de la division Das Reich déclarait, au sujet des massacres de Tulle et d'Oradour, que Lammerding avait été « persécuté ». « Il a été traqué à mort après l'affaire de Tulle, a-t -il dit, et en a été une victime tardive! » Lammerding est mort mais ses compagnons de banditisme ont fait savoir qu'ils n'avaient pas mauvaise conscience. DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Les juifs ., . SOvIetIques ~ procès à Léningrad, fin décembre, de 11 personnes (parmi lesquelles 9 juifs) accusées d'avoir tenté un détournement d'avion, et plus encore les deux sentences de mort, prononcées par le tribunal, ont soulevé une profonde émotion à travers le monde. Cette émotion, nous l'avons partagée. Le M.R.A.P. est intervenu sous diverses formes, et à plusieurs reprises, pour exprimer son inquiétude et sa réprobation, pour demander que soit évité l'irréparable. De nombreuses autres organisations démocratiques ont protesté contre le verdict. Ces démarches ont sans doute été déterminantes pour la commutation des peines de mort et la réduction de plusieurs peines d'emprisonnement. Cette douloureuse affaire a suscité maintes interrogations et préoccupations concernant la situation des juifs en Union soviétique. Le M.R.A.P. entend exercer à ce sujet une attention vigilante. Il poursuivra la recherche et l'examen d'informations, dont il a débattu au sein de son Conseil national et de son Bureau national, non sans souligner ce qu'il y a d'outrancier et de tendancieux dans certaines campagnes menées contre l'U.R .S.S . Comment vivent les juifs soviétiques? Quelles sont leurs aspirations? En bonne logique, il conviendrait, pour le savoir, d'effectuer sur place une étude approfondie. A défaut, il y aurait lieu de confronter sans parti-pris les faits, les témoignages et les points de vue que l'on peut recueillir. Ce n'est généralement pas le cas. Trop souvent, les prises de position dans ce domaine sont entachées d'arrière-pensées politiques et, par conséquent, unilatérales; trop souvent, des problè~es déjà fort complexes se trouvent faussés par la confUSion, délibérée ou non, entre l'antisémitisme et l'opposition au sionisme. L'objectivité, qui est toujours notre souci (même si c'est une position difficile et inconfortable) exige la prise en considération et l'analyse précise de toutes les données, fussent-elles contradictoires, un jugement critique, la volonté sincère de faire ressortir, autant que possible, la vérité. C'est dans cet esprit que Droit et Liberté ouvre le présent dossier. Nous ne prétendons pas imposer des certitudes. Nous rassemblons des éléments d'appréciation. Peut-être aideronsnous ainsi nos lecteurs à se former une opinion en toute connaissance de cause. Nous serons heureux en tout cas, de recevoir leurs observations et leurs questions, dont nous tiendrons Je plus grand compte. A.L. DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 1 ES deux condamnés à mort de LéninL grad , Edouard Kouznetsov , 31 ans et Mark Dymchitz, 43 ans , ont eu finalem ent la vie sauve . A la suite de leur appel, la Cour Suprême de la République socialiste fédérative de Russie a commué, le 31 décembre, en peines de 15 ans de privation de liberté, les sentences qui les frappaient le 24. Trois autres condamnés ont vu réduire la durée de l'emprisonnement qui leur était infligé . Ce n'est pas sans malaise qu'on s'interroge sur les motifs qui ont incité les juges de Léningrad , dans une attitude de défi au bon sens et à l'opi nion publique , à prononcer des sanctions aussi dures, qui allaient être aussitôt cassées . Depuis , un autre inculpé de la même affaire , Wulf Zalmanson , a été jugé, parce qu' officier, par le Tribunal militaire de Léningrad . Celui-ci , le 7 janvier, a fait preuve de plus de modération , prononcant une peine de 10 ans de pri son , contre laquelle le condamné a égaiement fait appel D'autres' procès intentés à des juifs, ont été ajournés, sinon abandonnés. Ces décisions sont partout accueillies avec sou.lagement, y compris dans l'opinion sovi étique. De même, il faut prendre acte qu'un avocat francai s, Me André Blumel, qui se trouva it en U.R.S.S. pendant cette période dramatique , a obtenu l'autorisation d'assister à l'avenir à tout procès de ce genre qui pourrait avoir lieu , en compagnie d'un avocat soviétique de son choix . Sur le procès de Léningrad ; bien des questions se posent. On peut d'a utant plus difficilement y répondre qu'il 's'est déroulé pratiquem ent à huis clos , seules les familles des accusés étant autorisées à en suivre les débats . 15 ~ C'est à l'aérodrome de Smolny, près de Léningrad, que les 12 inculpés étaient arrêtés le matin du 15 juin 1970, alors qu'ils se rendaient sur la piste d'envol. L'après- midi, le quotidien Leningradskaya Pravda, donna nt brièvement l'information (sans mentionner l'appartenance juive de 10 d'entre eux) précisait qu'ils avaient voulu s'emparer d'un avion commercial AN 2 des lignes intérieures, pour le détourner vers l'étranger (1). Les faits sont-ils exacts? S'agit-il d'une provocation, comme certains en sont convaincus? Les seuls éléments d'appréciation dont on puisse disposer, en l'absence de l'acte d'accusation, du procès-verba l des débats et des plaidoiries, sont les déclarations des accusés à la fin du procès, qui ont été transcrites par leurs familles et communiquées' aux agences de presse occidentale. Affirmant leur adhésion aux conceptions sionistes, soulignant la disproportion entre les peines demandées par le procureur et les actes réellement accomplis, ils indiquent à plusieurs reprises que « l'affaire» a pour cause leur désir d'aller vivre en Israël. Voici quelques- unes de ces déclarations (2) : Sylvia Zalmanson : « Je ne pense pas que la loi soviétique ' devrait qualifier de traîtres ceux qui veulent vivre dans un autre pays ... Uue la Cour prenne au moins en considération le fait que si nous avions eu l'autorisation de partir , il n'y aurait pas eu de complot criminel ... Nous ne perdrons jamais l'espoir d'être finalement réunis dans notre ancienne patrie . » Mark Dymchitz : « Nombre d' entre nous n'ont fait connaissance que le dernier jour ... » Youri Fyodorov : « Je considère que nous avions pris toutes mesures pour éviter de faire du mal aux pilotes . » losif Mendelyevitch : « Mes actions en vue de détourner un avion et de franchir la frontière soviétique étaient, j'en suis d'accord, criminelles... Ma faute consiste en ce que je me su is permis de mal choisir les moyens pour réaliser mon rêve. » Boris Penson : « J'ai toujours hésité à entreprendre cette action, mais le besoin de rendre ma famille heureuse était grand .. . J'aurais dû demander un visa de sortie par la voie légale; mais l'organisme qui s'occupe de ces affaires ne laisse aucun espoir pour un visa de sortie pour Israël. Je suis prêt à supporter la responsabilité de mes actes. » Edouard Kouznetsov : « Je voulais si mplement vivre en Israël , et je ne considère pas que le fait de demander l'asile politique à l'étranger constituait un acte 16 c'" .9 en - '" A la synagogue de Moscou. répréhensible. Je regrette sincèrement d'avoir donné mon accord pour participer à cette affaire . J 'estime que je ne suis que partiellement coupable. » Un double contexte Si les inculpés projetaient effectivement de détourner un avion (personne, apparemment, ne nie le projet luimême) , on ne peut faire abstraction du contexte dans lequel ce procès survenait. Quelques semaines plus tôt, les autorités turques s'étaient refusées à extrader et à juger deux Lituaniens qui s'étaient rendus coupables, le 15 octobre, du détournement d'un avion soviétique Antonov 24 vers la Turquie : or, au cours de l'opération, les « pirates de l'air» avaient tué une hôtesse et blessé un pilote , ce dont l'opinion soviétique avait été profondément ulcérée. Plus récemment encore, à La Haye, s'était tenue une conférence de l'Organisation internationale de l'aviation civile·. Compte tenu de tous les actes de piraterie aérienne commis dans la dernière période (dont un grand nombre visaient Israël) des mesures strictes avaient été décidées pour tenter de les empêcher, et pour châtier, le cas échéant, leurs auteurs. Le représentant de l'U.R.S.S . avait demandé que, pour assurer une répression efficace et toujours égaIement sévère, il ne soit pas tenu compte des mobiles invoqués par les coupables : tel est le sens de la Convention adoptée par 50 pays, qui déclarent « crime international » le détournement d'un avion (3). Le Tribunal de Léningrad, affirme l'agence Tass (4) « a jugé les accusés non pas en raison de leur appartenance nationale (5) mais pour avoir constitué un groupement criminel qui avait pour but de s'emparer par la force d'un avion, et qui a tenté de mettre à exécution ce projet, par des moyens mettant en danger la vie des pilotes». Quoi qu'il en soit, répétons-le, tout cela ne justifiait pas le verdict prononcé. Ce qui a légitimement choqué l'opinion , outre le huis-clos qui permet tous les doutes et toutes les craintes , c'est que l'on a appliqué le châtiment suprême, alors que la tentative - si tentative il y a - n'avait pas été menée à son terme. « L'acte de trahison, le détournement d'avion, écrit L'Information d'Israël (6) n'a pu être mis à exécution , et il n'y a pas eu juridiquement parlant commencement d'exécution du délit, puisque les accusés ont été arrêtés avant même de prendre place à bord de l'appareil. » De plus, le procès s'inscrivait dans un autre contexte, interférant, si l'on peut dire, avec celui que nous venons d'évoquer

l'aspiration de certains juifs soviétiques

à émigrer en Israël. Comme ils l'ont souligné, c'est parce que l'émigration d'U.R.S.S. est soumise à des restrictions, que les inculpés ont été amenés à rechercher des moyens illégaux, Si une certaine propagande n'insiste que sur cet aspect, en affirmant que les condamnés ont été jugés parce que sionistes, et en passant sous silence le caractère délictueux de leur entreprise, on ne peut pas non plus, dans ce cas précis, faire abstraction des mobiles qui les animaient . Bien qu'il se traduise par un acte identique, et puisse avoir des effets semblables, le fait de vouloir personnellement quitter un pays n'est pas de même nature que le gangstérisme politique qui se développe actuellement sous diverses formes dans la vie internationale ... Les accusés de Léningrad, d'autres juifs d'U.R.S.S. qui ont signé des pétitions rendues publiques en Occident, souhaitent indéniablement partir en Israël. Leurs déclarations, tous les textes où ils s'expriment font ressortir sans équivoque leurs conceptions sionistes. Quelle en est la signification, la portée? Notons d'abord que sioniste n'est pas synonyme de juif, et que même la sympathie envers Israël n'équivaut pas nécessairement au désir d'y aller vivre : nous le constatons ici quotidiennement. Le sionisme est une opinion, une idéologie selon laquelle l'ensemble dAs " juifs dispersés dans le monde constituerait un peuple unique, dont la patrie est Israël. Ses adversaires - juifs ou non - soutiennent au contraire que les juifs sont et doivent être, dans chacun des pays où ils vivent, des citoyens à part entière, ce qui n'est pas incompatible avec le respect de leur culte et de leurs traditions , s'ils y demeurent attachés. Depuis 1791, cette conception démocratique prévaut en France. Le but de cet article n'est pas d'en discuter, mais il faut rappeler que la lutte contre l'idéologie sioniste, menée par les régimes marxistes et par les communistes n'est pas un fait nouveau. Les positions de Lénine sont connues : « L'idée d'un peuple juif séparé , soulignait- il, est réactionnaire politiquement et insoutenable scientifiquement . » Réfutant les théories sionistes , il soutenait le radical français Alfred Naquet, défenseur de l'assimilation des juifs, dans ses polémiques contre Bernard Lazare. Une dimension nouvelle La naissance de l'Etat d'Israël (que l'U.R .S.S. a été la première à reconnaître) a donné une dimension nouvelle à ce problème. Le gouvernement israélien mène une politique , contracte des alliances qui définissent son orientation et sa position dans la vie internationale: il est normal que s'expriment à son égard des oppositions plus ou moins (1) Selon Le Monde (17-12-1970), c'est le 22 juin seulement qu'un journal de Léningrad a fait connaitre les arrestations. Ce qui est certain, c'est que, par la suite, la presse soviétique n'a publié aucune information à ce sujet, y compris pendant le procès, conduite généralement adoptée vis-àvis des affaires de droit commun. (2) Le Figaro (28- 12-1970), France-Soir et Le Monde (29-12-1970). (3) Le 14 janvier 1971 , un Lituanien de 34 ans, Vitantas Simokaitis a été condamné à mort par le Tribunal de Vilnius, et sa femme à trois ans de réclusion , pour avoir tenté de détourner un avion soviétique vers la Suède. Sa peine a été, après appel, ramenée à 15 ans de prison. Selon des informations publiées dans la presse, trois autres citoyens soviétiques ont été condamnés à mort dans la dernière période: deux pour collaboration avec les nazis pendant l'occupation (par le Tribunal militaire de Leningrad) , l'autre pour escroquerie (par la Cour suprême du Tadjikistan). (4) Combat, 28- 12- 1970. (5) Pour des raisons historiques - sur lesquelles nous reviendrons - les juifs d'U.R.S .S. sont considérés comme une « nationalité» parmi une centaine d'autres qui constituent l'ensemble des citoyens soviétiques. (6) 23-12-1970. (7) 2 500 juifs de France sont allés se fixer l'an dernier en Israël, et 2 000 de Grande-Bretagne. Parmi les émigrants britanniques, 20 à 25 % reviennent annuellement dans leur pays d'origine, indique l'hebdomadaire « Jewish Chronicle » (8 janvier 1971), ajoutant que, selon M. Shamir, directeur de l'Agence juive à Londres, « cette proportion n'est pas seulement naturelle, mais aussi acceptable ». DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Les interventions du M.R.A.P. Le 23 décembre 1970, le M ,R,A.P. adressait une lettre à l'ambassadeur d'Union soviétique en France, « Nous nous permettons, disait-il, de vous exprimer l'inquiétude qui s'est emparée des adhérents de notre Mouvement et d'une grande partie de l'opinion française au sujet du procès qui se déroule actuellement à Leningrad contre un certain nombre de personnes, en majorité d'origine juive, accusées d'une tentative d'enlèvement d'avion. « Le huis-clos dans lequel se déroule ce procès et l'absence totale d'informations officielles rendent possibles toutes les spéculations et toutes les craintes, d'autant plus que, selon des agences de presse, deux condamnations à mort auraient été requises . « C'est au nom de notre ardente et fidèle amitié pour le peuple soviétique comme au nom des idéaux qui animent notre Mouvement qu'il nous apparaît nécéssaire d'insister pour que soient fournies sans tarder des réponses précises aux interrogations qui se multiplient , concernant le nombre des inculpés, les faits exacts qui leur sont reprochés, les débats du tribunal, les autres arrestations de juifs qui auraient eu lieu daFls la dernière période .. . » Le 25, après le verdict, il rendait public le communiqué suivant : « Le Mouvement contre le racisme , l'antisémitisme et pour la paix (M.R .A .P.1 qui était intervenu auprès des autorités soviétiques pour exprimer sa préoccupation et l'inquiétude de l'opinion fran ca ise lors du procès de Leningrad , s'élève violentes ; on ne peut pour autant en conclure - comme certains le font sans scrupules - que quiconque cri- r-------..- .-.~·~~ .é ~-l' 1 ._,,',~ . ~ 1 ( , { ;" 1 ~;.y: ~'" . i . ~~.\\ ";'.:". \ l ,A~i?tl t f ~ .l l "Î'~"'" "~;:-.;M~ :r:;f";'i; I" / ', ,/ i\f.; ~y ~ \. ·c 1/" J 1 / ~ '1 1.( ". ,/ ' l . l ~' ':'~'::'/'l:' .~ /1 1 ~ ~ i'"' ...... ,1 ,,~!:::-::.--.., '-...... \ t : '-l" .'. ' .. "'~ ;t;li. '~ I 'J 1" ..... _'. J' , ~f'~~,~;192.168.254.42 22 février 2011 à 15:00 (UTC):192.168.254.42;22 février 2011 à 15:00 (UTC)) J" i ..... )._r.. _...f.,..,.o; •. ~.,.,,~.~_.~ ..... .It~_. En 1963 paraissait « Le judaïsme sans fard)) de Kitchko. Cette brochure illustrée fut condamnée tant par l'opinion mondiale que par les dirigeants soviétiques. Mais, récemment, Kitchko a publié un autre ouvrage. contre le verdict, hors de proportion avec les faits reprochés aux accusés. « Les détournements d'avions qui se sont multipliés ces dernières années, avec parfois des conséquences tragiques , constituent des actes d'une gravité telle qu'ils ne souffrent aucune indulgence , quels qu'en soient les auteurs et la cause dont ils se réclament. Mais l'extrême sévérité des condamnations - deux sentences de mort, neuf emprisonnements de quatre à quinze ans - est d'autant plus inacceptable qu'elles sanctionnent, après des débats à huisclos, non pas le délit lui -même, mais une tentative avortée. « Le M .R.A.P. en appelle solennellement aux autorités soviétiques pou r que soit suspendue l'application des peines et que soit révisé le jugement prononcé. Ainsi, il serait répondu à l'attente légitime de l'opinion, qui ressent avec angoisse les effets du verdict de LeninÇJrad.» Le 30 décembre, il envoyait le télégramme suivant : « Monsieur le président Soviet République fédérative Russie Moscou - U.R.S.S. « Au nom amitié pour peuple soviétique et idéaux animant notre Mouvement vous demandons instamment empêcher irréparable et sauvegarder vie condamnés de Léningrad» . Signé : Pierre Paraf : président du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix; Charles Palant, abbé Jean Pihan, Me Fred Hermantin, vice-présidents; Albert Lévy, secrétaire général. tique cette politique est immanquablement un ennemi d'Israël, voire même un antisémite. En U.R.S.S. comme partout ailleurs , il semble bien que la guerre des Six Jours a eu un retentissement profond dans certains milieux juifs. Elle a sans aucun doute aiguisé le sentiment d'« appartenance JUive». En France égaiement , l'impérieux besoin de se rendre en Israël a été ressenti, dans cette période, par des juifs désireux de manifester concrètement leur solidarité ou d'assumer avec plénitude leur « judéité » - ce qu'ils estimaient ne pas pouvoir faire ici. Ils sont toutefois peu nombreux, de même que dans les autres pays d'Occident (7). Qu'en est-il en U.R .S.S.? Tout porte à croire qu'à l'égard du sionisme et, a fortiori pour ce qui est du désir de s'expatrier et de s'établir en Israël , la diversité de l'attitude des juifs est à la mesure de l'immensité soviétique . Dans ce pays, où l'intégration des juifs est sans aucun doute une réalité inscrite dans la vie, rien ne permet de dire que le courant favorable à l'émigration soit plus important que dans le reste du monde. ~ 17 ~ Pour tenter de le chiffrer, on se heurte en tout cas aux affirmations les plus contradictoires. Si dans le cadre des campagnes sionistes , on appelle fréquemment à la « libération des trois millions de juifs soviétiques» (8) le nombre de ceux qui ont signé des pétitions ou lettres rendues publiques en Occident s'élève à quelques centaines. D'autres, il est vrai, ont exprimé leur désir de partir, notamment par la demande d'un visa. Combien? « Des milliers », selon une lettre adressée par un juif de Riga, Isay Averbuch, au grand rabbin d'Israël (9) . « Peut-être dix mille» selon l'Humanité (10) et l'Unita (11). L'Information d'Israël (12) parle des « dizaines de milliers de familles qui ont osé solliciter l'autorisation de quitter l'U.R .S.S.», et des « centaines de milliers de jeunes juifs qui ont redécouvert leur identité juive». Deux émigrés ·récemment venus d'U.R.S.S. en Israël et qui participent en Europe occidentale à des manifestations met tant en accusation ' leur pays d'origine, viennent de déclarer que « des dizaines de milliers de juifs ont déjà demandé l'autorisation de partir pour Israël» et que « des centaines de milliers souhaiteraient en faire autant» (13). De son côté, M. Aron VergUl31is, rédacteur en chef du mensuel en langue yiddish Sovietische Heimland, paraissant à Moscou, a déclaré au début de janvier, lors d'une conférence · de presse à Genève, que « le principal problème, pour la propagande sioniste est le fait que la réserve des jùifs soviétiques désirant aller en Israël est maintenant à peu près épuisée» (14) . Le contexte international Nous ne hasarderons, quant à nous, aucune évaluation. Quel que soit le nombre des candidats au départ, ce qui retient l'attention, c'est le fait qu'ils n'aient pas le moyen de réaliser leur voeu . On ne peut que le déplorer. Là encore , pourtant, on ne peut faire abstraction d'un certain contexte - international cette fois. Qu'on le veuille ou non, le monde est divisé en deux camps adverses; et le passage des hommes de l'un à l'autre (on le voit , par exemple, entre les deux Allemagnes) pose plus de difficultés que la circulation à l'intérieur de l'un d'eux. Dans les pays socialistes , où la formation universitaire et professionnelle est assurée par la société, chaque producteur représente un « capital», et son départ est ressenti comme une marque d'ingratitude , sinon comme un « passage à l'ennemi». C'est ce qui apparaît aussi bien dans certains aspects du procès de Léningrad que dans les témoignages 18 Ce monument a été élevé à la mémoire des juifs de Minsk. de juifs qui, participant normalement à la vie du pays, rencontrent l'hostilité de leur entourage dès lors qu'ilsannoncent leur intention de le quitter. Ces restrictions ne concernent donc pas les juifs seuls ; au contraire, le nombre des émigrants juifs est exceptionnellement élevé par rapport aux autres « nationalités». Mais l'U.R.S.S . a ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale . Elle devrait donc appliquer l'article 5 qui reconnaît à chacun le « droit de quitter tout pays, y compris le sien , et de revenir dans son pays». Quels que soient les autres aspects de la question, il est évident que l'état de guerre qui règne au Proche-Orient pèse d'un poids très lourd sur la conduite des autorités soviétiques dans ce domaine. Laisser partir des techniciens, de futurs combattants en Israël (15) , renforcer le potentiel humain, économique de ce pays, soulève, on peut le concevoir, bien des problèmes. Plus généralement, l'émigration des juifs, telle que la conçoivent les sionistes, tend à modifier la carte démographique , et peut-être politique au Proche-Orient, ce qui provoque de vives oppositions dans cette région-même . L'Etat d'Israël, qui a signé à l'O.N.U . la Convention internationale n'autorise pas les Arabes qui le demandent à revenir sur leur sol natal ; en dépit de multiples décisions de l'O. N. U. lui faisant obligcttion de les recevoir ou de les indemniser, ils sont des centaines de milliers qui vivent dans des camps, et « n'ont rien d'autre à perdre que leurs tentes». En U.R.S .S., on s'en tient à la déclaration faite à Paris, en 1966, par le président Kossyguine : « Quant à la réunification des familles, si les membres de quelques familles désirent se rejoindre, ou si quelques familles désirent quitter l'Union soviétique, qu'ils le fassent à leur gré, il n'y a là aucun problème». Il est significatif de trouver une formule identique dans un document que vient de diffuser l'ambassade d' Israël en France, expliquant l'attitude des autorités sur la venue des Arabes en territoire israélien : « Le programme dit de « la réunion des familles » appliqué sur le territoire israélien, a été étendu à ces territoires (actuellement occupés), et 1 4 691 personnes en avaient bénéficié jusqu'à la fin de 1969»(16). Le trois-million nième La non-application d'une convention par les uns ne justifie pas sa non-application par les autres. Toutefois, ce simple parallèle montre assez la complexité d'une situation que les slogans ne suffiront pas à résoudre. Il est certain que rétablissement d'une paix juste, tenant compte des droits; des aspirations, de la sécurité de tous les pays, de tous les peuples du ProcheOrient, modifierait radicalement les données de l'émigration. Hélas! ceux qui militent le plus bruyamment pour le départ des juifs d'U.R .S.S. ne sont pas toujours les plus ardents à chercher une solution pacifique au conflit israélo-arabe. Dans l'état actuel des choses, cependant. le courant d'émigration de juifs soviétiques vers Israël n'a jamais tari . S'agissant de ' chiffres, la prudence s'impose a nouveau . Lors de son dernier voyage en U.R.S.S., il a été dit officiellement à Me André Blumel que 6000 juifs étaient partis pour Israël l'an dernier. Selon M. Aron Verguelis (,17). cité plus haut, leur nombre s'élè- , 1 verait à 1000. L'Express (18) l'estime à 200 par mois. Quant au président de l'Exécutif Sioniste , M. Arié Pincus, il vient de confirmer la politique israélienne, « consistant à ne pas rendre publics les chiffres sur l'immigration provenant d'Union soviétique» (19). Sans nous risquer à une évaluation , signalons qu'un certain nombre d'émigrés d'U .R,S.S. ont participé ostensiblement aux manifestations qui se sont déroulées en Israël lors du procès de Léningrad ; que , depuis lors, plusieurs autorisations de départ ont été accordées à des juifs soviétiques; et que le trois - million nième citoyen israélien , arrivé le 10 janvier 1971 à l'aéroport de Lydda venait d'U.R.S.S . : c'était un ingénieur de Léningrad , M. Nathan Tchirolinkov , accompagné de sa femme et de sa fille . Il Sans la moindre précaution Il En même temps que les accusés de Léningrad, une vingtaine d'autres juifs, semble-t-il , ont été arrêtés, dans plusieurs villes d'Union soviétique ce sont eux qui devaient être jugés au début de janvier, et dont les procès viennent d'être ajournés. Les organisations sionistes répètent que ce qui leur est reproché , c'est d'avoir signé des appels publics pour obtenir des visas d'émigration , ou simplement de posséder chez eux des livres d'hébreu , voire même de la correspondance en provenance d' Israël. Faute de précisions contrôlables, on ne peut en juger. Si l'on veut tenir compte de toutes les informations, il faut connaître égaIement des faits tels que ceux-ci : - Parmi les personnes arrêtées à Léningrad , se trouvaient « 6 signataires d'une lettre adressée en avril 1970 par 37 juifs aux autorités pour protester contre la campagne « antisioniste» menée en U.R.S .S.» (20) . Les 31 autres signataires n'ont donc pas été inquiétés. - « Un juif de Moscou , qui figurait en bonne place parmi les signataires d'un récent appel au Kremlin , demandant que les juifs soviétiques puissent émigrer en Israël , a reçu , selon ses amis, un visa de sortie » (21) . - « Quelques-uns de ceux qui ont signé de récentes pétitions sont déjà arrivés en Israël. Parmi eux, Mlle Tina Brodetskaya et sa famille, sans doute la plus connue parmi ceux qui ont signé la lettre à U Thant. Après s'être adressée publiquement au président Kossyguine , elle avait écrit à Mme Golda Meir, qui avait lu sa lettre à la tribune de la Knesseth» (22) . DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Une revue littéraire en yiddish parait réguli èrement . - « Julius Telesin , 37 ans , mathématicien , a émigré le 6 mai pour Israël , arrivant à Lydda le lendemain , avec Michaïl Poschalajev , 28 ans, de Riga . Telesin était l'un des 39 juifs qui demandèrent le 9 mars au ministère des Affaires étrangères de tenir une conférence de presse pour répondre aux déclarations de juifs qui avaient tenu , le 4 mars, une conférence de presse au cours de laquelle Israël fut dénoncé . En attaquant les protestataires, les Izvestia avaient cité Telesin comme l'un des «renégats qui sont connus depuis longtemps pour leurs vues sionistes » (23) . - Un juif soviétique parti récemment d'U.R.S .S., Anatol Dekatov, écrit dans un journal britannique (24) : « En septembre 1970, j'ai ouvert la première école d'hébreu non-clandestine . J'avais 30 élèves , hommes et femmes de différentes professions , unis seulement par leur jeunesse et leur désir d'apprendre la langue de leurs ancêtres. J'ai quitté Moscou , mais l'école continue de fonctionner . » - Un des dix signataires d'une lettre au Soviet Suprême , protestant contre le procès de Léningrad , « le chercheur scientifique bien connu Boris Tsukerman, vient de recevoir un visa de sortie pour Israël; de même, Vitali Svechinski» (25) . - Dans les milieux dirigeants israéliens, « on fait état tous les jours, d'appels téléphoniques , parvenant en Israël et ailleurs , de juifs russes qui , sans la moindre précaution de langage, demandent que tout soit fait « à l'extérieur» pour leur permettre d'émigrer» (26) . On peut donc dire que le fait de manifester des opinions sionistes , de vouloir partir, de protester publiquement contre les entraves de l'émigration , n'entraîne pas automatiquement des sanctions ou des brimades . Ce qui paraît plus probable , c'est que les activités sionistes , ouvertement appuyées de l'e xtérieur par des organismes d'Europe occidentale, des Etats-Unis et l'Israël , ont pris de ce fait , dans la dernière période , une plus grande intensité et des formes considérées comme illégales en U.R .S.S . On parle « d'organisations clandestines qui se sont développées ces derniers mois ». Le président de l'Union des juifs de France, d'Afrique-du-Nord et des communautés d'expression française en Israël, M. Maurice Bernsohn, évoque « un immense réseau d'informations sur Israël et d'entraide qui fonctionne désormais, n'ayant qu 'un seul objectif : le départ vers Israël » (28 ). Une revue clandestine sioniste serait diffusée sous le titre « Iskhod» (Exodus). Une situation douloureuse C' est peut-être bien « une épreuve de force qui s'engage » (29). Mais il faut constater qu'elle dépasse l'opposition entre des juifs soviétiques désireux d'émigrer et leur gouvernement. Avec des moyens considérables , une vaste croisade a été déclenchée à travers le monde qui semble avoir pour objectif à la fois de soutenir les sionistes d'U.R.S.S . et de favoriser le développement de leurs activités. Elle ~ (8) « Il est évident que les quelque trois millions de juifs d'U.R.S.S . sont restés loyaux au judaïsme et ont l'indestructible volonté de rejoindre le peuple juif », a déclaré récemment le rabbin Casper, de Johannesbourg (L'Information d'Israël, 28 décembre 1970). (9) Lettre diffusée par la « Bibliothèque juive contemporaine'» . (10) 16 janvier 1971. (11) Cité par le Monde, 8 janvier 1971 . (12) 27 décembre 1970. (13) Jewish Chronicle, 1·' janvier 1971. (14) Jewish Chronicle, 15 janvier 1971 . (15) « Un ancien militaire soviétique de l'infan· terie figure parmi les 9 colonels israéliens dont la promotion au grade de brigadier général a été annoncée par l'Armée israélienne. Le colonel Itzhak Arad, 44 ans , a combattu dans l'Armée soviétique , pendant la dernière phase de la Seconde Guerre Mondiale.» (Jewish Chronicle, 22 janvier 1971). (16) « Les territoires administrés », page 1 . (17) L'Information d'Israël, 20 janvier 1971 . (18) 28 décembre 1970. (19) L'Information d'Israël, 20 janvier 1971 . (20) Le Monde, 17 décembre 1970. (21) Jewish Chronicle, 1·' mai 1970. (22) Jewish Chronicle, 29 septembre 1970. (23) Jewish Currents (New York!. juillet-août 1970. (24) The Observer, 22 novembre 1970. (25) Jewish Chronicle, 22 janvier 1971 . (26) Le Monde, 28 décembre 1970. (27) L'Information d'Israël, 28 décembre 1970. (28) Le Monde, 12 janvier 1970. (29) L'Arche, novembre 1970. De son côté , La Terre Retrouvée (1 -2- 1971) écrit que « Le procès de Léningrad a été , un peu , la guerre de Six Jours sur le front de l'Est ». 19 ~ peut d'autant moins être isolée de l'ensemble des relations entre l'U,R,S.S. et Israël , que les gouvernants israéliens qui l'animent « ont appa remment décidé de renoncer à certaines réserves qu'ils observeraient encore ces dernières années » (30). Ils estim ent que les juifs d'U.R.S.S. , comme ceux de tout autre pays, relèvent dans une certaine mesure de leur autorité . Si des régimes qui ont avec Israël des affinités profondes s'accommodent de cette conception et des conséquences qui en résultent , l'U.R .S.S., pour de nombreuses raisons , n'est évidemment pas décidée à l'admettre. Quoi qu'il en soit, dans ce climat tendu, et p~ut-être volontairement « dramatisé », les juifs qui souhaitent véritablement partir connaissent une situation douloureuse . Nul ne peut y rester indifférent. Sans oublier jamais la complexité des données de politique intérieure et internationale qui entrent en jeu , il est souhaitable que l'on renonce définitivement aux mesures arbitraires et aux pressions administratives , susceptibles d'aggraver encore le problème plutôt que de le résoudre . Et il faut que triomphe enfin au ProcheOrient une solution pacifique , conditionnant l'application rigoureuse des conventions par lesquelles les Etats s'obligent vis-à-vis des peuples. Puisqu'il existe, en U.R.S.S. un certain nombre de juifs acquis aux conceptions sionistes ou influencés par elles, c'est, estimons-nous, par la confrontation , le débat que devrait être abordé ce problème , si l'on veut , non pas retenir ceux qui entendent émigrer, mais placer cette bataille sur le terrain qui doit être le sien , celui de l'idéologie. Sombre ou rose? .. Dans la mesure où l'on souhaite que la majorité des juifs d'U .R.S.S. émigrent en Israël - ou si l'on veut accréditer l'idép. Qu'ils le souhaitent - la tentation est forte de présenter leur situation sous le jour le plus dramatique . Il est normal de s'interroger, après l'affaire de Leningrad . Mais si un examen sans passion fait surgir effectivement un certain nombre de problèmes, il met aussi en lumière le caractère partisan et outrancier des accusations répandues par certains organismes spécialisés que des journalistes, sans chercher plus loin, prennent parfois comme unique source de documentation. On peut leur reprocher d'aligner à l'infini une série de faits négatifs, plus ou moins vérifiables et de les généraliser systématiquement, sans tenir compte des informations allant à 20 0:: o Trois millionième citoyen israélien, M. Nathan Tchirolinkov, émigré d'U.R.S.S., reçu par Mme Golda Meïr, après son arrivée à l'aéroport de Lydda , le 10 janvier 1971 . l'encontre de ces affirmations unilatérales

de propager des statistiques

sans préciser les. moyens par lesquels on les a établies ; d'amalgamer des événements survenus sur une période de vingt-cinq ou cinquante ans, en tenant pour nuls le changement des conditions politiques ou les mesures prises pour remédier aux fautes et aux erreurs. A en croire les animateurs de cette campagne - car il s'agit bien d'une campagne - les juifs soviétiques connaÎtraient à chaque instant de leur vie un infernal cauchemar. « Il n'existe pour eux, écrit une journaliste, que deux issues. L'une étroite et pratique , consiste à épouser un nonjuif pour (c'est l'expression consacrée) « faire passer sa progéniture en fraude» ( ... ). L'autre voie , messianique, large, c'est le sionisme ressuscité , avec l'objectif lointain d'Israël (31) .» Comment en serait-il autrement, puisque les juifs, selon ce même article , sont victimes d'une « vague d'arrestations», d'une « brusque flambée» de « répression antisémite », d'un antisémitisme « lancinant, étouffant», qui est « peut-être simplement le vieil antisémitisme russe»? Ne se trouvent-ils pas « corsetés dans leur nationalité diminuée comme autrefois dans les ghettos» ? (31 ). Ailleurs , on parle de « persécutions cruelles » qui constituent un « génocide spirituel (32) » ; de « terreur antijuive (33) ); de « l'une des plus puissantes nations du monde exerçant son emprise sur trois millions de juifs captifs, soumis à la persécution et privés de leurs droits humains et nationaux (34) ». Et Mme Golda Meïr, président du Conseil d'Israël, n'hésite pas à affirmer que « le régime soviétique a choisi la voie tracée par le régime des tsars, qui accusait les juifs de crimes rituels pour juger ' et condamner des innocents (35) ». Peut-on découvrir avec exactitude les réalités que recouvrent ces formulations, propres à bouleverser les milieux les plus sensibilisés? Il serait absurde , bien sûr, d'opposer à ce sombre tableau un tableau tout en rose. « L'honnête homme» se doit de rechercher des faits , des preuves, de juger avec sangfroid , en fonction de toutes les informations recueillies, de l'expérience acquise , en comparant, quand il se peut, ce qui est comparable. Le phénomène de l'intégration La situation des juifs en U.R.S.S ., on ne peut la comprendre sans la relier à une longue et douloureuse histoire. Le passé tsariste se présente comme une suite ininterrompue de persécutions , de souffrances, marquée par de sanglants pogromes, par la ségrégation dans une « zone de résidence», le chômage, la misère, l'analphabétisme, le numerus clausus dans les lycées et les universités. Longtemps isolés, rejetés , les juifs ont connu en 1917' l'émancipation totale : la Révolution d'octobre leur apportait la possibilité de participer pleinement à la vie économique, politique, sociale et culturelle de leur pays, 70% d'entre eux avaient alors pour langue le yiddish, parlé dans les ghettos. C'est pourquoi leur fut reconnu le statut de nationalité juive, complément de la citoyenneté soviétique, leur assurant comme aux autres groupes nationaux de l'U. R.S.S., à la fois l'égalité et le respect de leurs particularités. C'est l'époque de l'épanouissement des activités culturelles en yiddish (écoles, éditions, journaux, théâtres). qui suscite aujourd'hui chez certains une réelle nostalgie, et sert à d'autres d'argument pour dénoncer l'état de choses actuel. Or, l'évolution qui s'est réalisée correspond à celle que l'on constate partout dans le monde. L'intégration des 1 l juifs (que d'aucuns nomment avec mépris « assimilation») s'affirme de génération en génération , et le déclin du yiddish s'accentue également aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France, et même en Israël, où il est considéré comme une langue étrangère (36). Travaillant dans les grands chantiers de construction, formant des kolkhozt:'~s , s'inscrivant dans les plus grandes universités, les juifs soviétiques, si longtemps repliés sur eux-mêmes, avaient soif de devenir « comme tout le monde ». Très peu se rendirent au Birobidjan, constitué en 1 934 en « région autonome juive» pour donner à cette nationalité, comme aux autres, un territoire où elle pourrait s'épanouir. L'échec de cette « solution » témoigne précisément de la réalité et de l'ampleur du mouvement d'intégration . La guerre de 1939-45 a encore renforcé celui-ci , en unissant tous les Soviétiques dans les combats et les épreuves ; et aussi parce qu'elle a favorisé la dispersion et l'urbanisation des juifs (37) . A ces brassages de population, inhérents à la fois à l'histoire et à la nature du régime, il convient d'ajouter le rôle négatif joué par les mesures arbitraires, les pressions, voire les crimes qui marquèrent la période dite du « culte de la personnalité » (1948- 53) , et portèrent, pour un temps un coup d'arrêt aux activités culturelles juives. La campagne menée alors contre le « cosmopolitisme » revêtit dans bien des cas des aspects antisémites ; plusieurs dizaines d'intellectuels juifs furent jugés et exécutés, en même temps que d'autres victimes des nombreuses violat ions de la légalité socialiste ; l'affaire des « assassins en blouse blanche», mettant en cause des médecins pour la plupart juifs, fut le point culminant de cette sombre époque, qui s'achève avec la mort de Staline. Ce sont les souvenirs de ce qui s'est passé alors, ainsi que les événements plus récents de Pologne , qui suscitent, dans bien des cas, les appréhensions actuelles. Le rôle du yiddish Au recensément de 1959, 20% des juifs soviétiques déclaraient « leur langue nationale comme langue maternelle». S'il est vrai qu' il existe en U.R .S.S. plusieurs « langues juives», tels le tati des montagnes du Daghestan, un dialecte parlé en Géorgie , et le judéo-tadjik d'Ouzbékistan , c'est le yiddish qui est, de loin, le plus largement répandu . Ce pourcentage (le même qu'aux Etats-Unis, alors qu'en France, il DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 ....: a..

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M . Veniamine Dymchitz, vice-président du Conseil des ministres de l'U.R .S.S. serait , dit-on , de 10%). justifie-t-il la création d'écoles en langue yiddish? Ceux qui le réclament ne raisonnent-ils pas dans l'abstrait? Ce qui doit entrer en ligne de compte, dans ce domaine, c'est la notion de besoin. Or, on peut supposer que la plupart des juifs parlant encore yiddish , là-bas comme dans les autres pays, sont des personnes d'un certain âge (38). En France , par exemple, de même qu'en Israël, il n'e xiste pas d'écoles en yiddish : est- il véritablement nécessaire que l'U .R.S.S. en crée? Il est, d'autre part, assez difficile de se prononcer sur les besoins culturels de la population parlant yiddish : y a-t-il assez de livres, de publications, d'activités diverses dans cette langue? Avant d'affirmer que la nationalité juive se trouve aujourd'hui dans l'impossibilité de s'exprimer, il est juste de prendre en considération les moyens d'expression existants . La revue en yiddish Sovietische Heimland (Patrie soviétique), créée en 1961 et d'abord trimestrielle , est devenue mensuelle avec une pagination accrue. Plus de cent écrivains et poètes, habitant toutes les régions de l'U .R.S.S ., y collaborent. Son tirage est de 25000 exemplaires. En une quinzaine d'années, 110 à 120 livres en yiddish ont paru en U.R.S.S, selon M . Aron Verguelis, le rédacteur en chef de la revue (39). Dans les régions où la population juive est la plus dense (Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Républiques baltes) , de même qu'à Moscou et Leningrad, les spectacles en yiddish sont fréquents. Depuis quelques années, l'Ensemble dramatique juif de Moscou, comptant une vingtaine d' artistes professionnels , sous la direction de Beniamine Schwartzer, donne des représentations un peu partout, avec un réperto ire varie . D'autres troupes se déplacent à travers le pays: celle d'Anna Gouzik, qui donne des soirées culturelles, la troupe musicale de Sidi Tahl, dont le siège est à Tchernovsty (Moldavie) , l'ensemble d'Esther Roïtman (Leningrad) . Sont égaIement signalés des ensembles yiddish d'amateurs, dont plusieurs ont reçu des prix lors des concours entre théâtres populaires. Des concerts juifs comprenant des chants en yiddish et en russe ont lieu souvent à Moscou. Au total , selon une statistique soviétique, 500000 personnes assistent chaque année en U.R.S.S. aux spectacles juifs. Peut-être l'importance des foules qui emplissent les salles traduit-elle encore une insuffisance de moyens mis en oeuvre . Une assimilation à double sens Mais il convient de noter en outre que, si assimilation il y a, elle n'est pas à sens unique : la culture yiddish est intégrée par de multiples voies à la culture soviétique dans son ensemble. De nombreuses oeuvres d'écrivains juifs sont traduites en russe et dans les autres rangaes de l'U ,R.S.S, : leur tirage global. pour 300 livres environ parus ces dernières années, s'élèverait à 40 millions d'exemplaires , En particulier, les oeuvres du célèbre écrivain yiddish Schalom Aleichem ont été tirées , en dix ans, à 3500000. Pour le 50e anniversaire de sa mort (1966) , de grandes manifestations officielles ont eu lieu : soirées commémoratives, à Moscou , Leningrad , Kiev, Riga , etc ., inauguration de ru es, de bibliothèques à son nom dans plusieurs villes, et d'une plaque sur sa maison natale à Kiev. Des centaines de rues, d'écoles, de kolkhozes, d'usines, et même de navires portent, à t ravers l'U.R .S.S,, les noms de personnalités juives célèbres, de héros juifs de la guerre et du travail. Ces faits , qui n'ont d'équivalent dans aucun autre pays, et que rappelle l'agence de presse Novosti (40) sont (30) Le Monde, 27-28 décembre 1970. (31) Le Nouvel Observateur, 4- 1- 1971 . ~ (32) Déclaration du ministre israélien de /'intérieur, le Dr Yossef Burg (L'infonnation d'Israël, 29-1 2-1 970). (33) Journal des communautés, 25- 12- 1970. (34) Sir Samuel Fisher, président du Board of Deputies (Jewish Chronicle, 8- 1- 1971 ). (35) Le Monde, 26- 12-1970. (36) Dans tous les pays, on constate aussi la multipliéation des mariages «mixtes» de juifs avec des conjoints non iuifs : 60% en France, selon M. Maurice Bernsohn (article cité du Monde, 12-1-1971); un journa liste soviétique ci te un bureau d'état civil où il en a relevé 65 %. (37) 12 % des juifs soviétiques vivent dans la partie non-européenne de l'U.R.S.S. 97 % sont des citadins. (38) 20 % c'est aussi, pour l'ensemble de l'U.R.S.S ., la proportion des personnes ayant dépassé soixante ans. (39) L'Information juive, 20- 1- 1971 . (40) Les juifs soviétiques : mythes et réalités. Edit ions Novosti, Moscou . 2 1


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connus , parce que publiés au fur et à mesure dans la presse juive du monde entier. Il est regrettable , pour l'information des lecteurs, que tant d'articles parus ces derniers temps n'y fassent pas la moindre allusion. On peut discuter d'améliorations possibles . Encore faut-il connaître toutes les données du problème posé. De m-ême , dans le domaine religieux, par-delà les polémiques sur le nombre de' synagogues, ce qui doit être examiné, c'est le rapport entre les besoins de la population et les moyens mis à sa disposition pour les satisfaire. Là, non plus, on ne peut pas raisonner abstraitement. Antisionisme et antisémitisme Dans un article déjà cité (41), Le Nouvel Observateur évoque « l'actuel climat d'un antisémitisme , populaire ou officiel , de plus en plus évident». « Des preuves? demande-t-il. Elles sont partout .. . Dans la presse .. . Dans le langage courant.» L'exemple donné est un article paru à Buynaksk, où les juifs étaient accusés de boire du sang musulman . Le sens de l'information objective voudrait , nous semble-t-il , qu 'en employant le passé et en soulignant nettement que cela s'est produit il y a plus de dix ans , on précise également que le texte inCrimine a été sévèrement condamné par les autorités, que le rédacteur en chef du journal a été limogé et que, depuis, cette calomnie moyenâgeuse n'a pas été reprise , apparemment. On peut signaler, il est vrai, d'autres faits plus récents. De traductions diffusées en France , il ressort que certains ouvrages consacrés à la dénonciation du sionisme contiennent des interprétations ou des formules dépourvues de rigueur scientifique, et par là-même , de nature à provoquer envers les juifs une suspiscion génératrice d'hostilité . On connaît aussi le cas de Kitchko, dont la brochure illustrée, « Le judaïsme sans fard», de sinistre mémoire , avait soulevé , en 1963, de vives protestations , dont celle du M .R.A.P. Cette ignoble production , condamnée par la presse soviétique et la direction du parti communiste de l'U.R.S .S., fut mise au pilon et son auteur sanctionné . Mais Kitchko, qui se spécialise dans la « lutte antireligieuse», a reçu, depuis, un diplôme, et publié un autre livre qui , moins stupide et dangereux que le précédent, n'en contient pas moins des passages inadmissibles. Nous avons à 22 nouveau protesté contre cette navrante récidive. Peut-on pour autant prétendre qu'a ntisionisme égale antisémitisme? Quelques citations sélectionnées sur plusieurs années dans une extrême abondance d'articles, brochures et livres relatifs au sionisme ou aux juifs ne paraissent pas suffire pour parler d'un courant généralisé, surtout si l'on compare cela aux productions qui existent, par exemple en France, où l'antisémitisme et d'autres formes de racisme constituent la raison d'être de publications nombreuses et régulières , tirant à un million d'exemplaires chaque mois. Il est vrai , d'autre part , que l'on comprend ceux qui manifestent une exigence plus grande envers un pays socialiste , dont les principes sont fondamentalement opposés à toutes les formes de racisme . Dans la mesure même où l'on poursuit une campagne intense contre le sionisme susceptible d'engendrer chez certains des attitudes antijuives, il serait sans aucun doute d'une grande utilité, parallèlement, de combattre celles-ci avec d'autant plus de vigueur. Statistiques universitaires . En U.R.S.S., « beaucoup de citoyens non-juifs n'ont aucun goût pour tout ce qui pourrait ressembler à de l'antisémitisme , même camouflé», écrit le correspondant du Monde (42). On croit volontiers, cependant, que, dans ce vaste pays , où se mêlent tant de populations diverses, où l'antisémitisme représente, dans certaines régions surtout (43), une tradition séculaire, des préjugés de toutes sortes demeurent, malgré tous les efforts, et puissent se traduire par des heurts et des incompréhensions, voire même par des discriminations, à divers niveaux des relations individuelles, professionnelles et administratives . « En U.R.S.S., déclare M . Verguelis, l'antisémitisme se manifeste dans les couches les moins conscientes , mais il tend à s'atténuer (44).» Selon Me BIIImel , il y aurait actuellement une « recrudescence sérieuse de l'antisémitisme populaire ». I! y a neuf ans , en mars 1962, l'académicien Constantin Skriabine , dans un discours prononcé devant le comité central de l'Agriculture , a tenu des propos que des observateurs ont relevé : « A mon avis , disait- il, un savant ne doit pas être jugé d'après son passeport (45) , mais du point de vue de ses capacités et de son utilité sociale. » Cette remarque ne concerne sans doute pas seulement les juifs; mais elle montre que des attitudes partiales peuvent se manifester, même chez les responsables universitaires lorsque l'accession à des postes se détermine au choix . On n'a aucune peine à imaginer (car se problème n'est pas spécifique à l'U.R .S.S .), que , dans le cadre d'une certaine concurrence entre groupes nationaux, les 'préférences et les amitiés personnelles puissent intpn"'!nir. Qu'en est-il pour les juifs ? Si, dans l'enseignement suoérieur. la proportion des étudiants juifs par rapport à l'ensemble a diminué, passant selon certaines informations, de 13 % en 1935 à 2 ,5% en 1967 (46) , cela signifie , d'après les données sovietique s, que la proportion des étudiants d'autres nationalités , autrefois peu représentées à l'université pour des raisons historiques, s'est accrue . Il reste ; selon ces chiffres eux-mêmes, que les juifs sont deux fois et demi plus nombreux parmi les étudiants, qu'ils ne le sont dans la populàtion , où ils représentent environ 1 %. Ce fait se trouve corroboré par les indications soviétiques , selon lesquelles il y a 315 étudiants pour 10000 habitants de nationalité juive , alors que le taux n'est que de 182, soit un peu plus de la moitié, pour l'ensemble de la population de l'U.R.S .S. Cette proportion reflète , en chiffres absolus, une augmentation régulière du nombre d'étudiants juifs : 94 000 en 1965-66, 110000 en 1967-68, 111 900 en 1968-69. Cette particularité s'explique sans doute à la fois par la propension traditionnelle des juifs à s'orienter vers des professions demandant des études , et par le fait qu'ils vivent essentiellement dans les villes. Dans tous les secteurs Alors qu'après la Révolution, beaucoup de juifs (auparavant sans travail) sont entrés dans la production industrielle ou l'agriculture, les générations suivantes ont donné une majorité de médecins, ingénieurs, enseignants, juristes, cadres d'entreprises , chercheurs scientifiques... Quiconque vIsite l'U.R.S .S. constate cette réalité, qui apparaît d'ailleurs dans les pétitions de juifs demandant à émigrer en Israël , lorsque est précisée la profession des signataires. Pour montrer- que les juifs ne sont l'objet d'aucune discrimination, la brochure soviétique consacrée à ce problème énumère un nombre impressionnant de personnalités juives occupant de hautes fonctions dans tous les secteurs d'activités. Nous n'en citerons que quelques-unes : Veniamine Dymschitz, vice-président du Conseil (qui vient de recevoir l'Ordre de Lénine pour son soixantième anniversaire) , Semyon Ginzbourg, président du conseil d'administration de la Banque de construction de l'U.R.S .S., Lev Volodarsky, vice-président du bureau central des Statistiques, Yuli Bokserman , viceministre de l'Industrie du gaz, losif Ravich, . vice- ministre des Postes et Communications, Leonid Glikman, viceministre de l'Industrie de l'équipement électrique, Lev Mendelevitch, chef du département de l'Amérique au ministère des Affaires étrangères, Isaac Kaganovitch, procureur dirigeant le département des enquêtes auprès du procureur général de l'U.R .S.S. , Lev Maizenberg, vice-président du comité des prix, au bureau du Plan, etc. Pourquoi? Nous avons compté, d'autre part, onze généraux juifs cités à diverses occasions. On pourrait également relever dans de nombreux secteurs de la vie culturelle des noms de juifs soviétiques dont la notoriété dépasse les frontières de leur pays : écrivains comme Vassili Grossmann, cinéastes comme Mikhaïl Romm, Donskoï, Youtkevitch, musiciens comme Oïstrach, Leonid Kogan , Guiliels, la danseuse Maïa Plissetskaïa ... Il est fréquent que des juifs reçoivent des titres honorifiques, tels que héros du travail , artiste émérite, et des décorations

sur 844 lauréats du Prix

Lénine, indique-t-on, il y a eu 564 Russes, 96 juifs et 184 appartenant à d'autres nationalités. Enfin, la brochure soviétique souligne que des centaines de milliers de juifs sont membres du parti communiste de l'U.R .S.S . et que 9 sur 10 des jeunes juifs de quatorze à vingt-cinq ans sont membres des komsomols (jeunesses communistes), soit un tiers de la population juive soviétique. Ces faits , qu'on ne saurait ignorer, même si d'autres présentent un caractère négatif, montrent l'ampleur de l'intégration des juifs à la vie soviétique, et s'inscrivent en faux contre les conceptions qui tendent à en faire une communauté « à part», tout entière tournée vers Israël et ne songeant qu'au particularisme ancestral. Il n'y a là, répétonsle, rien d'étonnant. Curieusement, on feint parfois d'oublier, lorsqu'il s'agit des juifs soviétiques, ce qui se passe partout dans le monde. Prenant récemment la parole à Jérusalem, devant des jeunes Améri- . DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 cains (47), Mme Golda Meïr, après avoir évoqué les juifs d'U.R.S.S. , dont « la lutte se renforce et s'étend», ajoutait: « Mais c'est précisément dans le monde libre que le danger de l'assimilation est le plus grave , car il est de mode là-bas de ne plus faire partie du peuple juif.» Et elle appelait à « lancer une offensive en direction de la jeunesse juive assimilationniste, qui fuit le judaïsme, sans savoir vers quoi elle va ni d'où elle part ... ». Si ce mouvement nature l et universel d' intégration est qualifié de « mode» lorsqu'il se produit dans le « monde libre », pourquoi y voit-on une assimilation forcée» en U.R.S.S., où il y a, notons- le, deux fois moins de juifs qu'aux Etats-Unis? Si , d'un côté, on en fait porter la responsabilité à la jeunesse juive, pourquoi , de l'autre, s'en prendre au gouvernement soviétique? Pourquoi présente-t-on les ma riages mixtes, lorsqu'ils ont lieu en U . ~ . S . S ., comme une fuite ou un moyen de « sauver» sa progéniture (48) alors qu'il s'agit d'une tendance partout prépondérante ? Contre tous les racismes Il faut bien constater que, trop souvent, la campagne menée à propos des juifs d'U.R.S .S. s'inspire fondamentalement de motifs idéologiques et politiques, qui en faussent la signification et en réduisent la portée . Trop souvent, elle s'accompagne d'une regrettable indifférence à l'égard de manifestations d'antisémitisme aussi graves, ou pires , signalées dans d'autres pays. Prenons l'exemple français : en accumulant des textes racistes publiés dans la presse, les multiples faits divers quotidiens où des juifs sont insultés ou brimés, les prises de position antisémites de personnalités officielles , de l'affaire Dreyfus à la ve République, les postes occupés par d'anciens collaborateurs, les activités de groupes comme « Ordre nouveau», les pourcentages de juifs dans les assemblées nationales ou locales , dans les chambres de commerce ou à la tête des différents partis , on pourrait aisément offrir une image de notre pays plus effrayante encore que celle de l'U.R .S.S., façonnée par les mêmes procédés. Nous ne conclurons pas. En présentant le maximum de faits, même divergents et contradictoires, nous avons voulu donner à nos lecteurs matière à réflexion. Parce que nous les respectons, nous sommes convaincus que co mplétant encore cette information , insuffisante à notre gré, ils auront à coeur de rechercher un jugement équitable. Nous souhaitons que, comme le M.R.A .P. s'y efforce, ils évitent de se prêter à des attitudes passionnelles qui alimenteraient des opérations de caractère politique, ce qui n'implique pas, bien sûr de renoncer pour autant aux interrogations et aux protestations légitimes . Toute action antiraciste doit être dosée et organisée en tenant compte des f aits exacts, et revêtir la même puissance dans les cas de même gravité, en quelque lieu qu'ils se produisent. En U.R.S.S. comme partout ailleurs, nous demandons que des mesures soient prises pour que l'opposition au sionisme , les polémiques avec le gouvernement israélien , qui relèvent de l'idéologie et de la politique , ne puissent jamais ouvrir la voie à l'antisémitisme , et que le désir d'éclairer, de convaincre l'emporte sur la coercition et l'arbitraire. Nous nous prononçons contre les outrances qui heurtent sans jamais susciter l'adhésion . Nous demandons que lorsqu'il se produit des discriminations ou des manifestations d'hostilité contre des juifs, la loi qui punit de tels actes soit appliquée sans défaillance. Nous souhaitons que soient créées des circonstances plus favorables, permettant de répondre plus aisément à toutes les aspirations individuelles . Nous formulons le voeu que les responsables de ce grand pays condamnent solennellement l'antisémitisme comme une perversion dangereuse , contraire aux idéaux dont se réclame le régime soviétique , et qu'ils appellent à combattre vigoureusement ce mal sous toutes ses formes et à tous les niveaux. Ce faisant, le M.R.A.P., seul mouvement en France qui se dresse avec une même et constante ardeur contre tous les racismes, quelles qu'en soient les victimes, quels qu'en soient les coupables, entend ne - laisser estomper aucune de ses tâches ni de ses responsabilités . (41) 4 - 1- 1971 . (421 30- 12- 1970. Louis MOUSCRON. (43) Il convient de souligner que certaines régions, où l'antisémitisme était profond (Moldavie, pays baltes, etc.). ne sont rattachées à l'U.R.S.S. que depuis 1945. (44) Jewish Chronicle, 15-1 - 1971. (45) Le passeport intérieur est la pièce d'identité unique des Soviétiques, où figure, entre autres renseignements, leur « nationalité Il. (46) le Nouvel Observateur, 4- 1- 1971. (47) l'Information d'Israël, 22- 12- 1970. (48) Cf l'article du Nouvel Observateur, cité plus haut. 23 24 Connaissez-vous Pourquoi? Connaissez-vous ce magazine qui ... n'est pas comme les autres ? Edité par la Ligue Française de l'Enseignement et de l'Education Permanente, « Pourquoi? » traite, chaque mois, de sujets variés, dans un esprit de progrès et de rigoureuse objectivité qui sont la marque de l'idéal laïque. Présenté avec beaucoup de goût, d'un format très pratique, rédigé par une équipe de journalistes dynamiques, « Pourquoi?» vous propose 128 pages de lecture passionnante. Abonnement: 20 F (C.c.P. 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Abonnements: France : 35 F - Etranger : 40 F. VIENT DE PARAITRE le n° 116 de HOIHIHes et IHigrations - Etudes la Uligration àlgérienne 168 pages, 71 doctunents et tableaux statistiques Ce nUIDéro : 20 l'rancs Abonnentents : un an (4 cahiers) : 30 F Houllnes el nligrallons - Docutnents cotnplète chaque quinzaine HOtnnies el tnigrallons - Eludes Abonnenlenl annuel jUlllelé aux deux publications : 50 F C.C.P. ESNA Paris 5565-40 6, rue Barye - Paris-17e LA PENSEE REVUE DU RATIONALISME MODERNE publie dans son numéro 154 : L'AFRIQUE EN FRANCE, par Yves Benot. « RÉVOLUTION COPERNICIENNE» ET RENVERSEMENT IOÉOLOGIQUE, par François Gallichet. PROPOSITIONS ET NOTES EN VUE D'UNE LECTURE DE F. DE SAUSSURE, par Claudine Normand. LES PRINCIPES MÉTHODOLOGIQUES DU STRUCTURALISME ESTHÉTIQUE TCHÉCOSLOVAQUE, par Oldrich Belic. PROPOS SUR LE THÉÂTRE POLITIQUE, par Arthur Adamov. UNE DISCUSSION SUR IDÉOLOGIE ET LlTIÉRATURE, par Roland Desme et André Daspre. Prix du nUIDéro : 6,50 F Abonnenlent : un an (6 nOS) : 32,50 F C.C.P.: Editions sociales 4209-70 Paris (;ulture Le free-jazz au diapason de l'actualité ETRANGEMENT, il n'y a pas si long· temps que les mots jazz et politique ont été rapprochés. Le jazz, jusqu au environs des années 1950, était appr0hendé comme un phénomène musical uniquement. On était pour ou on était contre. Même quand il fut admis qu'il s'agissait là d'un langage spécifique, on tenta de définir cette spécificité et de donner les caractéristiques de ce qu'on pourrait appeler l'ontologie du jazz. Au début du siècle, l'une des formations de jazz les plus célèbres fut le Creole Jazz Band auquel se joignit un peu plus tard Louis Armstrong. vention américaine au Vietnam. Non seulement , il se veut américain mais il se veut solidaire des gouvernants de son pays même si ces gouvernants ont à l'égard de son peuple une attitude injuste. Ce ne fut qu'après la guerre que les musiciens prirent conscience à la fois de leur création esthétique et de leur position politique. Ils étaient noirs, ils avaient créé la seule création artistique spécifiquement américaine et on ne les connaissait que pour profiter d'eux. C'est Miles Davis qui disait : Il Quand je suis sur une scène, je suis M. Miles Davis. Dès que je suis dans la rue, je redeviens un sale nègre Il. Pourtant, la musique ne devient que lentement politique . Ce fut d'abord un retour à l'Afrique qui marquait une conscience de la négritude et une fierté d'être noir, ce qui allait . quelques années plus tard, se concrétiser par le slogan « Black is Beauty ». Il ne faut , en effet, pas oublier que lorsque le jazz est né, la condition des noirs était bien proche de la féodalité. Les premières manifestations proprement jazzistes ne furent pas considérées par les créateurs comme des oeuvres musicales, simplement des musiques de circonstances , au mieux des musiques folkloriques . Les musiciens du Iree-jazz sont des hommes très conscients Quand le jazz se fut sinon imposé tout au moins quand il eut débordé des collectivités noires, il ne fut pas volontairement un instrument de conquête politique. Il était l'un des rares moyens qu'avaient les noirs de pénétrer à l'intérieur de l'Establishment. Mais il n'était l' as question de contester cet Estabiisment. L'American way of Life était pour les musiciens une sorte d'idéal dont ils avaient la chance de pouvoir profiter. C'est encore du reste la position de la plupart des musiciens de cette époque, même des plus grands. C'est ainsi, par exemple qu'on a vu récemment Duke Ellington approuver l'inter- Il fallut attendre Mingus et Roach pour avoir une musique qui se voulait directement politique , Les Il Fables of Faubus Il du premier et le Il Tryptique Il du second sont des thèmes qui se veulent politiques et qui sont politiques, Si j'insiste là-dessus c'est qu'on a dit : Il Bien sûr, ils intitulent un morceau Il Liberté Il mais ils pourraient aussi l'appeler Il Coucher de soleil sur l'Adriatique Il. C'est souvent vrai, encore que le fait d'intituler un thème montre dans quel sens le musicien a composé son discours. Mais le Il Tryptique Il de Roach, sorte de concerto pour voix et batterie, ne pouvait être interprété que dans un sens politique. C'est, bien sûr, un cas d'exception. Aujourd'hui, les musiciens du FreeJazz sont des hommes très conscients -PIEDS SENSIBLES Les chausseurs du super-confort et de l'élégance Ch:ix UNIQUE en CHEVREAU, en SPORTS et en TRESSE MAIN Femmes du 35 au 43 - Hommes du 38 au 48 6 largeurs différentes (9") GARE SAINT·LAZARE, 81, rue St·Lazare (MO Saint-Lazare - T rin i té) (6) RIVE GAUCHE, 85, rue de Sèvres (MU Sàres . Babylone) (IÜ") GARE DE L'EST, 53, boulevard de Strasbourg (MU Chât eau-d 'F.a u ). - - ------ Magasins ouverts tous les lundis DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 politiquement (même auparavant, un homme comme John Coltrane qui n'a jamais prononcé la moindre parole politique, a intitulé un de ses thèmes Il Alabama Il à l'heure où dans cet Etat les troubles raciaux étaient nombreux). l'un d'entre eux n'a cessé de définir sa création par rapport à ses positions politiques , c'est Archie Shepp, saxophoniste ténor mais aussi dra maturge (il est l'auteur d'une pièce, Il The Communism Il) et diplomé d'université. Cependant, si l'on peut établir un rapport direct entre le jazz et la politique , c'est plus par l'évolution du langage jazziste que par les intentions déclarées. Il serait trop long ici de la retracer mais je ne prendrai qu'un exemple qui semble évident. Il n'est pas possible d'appréhender le free jazz sans songer à la lutte violente des noirs américains d'aujourd'hui . Ce n'est pas pour ri en que cette musique qui s'é lance dans le suraigu avec une so rte de rage est à son apogée à l'heure où Angela Davis risque la peine de mort, (il est bien évident qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet, je cite Angela Davis d'abord parce qu'on n'en parlera jamais assez, ensuite parce que son cas est, je l'espère, connu de tous). Il est même possible d'envisager un moment où le problème noir ayant été réglé , il n'y aura plus de jazz possible pour les noirs américains. Et les choses n'étant jamais aussi tranchées, on pourrait voir un jazz blanc renaître. Mais ce n'est pas pour demain . Hélas! Jean WAGNER. 25 'COMBINÉ ou fiUILlE USSE" EXTRA-SOUPL , J"'",*i '" 801'1 Distribution : Sangêne - Merci NS. Bouly, 71, rue de Provence, Paris-9' Tél. : 744-67-59. 26 , LES EDITIONS DU PAVILLON Directeur-gérant Roger MARIA 5, rue RoUin, PARIS-5e - Tél. : 326-84-29 Vient de paraître: • André WURMSER : L'Eternel. les Juifs et moi. Av~c une lettre liminaire de Roland Leroy ........................ . • Gilles PERRAULT (auteur de « L'Orchestre rouge») Du service secret au gouvernement invisible (La C.I.A.) • Roger SOMVI LLE : Pour le réalisme - Un peintre s'interroge . ... . . . .... . .... . • Julien TEPPE: Les caprices du langage (250 difficultés de la langue française classées par ordre alphabétiaue). • Gilbert DUPÉ : Les Bel/es Inutiles (roman). Préface de Paul Vialar .................. . Exemplaire de luxe ...... .. ............ .. • Henri GUILLEMIN: Mme de Staël et Napoléon ou Germaine et le Caïd ingrat .. .. .. . .. .... ..................... .. . 12 F 7,50 F 28 F 23 F 29 F 14,80 F Vente aux libraires : ODÉON-DIFFUSION, 24, rue Racine, Paris-Vie - Tél. : 033-77-95. ESPRIT LES COOPÉRANTS ET LA COOPÉRATION Juillet-août 1970, 15 F Après dix ans de fonctionnement, la coopération française entre dans une phase difficile. Ce numéro, nourri de témoignages, en apporte un premier bilan. TI fait état d'un désarroi, mais il indique un chemin, car la coopération, influencée par une politique de puissance, est désormais une réalité qu'il est possible d'améliorer. LES ÉTATS-UNIS EN RÉ VOL UTION ............... Octobre 1970, 9 F Les hippies, les PanWt"c" _~,"ires, les femmes, les homosexuels ... C'est une explosion .souvent violente, inattendue, et qui va dans tous les sens. S'agit-il vraiment d'une «révolution Il? Pas au sens européen du mot. Mais peut-être la «révolution culturelle Il nous viendrat- elle de l'Ouest plutôt que de l'Est. Abonnement : France: Autres pays : 6 mois 1 an 6 mois 1 an Ordinaire .......... 35 F 65 F 40 F Soutien .......... 45 F 90 F 45 F Luxe numéroté. 65 F 130 F 65 F ESPRIT - 19, rue Jacob - Paris-6e Paris 1154-51. 70 F 90 F 130 F - C.C.P. 'Walter Spitzer « Copenhague ». SOUS ce titre s'ouvrait le 2 février 1951 au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, un nouveau Sa Ion Il créé pour établir un contact entre les artistes et les autres hommes; offrir à ces derniers un témoignage des joies et du labeur humain Il, précise Isis Kischka , son secrétaire général, au cours d'une interview qu'il a bien voulu nous accorder. Il Les premières manifestations artistiques de l'après-guerre Il, poursuit Kischka, Il ont montré une rupture. Le mépris de l'homme instauré en doctrine, la guerre, les tortures ont, à mon sens, correspondu à la disparition de l'artiste de la vie sociale, à son repli sur luimême. Ayant échappé à un destin qui était la mort collective et abstraite, j'ai senti comme une nécessité et un devoir impérieux - afin de donner un sens à ma survie - de demander à mes amis de sortir de leur tour d'ivoire pour échapper au charme d'un art fait pour le plaisir des yeux, et qui pour cela même cessait d'être un moyen intelligible de communication. J'ai alors, sous l'égide d'un comité où figuraient notamment Jean Cassou et Raymond Cogniat, proposé aux peintres et sculpteurs de reprendre place parmi les hommes. 1I Comment retrouver cette place? Comment renouer avec le quotidien? Isis Kischka habite Saint- Denis depuis 1925. « Je voyais dans les rues de Saint-Denis, dit-il, passer des gens dont le visage était rose ou bleu ou vert, ils travaillaient dans une usine de produits chimiques. J'ayais des amis peintres et sculpteurs, et l'idée m'est venue de leur demander d'aller visiter des usines. Il L'intérêt fut immédiat. Léger, Gromaire, Chagall, de Waroquier , Lhote, Carzou , Desnoyer, et bien d'autres, viennent aux rendez-vous que leur DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 cc o Les peintres , . telnOlns de leur telnps propose Kischka chaque mercredi en ces années 1948- 1949. Avec l'accord des syndicats ouvriers et des représentants du patronat, les artistes visitent des ateliers, où ils peuvent dessiner et peindre les gestes du travail , établir des contacts avec d'autres hommes. Isis Kischka La première manifestation officielle en 1951 au Musée d'Art moderne est donc consacrée au thème du travail. Léger en avait dessiné l'emblème. L'année suivante Matisse fait l'affiche de la seconde exposition dont le thème est cette fois Il Le Dimanche Il. Puis cr: o La Giraudière : « Monaco ». ce seront Il L'Homme dan~ la Ville Il, « Le Sport Il, « L'Age 'mécanique 1), Il Les Parisiennes Il ... Pour leur XXe anniversaire, les peintres témoins de leur temps découvrent pour nous « Les Beautés de l'Europe Il. (1) . S.D. (1) Palais Galliéra, 10 av. Pierre-1"'-de-Serbie, Paris (16"). Du 17 février au 14 mars 1971. C(J.êlemerdJ de geau 508.13·67 8, Rue de Braque PARIS 3e R . C . SEINE 63 B 3441 27 L'arme de la drogue Après avoir frappé l'homme colonisé elle attaque l'homme blanc T A drogue! Ce fléau qui s'attaque à .L notre jeunesse, qui hante les sociologues · et les hygiénistes de notre époque, se présente au militant antiraciste sous un jour particulier. Il lui apparaît en effet que, après avoir été entre les mains de l'homme blanc un instrument important de son oppression des hommes des autres races, par une sorte de justice immanente, la drogue se retourne contre lui et le frappe dans ce qu'il a de plus cher et aussi de plus précieux pour perpétuer sa domination : sa descendance, ses enfants. (( Installer des débits ••• » L'exemple ancien le plus connu est le monopole de l'importation en Chine de l'opium de l'Inde par la Compagnie anglaise des Indes qui devait provoquer la fameuse « Guerre de l'Opium» (i 839-1842) entre l'Angleterre et la Chine dont le gouvernement voulait interdire le trafic de l'opium. La Chine vaincue, la domination de l'Angleterre fut facilitée par un régime corrompu et, surtout, par l'empoisonnement organisé de tout un peuple par la drogue. L'empoisonnement, c'est le terme qu'employait Ho Chi Minh (alors Nguyen ai Quoc) en 1925 dans son livre clandestin «Le Procès de la Colonisation française Il. Dans (( Le Procès )), Ho Chi Minh reproduisait la lettre qu'en qualité de gouverneur général de l'Indochine, le « bon» monsieur Albert Sarraut, ancien ministre des Colonies, adressait à ses subalternes Monsieur le Résident, Conformément aux instructions de M. le Directeur général de la Régie, j'ai l'honneur de vous prier de bien vouloir seconder les efforts de mon service dans l'établissement de nouveaux débits d'opium et d'alcool. A cet effet, je me permets de vous adresser une liste des débits qu'il y aurait lieu d'installer dans les divers villal{es mentionnés, dont la plupart sont totalement privés d'alcool et d'opium. Par l'intermédiare des gouverneurs cambodgiens et messoks, votre influence prépondérante pourrait heureusement faire valoir à certains petits marchands indigènes les avantages qu'ils auraient à se livrer à un négoce supplémentaire. 28 De notre côté, les agents du service actif, dans les tournées, chercheront à installer des débits, à moins que vous préfériez, Monsieur le Résident, qu'ils attendent que vous ayez d'abord agi auprès des autorités pour qu'elles secondent votre action, auquel cas, je vous prie de bouloir bien men informer. Ce n'est que par une entente complète et constante entre votre administration et la nôtre que nous obtiendrons le meilleur résultat, pour le plus grand bien des intérêts du Trésor. Albert Sarraut. .. Il existait alors quinze cents débits d'alcool et d'opium pour mille villages, tandis qu'il n'y avait que dix écoles pour le même nombre de localités. Déjà, avant cette fameuse lettre, on avait ingurgité aux 12 millions d'indigènes - femmes et enfants compris - 23 à 24 millions de litres d'alcool par an Il. (1). Car on avait fixé un chiffre de consommation annuelle d'alcool obligatoire de chaque indigène. Et quand on disait chaque indigène, il ne faut pas oublier qu'il ne s'agissait pas seulement des indigènes adultes, mais de la population toute entière. La création du monde. -~I ? ~." , 11 s'agissait des vieillards, des femmes, des enfants, même à la mamelle; on contraignait en quelque sorte les parents à se substituer à eux pour consommer non plus un, mais deux. trois litres d'alcool. Ho Chi Minh décrit encore le contrôle sévère de la consommation et les moyens de coercition employés contre les populations pour obtenir le respect des consommations fixées. Est-il besoin d'ajouter que cet alcool était de très mauvaise qualité, fabriqué avec des riz à bon marché et des ingrédients chimiques et qu'il avait mauvais goût? Cette méthode d'annihilation de la volonté de révolte chez les colonisés était d'emploi général par les colonisateurs. Elle fut notamment très utilisée par les conquérants de l'Amérique du Nord contre les Peaux-Rouges. Ce fut la fameuse « eau de feu» bien connue des amateurs de Westerns qui, « ajoutée aux guerres et aux maladies importées par la « civilisation Il précipitera la déchéance des Peaux-Rouges» (2). Si la pratique du mâchage de la feuille de coca et la consommation des champignons hallucinogènes n'a pas été introduite par les Conquistadors, elle n'en a pas moins été tolérée, sinon facilitée, à notre époque par les hobereaux locaux et les Sociétés nord-américaines qui mettent en coupe réglée les ressources naturelles à leur seul profit. Pour tous, en effet, l'état amorphe et hébété dans lequel la drogue maintient les Indiens et les Métis les met à l'abri de toute révolte de la part de ces pauvres gens. Contre les Noirs américains L'arme de la drogue a été et est toujours utilisée contre ces colonisés à l'intérieur de leur métropole que sont les Noirs des Etats-Unis. Marijuana d'abord, opium, morphine, cocaïne ensuite furent tolérées chez les Noirs, ou tout au moins, la répression était faite de telle sorte de ne point détruire le niveau général du trafic. Il n'est un secret pour personne que le trafic des drogues aux Etats-Unis - entre autres choses - est entièrement aux mains de la Maffia dont on a pu dire, à juste raison, qu'elle gouverne le pays. Il est vain de dire que les Noirs ont leur propre organisation d'importation de la drogue, ainsi que le faisait récemment un grand hebdomadaire français dans un reportage équivoque sur Harlem. Il est clair que son reporter n'avait vu - ou voulu voir - que le dernier mail lon de la chaîne du trafic. Pour un moment seulement ••• Nous croyons plus volontiers l'écrivain noir américain Hart Leroy Bibbs lorsqu'il écrit dans son style très personnel qui est à la littérature ce qu'est à la musique le style des musiciens « free-jazz» : « On peut penser que le Peuple Noir pratique son auto-destruction en cultivant la came à Harlem, dans la Mosquée. Tout le monde sait aujourd'hui que la blanche (3) ne vient pas de Chine, qu'elle ne pousse pas non plus à Harlem, d'où vient-elle alors? De Wall-Street, tas de c ... S» (4). Aux Etats-Unis comme ailleurs, à notre époque, la drogue est liée à des problèmes fondamentaux d'ordre économique, social et éducatif. Et parmi eux, la misère et le racisme. Sur le plan politique il y a l'inté-rêt que peuvent tirer les classes possédantes de la consommation de la drogue par les exploités. Karl Evang, directeur général de la Santé en Norvège écrivait dans le courrier de l'U.N.E.S.C.O. (mai 1968) : « Les hallucinogènes... ont pour effet, en intoxicant nos facultés sensorielles, de nous arracher à toutes les contraintes. Pour un moment, on peut se sentir libre, renouvelé, dégagé de tout lien. DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 (( Revenu à soi, on s'aperçoit immédiatement qu'on était dans l'illusion. L'enivrement ne libère pas, c'est en réalité une prison dans laquelle on s'enferme lI. Aujourd'hui, la drogue s'attaque à la jeunesse à laquelle la société moderne n'offre d'autre avenir (( que d'être un pion dans le grand jeu cynique des puissances du monde» (5). Et nous emprunterons encore à Hart Leroy Bibbs la conclusion - ô combien lucide - à cet article: (( Le fouet de la haine s'est retourné contre lui-même. Quelle victoire ! Quel rêve! Il paraît que la came pouvait détruire tous ces pauvres jeunes nègres camés, mais le carnage s'est propagé parmi ses propres forces, au sein même de sa propre espèce, à travers la frustration de ses fils et de ses filles en quête d'une véritable identité. En Amérique, une âme se cherche à travers les stupéfiants, fauxsemblants d'une révélation. En fait, tout se lie, et c'est tout lI. Robert PAC. (1) Ho Chi Minh (O.C.). (2) Elena de la Souchère : « Le Racisme en mille images" (Ed. Pont Royal). (3) La cocaïne. (4) Hart Leroy Bibbs : « Camétude" (Christian Bourgeois, éditeur). (5) Karl Evang (même « Courrier ,,). 'EUROPE revue littéraire.. mensuelle Ses derniers numéros spéçiaux • ERASME, HERlZ. .. 15 F OUMAS .................... ~15 F PICASSO .................. 15 F PROUST. ................... 15 F BEETHOVEN .......... 15 F LA COMMUNE .... 1:; F J.s. AlEXIS ........... 15 F • 21, rue de Richelieu PARIS (1·') . C.C.P. 456004 Paris 29 30 [~~ ) 3 les livres La bombe ou la vie Deux gravures: l'immense champignon atomique d'une explosion nucléaire sur la couverture du livre de Jean Toulat : cc la bombe ou la vieil (1), et un enfant dans un berceau sur la plaquette (\ Un chef-d'oeuvre en péril» (conférences données par l'auteur en 1970). Livre généreux visant à renverser une idole: la bombe. Pari stupide de l'homme qui croit tenir dans la main un destin qui risque de lui échapper. De nombreuses considérations sur l'opportunité, voire l'utilité des engins nucléaires. Jeu insolite de la dissuasion et de la persuasion. La course aux armements, le commerce des armes, en particulier des cc Mirages» freine le développement économique des peuples sous-développés. Le coût de l'arme atomique nourrirait les pays du Tiers-Monde. Sans parler de l'arsenal des armes biologiques multiples , fruit de l'imagination de l'homme pervertie. L'avenir de l'espèce humaine est en jeu, nous sommes constamment sur un volcan. Ce livre est donc un appel à la vie alors que le monde actuel, par son organisation politique et militaire vise à l'asservir, et la dégrade peu à peu. La vie même de nos enfants est menacée par la radio-activité qui s'additionne peu à peu dans l'espace, sur les végétaux. Des malformations sont à prévoir, irréversibles. Les références constantes à l'Evangile donnent à l'ouvrage son unité. On peut donc y discuter certaines positions doctrinales , mais chacun le lira avec profit. Puisse l'indignation que soulève l'usage de tous moyens de destruction multiplier partout les adeptes de la Paix, parmi lesquels l'auteur exalte Gandhi, Dom Helder Camara et Martin Luther King qu'il qualifie de c( Moïse des temps modernes », Que cette' campagne soit inscrite dans le coeur de chaque homme et témoigne dans sa vie civile et personnelle. Jean-Claude ANTOK. (1) Ed. Fayard. 1789 De retour de Milan, le Théâtre du Soleil, s'est installé ' dans l'ancienne cartoucherie de Vincennes pour présenter son septième spectacle . La troupe a choisi de présenter la Révolution comme un spectacle populaire, conté par et pour le peuple. Outre (c les assis», le spectateur peut aller et venir, comme par le passé sur la place publique et le champ de foire, de plateau en plateau, regarder les actions simultanées de cette première année de révolution, Le spectacle se définit dans une option politique; son titre en est évocateur : 1789. La révolution doit s'arrêter à la perfection du bonheur (Saint-Just). Ce qui n'a pas été le cas. Et les comédiens, au-delà de la fête révolutionnaire, du bonheur passager du peuple, s'essaieront à nous montrer la récupération du mouvement populaire par les riches et les bourgeois. Pour eux, la révolution est finie, il est nécessaire de rétablir l'ordre. Et pour cela, la bourgeoisie au pouvoir se donne les moyens légaux de réprimer tout nouveau mouvement révolutionnaire , toute insurrection paysanne (loi martiale, etc.). Le peuple a servi de troupe de choc pour la bourgeoisie. La troupe d'Ariane Mnouchkine a réussi le tour de force d'être didactique sans être scolaire, claire sans être schématique , vraie sans être réaliste, de raconter des événements connus avec les rebondissements cc imprévus» dignes des meilleurs films à suspense. Ce n'est pas tous les jours qu'on vous apprend en direct que la Bastille vient d'être prise! ... Henri LAJOUS. les disques La mémoire et le temps C'était tout ce qu'avaient les prisonniers des camps, toutes ces femmes de Ravensbrück, tous ceux pour qui le manque de papier et de crayons ne fut pas une « tentation» d'oublier, une fois la guerre terminée. J'ai déjà écrit dans « Droit & Liberté» tout le bien, tout le réconfort humain que laisse l'écoute de cc la Grande Nuit Il, le disque de Jany Sylvaire sur des textes de Micheline Maurel (distribution Barclay) . Voici qu'à l'aube de cette nouvelle année la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes produit un 45 tours émouvant et sensible ou Jany Sylvaire a réuni quatre titres tout empreints de souvenirs et de pathétisme (F 100). C'est en 1933 du camp de concentration de Borqermoor que nous vint le Chant des Marais qui demeurera comme l'hymne de tous les camps présents. 1942. C'est le témoignage de Joël Holmes et Sylvain Reiner dans Il La Rue des Rosiers Il. Quelques couplets simples et si vrais que nous partageons soudain l'attente et l'angoisse des habitants du Marais. « Nuit et Brouillard Il fut cette chansonchoc de Jean Ferrat qui fit une intrusion si remarquée au cours d'une émission très cc rock» sur une chaîne périphérique et qui, contre toute attente, cristallisa l'intérêt d'une nouvelle jeunesse sur des t' problèmes que, jusqu'alors, elle ne connaissait pas trop bien. Jany Sylvaire a choisi un des derniers cc 4 à 7 » du M.R .A.P. pour nous présenter son tout récent enregistrement, et j'ai eu plaisir à la présenter au public, lui demandant de nous redire les textes de Micheline Maurel qu'elle interprète d'une façon si humaine et si convaincante. cc Dernier effort Il, le dernier titre de son disque est une création collective et spontanée des détenus de la centrale de Rennes durant la demière guerre - où passa aussi Jany Sylvaire - et qu'elle nous restitue ici avec la force d'un témoignage indiscutable . La voix de Jany Sylvaire , sait faire de ces textes un témoignage, une confidence , que l'orchestre de Charles Cremers, l'orgue de Roger-Roger et l'accordéon de Joss Baselli habillent d'échos lancinants, d'images disparues, d'harmonies inhabituelles ... La prise de son de Pierre Rosenwald est à lil hauteur des interprètes, omniprésente ,,( efficace . Bernard SANNIER-SAlABERT. ~ ~ le cinéma Va, va, mon général On ne peut que saluer la force et l'ori ginalité de ce film traitant avec humour du sujet le plus grave qui soit : l'hitléri sme. En 1943 , un Améri cain , fabuleusement riche , crée sa propre armée, débarque en Italie, se substitue à un commandant allemand , commet un attentat contre Hitler et rempile même dans le Pacifique , sous les traits d'un amiral japonais! L'hommage à Chaplin est évident , mais Jerry Lewis donne une dimension très personnelle à cette satire qui vise non seulement le nationalisme et le militarisme belliqueu x, mais aussi une société améri caine corrompue par l'argent , le gangstérisme et dominée par le matriarcat . Si son comique verbal et gestuel est . comme toujours, un peu forcé. il faut cependant s'incliner devant le polémiste courageux et le showman éprouvé qu'est Lewi s. Elridge Cleaver Black Panther Ce document saisissant, tourné à Alger par William Klein est le portrait intime et explosif d'un être passionnant et complexe, poète et révolutionnaire à la fois : le ministre de l'Information des Black Panthers. Ce long métrage , qui vise au coeur le racisme et l'impériali sme américains , a le mérite d'informer remarquablement . pour la première foi s, le public fran çai s, sur les Black Panthers. • TWO GENTLEMEN SHARING : Un noir et un blanc, deux fines fleurs de la civilisation britannique , partagent le même appartement à Londres. Les méandrl3s du racisme , les ambiguïtés de l'intégration et un terrible constat d'échec : le problème racial ne peut plus se résoudre qu'en termes de force. C'est , semble-t- il , l'opinion du réalisateur Ted Kotcheff. • lES HERITIERS : La culture , les mythes et la vocation révolutionnaire du Brésil mais aussi la chronique , sur quarante ans . d'une grande famille conservatri ce de latifundiaires, vus par Carlos Diegues. • NAISSANCE D'UNE NATION : Film raciste de D.W. Griffith mais aussi plai doyer vibrant pour le Sud. La douceur de vivre , le charme de l'ancien monde, la société esclavagiste : tout est dans cette réédition du premier chef-d' oeuvre de Griffith (1914) . Marie-France SOTTET DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 la poésie Kha'ir-Eddine Mohamed Khair-Eddine sera l'un des plus grands noms prochains de la poésie française. Moi l'aigre est sa dernière oeuvre (1). Semblable à celle de personne. Elle achève cette destruction des genres, dont je vous avais signalé à travers Agadir et Corps négatif, qu'il commençait l'ouvrage . Moi l'aigre, est à la fois poème, récit, théâtre. Poème, il participe de ce tumulte qui marque singulièrement les poèmes de Soleil-Arachnide, sèves et fièvres seulement préoccupées de croître, d'envelopper, et peut-être d'étrangler. L'insolite s'y veut insolent. Et tous les jeux verbaux sont ici convoqués à signifier. Le récit est histoire. Il précipite son rythme sur un peuple mort. Voici «les vociférations des flics et des chabakounis, hommes-criquets qui n'en finissaient plus de ravager les terres et les consciences déjà précaires Il; voici la presse : Il Un chiffon, voilà ce qu'était leur presse rampée de fautes d'orthographe et d'envies refoulées. Il cc La peur partout ... la mort qui vacille et se soûle dans l'oeil de la peur Il. Il s'écrie : Il Je l'ai fouettée, mangée, recrachée. Il Mais il avoue: Il Je ne m'en suis jamais débarrassé. Il Alors, cc Un jour vint où je crachai un vrai filon d'or: j'éjaculai un texte différent de tout ce que j'avais écrit jusque-là : un crépitement de balles et une montée de hurlements étouffés ... Je compris que je devais m'engager une fois pour toutes dans la voie de la guerilla linguistique. Il Le récit monte à l'épopée sur cette terre marocaine qui veut naître par un peuple d'hommes. Il faudrait citer des pages. Vous les lirez, Khair-Eddine définit son théâtre: cc une surface dont les hommes seront les lignes constituantes et par là même plénières Il. Mais c'est son art poétique de combat qui est : cc Un théâtre échappant à toute loi métrique ou temporelle, ouvrant les yeux aux cadavres d'hommes rongés par l'histoire ... Il La pièce se tisse en (C mouvements ». Celle d'abord du roi cruel et qui tremble ; celle ensuite des flics. Rarement érotique, Khair-Eddine le devient ici avec la puissance d'un Tropique. Il dit : Il Je me suis engagé dans un rêve sans merci. Il Et il souille l'Ordre comme la putain , femme de flic, le corps de son mari. Et c'est à partir de cette souillure que la porte secrète s'ouvre sur le socle du colonialisme et la chambre de la torture et de la trahison . Jean CUSSAT-BLANC. (1) Toute l'oeuvre au Seuil. les revues M.L. King La série Planète-Action, qui se propose de présenter les grands contemporains, consacre son quatrième numéro à Martin Luther King. Le sommaire reflète le souci d'envisager, à travers la personnalité du leader pacifiste, l'ensemble du problème qui se pose actuellement à la communauté noire : par quels moyens lutter? En tête de la livraison , on trouve une biographie de Martin Luther King qui , si elle est convenable pour la pJemière partie (jusqu'en 1964), n'en reste pas moins fâcheusement incomplète. Oublier qu'à partir de 1965, on assiste à une très nette évolution de la pensée de Martin Luther King (celui-ci prenant nettement position contre la guerre du Vietnam), c'est amputer la richesse d'une personnalité qui a voulu étendre son projet de paix à l'échelle mondiale. Heureusement, nous trouvons deux entretiens qui nous apportent beaucoup plus, l'un avec Harry Belafonte, et l'autre , surtout, avec la veuve du pasteur, Coretta Scott King. A côté de ces témoignages; figurent de bons articles, consacrés aux différents mouvements à travers lesquels la communauté noire s'est efforcée, jusqu'à présent, de lutter. L'historique des deux mouvements révolutionnaires noirs, les « Black Muslims» et les C( Black Panthers» montre bien à quelle tradition il faut les rattacher. Dès 1914, Marcus Gravey fonde l'Association Universelle pour le Progrès des Noirs (U .N .I.A .), voulant regrouper les Afro-Américains sous la double appartenance ethnique et religieuse à l'Afrique et à l'Islam , C'est dans la perspective de cette tradition qu'il faut lire l'entretien avec Mohammed Ali (Cassius Clay), dont le titre exprime assez bien une certaine attitude vis-à-vis de Martin Luther King : C( Il trahissait inconsciemment la communauté noire». Attitude assez proche de celle d'Elridge Cleaver, l'un des leaders des « Black Panthers», lorsqu'il analyse la contradiction dans laquelle s'est laissé enfermer le Dr King, cc haï et méprisé à la fois par les blancs ne désirant pas libérer les noirs et par les noirs qui, se rendant compte de l'attitude des blancs, veulent se débarrasser du leurre de la doctrine de la non-violence ». Quel langage la communauté noire va-t-elle maintenant parler? Tel est le problème sur lequel ce numéro de (C Planète » fait assez bien le point, élargissant son sommaire par un article sur le racisme en France. Jean-François DETREE. 31 ~ux Dalles et alentour Un bon début d'année UN spectacle d'une très grande qualité a marqué le début de 1971 dans l'étonnant quartier que deviennent maintenant les Halles de Paris : le merve)lleux concert du 28 janvier en l'église Saint-Eustache illuminée : trois siècles de musique vénitienne avec Pierre Cochereau et la création d'un Miserere d'A. Lotti. Il faut regretter, sur un autre plan , que « La Commune en chantant» une réalisation courageuse de Mouloudji avec la participation de Francesca Solleville et Armand l\7Iestral bien qu'annoncée , n'a it pu être présentée pour de~ raisons qui ~e sont peut-être pas uniquement materielles . Une exposition des textiles d'a meublement , cotoie rue Pi erre- Lescot une présentation de 50 sculptures de Coutelle (au 18 de cette rue) et donne à ces pavillons un caractère partic~lièrement attractif, auquel il faut adjOindre un7 visite au sous-sol du pavillon 7 , ou continuent allégrement d'exposer les artisans et brocanteurs d'art. Jusqu'au 14 février , au pavillon 11 , l'exposition nationale des Beaux-Arts précise cette nouvelle vocation artistique des Halles, Le retour du zoo Jean Richard Les fauves , les éléphants , la cavalerie et toutes les richesses animales du zoo Jean Richard retrouvent au pavillon 9 , du 9 janvier au 7 mars prochain, un décor qu' ils commencent à connaître. Jean Richard a voulu innover puisque, de 10 heures à 19 heures, chaque jour on peut , pour la première fois en France , voir le dressage et la répétition des grands numéros d'animaux qui ont fait la renommée de ce cirque . Un village à Paris C'est sous ce titre que se présente une nouvelle association pour la promotion artistique et culturelle et les métiers d'art des Halles , dont le siège est 98 , rue Rambuteau . Nous saluons avec plaisir 32 .: --' . PARIS - 1.A PO'/{TE S.JI1NT-DEN1S en /648 - Cette vieille porte . ,vue du dehors de la ville existait à cette époque auprès de Ja rivière La Grange-Batehere. cette nouvelle société qui présente , au 28 de la rue de la Grande-Truanderie , une maquette du Groupe Saint-Merry. Nombreux sont les brocanteurs , restaurants et magasins en tous genres qui, dès maintenant, ouvrent toutes grandes les portes de leurs nouveaux commerces à un public qui , déjà, prend avec plaisir et curiosité le chemin de ce nouveau centre attachant de la vie parisienne : Les Halles .. . et ses alentours. Bernard SANNIER-SALABERT. MAX-t;OIFFURE 27, rue du Pont-Neuf Paris-1 er Tél. 508-55-42 Des prix Madame Shampooing - Mise en plis ., ... , ........... .. .... ,.~ .. 1 ° F Monsieur Coupe Shampooing - Coiffage ... ... .. .. ",12 F (Service compris) Restaurant Varsovie SpéCialités polonaises 10, rue Etienne-Marcel Paris-2e Tél. : 231-74-18 Anlblan~ lHuslcaJe : Andl-é Ropsld Fermé le dimanche Près du siège du M.R.A.P. "ous trouverez - PRlSSl~G GINHH, Il, l'li(' Notre-Dame-de-Nazaroeth (3e ) - T~1. j()8-83-:i7. Travail soigné . Avec carte de fidélité. La véritable brocante Chez Suzanne, 60, rue Chapon, Paris-3" - à deux pas des Halles - une des plus anciennes brocantes de Paris. Maison fondée en 1914, Tél. : LOU. 53-98. Meubles, literie, bibelots, un choix quotidiennement renouvelé , Une visite qui s'impose. FÉVRIER· 1971 Le Prix de la Fraternité remis à Nanèy à Michel Drach VOUS prenez un excellent film, un réalisateur courageux, une artiste belle, sincère et sensible, vous y ajoutez des militants enthousiastes et efficaces, un directeur de cinéma compréhensif, vous saupoudrez le tout avec un débat épicé, de l'impatience d'un public jeune et ardent. Vous obtenez alors une soirée réussie, prometteuse pour l'avenir. C'est cette recette qui fut employée à Nancy le mardi 26 janvier au cinéma Thiers où Michel Drach, accompagné de Marie-José Nat reçut des mains du président Pierre Paraf, le Prix de la Fraternité 1970 pour « Elise ou la vraie vie», sa dernière oeuvre, adaptée d'après le roman de Claire Etcherelli (1) et présentée sur les écrans parisiens depuis le mois de novembre dernier. Dès que fut connue la date et le lieu de programmation de ce si beau film à Nancy, les responsables du comité local prirent aussitôt contact avec M. Capot, le directeur du cinéma « Thiers» qui, par sa collaboration active, leur facilita grandement la tâche ; il acceptait le principe d'une avant-première au cours de laquelle serait remis le Prix. Pendant huit jours, le comité animé tout particulièrement ' par nos amis Gandwerg, Herzberg, Jablon, Garandeau, Georgette, Rémy, etc., se livra à un intense travail de propagande : articles dans les journaux, des milliers de tracts distribués aux portes des établissements scolaires et universitaires, aux points stratégiques de la ville, contacts personnels, lettres, téléphones - dans plusieurs églises, le prêtre parlant du racisme invita ses paroissiens à aller voir le film. Bref, chacun des membres du comité se démultiplia et le 26 janvier au soir, put savourer la récompense d'un travail bien fait : une salle comble, de nombreux jeunes, de nombreux immigrés. A l'issue de la projection, Léon Herzberg, secrétaire général du comité local, prit d'abord la parole pour présenter le M.R.A.P. nancéien, et ses activités qui s'orientent autour de trois axes : l'information - films, enquêtes, conférences, articles dans la presse locale -, l'éducation DROIT ET LI BERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Le Président du M.R.A.P., Pierre Paraf remet le Prix de la Fraternité à Michel Drach. avec le soutien des enseignants et des autorités, et enfin, I~ riposte; affaire du CIDUN A TI, brasserie des Deux Hémisphères. A vant de laisser au président Paraf le soin de remettre le diplôme à Michel Drach, Léon Herzberg lança un appel à la salle : « Pour être encore plus efficace, nOUS avons besoin de toutes les bonnes volontés, de tous ceux qui partagent notre but et soutiennent notre action. Aidez-nous activement, joignez-vous à nous! » « Maintenant que l'aventure d'Elise est terminée, que retentit encore ce grand cri de vérité et d'amour, je voudrais remercier tous ceux qui sont venus vers nous », commence Pierre Paraf, qui, après avoir dressé un bref historique du M.R.A.P. et rappelé les noms des précédents lauréats, déclare à Michel Drach : « Je suis heureux de vous voir entrer dans une compagnie qui est digne de vous comme vous êtes digne d'elle ... et de vous dire avec quelle reconnaissance et quelle joie nous avons l'honneur de vous remettre le Prix de la Fraternité. » « Je ne suis pas une bête à concours et j'ai très rarement eu des prix, répondit Michel Drach, sous les applaudissements, mais celui-ci est le Prix auquel je tiens le plus. » Ensuite, avec infiniment de gentillesse et de simplicité, Marie-José Nat et Michel Drach firent front jusqu'à une heure tardive aux questions les plus diverses. Avant la projection d'« Elise ou la vraie vie », dans les salons de l'hôtel Thiers, où se déroula le cocktail de presse, M. Capot, directeur du cinéma et le comité nancéien du M.R.A.P., avaient accueilli les personnalités qui avaient répondu nombreuses à leur invitation, parmi lesquelles : MM. Magnier, représentant le préfet; Lévy et Feider, représentant le sénateur-maire; Ragot, maire adjoint de Maxeville; Blanchot, représentant M. Jacson, député; Fion, représentant M. J.-J. Servan-Schreiber, député ; le grand rabbin Cahen ; le pasteur Faure; le chanoine Karcher, représentant de l'évêque de Nancy et de Toul; le commandant Gérard, commandant le corps urbain de Nancy ; Poissonnier, du S.N.1. ; Bûnvaüot et Bertelle, secrétaires généraux de l'U.D.C.G.T.; Mme Klein, représentant le consistoire israélite de Nancy; Mme Quillot, représentant le directeur de l'Office de l'immigration; MM. Matisse, directeur du « Républicain lorrain»; Zamiché, directeur de « la Voix de l'Est» ; Mme Didry, pour « l'Est républicain» ; MM. Moussard, distributeur ; M. et Mme Lévy, de l'Union du commerce nancéien, etc ... C'est Georges Gandwerg, secrétaire du comité nancéien, qui, au cours de cette réunion, parla au nom du M.R.A.P., déclarant

« Pourquoi Nancy? Parce que nous

pouvions donner un éclat tout particulier à la remise du Prix dans notre ville, Nancy, si peu différente des autres villes où de temps à autre, se manifestent le racisme et la xénophobie et où, vigilant, notre comité intervient pour exiger l'égalité la plus totale entre les hommes, d'où qu'ils viennent, quoi qu'ils pensent, quelle que soit la couleur de leur peau. » Marguerite KAGAN. (1) Voir. Droit et Liberté. de décembre 1970 . janvier 1971. 33 - M.R.A.P. c: CONFÉRENCES, débats, meetings, expositions de photos, projections de films, interventions, démarches, actions en justice, communiqués, tract~ . affiches, diffusion de Droit & Liberté, tous les moyens, tous absolument ont été utilisés par le M.R.A.P. pendant l'année 1970. Sur sa seule initiative ou en collaboration avec des maisons de jeunes, des foyers socio-éducatifs, des lycées, des comités d'entreprise, des foyers et des organisations de jeunes, des écoles spécialisées, des étudiants, le M.R.A.P. sur le plan national et sur le plan régional par l'intermédiaire de ses comités locaux compte à son actif des centaines de manifestations et- d'actions diverses dans les directions indiquées lors de son congrès de novembre 1969. Il nous semble intéressant d'en extraire les éléments les plus significatifs qui démontrent que le M.R.A.P. est présent sur tous les fronts, quand il est question de racisme. JANVIER ® Dans la nuit du 1·' au 2 janvier, quatre Sénégalais et un Mauritanien meurent asphyxu::s, dans un « foyer» d'Aubervilliers, où ils couchaient à dix dans une pièce de 4 m2, sans chauffage, sans gaz, sans electricité, pour 70 F par mois. Aussitôt le M.R.A.P. diffuse un communiqué soulignant la lourde responsabilité des Pouvoirs' publics : « Il est inadmissible, CIl Cl ,:;! ,!!, w la levée des corps. Une large délégation se rendra au cimetière de Thiais. Les conditions dramatiques de logement des travailleurs immigrés seront d'ailleurs évoquees au cours de l'entretien accordé le l5 janvier par M. Maurice Grimaud, préfet de police, à une délégation du M.R.A.P. conduite par son président, Pierre Paraf. Le Mouvement demande d'autre part que des mesures soient prises pour mettre hors d'état de nuire, les auteurs des attentats commis contre les travailleurs algériens et des inscriptions racistes, antisémites et xénophobes qui prolifèrent sur les murs, et attire l'attention des autorités sur la vente, dans certains marchés, d'emblèmes et d'uniformes hitlériens, spécialement fabriqués à cet effet. Dans la foulée, le 18 janvier, le comité de la région parisienne se rend sur le marché de Saint-Ouen pour protester contre ce scandaleux commerce. Un mois après, le maire de St-Ouen interdisait la vente et l'exposition de ces objets. Et huit mois plus tard, le préfet de police prenait un arrêté d'interdiction dans le même sens. FÉVRIER 3 bis, impasse Saint-Jean à Saint-Denis, soixante travailleurs algériens sont menacés d'expulsion. Grâce à l'action conjuguée du M.R.A.P. (une délégation se rend sur place le 12 février) et d'autres organisations, les habitants de l'immeuble declaré en état Aux obsèques des « 5» d'Aubervilliers , immigrés et Français étaient nombreux , disait-il, que l'économie nationale, qui tire des travailleurs étrangers les avantages que l'on connaît, ne leur consente pas des conditions de vie pour le moins décentes. » Il organise, à ce propos, avec l'Union générale des travailleurs sénégalais. que dirige Sally N'Dongo, secretaire national du M.R.A.P., une conféreI}ce de presse. Enfin, le 10 janvier, le M.R.A.P. avec d'autres organisations appelle à assister à 34 de péril, seront relogés dans des locaux provisoires avant de l'être définitivement. Dès le 13 février, le M.R.A.P., en réclamant le premier l'interdiction du meeting fasciste d'« Ordre nouveau » prévu pour le 26 février à la Mutualité lance une vigoureuse campagne avec l'aide des comités locaux et du comité étudiant, campagne qui ne cessera qu'avec l'interdiction définitive du meeting par la préfecture de police. MARS Mois chargé en activités importantes car, il comprend la Journée internationale contre le racisme (21 mars) dont le thème choisi pour 1970 est le logement des immigrés et les problèmes qui s'y rattachent. Le 21 mars constitue en fait un pivot autour duquel s'organisent de nombreuses manifestations : Ainsi, le 13 mars, projection à la salle de cinéma du musée de l'Homme, de l'excellent « Etranges étrangers», numéro du magazine d'information « Certifié exact» qu'anime Roger Louis; puis le jeudi 19 mars, à l'intention des étudiants, des lycéens et des enseignants, au « Studio 43 », projections, entrecoupées de débats, de six films sur les immigrés. Le même jour, dans la même salle, se déroule une conférence de presse au cours de laquelle le M.R.A.P. rend publiques ses propositions pour une politique de la migration. Pierre Paraf, tout en mettant l'accent sur la xénophobie dont souffrent les immigrés et leurs familles, souligne la persistance de l'antisémitisme, comme en témoignent, après celles d'Orléans, du Mans, de Lille, de Toulouse, les « rumeurs» calomnieuses de Troyes et d'Amiens. Dans la nuit du 17 au 18 mars, la synagogue de Rouen est barbouillé d'inscription antisémites. Avec d'autres organisations, le comité local du M.R.A.P. appelle à une manifestation silencieuse le 25 mars devant le Mémorial des martyrs. AVRIL Grand événement du mois, la soirée de l'amitié qui le 10 avril, à la salle Pleyel, offrit un plateau prestigieux à un public nombreux, jeune, enthousiaste. Qu'on en juge : Marie-José Nat, Georges Moustaki, Serge Lama, Frida Boccara, Bill Coleman, Les Guaranis, Yvan Labèjof, Mario Branco, Maria d'Apparecida, Judith, etc., sur la même affiche. MAI Prompt à relever la tête, « Ordre Nouveau» annonce un nouveau meeting le 13 mai «( Pour un 13 mai nationaliste» en sera le thème). Le M.R.A.P. s'adresse au Premier ministre, au ministre de l'Intérieur, au préfet de police, s'associe à une délégation reçue au cabinet du préfet de police pour en demander l'interdiction. En vain! L'étalage des thèmes et slogans fascistes, l'incitation à la haine ne constituent pas semble-t-il des élements de nature à troubler l'ordre public! c: CIl Cl ,:;! Q) m Les représentants de plusieurs organisations protestent contre les relations d'amitié avec le gouvernement d'Afrique du Sud , Le 10 mai, pour protester contre la OCTOBRE guerre faite aux peuples d'Indochine, 44 organisations nationales (dont le M.R.A.P.) appellent à un vaste rassemblement au bois de Vincennes. JUIN Indésirable à Londres, à Rome, à Bruxelles, à Amsterdam, Vorster, chef du gouvernement sud-africain est reçu à Paris par le Premier minitre. Les représentants du M.R.A.P. et de plusieurs organisations se rendent le Il juin au ministère des Affaires étrangères pour exprimer leur protestation, Dans la nuit du 15 au 16 juin, à Belleville, de violents affrontements opposent des groupes de juifs et d'Arabes. Le M.R,A.P. est aussitôt sur les lieux et diffuse un appel au calme et à une cohabitation pacifique. A Nancy, au cours d'une manifestation de commerçants du C.I.D. -U.N.A.T.!., des slogans antijuifs sont proférés, Quelques jours après, la preuve est faite qu'une brasserie de la ville refuse de servir les travailleurs turcs. Le comIte du M.R.A.P. de Meurthe-et-Moselle dépose une double plainte auprès des tribunaux. A l'initiative du comité du Nord, un débat a lieu à Lille le 10 octobre sur les travailleurs imigrés. NOVEMBRE Installés depuis 1930 à Kaltenhouse près de Strasbourg, quelque cent gitans' sédentaires pour la plupart demandaien; une adduction d'eau longtemps refusée par la municipalité qui finit par céder devant l'indignation de l'opinion publique et de la presse. Préparation intensive du numéro spécial de « Droit & Liberté» destiné à être diffusé tout au long de 1971 , l'Année internationale de lutte contre la discrimination raciale. Dans ce cadre, le 19 novembre, au nom du Comité de liaison des éducateurs contre les préjugés raciaux (C.L.E.P.R.), son président le professeur M.-A. Bloch et Albert Lévy, secrétaire général du M.R,A.P. entreprennent une démarche au ministère de l'Education nationale. DECEMBRE Mois chargé en activités diverses dom nous nous contenterons de faire l'énumération car le détail est certainement encore dans la mémoire de nos lecteurs. Le 2 décembre, le jury, réuni autour du président Pierre Paraf, attribue le Prix de la Fraternité à Michel Drach pour son film « Elise ou la vraie vie ». Le 4 décembre, le M.R.A.P. écrit au président du conseil de Tchécoslovaquie pour protester contre les attaques dirigées contre d'anciens dirigeants dont on mettait l'origine juive en cause. Le 5, s'ouvre à notre siège la Vente de l'amitié. Le même jour, à Nanterre, se dèroule un colloque sur la scolarisation des enfants d'immigrés, Le 9, le M.R.A.P. intervient auprès du gouverneur Rockefeller pour que Angela Davis ne soit pas extradée en Californie où elle risque la peine de mort. Puis, à la fin de l'année, ce sont , les diverses interventions et démarches rela tives à l'affaire de Leningrad, dont nous Le même jour, 600 immigrés - dont parlons dans le présent numéro. 224 enfants - se retrouvent sans abri, le bidonville des Francs-Moisins, à SaintDenis ayant été la proie d'un violent incendie, Le M.R.A,P., réclame avec force l'amélioration du logement des immigrés. Les ((4 à '7)) du SUHlcdi JUILLET 22 travailleurs africains vivent dans deux pièces, 85, rue des Poissonniers pour 50 F par mois chacun. Le scandale est dénoncé au cours d'un meeting organisé par le comité local du 18· arrondissement, qui demande audience au préfet de Paris. La veille de la date prévue, Joseph Creitz, responsable du comité était informé que les habitants du taudis allaient être relogés. Dû à l'initiative du R.E.M. (Rassemblement de l'émigration martiniquaise) et du R.E.G. (Rassemblement de l'émigration guadeloupéenne) qu'animent respectivement Mes Manville et Hermantin. un colloque sur l'émigration des Antillais se déroule les 18, 19 et 20 juillet à Fort-deFrance, Au nom du M.R.A.P" Albert Lévy y présente une communication sur les données du racisme en France. DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Les « 4 à 7», de nouveau, battent leur plein. Depuis le 14 novembre, ces débats organisés le samedi à 16 heures au siège du M.R.A.P. (et ouverts à tous) ont abordé les sujets les plus divers et les plus passionnants

« Le Canada ... quelle issue? »

(avec des journalistes canadiens de différentes tendances), « L'Afrique du Sud et la France» (avec M· Jean-Jacques de Félice), « L'Amérique latine bouge » (avec les journalistes Jacques Arnault, J, Bailby, Catherine Lamour et un prêtre, Charles Antoine, de retour du Brésil). Le 5 décembre, à l'occasion de l'ouverture de la Vente de l'Amitié qui a connu cette année, un succès accr~, le « 4 à 7); prenait la forme d'un après-midi culturel avec Yvan Labéjof, Henry Lajous, Daniel Duteuil, Jany Sylvaire, Bernard SaunierSalabert. Le 23 janvier, nous recevions deux personnalités péruviennes, le D' YanezAguirre et le Père Juan Bonino, qui ont discuté sur le thème: « La pilule, providence du tiers monde? » avec Mme Yvonne Dornès (du Planning familial) le professeur Paul Chauchard et M. Jean Poncet, chercheur au C.N.R.S. Deux débats animés ont eu lieu sur le thème « Quitter les Antilles ... », dont un le 12 décembre au Musée de l'Homme, avec projection d'un film. Y participèrent notamment Gérard Chouchan et R. Karlein réalisateurs d'une émission télévisée port;nt ce titre, le Dr Jeanne Hélenon, Marie-Claude Céleste, journaliste, M· Fred Hermantin, Joby Fanon, Marcel Manville, Albert Lévy. Prochains débats annoncés : « Espagne : Basques, Catalans, Galiciens sous l'oppression franquiste», « Où va l'Afrique noire? » « Les juifs soviétiques», « Les Noirs et le problème blanc aux Etats-Unis», « Le racisme aujourd'hui». A celui prévu pour le 20 mars, nous espérons que nos lecteurs seront nombreux; il aura en effet pour titre

« Comment voyez-vous Droit & Liberté

? » (Pour recevoir régulièrement les programmes des « 4 à 7», envoyer 5 F au M.R.A.P. avec votre nom et votre adresse. C,C.P. 14 825 85.) 35 Sachez que _ • DEUX CONFERENCES sur le racisme ont été faites par Pierre Paraf, président du M.R.A.P., à l'école O.R.T. de Villiersle- Bel (95) et à un cercle catholique du 3 arrondissement, à Paris. • PLUSIEURS DEBATS animés par des responsables du M.R.A.P. ont eu lieu ces dernières semaines : Joby Fanon, membre du Bureau national, a présenté le film « Etranges Etrangers» aux étudiants en médecine de la Salpétrière ; Henri Citrinot, membre du secrétariat national a présenté « Derriére la fenêtre " au Foyer des Jeunes d'Epinay (93); Marie-France Sottet, membre du Conseil national, s'est rendue au Foyer des Jeunes de Villejuif (94), Mme Parmentier était l'invitée de l'Association pour la Promotion des Travailleurs étrangers, à Fontenay-sous-Bois (94) et M. Chalom, du Lycée Fénelon-Saint-Marie, où les élèves des classes terminales ont discute ou racisme. • A L'ECOLE DES MINES, Albert Lévy secrétaire général du M.R.A.P., et Sally N'Dongo, membre du secrétariat national, ont participé à un compte rendu de stages d'élèves, consacré aux problèmes des travailleurs immigrés. • UNE DELEGATION du M.R.A.P. a participé au Congrès du Mouvement de la Paix. Elle était composée de Charles Palant, vice-président, Alexandre Chil-Kozlowski, membre du Secrétariat national, Charles Ovezarek, membre du Bureau national. • A TROYES, le M.R.A.P. est intervenu. avec d'autres organisations, auprès du maire, pour que soit interdite l' utilisation de la Bourse du Travail pour un meeting du groupement fasciste «L'oeuvre française", que dirige Pierre Sidos. La location ayant été annulée, « L'oeuvre française" a appelé à une manifestation sur une place de la ville ... qui n'a pas eu lieu, faute de participants. • DANS LA PRESSE de l'Aube, ont paru plusieurs articles de notre ami Robert Pac, membre du Conseil national du M.R.A.P., dénonçant les campagnes menées contre les travailleurs immigrés. • UN TELEGRAMME demandant la vie sauve pour les six condamnés à mort de Yaoundé a été envoyé par Pierre Paraf, au nom du M.R.A.P., à M. Ahidjo, président du Cameroun. Un message d'Albert Lévy a été lu à un meeting organisé sur cette affaire à la Cité universitaire d'Antony. • A LA CEREMONIE commémorative organisée par l'Amicale des Déportés juifs, le 20 décembre, au cimetière du PèreLachaise, le M.R.A.P. était représenté par Alexandre Chil-Kozlowski, membre du Secrétariat national. Joseph Creitz, membre 36 du Bureau national, a participé au congrès du Mouvement pour le Désarmement, la Paix et la Liberté (M.C.A.A.). • APRES LA CONDAMNATION de Stangl, responsable du camp de concentration . de Treblinka, Charles Palant, viceprésident du M.R.A.P., a été interviewé par Radio Monte-Carlo. • A MONTROUGE, le comité du M.R.A.P .. en collaboration avec la Maison des Jeunes et de la Culture, et des Equipes sacerdotales, a participé à l'organisation d'une soirée sur le problème de la faim dans le monde. • LE M.R.A.P. s'est associé à la démarche faite auprès du Premier ministre par diverses organisations pour demander qu'il soit mis fin à l'aide militaire au Portugal qui mène une guerre coloniale dans les territoires africains d'Angola et du Mozambique. 1 NOTRE NAISSANCE Nous avons le plaisir d'annoncer la naissance d'Emmanuel, fils de M. et Mme LE BIHAN, de Clichy. Nous leur présentons nos félicitations et nos voeux les meilleurs. MARIAGE Nos félicitations amicales et nos souhaits de bonheur à Odile DHAVERNAS et Pierre HOUNGUE COULA, ancien collaborateur du M.R.A.P., dont le mariage a eu lieu le 21 décembre. DECES Notre collaboratrice Solange Dreyfus a eu la douleur de perdre son père, M. Qu'elle trouve ici l'expression de notre affectueuse sympathie. Nous avons appris avec émotion le décès du critique d'art Waldemar Georges, dont nous avions publié dans notre numéro de novembre l'un des derniers articles qu'il ait écrits. Rédacteur en chef de différentes revues artistiques, « L'Amour de l'Art» de 1916 à 1926, plus tard « Formes", «Art et Industrie » ... , il défend moins des styles ou des systèmes esthétiques, que le pouvoir de la création artistique. C'est ainsi qu'il consacre de nombreux écrits à La Fresnay, Matisse, Picasso, Chagall, Leger, Gromaire ... Il est également l'auteur d'études générales sur l'art, notamment «Humanisme et Universalité », «La peinture expressionniste » ... Nous déplorons aussi le décès de deux peintres amis du M.R.A.P. : Alexandre Garbell, né en 1903 à Riga (Lettonie). Le prender C'est le comité d'Argenteuil, dans le Val-d'Oise, constitué récemment à l'initiative de Robert Dubut qui a, le premier, organisé une réunion publique dans le cadre de l'Année internationale contre le racisme. Dans la salle de cinéma de l'Ecole Paul Vaillant- Couturier, plus de cent personnes étaient rassemblées, parmi lesquelles beaucoup de jeunes et un certain nombre d'enseignants. Après une introduction d'Albert Lévy , secrétaire général du M.R.A.P., les films « Négritudes " et «Derriére la fenêtre ", de Jean Schmidt, ont été projetés. Un débat a suivi sous la présidence du Dr Falk, conseiller municipal, auquel l'assistance a participé très activement. Signalons en particulier la présence de M. Dory, maire-adjoint et du Dr Lazare, conseiller municipal. Grâce aux adhésions reçues le comité d'Argenteuil, en collaboration avec ses voisins, celui de Sartrouville, en particulier, pourra développer ses a"tivités. CARNET Il arrive à Paris en 1923. Il entre à l'académie Ranson où il travaille avec Bissière. Devenu un peintre non -figuratif, il retrouve au cours de ces dix der· nières années une figuration très libre dans des compositions où le lyrisme se révèle à travers une grande science de la couleur. Christine Boumester, née en 1904 à Batavia (Java). Après un séjour en Hollande, elle arrive à Paris en 1935. Peintre lyrique et vigoureux dans ses peintures, elle rèvèle une extrême sensibilité dans ses dessins et ses gravures, oeuvres délicates et fouillées. Georges Sarotte C'est avec une très profonde émotion que nous apprenons le décès de notre ami Me Georges SAROTTE, l'un des fondateurs et le doyen de notre Mouvement. Né à la Martinique, il y a 94 ans, Georges Sarotte, qui lutta toute sa vie durant, comme avocat et comme militant, pour toutes les causes généreuses, était resté jusqu'à ces derniers temps, un membre actif et dévoué du M.R.A.P. Il avait été en particulier, l'un des ré dacteurs des propositions de la loi antiraciste, élaborée par la commission juridique du M.R.A.P., en 1958, sous la présidence de Léon Lyon-Caen, premier président honoraire de la Cour de cassation. A notre dernier congrès, il avait mis au point lês nouveaux statuts du Mouvement. IDUCAIION A LA FRATERNITE RacÏsllle, - COnnaIS pas! 1 A lecture des réponses formulées par L les élèves d'une classe de seconde d'un lycée parisien à un questionnaire relatif à leur attitude vis-à-vis des étrangers inspire maintes réfle xions. Tout d'abord le questionnaire est - il le meilleur moyen d'une prise de conscien ce véritable d'un problème au ssi délicat lorsque le sentiment de « ce qu'il convient de répondre » peut refou ler la réaction spontanée 7 Si l'on se contente de comptabili ser les réponses, on voit que les 44 élèves de la classe reconnaissent l'unanimité des droits égaux à tous les humains, quelle que soit leur couleur. (( Ils sont tout de même des hommes Il, dit l'une d'elles. 43 accepteraient plus tard d'être dirigées dans leur travail par une personne de couleur ... La 44e refuse toute direction! 31 accepteraient d'épouser un homme de couleur différente (la classe compte deux Antillai ses , une Vietnamienne , etc .). 27 élèves ont reçu chez elles des étrangers , 23 des gens de couleur (mais reçoivent-elles beaucoup de gens de leur couleur 7) La plupart sont indécises et sans conviction pour établir un ordre préférenti el parmi une liste d'amis étrangers , mais toutes sont d'accord pour refouler au dernier rang l'ami algérien . La façon dont ces jeunes filles décri vent (( les caractéristiques physiques ou morales n des Gitans, Juifs, Arabes est émouvante de naïveté . Les réponses de ces adolescentes de 15-16 ans, sont , suivant un terme à la mode la « reproduction » des stéréotypes cultivés dans le milieu familial, social , particulièrement dénigrants pour les Gitans et les Arabes . ({ Education à la fraternité» est la rubrique mensuelle du Centre de liaison ' des éducateurs contre les préjugés raciaux (C.L.E.P.RJ. Correspondance et adhésion: 29, rue d'Ulm, Paris-5e • DROIT ET LIBERTÉ - N° 299 - FÉVRIER 1971 Cependant elles avouent parfois qu'elles répètent ce qu'elles ont l'habitude d'entendre

« Comme tout le monde, et

bêtement, sottement j'ai appris que les Gitans étaient des personnes peu recommandables n. Mais elles sont parfois sensibles à « l'exotisme » des Gitans, à leur « étrangeté », à leurs dons musicaux. Une élève dit n'avoir jamais ren contré de juifs (la classe compte cinq ou six jeunes fill es juives). Une autre écrit : (( Je connais un juif n. Le problème leur est donc a priori sans objet. A l'exception d'une dizaine, toutes acceptent le mariage avec un homme de couleur. Quelques-unes hésitent (( Non, je ne pense pas que j'épouserais un homme d'une couleur différente, mais il est possible qu'un jour en rencontrant un homme merveilleux, je change d'avis n. Le problème des enfants Le bon sens Les réponses relatives au problème des étrangers travaillant en France sont sans doute les plus significatives. Une élève - une seule - refuse de voir la France devenir « la poubelle des pays étrangers Il. Le sentiment dominant est la pitié pour ces hommes I( que leur pays ne peut nourrir et qui effectuent les travaux que les Français ne veulent plus faire n. Dans plusieurs réponses , le rôle économique des travailleurs étrangers en France est très bien indiqué. La presque totalité des élèves, à l'exception de trois, met en doute la possibilité d'une « race française pure» avec des arguments de bon sens , même s'ils sont naïvement exprimés; c'est du reste le bon sens , et sauf quelques exceptions l'absence de préjugés violemment enracinés (à l'exception des préjugés anti-arabes , mais certaines s'excusent presque de les ressentir et de les exprimer) qui apparaissent dans ces réponses; une grand liberté de ton , aussi, et l'aveu sans fard d'ignorance par rapport aux caractéristiques raciales de tel ou tel groupe humain. Ce qui apparaît très nettement, c'est la confusion entre « caractéristiques raciales» issus de mariage mixte les préoccupe, (( La maman noire meurt en laissant une petite fille de deux ans, le père veut se remarier avec une blanche, qui ne veut pas accepter la petite fille, car elle était de couleur. On la met en nourrice. Le père venait la voir de temps en temps. » Une jeune Vietnamienne écrit: I( Je me marierai avec une personne de mon pays, un Vietnamien. Sinon, cela fera des mélanges et si mes enfants eux aussi se marient avec d'autres personnes de race différente le vrai sang n'existera plus... et les enfants en souffriront ... Il Soulignons que cette jeune Vietna mienne nourrit contre les Arabes les mêmes préjugés que ses ca marades françaises , et les traduit par les mêmes stéréotypes , moins dénigrants pour les Gitans ou les juifs. C'est donc bien « l'environnement social actuel 1 qui les détermine. et l'ignorance et conditions défavorables dans lesquelles vivent nombre d'étrangers et surtout les Algériens . Pas d'allusion aux travailleurs immigrés portugais, espagnols, etc., aucun mépris pour les travailleurs noirs. Mais la misère des travailleurs algériens est évoquée souvent en termes stéréotypés et interprétée comme un sous-développement culturel d'où un mépris « racial 1, et la peur avouée dans quelques réponses. Plutôt que de racisme , il s'agit plutôt de mépris, parfois teinté de pitié pour le pauvre, le mal habillé, le mal inséré dans la société . « Des Algériens choquent par leur tenue, leur manière, qui mendient dans la rue, n'essayent pas de s'intégrer à la société» . Pour conclure , cette communauté de 44 jeunes filles « plurira ciales», à l'exception de quelques-unes , ancrées dans leurs certitudes familiales , ne nous apparaît pas raciste - pleine de bons sentiments colorés parfois par des préjugés - mais surtout désireuse de perdre ces préjugés et « de ne plus répéter bêtement ce que dit tout le monde », Olga WORMSER-MIGOT. 37 1971 : A tout nouvel abonné le numéro spécial de l'Année internationale de lutte contre le racisme (3)aque lDois~ « Droit & Uberté)) __ • apporte une documentation hors pair sur toutes les questions se rattachant au · racisme; • rend compte de toute action contre le racisme en France et dans le monde; • fournit une masse d'informations, d'arguments, de suggestions à tous ceux qui entendent combattre, individuellement ou en groupe, les préjugés raciaux et leurs effets néfastes; • favorise la compréhension entre les hommes de toutes origines, la connaissance des autres peuples, de leurs cultures et de leurs civilisations ; • publie des dossiers complets et des articles d'éminentes personnalités sur les sujets les plus divers; • .constitue un «carrefour» amical , où peuvent se retrouver et s'exprimer des antiracistes venus de tous les horizons politiques et sociaux. La publication, la diffusion de Droit & Liberté, c'est la plus importante contribution qu'apporte le M.R.A.P. à l'Année internationale: la mobilisation permanente de ses dizaines de milliers de lecteurs, réunis chaque mois autour de lui dans une profonde communion de pensée, dans une volonté commune d'oeuvrer à la justice, à l'égalité, à l'amitié. Ces I,ecteurs, ils doivent, ils peuvent devenir plus nombreux, car les antiracistes sont légion en France . Avez-vous pensé à ce que vous pouvez faire , vous aussi , pour étendre l'influence, le rayonnement de Droit & Liberté? 3B M _ ._. ___ .. _... __ .. ___ ._... ___ ._ ... __ .. _._._ ... _.. _ _ ... _... _... _... _... _... _... _... _... __ .. _... _... _... _... _... _... _... _.. _ _ ... _... _... _... _... ___ ._ ... _ .... __ .. _ ... _.. _ __ ._ ..... .... ..... .... ..... .... _ ..... _.... .... __ ....... __ .... ____ ..... _._ .................. ._ ... . ___ ._ _____ ._ .. __ .. __ .. ___ .. ._ .. ____ ... _.. .... _... ........ _.. ...... _... _... _.. . __ .. _.. _ ._._ .. _... .. _._._ ..... __ ..................... _.. ...... __ .. _.. . _.. __ .. _._ ......... ... .. _... ..... __ ....... _ ..... _... . _.. _ ... . ._ ....... _ ... ... .. __ .. ... . _... . _ .. (Nom et adresse) vous prie de trouver ci-joint le montant de .................. __ abonnements annuels (25 francs l'un) à Droit & liberté, à l'intention des personnes suivantes Noms Adresses Je vous communique également une liste de pe rsonnes à qui pourraient être utilement envoyés des spécimens gratuits de Droit & Liberté. ~Règlement à Droit & liberté, 120, rue Saint-Denis, Paris-2", par chèque bancaire ou postal : C.C.P, 6.070 .. 98 Paris.! DROIT ET LIBERTÉ - N" 299 - FÉVRIER 1971 39 d- I

Notes

<references />