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Sommaire du numéro

n°200 de octobre 1998

  • Edito: La vérité sur le 17 octobre 1961 par Mouloud Aounit
  • Code de la nationalité: naître et devenir français aujourd'hui par Sophie Pisk et Nina Ventura
  • La torture et les disparitions par Guy Aurenche (A.C.A.T.)
  • L'embargo contre l'Irak: jusqu'où? Par Caroline Andréani
  • 17octobre 1961: un procès historique par Pierre Mairat

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l 1 l LJ SOMMAIRE Orolb humains A propos de la torture et des disparitions Guy Aurenche Les 50 ans du MRAP Recherchons archives et témoignages Albert Lévy International L'embargo contre l'Irak Caroline Andréani Procès 17 octobre 61 Pierre Mairat 4 6 7 8 Octobre 1998 - N° 200 Code de la nationalité NAÎIREEI OEVENI F NÇAIS AoJO R 01 Annoneas 9 Immigration 1 Education Chrono 10 Réseau européen des ONG antiracistes Chérifa Benabdessadok. Bibliothèque Demiéres pattltions Eric lathière-Lavergne, 12 Les nouvelles dispositions sur la nationalité ont été adoptées par l'Assemblée nationale le 16 mars 1998 et sont entrées en vigueur Laurent Canal, Chérifa B. le 1·' septembre. Sophie Pisk et Nina Ventura présentent les principales modifications de cette législation. r:r pages 28/3 ~ la vérité sur le 11 octobre 1961 Décidément, les pages sombres de l'Histoire de France, notamment autour des événements du 17 octobre 1961, ne se tournent pas aisémcnI. Malgre la mobi lisation pour sortir cette page tragique des oubliettes de l'Histoi re, les tenants de la ligne officielle restent encore tenaces. Ainsi, notre ami Jean-Luc Einaudi, auteur de « La bataille de Paris, 17 octobre 1961 » est accusé de « diffamation envers un fonctionnaire public » pour avoir écrit dans un article du Monde

« je persiste et je signe. En octobre 1961, il Y a eu à Paris

un massacre perpétré par les forces de l'ordre agissant sous les ordres de Maurice Papon ». Ce dernier estime la réparation à un million de francs. Cette plainte cst une manoeuvre d'intimidation manifeste contre tous ceux qui, depuis des années, n'ont eu de cesse de se mobiliser pour la justice et la vérité. Comme l'écrit (pages 8 et 9) Pierre Mairat, avocat d'Einaudi, il faudra faire de ce procés un moyen pour avancer vers la vérité sur le 17 octobre 1961. Tenace est aussi la vérité officicllc exprimée dans un rapport partiel et partial de M. Mandelkem. Il s'autorise, à notre plus grande surprise, à jeter à l'opinion publique des chiffres sans que les chercheurs el les historiens aient eu la possibilité de faire leur travail. Au nom de la justice, pour que la vérité sorte des archives, plus que jamais notre devoir de mobilisation pour la mémoire se poursuit. Aussi , 37 ans après ce qu'il convient de considérer comme un crime contre l'humanité, notre mobilisation ne saurait faiblir. Sans haine, sans esprit de vengeance, il faudra un jour regarder plus largement ce rapport opaque entre la France et sa période coloniale .• Moulaud Aounit Il Code de la nationalité NAÎTRE ET DEVENIR FRANÇAIS AUJOURD'HUI d'origine de ses parents et est revenu en France avant sa majorité, de ne pas perdre son droit à la nationalité française. Pour faire constater qu'il a acquis automatiquement la nationalité française à sa majorité, il est conseillé au jeune de solliciter dès ses 18 ans un certificat de nationalité française auprès du tribunal d'instance de D son domicile. ANS L'INTRODUCTION à son rapport devant la Commission des lois, Louis Mermaz rappelait le souhait exprimé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale de « rétablir le droit du sol» : « La France, vieux pays d'intégration républicaine, s'est construite par sédimentation, creuset donnant naissance à un alliage d'autant plus fort que ses composants étaient divers et nombreux ». Le Premier ministre confiait alors à Patrick Weil le soin d'élaborer une étude sur les conditions d'application du principe du droit du sol pour l'attribution de la nationalité française. La majorité des propositions émises dans ce rapport ont été intégrées dans le projet de loi déposé à l'automne dernier devant le Parlement, et adoptées le 16 mars 1998. Cette loi est entrée en vigueur le 1 er septembre dernier. Elle apporte des améliorations par rapport aux dispositions issues de la réforme du 22 juillet 1993, notamment par la suppression de la procédure de manifestation de volonté de devenir Français. Mais contrairement à nos voeux, cette loi ne consacre pas le principe du droit du sol, et n'apporte pas de modifications conséquentes des autres modes d'acquisition de la nationalité française. Les principales dispositions de la nouvelle loi ont trait à l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance en France (1), à la déclaration de nationalité française à raison du mariage (II), à l'aménagement de nouvelles règles relatives à l'instruction des demandes de naturalisation ou de réintégration (III) et à la preuve de la nationalité française (IV). 1 - L'ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE À RAISON DE LA NAISSANCE EN FRANCE L'application intégrale du principe du droit du sol, qui implique que tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française dès sa naissance, n'a jamais prévalu en droit français. En effet, l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance en France n'était pas de « plein droit », puisqu'elle restait soumise à des conditions plus ou moins strictes de résidence. Ainsi, avant la réforme de 1993, le jeune devait justifier de sa résidence continue en France entre l'âge de 13 et 18 ans. Inspirée du principe selon lequel la N ::ition n'existe que par l'adhésion formelle de l'ensemble de ses membres, la réforme de 93 a obligé les jeunes nés en France à manifester leur volonté d'être Français entre l'âge de 16 ans et 21 ans. Cette procédure a constitué un obstacle à l'intégration de bon nombre d'entre eux qui sont restés étrangers sans le vouloir en raison d'une carence importante d'informations, notamment sur l'âge limite de manifestation de volonté d'être Français. De plus, des enquêtes ont révélé de nombreuses disparités dans l'instruction des dossiers d'un tribunal d'instance à l'autre, ce qui a conduit à une rupture du principe d'égalité. • L'acquisition automatique La loi du 16 mars 1998 permet désormais au jeune né en France de parents étrangers de devenir français à sa majorité s'il justifie de cinq années de résidence en France pendant une période continue ou discontinue depuis l'âge de Il ans (article 21 -7 du Code civil). Ainsi, le jeune restera étranger en principe jusqu'à ses 18 ans dans la me- Enfin, pour éviter que le jeune étranger ne rencontre durant sa minorité des difficultés à l'occasion de déplacements hors de France, le législateur a institué un titre d'identité républicain. Mais la délivrance de ce document est soumise à la régularité du séjour des parents de l'enfant. Cette restriction est contestable puisqu'elle tend une fois de plus à réserver le sort d'enfants à la situation administrative de leurs parents. • L'acquisition anticipée Dès l'âge de 16 ans, le jeune pourra obtenir par déclaration la nationalité française à condition de résider en France depuis cinq années à compter de l'âge de Il ans (article 21 -11 alinéa 1 du Code civil). A compter de 13 ans, les parents étrangers d'un enfant né en France peuvent avec son consentement effectuer une déclaration de nationalité française si cet enfant réside habituellement en France depuis l'âge de 8 ans (article 21 -11 alinéa 2 du Code civil). Les parlementaires ont refusé de revenir sur la législation antérieure à celle de la loi du 22 juillet 1993, qui permettait aux parents répondant à une condition de résidence en France d'effectuer dès la naissance de leur « La France, vieux pays d'intégration républicaine, s'est construite par sédimentation, creuset donnant naissance à un alliage d'autant plus fort que ses composants étaient divers et nombreux. » enfant une déclaration de nationalité française en faveur de leur enfant. • Régime transitoire Pour limiter les bouleversements générés par cette réforme, le législateur a prévu un dispositif transitoire pour les jeunes nés en Fran- Lionel Jospin sure où le législateur a refusé de consacrer pleinement le principe du droit du sol. Cependant, la preuve de la résidence en France est plus facile désormais à rapporter qu'elle ne l'était sous l'empire de la loi de 1973, puisqu'elle s'étale sur une période plus longue (de Il à 18 ans, au lieu de 13 à 18) et qu'il n'est pas exigé une résidence continue. Cet assouplissement permettra enfin au jeune né en France, qui a été contraint au cours de son adolescence d'aller vivre quelques années dans le pays Différences n° 200 octobre 1998 ce âgés de plus de 16 ans et de moins de 21 ans (article 33 de la loi du 16 mars 1998). Ceux d'entre eux qui remplissent à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit dès le 1 er septembre 1998, la condition de résidence de cinq années pourront réclamer la nationalité française par déclaration souscrite devant le tribunal d'instance de leur domicile. Ceux qui n,e justifient pas de cinq années de résidence en France au moment de l' entrée en vigueur de la loi pourront dès qu'ils rempliront cette condition, mais avant leur 21 ème anniversaire, effectuer une déclaration devant le juge d'instance. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux majeurs ayant fait l'objet de condamnations pénales pour des faits graves visés à l'article 21 -8 dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1993. Il semble que le législateur ait omis de prendre en considération la situation de certains jeunes nés en France qui ne remplissent pas encore la condition de cinq ans de résidence pour effectuer leur déclaration de nationalité française, et qui ne répondent pas aux critères posés par la législation sur le séjour pour obtenir un titre de séjour. En effet, la loi ouvre un droit à un titre de séjour aux jeunes nés en France qui justifient de 8 années continues de séjour en France et de 5 années de scolarité dans un établissement français (article 12 bis 8° de l'Ordonnance du 2 novembre 1945) et à ceux qui sont entrés en France avant l'âge de 10 ans et s'y sont maintenus (article 12 bis 2° de l'Ordonnance du 2 novembre 1945). Or, dans la mesure où la loi impose à tout étranger maj eur d'être en possession d'un titre de séjour, ces jeunes ayant vocation à devenir français seront susceptibles d'être reconduits à la frontière. • Retour au principe du double droit du sol en faveur des Algériens Les dispositions développées ci-dessus ne concernent pas les enfants d'Algériens, qui relèvent depuis l'indépendance d'un régime dérogatoire. La loi du 22 juillet 1993 avait soumis l'acquisition de la nationalité française des enfants nés en France après le 1 er janvier 1994 de parents algériens nés avant le 3 juillet 1962 à la régularité de la résidence de ces derniers. La loi du 16 mars 1998 vient supprimer cette condition et par là restaure le principe du double droit du sol. Ainsi, les enfants nés en France après le 1 er janvier 1963 de parents algériens nés avant le 3 juillet 1962 sont français dès la naissance. • Enfants nés en France de parents nés sur un territoire anciennement sous souveraineté française En revanche, le législateur n'a pas rétabli le principe du double droit du sol, abrogé lors de la réforme de 1993, en faveur des enfants nés en France de parents nés sur un territoire anciennement sous souveraineté deI 'Etat français. S'ils sont nés ilprès le 1 er janvier 1994 de parents nés avant l'indépendance de leur pays, ces enfants ne sont plus français dès la naissance. " - L'ACQUISITION DE LA NATIONALITE FRANÇAISE À RAISON DU MARIAGE La loi du 22 juillet 1993 avait porté de six mois à deux ans le délai au terme duquel une e) conjoint( e) de Français( e) pouvait déclarer sa nationalité française. Ce délai n'était plus exigé si le couple donnait naissance à un enfant. La loi du 16 mars 1998 ramène à un an la durée du mariage requise pour accéder à la nationalité française et maintient la suppression du délai en cas de naissance d'un enfant issu du couple. 111- L'INSTRUCTION DES DEMANDES DE NATURALISATION Ce mode d'acquisition de la nationalité française a fait l'objet de nombreux rapports dénonçant l'arbitraire et la lenteur avec lesquels ces demandes étaient instruites. La loi du 16 mars 1998 vient apporter quelques correctifs, notamment en imposant à l'administration d'instruire les demandes dans un délai donné. Ainsi, l'article 21-25- 1 du Code civil prévoit qu'à compter de la remise du récépissé, attestant le dépôt de l'ensemble des documents, le Ministère chargé des naturalisations aura 18 mois pour se prononcer sur la demande ( ce délai ne pouvant être qu'exceptionnellement allongé de 3 mois). Cependant, aucune sanction n'a été prévue par le législateur en cas de non-respect de ce délai. Devra-t-on alors estimer que le silence de l'administration durant plus de 18 mois équivaut à un refus implicite pouvant être contesté dans un délai de deux mois par la voie gracieuse ou contentieuse ? Cette solution dérogerait au principe selon lequel le silence de l'administration durant plus de quatre mois à la suite d'une demande équivaut à un refus implicite. Le tribunal administratif de Nantes avait en effet reconnu que le silence conservé par le ministère chargé des naturalisations durant plus de quatre mois valait refus implicite de la demande (TA Nantes, 22/10/96 - Bouraib cl ministère des affaires sociales). Or, il est évident qu'une telle décision, si elle avait été confirmée par le Conseil d'Etat, aurait entraîné des conséquences importantes pour l'administration qui ne s'est pas donnée les moyens d'instruire les dossiers dans un délai raisonnable. Parmi les innovations tendant à améliorer Différences n° 200 octobre 1998 Code de la nationalité les relations entre les usagers et l' administration, figure la possibilité pour les postulants à la naturalisation de consulter leurs dossiers administratifs (article 26 de la loi du 16 mars). Ce droit d'accès permettra aux intéressés d'avoir connaissance des arguments ou des documents ayant fondé le rejet de leur demande. Il n'est pas rare, en effet, que l'administration oppose un refus sur la base d'une motivation évasive ou d'un prétendu rapport ou procès-verbal de police dont les intéressés n'ont pas eu connaissance. IV - LA PREUVE DE LA NATIONALITÉ Jusqu'à la loi du 16 mars 1998, seules les mentions relatives à l'acquisition et à la perte de la nationalité étaient portées sur les actes de naissance. Désormais, toute délivrance d'un certificat de nationalité devra également figurer en marge de l'acte de naissance (article 28 du Code civil). La nouvelle loi permet également aux intéressés de demander aux services d'état-civil d'inscrire les données précitées sur leur extrait d'acte de naissance ou leur livret de famille (article 28-1 du code civil). Ces nouvelles dispositions ont pour but de faciliter la preuve de la nationalité française et devraient donc simplifier la délivrance ou le renouvellement de la carte nationale d'identité française. En effet, malgré deux circulaires du ministère de l'Intérieur explicitant les cas où les personnes sont dispensées de présenter un certificat de nationalité française pour la délivrance ou le renouvellement de leur pièce d'identité, les préfectures continuent d'exiger systématiquement la production de ce document. Globalement, cette réforme apporte des améliorations notables en matière d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance en France ou du mariage avec une e) Français( e). Mais le MRAP attendait une réforme plus audacieuse. Il espérait notamment que le législateur consacre, au nom du respect au principe d'égalité, le droit pour tout enfant né en France de parents étrangers de se voir attribuer la nationalité française dès la naissance. En outre, une politique d'intégration plus ambitieuse aurait dû conduire le gouvernement à faciliter la naturalisation des titulaires d'une carte de résident installés de longue date en France .• Sophie Pisk et Nina Ventura • Il Les droits humains À PROPOS DE lA TORTURE ET DES DISPARITIONS Les associations d'exilés et de défense des droits de l'Homme travaillent ensemble depuis deux ans sur le problème de la torture et des disparitions forcées de personnes gardées à vue. Une première rencontre internationale s'est déroulée à Istanbul (1). Nous reproduisons ici l'intervention de Guy Aurenche, avocat et président de la Fédération internationale de l'ACAT (Action des chrétiens contre la torture), au cours d'une rencontre organisée par le MRAP au mois de juin à Paris. Réflexion et arguments (2). AFIN D'AIDER CHACUN, individuellement et en association, à mieux trouver sa place dans la lutte contre la torture, et tout spécialement contre le phénomène des disparitions à travers le monde, il est utile de rappeler quelques éléments caractéristiques de ces deux phénomènes qui déshonorent l'humanité. 1 - Une interdiction unanime considérée par toutes les communautés de pensée humaine comme le geste inhumain par excellence. Il ne s'agit pas de faire une graduation dans les atrocités dont l 'humanité est victime, mais de repérer dans l' acte tortionnaire ses caractéristiques de totale inhumanité. Torturer quelqu'un, c'esttordre son esprit, tout en le laissant en vie. C'est atteindre le plus intime de la personne à travers des procédés physiques ou psychiques. C'est mettre en cause le coeur même de la liberté et de la volonté humaine. Tordre un individu, le torturer, c'est refuser ce qui fait que l'autre est différent de moi. On torture pour exiger l'aveu, 2 - Une réalité universelle Malgré cette interdiction, la torture est pratiquée dans près des deux tiers des pays du monde. La pratique est systématique. Elle vise tous les opposants de quelque nature qu'ils soient: politiques, religieux, intellectuels, ou même seulement les personnes qui seraient susceptibles de penser autrement. La campagne tortionnaire développée par certains pays vise à terroriser une population afin que celle-ci ne se permette même plus de poser des questions à l'autorité. Il n'y a pas de monopole géographique ni idéologique pour la torture. On constate qu'elle est pratiquée aujourd'hui dans toutes les sphères idéologiques. L'histoire démontre qu'aucune idéologie ni aucun système po li tique n'est à l'abri de la torture. Les pays, dits démocratiques, ne font pas exception à cette règle. La France, y compris dans un passé récent, a connu la torture. Bien souvent par ses relations diplomatiques, ses choix économiques, ses soutiens politiques, elle encourage nombre de pays tortionnaires. Les procédés tortionnaires n'ont pas lieu d'être décrits ici. A mon avis, seules les victimes peuvent en parler. Nous risquons facilement d'être des voyeurs. Par contre nous pouvons réaffirmer la triste variété des moyens utilisés pour tordre un indi vidu

moyens physiques de plus en plus perfectionnés,

procédés psychiques à base de médicaments ou d'autres traitements, lava- Ce n'est pas simplement la manie du juriste qui me fait commencer par l'interdiction juridiquement proclamée à travers le monde à l'égard de la torture et des phénomènes des disparitions forcées. Trop souvent nous laissons dire que la torture serait admise dans certains cas exceptionnels. Il s'agit là d'une contrevérité. Tous les textes internationaux, de nombreux textes nationaux, interdisent la torture dans quelque circonstance que ce soit. Aucune exception n'est envisagée. Le règlement de discipline général des Armées françaises, la Convention européenne des droits de l'Homme, le Pacte international sur les droits civils et politiques, autant de textes qui interdisent absolument la torture en précisant qu'aucune exception n'est envisagée, et que celui auquel 1 'ordre a été donné de torturer se doit de désobéir. La Convention internationale contre la torture (1984) précise clairement que l'ordre donné ne saurait en aucun cas constituer une excuse pour celui qui s'est cru obligé de l'exécuter en torturant. c'est-à-dire ma propre vérité. On torture pour « C'est le refus de l'altérité qui caractérise le geste tortionnaire. » Pourquoi l'unanimité sur cette interdiction ? Sans doute parce que la torture est contraindre l'autre à penser comme je veux qu'il pense. On torture pour effrayer une population afin que celle-ci ne pense plus et qu'elle obéisse aux slogans officiels. C'est le refus de l'altérité qui caractérise le geste tortionnaire. C'est là aussi que se trouve le degré maximal dans l' inhumanité, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour l'humanité. Refuser la différence, à quelque niveau que ce soit, c'est condamner toute relation humaine à un échec, c'est interdire tout progrès dans la communauté humaine. La lutte contre la torture n'est donc pas un gadget pour activiste inoccupé. Elle doit mobiliser tous ceux et toutes celles qui se préoccupent de l'avenir de l'humanité. Différences n° 200 octobre 1998 ges de cerveau psychologues, soit individuels soit collectifs. Les tortionnaires sont aussi bien ceux qui exécutent directement l'acte de torturer, que ceux qui en donnent l'ordre. Ces tortionnaires se trouvent également parmi les professions qui de près ou de loin participent ou tolèrent l'acte tortionnaire. Ainsi en est-il de nombreuses professions médicales puisque l'on sait que souvent les torturés sont suivis médicalement afin que le bourreau« n'aille pas trop loin ». Il s'agit aussi des juristes, magistrats ou avocats, qui sont en contact direct avec les personnes qui ont été torturées et qui n'en tirent pas souvent les conséquences nécessaires. Il s'agit bien sûr du personnel pénitentiaire. Il faudrait également classer parmi les tortionnaires les fabricants d'engins de torture dont nous verrons plus tard qu'ils se modernisent hélas. Enfm, n'y a-t-il pas une certaine responsabilité tortionnaire dans une opinion publique qui se tait alors qu' elle a connaissance des faits? 3 - Quelques éléments d'évolution Cette triste pratique tortionnaire, qui continue selon des modalités« traditionnelles» en utilisant les coups, les blessures directes, la faim, la peur, connaît hélas une évolution par de nouveaux moyens. Il y a tout d'abord la psychiatrisation du phénomène tortionnaire. Connu dès la seconde guerre mondiale, ce phénomène s'est répandu. Qu'il s'agisse des anciens hôpitaux psychiatriques soviétiques, des camps de rééducation chinois, des cellules d'isolement sensoriel que certains de nos pays européens démocratiques ont connues, des lieux de rééducation fréquents en Amérique latine (la prison de Libertad en Uruguay pendant la dictature). Ce phénomène de psychiatrisation de la torture ne laisse pas de trace physique apparente. Pour déceler la torture, il faut utiliser de nouvelles méthodes. C'est ce que font d'ailleurs les nouveaux centres de soins aux victimes de la torture qui doivent mettre sur pied des mécanismes de repérage de celleci beaucoup plus perfectionnés. Un autre aspect de l'évolution est l'usage d'appareils électriques de plus en plus perfectionnés. En particulier, autour de l' électricité, s'est développée toute une triste panoplie d'outils directement utilisés par le tortionnaire. Dans l'évolution des méthodes, il faut également insister sur l'usage beaucoup plus systématique du viol des femmes ou des enfants. Cet acte inhumain a toujours été pratiqué, mais il semble être utilisé aujourd'hui d'une manière systématique et programmée non seulement pour blesser gravement les victimes, mais pour « avilir» toute une population qui se sent déshonorée. Il ne faut pas oublier, comme le signalait le philosophe Paul Ricoeur, que l'un des moyens de la torture, et l'un de ses buts également, est l'humiliation la plus profonde qui casse un individu ou un peuple. Les violences sexuelles, tout particulièrement les campagnes systématiques de viol, ont cet effet. Un autre aspect de l'évolution des méthodes tortionnaires est la multiplication des massacres qui atteignent des dizaines de milliers de personnes, qui sont réalisés par des foules suffisamment préparées psychologiquement pour se conduire littéralement comme des bêtes. Nous l'avons tristement constaté dans les drames de l'ex Yougoslavie ou des Grands lacs africains. Il ne s'agit plus d'un acte individuel, certes dramatique, mais d'une pratique collective pour la réalisation de laquelle des groupes de meneurs réussissent à entraîner des populations entières en déchaînant ce qu'il y a de plus barbare en elles. Un autre élément de l'évolution: la pratique des disparitions forcées. Il a toujours été fréquent qu'un pouvoir tente de faire disparaître ses opposants, mais l'on a constaté, tout particulièrement dans les années soixante, la multiplication de ce phénomène. Certaines ONG y ont vu la réponse que les gouvernements apportaient aux campagnes très organisées d'associations contre la torture. Lesdites associations dénonçaient des cas particuliers, en donnant des noms, citant des lieux et des responsables. En utilisant la technique des disparitions, les gouvernements dictatoriaux ont pu tenter de se décharger de toute responsabilité et empêcher les associations de donner des précisions sur le cas. Il a fallu qu'une réaction universelle, initiée principalement par plusieurs groupes de résistance latino-américains au départ, pour que les NationsUnies émettent une Les droits humains ces disparitions. En cela, le phénomène des disparitions forcées rejoint le mécanisme tortionnaire dans sa radicalité. 4 - L'anonymat des nouveaux responsables Il semble nécessaire de souligner cette apparence d'anonymat. Les Etats, toujours soucieux de leur image de marque, conscients de l'efficacité de certaines campagnes de dénigrement menées contre eux par les ONG, font faire la besogne par des groupes parallèles, difficilement repérables. Il s'agit aussi bien des anciens escadrons de la mort qui font le maximum pour couper tout lien avec l'autorité officielle, que des groupes paramilitaires dont l'armée officielle dit qu'elle n'est pas responsable, des mafias généralement très liées au monde de la drogue ou du blanchiment de l'argent et utilisent systématiquement la technique de la torture ou des disparitions. Face à cette apparence d'anonymat, il convient de rappeler à tout Etat, ou à toute personne qui prétend exercer le pouvoir étatique, qu'il est responsables des pratiques illégales réalisées par des groupes sur le territoire de sa juridiction. Il convient également d'accentuer la lutte contre l'impunité dont bénéficient généralement ces commandos parallèles. Lorsqu'un responsable de tortures ou de disparitions a été arrêté, il est important • déclaration internationale contre les disparitions forcées qui rappelle que l'Etat, ou tout groupe qui prétend exercer le pouvoir en son nom, est responsable du « Refuser la différence, à quelque niveau que ce soit, c'est condamner toute relation humaine à un échec, c'est interdire tout progrès dans la communauté humaine. » sort subi par toute personne se trouvant sur son territoire. Les Etats ne peuvent plus aujourd'hui faire semblant de ne plus savoir où sont passées les personnes qu'ils ont en réalité fait disparaître. Ces disparitions touchent près de cinquante pays dans le monde aujourd 'hui. Non seulement elles aboutissent généralement à la mort de la personne, mais encore elles ont comme but de créer un immense traumatisme dans les familles et les communautés d'où les disparus étaient issus. En effet, ces communautés ne peuvent même plus faire le deuil de leur victime. Elles vivent dans une attente macabre et gravement traumatisante. C'est ce traumatisme qui est recherché par les auteurs de Différences n° 200 octobre 1998 d'exiger de l'Etat qu'il le punisse. En refusant cette punition, en assurant l'impunité à certains de ces responsables tortionnaires, l'Etat dévoile alors sa complicité directe avec les groupes qu'il prétendait par ailleurs ne pas connaître. La lutte contre l'impunité n'est donc pas un accessoire, mais un élément essentiel non seulement au regard de la justice en général, mais au regard des prétendues pratiques anonymes. Cet anonymat apparent pose à tous les défenseurs des droits humains le difficile problème du pouvoir. Qui aujourd'hui exerce véritablement le pouvoir dans nos sociétés ou sur la planète? Nos analyses rJF Les droits humains (suite de la page 5) anciennes sont très vite dépassées. Il est clair que des marionnettes sont mises en avant dans les structures politiques oujuridiques. En réalité, elles n'exercent pas le pouvoir qui est entre les mains de groupes secrets. Il y a donc une lutte à mener, en particulier à travers le droit à l'information, à la presse, pour repérer les véritables responsables. 5 - Une opinion publique qui consent S'il est évident qu'il existe à travers le monde tout un réseau d'associations et de groupes qui refusent la torture et luttent contre les disparitions, il n'est pas inutile d'attirer l'attention sur le consentement tacite d'une partie de la population à l'égard de mauvais traitements. Dans certaines catégories de la population, l'on n'hésite pas à choisir les bons ou les mauvais torturés. On fermera alors les yeux lorsque la victime est d'un camp qu'il faut abattre. Cela est vrai des familles politiques, idéologiques ou religieuses. Toute lutte contre la torture et les disparitions exige une pluralité de réflexion et d'action, car nous risquons toujours, inconsciemment, d'être plus tolérants à l'égard de gestes pourtant condamnables, commis par des personnes de notre bord. Le consentement d'une partie de la population provient également d'un phénomène psychologique de discrimination ou de déshumanisation dont certains groupes sont l'objet de la part du pouvoir. Le pouvoir, avec des méthodes extrêmement modernes, crée le sentiment dans la population que tel parti, telle ethnie, tel groupe, n'est plus un être humain, et qu'il ne mérite plus d'être protégé. Les nazis avaient utilisé cela à l'égard des homosexuels, des Tziganes, préparant ainsi la population allemande à fermer les yeux sur le massacre des juifs. Il est fréquent que la conscience d'une partie de la population ait été endormie par une campagne de déshumanisation ou de dénigrement menée à l'encontre d'une autre partie. Les ONG devront être extrêmement vigilantes pour dénoncer tout phénomène de discrimination dans quelque ordre que ce soit. Parfois, l'opinion publique se tait parce qu'elle a peur, ou parce qu'elle estime que les autorités ne font pas le nécessaire. Ainsi en est-il des phénomènes de lynchage à mort des voleurs, dans certaines capitales pauvres. La population, constatant que la police incapable ou corrompue ne fait rien, laisse lyncher et abattre sur place ceux qui sont considérés comme des voleurs. Admettre de telles pratiques, c'est laisser se développer dans la conscience un sentiment parfaitement contraire à l'idée d'Etat de droit et de dignité de toute personne humarne. Le consentement de l'opinion publique est parfois obtenu par des justifications idéologiques, religieuses, traditionnelles, contre lesquelles il est extrêmement difficile de lutter. On retrouve ici les phénomènes de déshumanisation, dont l'origine est cette fois-ci la tradition, la prétendue coutume. La lutte est alors difficile car les arguments rationnels ne suffisent plus. Il faut tenter de revenir à l'essentiel, au coeur même de la personne humaine, en montrant, à ceux ou celles qui seraient tentés de se taire, qu'ils mettent en péril leur propre avenir par un tel silence. En effet, pourquoi ne seraientils pas les futures victimes de ces phénomènes de déshumanisation qui conduisent à la torture ou aux disparitions forcées? Ce phénomène de consentement tacite d'une partie de la population exige que nous intervenions massivement et efficacement dans le domaine de l'éducation à la base, et non pas seulement dans celui des grandes déclarations. 6 - L'alliance avec une opinion publique mondiale Avant de réfléchir à ce que nous pouvons faire pour lutter contre la torture dans des situations précises que nous connaissons plus spécialement, il semble utile de rappeler que nous devons veiller à situer notre action ponctuelle et locale dans le cadre d'une alliance mondiale. La grande nouveauté du xxe siècle, et en particulier en cette année du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, est que le courage de quelques-uns, sur place, peut être accentué et amplifié par l'aide apportée par tout un réseau mondial. Aujourd'hui des groupes de résistances, des ONG, existent partout. Ils ont les moyens de communiquer. Il faut donc veiller à donner à chaque combat local contre la torture ou les disparitions, une véritable dimension internationale. C'est en prenant toute la dimension de la force supplémentaire que donne cette alliance mondiale, que nous renforcerons nos combats locaux qui restent bien évidemment les gestes les plus nécessaires .• Guy Aurenche 1) Cf. Compte-rendu d'Alain Callès Différences n° 176 juillet 1996 (2) Le titre original de cette intervention est: « Eléments de réflexion sur l'évolution des phénomènes tortionnaires et des disparitions à travers le monde ». Les inter-titres sont de la rédaction. Les 50 ans du MRAP : à vos archives! à vos mémoires! L'an prochain - très bientôt -le MRAP aura 50 ans d'existence. Il est prévu de publier un livre relatant l'histoire de ce demi-siècle de luttes contre le racisme. L'équipe chargée de le réaliser, sous la direction d'Albert Lévy, ancien secrétaire général du Mouvement, souhaite rassembler à cet effet un maximum d'informations sur les comités locaux. Il leur est donc demandé de faire parvenir le plus rapidement possible les éléments significatifs en leur possession: - quand, comment, en quelles circonstances, par qui le comité a-t-elle été créé? ses traits caractéristiques et ses évolutions; - ses principales initiatives, les succès et les faiblesses, les projets actuels; -les documents (tracts, les succès et les faiblesses, les projets actuels; -les documents (tracts, brochures, journaux, coupures de presse, affiches, photos .. . ) reflétant les actions réalisées. Et tous comptes rendus, témoignages, souvenirs de militants présents et anciens. La même demande concerne les Commissions nationales et locales. Il faudra préciser sur l'enveloppe d'envoi: « Livre du cinquantenaire ». Les documents reçus seront retournés après utilisation. Le temps presse ! Différences n° 200 octobre 1998 l'EMBARGO CONTRE l'IRAK: JUSQU'OÙ il Depuis sept ans, l'Irak est soumis à un blocus d'une rare rigueur. Les effets sur la populations sont catastrophiques. Chronique commentée. EN 1990, àlasuite de l'invasion du Koweit par l'Irak, les médias français décrétaient, pour conditionner l'opinion publique, que l'Irak était la quatrième puissance militaire mondiale. Malgré d'importantes manifestations contre la guerre, le gouvernement socialiste engageait la France dans le conflit. En janvier 1991, lors du déclenchement de l'opération « Tempête du désert », les opposants à la guerre assistaient impuissants à une opération de police contre l'Irak décidée par les Etats-Unis et menée par des armées mandatées par l'ONU. La guerre a détruit les infrastructures

routes, autoroutes,

ponts, industries, mais également des hôpitaux, des hôtels, des écoles, des universités, des mosquées, etc. Tout a été reconstruit dans les six mois qui ont suivi et les traces de la guerre sont aujourd'hui invisibles. Seule exception : l'abri éventré d'Al Amyria transformé en mémorial où une bombe « chirurgicale » a tué en quelques minutes 400 femmes, enfants et vieillards. Au terme du conflit, le Conseil de sécurité a voté plusieurs résolutions pour que l'Irak ne puisse plus menacer ses voisins. Elles prévoient le maintien de l'embargo sur les exportations irakiennes - principalement le pétrole - et sur les importations jusqu'au démantèlement complet des armes de destruction massive de l'Irak, sous le con- , trôle de l'agence des Nations Unies, l'Unscom. Depuis sept ans, l'Irak est soumis à un blocus d'une rare rigueur. L'embargo détruit et tue en toute quiétude et dans une indifférence presque complète. L'Irak a perdu toute souveraineté sur le nord du pays : la Turquie y fait régulièrement des incursions pour exécuter ses opposants kurdes sans déclencher de réaction du Conseil de sécurité. Ses rentrées financières sont inexistantes : les avoirs financiers irakiens à l'étranger ont été gelés depuis 1990 et les exportations sont interdites. (( Pétrole contre nourriture » La résolution « pétrole contre nourriture» (1) desserre à peine l'étau. L'Irak ne maîtrise pas l'utilisation de l'argent généré: 30 % sont détournés au titre des dommages de guerre et au profit de l'Unscom. Les importations sont soumises à un contrôle des plus stricts (par exemple, les crayons à papier et l'eau de Javel sont formellement interdits parce que leurs composants pourraient servir dans la fabrication d'armes chimiques ou biologiques) et à des tracasseries administratives sans fm. L'embargo a eu pour conséquence d'affamer la population. Le gouvernement a mis en place des tickets d'alimentation qui couvrent à peine deux tiers des besoins. Des milliers d' enfants souffrent de graves carences alimentaires qui ont des conséquences irréversibles sur leur développement physique et intellectuel. Les répercussions sur la santé sont immédiates: les enfants résistent moins bien et meurent de maladies bénignes. Les agences de l'ONU installées à Bagdad estiment que 400 000 à 600 000 enfants sont morts des conséquences de l'embargo (2). Les hôpitaux n'ont plus ni médicaments, ni produits pour anesthésier ou stériliser. Les médecins voient mourir leurs patients sans pouvoir intervenir. L'aide apportée par les organisations humanitaires est négligeable devant les besoins. Les Irakiens la supportent d'autant moins bien que leur système de santé était parmi les plus performants avant la guerre (3). L'immense potentiel industriel de l'Irak est en bout de course. Les pièces détachées sont interdites d'importation. Les usines 1 nternational teurs de pétrole. Les Etats-Unis se verraient écartés du vaste marché de la reconstruction irakienne

un très fort sentiment

anti-américain s'est développé tant parmi la population que chez ses dirigeants. Les EtatsUnis veulent maintenir l'embargo suffisamment longtemps pour que le pays, à genoux, accepte n'importe quelle condition pour y échapper. Les offensives diplomatiques de l'Irak gênent cette option. En février et mars dernier, alors qu'ils annonçaient une interventionmilitaire, les Etats-Unis ont dû reculer devant la colère des opinions publiques et des gouvernements des pays arabes. La France, pourtant peu courageuse sur ce dossier, a également émis des réserves devant l'attitude américaine. Plus que jamais, il faut obtenir la levée de l'embargo. L'ONU est responsable d'un crime contre l'humanité en Irak. Nul dou- Depuis sept ans, l'Irak est soumis à un blocus d'une rare rigueur. L'embargo détruit et tue en toute quiétude et dans une indifférence presque complète. de production électrique, de traitement des eaux, les réseaux d'égout, les usines de production alimentaire, les industries, etc, sont entretenus depuis sept ans grâce à l'ingéniosité des ingénieurs qui récupèrent des pièces détachées sur d'autres sites de production. Mais l'Irak arrive au terme du processus et ses industries ferment les unes après les autres. Une mission achevée? En octobre, le Conseil de sécurité devrait examiner l'état d'avancement du démantèlement des armes irakiennes. Officieusement, l'Unscom ellemême reconnaît que sa mission en Irak est terminée (4). Mais l'embargo levé, l'Irakredeviendrait un concurrent de l'Arabie Saoudite et des pays producte qu'elle devra en rendre compte tôt ou tard .• Caroline Andréani (1) Adoptée en avril 1995, la résolution 986 dite « pétrole contre nourriture» permet à l'Irak de vendre 4 milliards de dollars de pétrole par an pour acheter de la nourriture. La résolution a été mise en application fin 96 et les importations sont sous la surveillance du Conseil de sécurité (2) « Irak, génération embargo », Gilles Paris, Le Monde, 11.08.98 (3) Selon l'OMS le taux de mortalité infantile est passé de 23 pour mille en 1990 (équivalent à celui des pays développés) à 92 pour mille (4) « La nouvelle crise entre l'Irak et l'ONU », Gilles Paris, Le Monde, 1/2.03.98 Différences n° 200 octobre 1998 • Il Justice 11 OCTOBRE 61 : UN PROCÈS HISTORIQUE leur courage. Deux à trois cents morts noyés dans les eaux glacées de la Seine, tués par balles ou à coup de crosses, à coup de torture, à coup de haine. La violence extraordinaire des policiers n'était pas la réponse - comme il a été prétendu - à la provocation, voire à la violence des manifestants qui défilaient bien souvent endimanchés, en famille, pacifiquement. La violence des policiers reposait sur un fondement raciste. C'est au faciès que les victimes ont été interpellées, c'est encore au faciès qu'elles ont été matraquées, fusillées, noyées. Maurice Papon qui avait déjà eu l'occasion de faire ses preuves et dont les pouvoirs étaient étendus du fait de l'état d'urgence décrété quelques jours auparavant par le pouvoir politique, avait organisé au nom de « son ordre public» ce que le devoir de mémoire commande de nommer: « une ratonnade ». Maurice Papon a porté plainte contre Jean-Luc Einaudi pour diffamation. Pierre Mairat, président-délégué du MRAP et avocat d'Einaudi, explique ici en quoi ce procès représente une chance de faire la vérité sur le 17 octobre 1961. MAURICE PAPON a fait citer à comparaître Jean-Luc Einaudi pour « diffamation envers un fonctionnaire ». Il lui reproche, en effet, d'avoir écrit, dans un article publié le 20 mai 1998 par Le Monde, qu'« en octobre 1961 il y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon ». Le procès sera évoqué durant les 4 et 5 février 1999 à 13 heures 3 0 et les Il et 12 février suivants également à 13 heures 30. La seconde Section du tribunal en charge de ce dossier ne siège que les jeudis et vendredis, ce qui explique le caractère décousu de l'audience ... Décousu, peut-être, mais pris avec beaucoup de sérieux par l' autorité judiciaire, en l'espèce représentée par le Président de la 17eme Chambre correctionnelle, M. Monfort, qui a décidé de consacrer pas moins de quatre audiences à ce procès, ce qui représente généralement le délai le plus important qu'il accorde à un dossier. Reconnu pour son impartialité et sa compétence, le président Monfort a déjà eu à juger de nombreux procès « sensibles », tels que ceux des négationnistes Faurisson et Garaudy ou quelquefois historiques, tels que le procès des époux Aubrac. C'est dans cette seconde catégorie que s'inscrit le procès intenté par Maurice Papon à Jean-Luc Einaudi, tant il est vrai qu'aucun livre d'histoire ou presque ne retrace ces évènements dramatiques, aucune réunion officielle n'est organisée pour les commémorer comme si le silence honteux pouvait à tout jamais effacer cette répression sanglante de la police et de la gendarmerie réquisitionnée par Maurice Papon. C'était la chasse au faciès Trente sept ans après les faits, une chape de plomb recouvre toujours les tombeaux de ces Algériens morts pour avoir défilé pacifiquement, le 17 octobre 1961, dans les rues de Paris, marchant courageusement et dignement au rythme d'une juste cause. Ce faisant, ils bravaient le couvre-feu discriminatoire ordonné par le préfet de police de Paris de l'époque, Maurice Papon. Exécuteur professionnel de basses oeuvres, Papon leur fera payer au prix du sang leur dignité et Peu, très peu de nos historiens se sont penchés sur cette période sombre de 1 'histoire de France qui a précédé l'indépendance de l'Algérie. Jean-Luc Einaudi, bien qu'il s'en défende, a fait oeuvre d'historien, de ceux qui ne font aucune concession lorsqu'il s'agit de rechercher la vérité. Auteur du livre « La bataille de Paris» (l), il a réalisé sur cette période ce que de nombreux historiens, ayant autorité, ont estimé être « un véritable travail d'historien ». Tant par la Le 17 octobre 1998 De nombreuses activités sont prévues à Paris ce 17 octobre. Le MRAP pour sa part dévoilera symboliquement une plaque commémorative au Palais des Sports, lieu où se dérouleront toute la journée des activités organisées par la Coordination des collectifs de solidarité avec le peuple algérien. Toujours au Palais des sports le MRAP présentera une table-ronde d'historiens à 17 heures. Un concert avec de nombreux ar- . tistes débutera à 20h : des bons de soutien pour cette soirée sont en vente au siège au prix de 60 francs. Un rassemblement aura lieu, comme chaque année, au pont Saint-Michel. Différences n° 200 octobre 1998 recherche de témoignages oraux, que par l'analyse exhaustive de toutes les sources écrites de l'époque auxquelles il a eu accès, il a pu retracer les évènements dramatiques d'octobre 61 et plus particulièrement ceux de la journée du 17 octobre. Il a pu expliquer le processus de haine à caractère raciste qui a été amorcé, puis entretenu, par les discours tenus aux policiers par Maurice Papon à l'époque préfet de police. Couvrir les bavures n'était pas suffisant, Il fallait expressément octroyer un véritable permis de tuer. Maurice Papon s'y est employé par des discours guerriers libérant des pulsions de violence extraordinaire des policiers en service qui ont torturé, noyé dans la Seine, tué à bout portant, y compris j usque dans l'enceinte de la préfecture de police de Paris. Deux à trois cents morts, avait estimé Jean-Luc Einaudi qui avait été appelé à témoigner, le 16 octobre 1997, à Bordeaux sur la personnalité de Maurice Papon et son parcours de haut fonctionnaire. Il avait notamment insisté sur la nécessité absolue d'ouvrir l'ensemble des archives concernant les évènements d'octobre 1961. L'ouverture des archives Au même moment, Catherine Trautmann, ministre de la Culture, annonçait son intention d'ouvrir les archives sur les évènements d'octobre 1961. Quelques mois plus tard, les promesses ministérielles n'avaient pas été tenues. Aussi, Jean-Luc Einaudi rappelait dans son article au Monde qu'il n'avait toujours pas eu accès aux archives, ou à tout le moins à celles qui restent, puisque les archives de la Brigade fluviale ont été détruites - alors même qu'il aurait pu être aisément établi que cette Brigade avait repêché un grand nombre de corps dans la Seine - et que celles du Service de Coordination effectuées, il réaffirmait des Affaires Algériennes ont disparu - alors même que ce service avait pour principale fonction de lutter contre le FLN. A ce rythme, il faut craindre que dans quelques années, plus aucune archive sur ce massacre ne soit en mesure d'être consultée! Pire encore, Dieudonné Mandelkern, conseiller d'Etat, a été chargé par le ministre de l'Intérieur, de déposer un rapport sur les évènements à partir des seules archives de la préfecture de Police, comme si l'on voulait imposer une vérité d'Etat sur ces évènements. Jean-Luc Einaudi a critiqué sévèrement, et à juste titre, dans l'article du Monde, les observations faites dans ce rapport effectué à partir d'archives « partielles et partiales» et a demandé à ce que l'Histoire puisse être écrite non par des fonctionnaires missionnés par l'Etat, mais par des «chercheurs travaillant librement sur les archives avec l'esprit critique nécessaire ». En conclusion, et en l'état des recherches qu'« un massacre avait été perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon». Considérations peu avouables C'est cette dernière phrase que Maurice Papon n'a pas supporté et qui représente, selon lui, l'élément constitutif de la diffa. mation susceptible de porter atteinte à son honneur et à sa dignité. Personne ne sera dupe de l'opération politique menée par Maurice Papon. Personne n'aura la naïveté de penser qu'il ait pu se sentir atteint dans son honneur ou dans sa dignité parce qu'il a été désigné comme le responsable des forces de police qui ont tué en octobre 1961 deux à trois cents Algériens. Voici plusieurs années que ces évènements ont été minutieusement relatés non seulement dans le livre de Jean-Luc Einaudi, mais à plusieurs reprises, au cours d'émissions de télévision mettant directement en cause Maurice Papon sans que jamais Soutien à Jean-Luc Einaudi dans le procès qui lui est intenté par Maurice Papon Au moment où nous mettons ce numéro sous presse, plus de 250 personnalités (historiens, artistes, écrivains, responsables d'associations ... ) ont signé un texte de soutien à Jean-Luc Einaudi. Toutes les personnes peuvent s'associer à cette démarche en faisant parvenir leur signature au siège du MRAP. « Nous soussignés déclarons notre solidarité pleine et entière envers Jean-Luc Einaudi, attaqué en diffamation par Maurice Papon pour avoir recherché et exprimé la vérité sur son rôle lors de la répression des manifestations d'Algériens en octobre 1961. Nous nous associons aux déclarations suivantes de Jean-Luc Einaudi parues dans Le Monde du 20 mai 1998 : "Je persiste et signe. En octobre 1961, il Y eut à Paris un massacre perpétré par des forces de l'ordre agissant sous les ordres de Maurice Papon." Nous dénonçons cette intimidation d'autant plus inacceptable qu'elle émane de l'un des principaux responsables des événements du 17 octobre 1961. » i celui-ci ait cru bon de défendre son honneur. En fait, d'autres considérations moins avouables lui font certainement espérer tirer profit de ce procès et s'associer ainsi le soutien d'hommes comme Pierre Messmer, authentique résistant, qui n'en était pas moins ministre des Armées en 1961. Al' approche de la décision qui doit être rendue par la cour de Cassation sur le pourvoi que Maurice Papon a formé après avoir été condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle, de tels soutiens ne peuvent que le servir! La vérité est en marche Pour ma part, qu'il me soit permis de souhaiter que la Justice qui a vocation a rechercher la vérité, puisse être rendue et la responsabilité écrasante de Maurice Papon, établie. Le MRAP est depuis de nombreuses années de tous les combats pour que la vérité éclate. Tous les ans, il organise le 17 octobre un rassemblement sur le Justice pont Saint-Michel pour commémorer cette sanglante répression. Il a de nombreuses fois interpellé les ministres de l'Intérieur successifs, pour exiger l'ouverture de toutes les archives et leur libre accès. Les rassemblements qu'il organise sont de plus en plus importants et les voix de plus en plus nombreuses à exiger la vérité. Celle- ci s'impose aujourd'hui plus que jamais. Elle s'impose avant tout ail nom des victimes et de leur familles, pour leur honneur et leur dignité. La vérité s'impose également au nom du combat contre le racisme' car ne pas assumer 1'H istoire de notre pays durant cette période, c'est non seulement légitimer cette répression sanglante, mais aussi refuser de se protéger pour que de tels évènements ne se reproduisent plus. Cette vérité est en marche, plus rien ne l'arrêtera .• Pierre Mairat (1) publié en 1991 au Seuil Annonces des secteurs Immigration et Education • IMMIGRATION. L'ensemble des adhérents du MRAP d'Ile-de-France sont invités à participer nombreux à deux rencontres importantes pour la réflexion et l'engagement du Mouvement organisées par la Commission Migrations et immigration. Le mercredi 4 novembre: venez nombreux à cette réunion sur le thème « approfondir la réflexion interne post-congrès sur les enjeux et les concepts de libre circulation et de libre établissement dans le contexte de la mondialisation et de l'Union européenne ». Le mercredi 9 décembre: conférence-débat avec Monique Chemillier- Gendreau, professeur de droit à l'université Paris 8, membre du collège des médiateurs. Elle présentera son livre « L'injustifiable: les politiques françaises de l'immigration» (Cf. Différences n° 199 page 8) né de son aventure aux côtés des sanspapiers. • EDUCATION. La semaine nationale d'éducation contre le racisme aura lieu du 15 au 21 mars 1999. Le collectif des associations élabore de nouveaux supports. Plus de détails dans notre prochaine livraison. Différences n° 200 octobre 1998 • Il EN BREF • Estimant que les propos publiés par National Hebdo daté du 6 au 12 août (cf. Différences n° 199) représentaient une provocation à la haine et à la violence raciale et qu'ils faisaient l'apologie de crimes contre l'humanité, le MRAP a décidé de se constituer partie civile dans la procédure engagée contre le directeur de publication. • Invité par la Commission MigrationsImmigration, Christophe Daub, anthropologue travaillant au laboratoire de l'Unité de recherche migrations et sociétés (URMIS, Université Paris 7- CNRS), a animé une conférence-débat le 23 septembre au siège du MRAP sur le thème « Le codéveloppement : nouveaux rapports Nord-Sud ou le cache-sexe d'une politique d'exclusion. » CHRONO POUR MÉMOIRE Documentaires surie FN Le rendez-vous annuel des documentaristes - Etats généraux du film documentaire - s'est tenu à Lussas (Ardèche) du 16 au 22 août pour sa XIe édition. Parmi les sujets de débats et de réflexion: le travail des documentaristes sur le Front national; une soirée a été consacrée aux « Villes du Front national », émission diffusée sur Arte l'hiver dernier et un atelier a réuni à huit clos durant deux jours la plupart des cinéastes qui ont réalisé ou sont sur le point de réaliser un film sur le sujet. Ils se sont interrogés sur la question de savoir « comment filmer l'ennemi », du point de vue technique, moral et politique. Il faut ajouter que le basculement de la reglOn Rhône-Alpes dans la politique d'alliance avec le FN menée par Charles Millon a conduit le comité d'organisation du festival à remplacer le texte d'introduction du catalogue, traditionnellement accordé au président de Région, par un texte de la Coordination régionale des acteurs culturels, qui se nomme Vaccin (Vigilance art culture contre idées noires). Revendications des Tsiganes allemands Le président du Conseil central des Tsiganes allemands, Romano Rose, a déclaré le 1er septembre à Francfort que les Tsiganes employés comme travailleurs forcés à l'époque nazie veulent obtenir des dédommagements de la part des firmes allemandes. Il s'agit de 500 Tsiganes exploités dans les usines d'armement allemandes et de 600 autres employés dans des firmes dirigées par les SS. Est notamment visé le groupe chimique allemand Degussa qui a recyclé l'or dentaire des camps de concentration et qui produisait avec IG Farben le gaz mortel Zyklon-B utilisé dans les camps pour l'extermination des Juifs et des Tsiganes. La statistique sous Vichy Commandé par le directeur de l'INSEE, le rapport de la Mission d'analyse historique sur le système statistique français de 1940 à 1945 (composé de deux historiens, Béatrice Touchelay, Jean-Pierre Azéma, et d'un inspecteur-général honoraire de l'INSEE, Raymond Lévy-Bruhl) a rendu public son rapport le 4 septembre. Il s'agissait notamment de savoir si des traces de ces « années noires» étaient encore « vivantes» et utilisables. Selon un article du Monde, ce rapport serait trop « rassurant» sur le rôle joué par les services de statistiques. Recension dans une de nos prochaines éditions. Devant la justice roumaine Le ministre roumain de la Justice a demandé le 9 septembre que l'hebdomadaire antisémite, raciste et xénophobe Attaque à la personne soit poursuivi en justice. Le ministre a déclaré dans un communiqué que les propos publiés dans ce journal réunissaient les éléments constitutifs des infractions chauvines sanctionnées par le code pénal roumain. Il a plus précisément demandé au procureur général d'engager des poursuites pénales contre l'auteur d'un article intitulé « Zvastika », véritable apologie du génocide contre les Juifs (source: AFP). Le Pen salue Bardèche Le fief parisien des intégristes, l'église SaintNicolas du Chardonnet, a accueilli le 17 septembre toutes les générations de l'extrême droite pour un hommage, en latin, à l'écrivain et admirateur de l'Allemagne nazie, Maurice Bardèche, décédé début août. Quelques responsables du FN étaient là - le trésorier Jean-Pierre Reveau, le président du conseil scientifique Jacques Robichez, le directeur de cabinet du président du FN Bruno Racouchot - mais pas les ténors qui se sont abstenus de paraître. Néanmoins, dans un texte publié par la pres- S. Allende, l'homme que Nixon voulait abattre Il Y a vingt-cinq ans, un président arrivé au pouvoir trois ans plus tôt par la voie démocratique des urnes, était contraint au suicide. C'était au Chili, le 11 septembre 1971, il s'appelait Salvador Allende et il avait le tort d'être socialiste. Le gouvernement des Etats-Unis, par l'entremise de son président, Richard Nixon, la CIA et l'armée chilienne, avec à sa tête le sinistre général Pinochet, aujourd'hui sénateur à vie dans son pays, avaient conjointement décidé que face aux succès électoraux de l'Unité populaire chilienne (43,4 % aux législatives de mars 1973), il fallait en finir autrement. Ancien reporter du Monde, Pierre Kalfon a consacré un livre et un long article (1) dans lequel il rapporte notamment ce propos de l'ancien président étasunien à son ambassadeur à Santiago: il faut « écraser à tout prix et au plus vite ce fils de pute ». Dans le palais présidentiel, cerné par les tanks et bombardé par l'aviation, le chef de l'Etat chilien s'est donné la mort après avoir fait sortir le personnel. Un triste jour pour la voie pacifique et l'alternance politique, suivi d'une répression sanglante des opposants. C.B. (1) « Allende (1970-1973) », Ed. Atlantica, 1998. « L'ultime combat de Salvador Allende », Le Monde, 6/ 7 septembre Différences n° 200 octobre 1998 se d'extrême droite, Le Pen a salué en Bardèche le « prophète d'une renaissance européenne qu'il espéra longtemps ». Manifestations d'extrême droite en Allemagne Le 16 septembre, les organisations patronales et syndicales de la région de Berlin ont lancé un appel commun à boycotter l'extrême droite aux élections législatives du 27 septembre. Elles se sont déclarées « émues par la violence croissante enfers les étrangers et la tentative des forces d'extrême droite de rendre les étrangers responsables du chômage ». Le parti d'extrême droite allemande NPD a tenu le 19 septembre un grand rassemblement électoral à Rostock, théâtre de violentes émeutes racistes en 1992. Un peu partout dans le pays, la campagne pour les élections législatives a ouvert le champ à la violence d'extrême droite et au discours xénophobe. Les partis d'extrême droite étant crédités de 4 % des suffrages, la CDU (démocrateschrétiens) et le SPD (sociaux- démocrates) n'ont pas hésité à chasser sur les terres extrémistes. Affiches électorales et slogans affirment l'intention de mener une politique forte et ferme à l'encontre de l'étranger. Les syndicats et l'Eglise protestante se sont élevés contre ces propos tandis que la Poste a doté ses salariés de badges « Je suis contre le racisme et la xénophobie » pour lutter contre la multiplication des « propos xénophobes de partis politiques» (Source: AFP). Le Pen sans immunité A la demande du parquet de Munich, ville où Le Pen avait fait de nouvelles déclarations sur les chambres à gaz, la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités du parlement européen a voté le 21 septembre la levée de l'immunité parlementaire de Jean-Marie Le Pen par 16 voix contre 3 et une abstention. L'Assemblée plénière du parlement devait confmner ce vote lors de sa prochaine session à Strasbourg du 5 octobre. Il faut rappeler que le parlement européen a déjà levé à deux reprises l'immunité de Le Pen: en 1989 à propos de l'expression « Durafourcrématoire » et en 1990 pour ses déclarations sur l'influence de « l'internationale juive », mais c'est la première fois qu'un autre Etat que la France formule cette requête. D'autre part, le président du FN comparaissait le 28 septembre devant la 8e chambre Réseau antiraciste européen Au moment où ce numéro sera livré aux abonnés, une réunion constitutive pour la création d'un réseau européen des ONG antiracistes se sera tenue à Bruxelles, le 8, 9 et 10 octobre. Le MRAP devait y être représenté par Jean-Jacques Kirkyacharian, Ahmed Khenniche, Bernadette Hétier et Cathie Lloyd. Ce projet a commencé à prendre forme au mois de novembre 1997 : à cette date, une première rencontre organisée avec l'appui financier de la Commission européenne, rassemblait plusieurs dizaines d'associations (dont le MRAP), appartenant aux 15 pays membres de l'Union européenne. Un « groupe d'initiative provisoire» était constitué afin de coordonner le travail de préparation dans les 15 pays et d'aboutir à la création de ce réseau dont la structure et les objectifs étaient définis ce mois d'octobre 98 à Bruxelles. Le MRAP a été choisi pour organiser la table ronde des ONG françaises qui devait définir leur position et envoyer leurs 22 délégués à la conférence constitutive. Les tables rondes françaises se sont déroulées les 12 et 25 septembre. Nous reviendrons ultérieurement et plus en détail sur cet important dossier. • Chérifa Benabdessadok correctionnelle de la cour d'appel de Versailles

la justice devait

confirmer ou infmner sa condamnation à deux ans d'inégibilité, trois mois de prison avec sursis et 20 000 francs d'amende pour « violences en réunion », et« injures publiques ». Il était accusé d'avoir agressé et molesté la candidate du PS lors de la campagne pour les dernières législatives. Morte par étouffement Une Nigériane âgée de vingt ans est morte étouffée par des gendarmes dans un avion par lequel elle était expulsée le 22 septembre de Bruxelles vers le Togo. Semira Adamu était arrivée en mars en Belgique fuyant un mariage forcé. Déboutée de sa demande d'asile, les autorités belges avaient tenté à cinq reprises de l'expulser. La Belgique est sous le choc et 5 000 personnes lui ont rendu un hommage public. La jeune femme avait témoigné au cours d'un documentaire sur les conditions dans lesquelles les expulsions étaient organisées. Le ministre de l'Intérieur a démissionné. LeFNécarté de l'Assemblée Cendrine Le Chevallier; épouse du maire de Toulon, a été battue par la candidate socialiste, Odette Casanova, au deuxième tour de l'élection législative partielle du 27 septembre. lofos rassemblées par Chérifa B. Différences n° 200 octobre 1998 EN BREF • Le 7 octobre devait avoir lieu au siège du MRAP une réunion de l'ensemble des comité locaux d'lIede- France afin de contribuer à élaborer une stratégie concernant les modalités d'une action politique de soutien à la poursuite du mouvement des sans-papiers. • Nombreuses manifestations et actions des collectifs de sans-papiers: grève de la faim à Créteil, manifestation à Toulouse, occupation d'une église dans I.e 11" arrondissement de Paris. • Bibliothèque NOTES DE LECTURE ~ Libertébuissonnière. Noël Hily. Editions Opéra, 1998. Récit autobiographique, Président du comité local d'Orléans et membre du bureau na· tional, Noël Hily présente ici un récit autobiographique: il raconte son itinéraire, les mutations et les questions de conscience personnelle auxquelles il a fait face pour passer d'une voie toute tracée vers les chemins de )'Eglise à un autre chemin. Comme J'écrit dans la préface Théodore Monod, Noël Hily décrit «( les étapes singulièrement diverses qui allaient irrésistiblement le conduire de la préparation au sacerdoce à un engagement non moins fervent mais résolument laïque, à l'action en faveur du progrès humain ». Au gré de l'Histoire de la France de ces quarante dernières années - de la guerre d'Algérie aux manifestations du printemps 1968, des mutations de l'Eglise à l'objection de conscience - , l'auteur s'est forgé une éthique basée sur la solidarité et le pacifisme. Gageons, explique-t-il en somme, que nous serons nombreux à comprendre que tout peut « changer dès lors que les hommes tentent de comprendre, de se comprendre, de s'enrichir de la diversité et s'emparent de leur élan de solidarité. ( ... ) Que nous le voulions ou non, c'est pacifiquement que nous irons de l'avant ». Eric Latbière-Lavergne ~ L'immigration. Les enjeux de l'intégration. Philippe Bernard. Ed. Le Monde 1 Marabout. Journaliste au Monde, P. Bernard a forgé avec ce petit livre un excellent outil de travail sur un certain nombre de questions liées à l'actualité récente (brève chronologie du mouvement des sans-papiers) ou plus ancienne (le psychodrame national provoqué par l'affaire des foulards), et à l'histoire de l'immigration. L'auteur s'attache à présenter les faits et à analyser les problèmes dans un style concis qui ne perd pas de vue l'essentiel. Un guide juridique du droit de l'immigration en trente et une questions complète efficacement l'ensemble. P. Bernard a en fait rassemblé ici l'essentiel de ce que devrait savoir chaque citoyen sur un sujet trop souvent galvaudé. Chérifa Benabdessadok ~ Le racisme, une ln· troduction. Michel Wlevlorka. La Découverte 1 Poche, collection Essais, 1998. Le thème du racisme a déjà été considérablement traité par Michel Wieviorka ; parmi la vingtaine d'ouvrages qu'il a signés ou dirigés, sept d'entre eux s'y consacrent peu ou prou (1). La perspective sociologique est centrale dans cette synthèse, qui s'adresse en priorité à des lecteurs avertis. A partir d'une histoire du racisme (le mot lui-même n'apparaît dans le dictionnaire Larousse qu'en 1932) qui fait la part belle au dix-neuvième siècle, on découvre le contexte de son apparition dans les sociétés modemes. Un autre chapitre énumère les fonnes du racisme

préjugés, ségrégation, discrimination,

violence raciste. Se dégage une typologie àquatreniveaux

« l'infraracisme»,

« le racisme éclaté »,« le racisme institutionnalisé et 1 ou politique », « le racisme total », qui pénètre toute la société et accède au sommet de l'Etat, pour l'engager à des formes diverses d'exclusion, entre apartheid et solution finale. Le passage au niveau politico-institutionnel est d'autant plus important qu'il légitime des pratiques, les fédère, voire permet l'émergence d'une (( idéologie raciste n. C'est dans cette analyse des mécanismes sociaux que l'ouvrage mérite le détour. La deuxième partie traite de l'évolution contemporaine du racisme, au rôle des médias dans sa propagation, et aux «( difficultés de l'antiracisme ». A ce titre, et au miroir des situations anglo-saxonnes, Wieviorka rappelle que si les groupes minoritaires sont les meilleurs vecteurs d'une affirmation des droits de tous en respectant dans la différence, des mesures spécifiques de (( discrimination positive » peuvent amener à un étiquetage spécifique des minorités. C'est tout l'enjeu de 1'(( affirmative action» américaine et des tensions entre groupes, perceptibles aussi en France. Cette recherche d'un compromis non-conflictuel, qui permettrait à la fois le mélange républicain et le maintien de racines culturelles, est toujours centrale dans la démarche de Wieviorka. A lire donc. Laurent Canat (1) Entre autres: «( L'Espace du racisme », Le Seuil, 1991 ; ( La France raciste », Le Seuil, 1992 ; « Racisme et modernité », La Découverte, 1993; (( Une société fragmentée? Le multiculturalisme en débat », La Découverte, 1996 E7 Face au Front natlo· nal. Arguments pour une contre-offensive. PierreAndré Taguieff et Michèle Tribalat. La Découverte. Cest un exposé à deux voix que propose ce petit livre au prix modique (42 francs), mais que l'on doit lire crayon à la main. Ce travail est en effet très construit, très concis, très précis. Les auteurs signent une introduction commune dans laquelle ils expliquent comment le FN Différences n° 200 octobre 1998 utilise, notamment depuis 1990, une argumentation pseudo- scientifique pour justifier le principe de la préférence nationale et pourquoi il est impératif de la démonter. Dans le premier chapitre, Taguiefffait un état des lieux de l'enracinement du parti d'extrême droite. Puis, M.Tribalat décrit et ana· lyse un texte rédigé par unjuriste et économiste membre du conseil scientifique du FN, Pierre Milloz, présenté comme un rapport officiel, et servant de pierre angulaire au progranune du FN. Enfin, fidèle à ses travaux antérieurs (cf. Actes de la conférence nationale du MRAP), Taguieff revient sur les stratégies anti-FN eten étudie particulièrement trois qui n'ont pas été, selon lui, suffisamment mises en oeuvre. Un travail indispensable qui mériterait d'être poursuivi par des études de cas. Chérira Benabdessadok 89. rue Oberkampf 75543 Paris Cedex II Tél.:0143 148353 Télécopie: 01431483 50 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérante bénévole Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherira BenabdcssHdok • Administration - gestion Patricia Jouhannci • Isabel Dos Martircs 120 F pour Il numéros/an 12 F le numéro • Maquette Cherira Benabdcssadok • Impression Montligeon Tél.: 023385 SOOO • Commission pariteire n° 63634 lSSN 0247-9095 Dép6llégal J998-tO 1 l

Notes

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