Différences n°23 - mai 1983

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Sommaire du numéro

n°23 de mai 1983

  • Edito: la difficulté de savoir par Albert Levy
  • Namibie, connais pas par Jean-Michel Ollé [Afrique du Sud]
  • Harold Washington, premier maire noir à Chicago [U.S.A.]
  • Essai refusé (tournée de l'équipe de France de Rugby en Afrique du Sud)
  • Pas de prof à roulettes (le ministère refuse l'inscription d'une handicapée à l'agrégation par Jean Roccia
  • Demain: les Minguettes par Pierre Rousseau [immigration]
  • Le courrier du cœur de Françoise Gaspard par Anne Lopez
  • L'Islam en salopette par Pierre-Alain Baud
  • Homosexualité: la vie en rose par Véronique Mortaigne
  • Le français à tout faire (plurilinguisme en Afrique) entretien avec Louis-Jean Calvet recueilli par Abdou Berrada
  • Souvenir de Montbéliard (hommage aux immigrés) par Daniel Chaput
  • Les kangourous sont fatigués (aborigènes australiens) dossier par Jean-Jacques Pikon
  • Réflexion: est-ce ainsi que les hommes chantent? par Claude Jallet
  • Les caméras sont tombées sur l'Afrique par J.P. Garcia
  • Culture: le choix de Gandhi (commentaires de l'A.N.C. sur le film)
  • Histoire: une enfance ordinaire par Claude Morhange
  • En débat: trop tard? (criminels de guerre) interventions de Pierre Paraf, Daniel Cohn-Bendit, Gilles Perrault, Jacques Chaban-Delmas, Joseph Jacquet
  • La parole à Uña Ramos propos recueillis par Stephane Jakin
  • Humeur: la cité radieuse

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o z BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON : 11, rue Stéphane-Gulllemé LE HAVRE : 2221228, rue Arlstlde-Brland GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri IX GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place BESANCON: l, rue Gambetta GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72, av, G,-Péri LA ROCHE-SUR-YON: 11 , rueStéphane-Guillemé GRENOBLE ECHIROLLES : Grand Place LE HAVAE : 2221228, rue Aristide-Briand GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial " Les seize arpents" Edito §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES 0 N° 23 0 MAI 83 DE , LA DIFFICULTE DE SAVOIR V RAI ou faux ? Ce n'est, hélas! pas un jeu. Dans cette affaire des « carnets d'Hitler », quelle que soit la réponse, la vente monte pour les journaux qui s'en emparent: à tous les coups l'on gagne. Ceux qui ont lancé l'opération, s'ils avaient souhaité servir la vérité historique, auraient fait preuve d'une bien étrange légèreté. Mais tel n'était pas leur souci majeur. Ils. ont, semble-t-il, mis plus de soin à s'assurer une exclusivité sans faille et un suspense racoleur, qu'à vérifier l'authenticité des textes qu'ils publient. Quant aux autres, le bruit qu'ils font paraÎt surtout traduire le dépit d'avoir manqué eux-mêmes un si beau « scoop ». Affirmations et dénégations, attaque et défense forment un ensemble cohérent, ayant pour effet de donner du poids à la mystification, de tenir les gens en haleine autour d'un objet frauduleux. Comme par hasard, la première livraison fait en outre savoir au lecteur crédule que . l'ordonnateur en chef du génocide déplorait, voyezvous, les premières persécutions contre les juifs: qu'en sera-t-il quand on arrivera aux chambres à gaz? Décidément, le conditionnement des foules recourt à des techniques de plus en plus sophistiquées. Quand la valeur marchande l'emporte aussi clairement sur les valeurs morales, la méfiance va presque de soi. Mais dans l'information banale, quotidienne, que d'inversions des mots et des notions apparemment les plus simples, que d'émotions détournées, d'omissions délibérées, risquant de mettre en défaut notre esprit critique! Dans un domaine proche, au moment où l'inculpation de Klaus Barbie permet de rappeler les crimes d 'Hitler et de ses séides, la logique voudrait, croyons-nous naïvement, que les séquelles du nazisme soient dénoncées avec vigilance. Et que l'on salue avec espoir tout ce qui éloigne les peuples, en particulier le peuple allemand, de ce passé monstrueux. Or, c'est le contraire qui se passe: quand la jeunesse allemande manifeste massivement non pour la domination de l'Europe mais pour la paix, non dans un bruit de bottes mais avec des fleurs, c'est cela que l'on présente comme un grave sujet d'inquiétude. On nous invite à nous mobiliser pour les droits de l'Homme. Mais pas partout. Une conférence de l'ONU vient de se tenir dans notre capitale pour traiter de la situation en Namibie, pays occupé par les Sud-africains, qui violent la loi internationale, pillent, massacrent, attaquent les pays voisins. Quels journaux, quelles émissions ont saisi l'occasion pour stigmatiser ces horreurs? Les grandes consciences, soudainement, deviennent muettes. Et quand une mesure gouvernementale doit interdire le soutien à l'apartheid dans le sport, c'est un tollé pour la condamner, non pour mettre en cause les odieuses pratiques racistes. Les vrais défenseurs de l'éthique sportive, de la dignité humaine sont écartés des micros et des écrans. Encore un fait, tout récent: lors d'un défilé d'étudiants à Paris, sont proférés des cris haineux co-ntteles immigrés, dans le prolongement de la campagne des municipales. C'est la première fois, sans doute depuis la Libération, qu'a lieu en France une manifestion de rue ouvertement raciste. Où sont les mises en garde des médias? Il ne suffit pas d'énoncer des slogans provocateurs, même si le présentateur s'en distancie par un sourire qui se veut méprisant. Nous pourrions multiplier les exemples montrant combien nous sommes peu aidés à connaÎtre el' compren'dre le monde où nous vivons. Quelques personnes disposent presque sans partage des moyens de s'exprimer. En l'absenee d'un pluralisme voulu et dûment organisé, ils ont l'énorme pouvoir de choisir à leur guise les évènements dont-ils parleront, et de décider comment. , A vouons-te: nous ne sommes guère de taille à combler les lacunes qui en résultent, ni à contrecarrer les a priori, les préjugés qui, trop souvent, prévalent. N'empêche: nous continuons. C'est pour cela qu'existe Différences. Albert LEVY 3 Voyagez sans devises avec Différences Pour tout abonnement d'un an, Différences offre l'un de ces ouvrages (dans la limite des siocks disponibles) : (1) L.A. de Bougainville: Voyage autour du monde (2) Hernan Cortès : La conquête du Mexique (3) Denis Diderot: Voyage en Hollande (4) J.F. de Lapérouse : Voyage autour du monde (5) Bartolomé de Las Casas: Relation de la de~'lruction des Indes . Je m'abonne à Différences, le mensuel qui transporte. l j Je désire recevoir l'ouvrage numéro ... S'il n'est plus disponible, je choisis dans l'ordre les numéros ......... . o 150 F (1 an) 0 80 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM ....... . ...................... . ............ .. ....... Prénom ....... . .......... . Adresse ........................ ··································· · ················· · . Code postal .... . ............ Commune . ............................................. . Profession .. . ........................................................................ . Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS.

  • Abonnement 1 an : étranger : 180 F ; chômeur et étudiant : 130 F.

4 POINT CHAUD 6 NAMIBIE, CONNAIS PAS La dernière conférence de l'ONU sur le sud-ouest africain a montré combien ce pays souffrait de l'occupation sudafricaine Jean-Michel OLLÉ EXCLUSIF 10 ESSAI REFUSÉ A ALBERT FERRASSE L'équipe de France de rugby n'ira pas en Afrique du Sud. Le président de la FFR ne manque pourtant pas d'arguments Dolorès ALOÏA EXPLIQUEZ-MOI 14 L'ISLAM EN SALOPETTE' Une enquête sur l'influence de la religion chez les musulmans de France. Pierre-Alain BAUD NOTRE TEMPS 20 LE FRANÇAIS-ATOUT- FAIRE L.J. Calvet, sociolinguiste, explique à quoi sert notre langue en Afrique RÉGIONALE Propos recueillis par Abdou BERRADA 22 SOUVENIR DE MONTBÉLIARD Une très belle expo au pays de Peugeot Daniel CHAPUT CONNAITRE 26 LES KANGOUROUS SONT FATIGUÉS Le mirage australien a tendance à pâlir Jean-Jacques PIKON DIFFÉRENCES 0 N° 230 MAI 83 RÉFLEXION 34 EST -CE AINSI QUE LES HOMMES CHANTENT? Les opprimés s'expriment aussi par la musique Claude JALLET CULTURE 38 LES CAMÉRAS SONT TOMBÉES 'SUR L'AFRIQUE Le continent par le petit bout de l'objectif Jean-Pierre GARCIA HISTOIRE 42 UNE ENFANCE ORDINAIRE Un texte littéraire qui rappelle qu'il y a quarante ans, on pouvait voir sa mère partir pour les camps Claude MORHANGE DIFFERENCES, magazine mensuel créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 806.88.33. Abonnement: 1 an : 150 F ; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F ; étudiants et chômeurs: 1 ans 130 F ; 6 mois : 70 F (joindr~ une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pOintage). Soutien: 200 F ; abonnement d'honneur: 1 000 F. Directeur de la publication: Albert LEV\:, • Secrétariat de rédaction et maquettes: Véronique MORTAIGNE - Service photos: Abdelhak SENNA. Ont participé à ce numéro: Dolorès Aloïa, Pierre-Alain Baud, Abdou Berrada, Daniel Chaput, Claude Ferran, Jean -Pierre Garcia, Claude Jallet, Stéphane Jakin, Anne Lopez, Claude Morhange, Véronique Mortaigne, Jean-Michel Ollé, Robert Pac, Jean-Jacques Pikon, Alain Rauchvarger, Jean Roccia, Pierre Rousseau. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Photo couverture : Un manifestant dans une marche homosexuelle - Photo SYGMA. Administration: Khaled DEBBAH *- Secrétariat: Da'nièle SIMON - Promotion-Vente: Marie-Jeanne ·SALMON - Publicit·é : Différences - Photocomposition-Photogravure : PPC : 805.97.36. -Imprimerie: Marchés de France, 366.44.86 - Diffusion : N.M.P.P •• Numéro de commission paritaire : 63.634 • ISSN : 0247-9095. 5 . Point chaud Occupé depuis 1915 par l'Afrique du Sud, le Sud-Ouest a,{ricain, malgré les e.fforts soutenus de l'ONU reste une des dernières colonies de notre planète. NAMIBIE, CONNAIS PAS . 1 Lfaut intensifier la ' peuple belge comme insuffi- ~ ~ lutte armée. C'est samment développé, y ait ins- , , la seule solution tauré des lois racistes dans pour le peuple namibien, s'i! l'éducation, la santé, le logeveut se libérer de l'oppression ment, le travail. Que les taux sud-africaine. Quant au de mortalité respectifs soient groupe de contact, nous pré- tels que du fait des différences férons qu'il cesse ses de soins apportés aux envaactivités. » Sam Nujoma, hisseurs et aux envahis, il président de la SWAPO! ne meure 8 bébés belges pour un mâche pas ses mots, à la tri- bébé français sur le territoire. bune de la Conférence inter- C'est pourtant ce qui se nationale sur la Namibie, réu- passe là-bas. En bien pire. nie par l'ONU à Paris fin Mais vous ne verrez jamais avril. cela dans France Soir. L'Afghanistan et la Pologne, ça Surtout quand on sait ce existe. La Namibie, non. que coûte la lutte armée à la SWAPO (802 opérations mili- Quand la SDN taires lancées en 1982) et aux entérine Namibiens, dont 75 000 (sJi 1,5 millions) vivent en exil. l'occupation ... C'est que les dirigeants de la Pourtant, ça aurait pu. SWAPO en sont actuellement Ancien territoire colonisé par à ne plus guère compter que l'Allemagne pendant la sur eux-mêmes, malgré la course à l'Afrique de la fin du médiation de l'ONU, des pays XI xe siècle, le Sud-Ouest de la ligne de front du africain est envahi en 1915 groupe de contact... et de par l'Afrique du Sud, qui l'opinion internationale. Tou- profite du conflit européen tes ces instances se heurtent pour étendre son glacis de depuis 1966 à l'intransigeance protection. L'Allemagne sud-africaine. vaincue, l'occupation est L'opinion européenne sem- entérinée. par la toute neuve ble impuissante. Elle est sur- Société des Nations. Plus tout peu mobilisée. La Nami- exactement, mandat est conbie, c'est loin, c'est noir, à se fié à l'Afrique du Sud (pour le demander si ça existe. Que ce compte du Royaume uni) pays ait été purement annexé, ' pour «administrer le terricontre tout droit internatio- toire, le conduire à l'indépennal. Que Pretoria y ait installé dance et accroître par tous les l'apartheid, et que pour s'y moyens le bien-être matériel maintenir contre la popula- et moral ainsi que le progrès tion acquise à la SWAPO, il y social des habitants du terrimène une politique de répres- toire ». Comme la Syrie « consion sanglante, tout cela est fiée» à la France, la Namibie parfaitement ignoré en devait, dans l'esprit des Europe. humanistes de la SDN, Imaginez une seconde que s'acheminer doucement vers la France, en 1945, ait annexé l'existence. La République la Belgique, et considérant le sud-africaine était tenue de 6 rendre compte annuellement de son administration. Les efforts pédagogiques de la RSA se sont limités dans cette période à mettre au point un gigantesque pillage des ressources minières, avec l'aide de sociétés transnationales, dont certaines françaises. Après la deuxième guerre mondiale, l'ONU, dès sa naissance, décide de prendre sous sa tutelle les territoires qui ne sont pas « mûrs» pour l'indépendance. La RSA refuse et propose l'annexion pure et simple du Sud-Ouest africain. Dès 1949, les Sudafricains cesseront de remettre un rapport annuel. Le 27 octobre 1966, l'ONU dénonce le mandat sudafricairî, constatant que l'Afrique du Sud avait failli à sa mission. Il crée le Conseil des Nations Unies pour la Namibie, qu'il charge d'administrer le territoire jusqu'à son accession à l'indépendance. Depuis, les soldats de Prétoria n'ont pas fait un pas en arrière. Bien plus, il en est arrivé d'autres. Ils sont 100 000 actuellement, un soldat pour 14 habitants, et la nouvelle loi de conscription votée en RSA permet d'envoyer quatre fois plus de reservistes, si besoin est, pour tenir le territoire. La RSA attend de pied ferme l'embrasement de l'Afrique australe, qu'elle risque de provoquer. La Namibie, on ne sait toujours pas ce que c'est. Depuis 1966, les multiples efforts de médiation tentés par l'ONU entre l'occupant et la SWAPO qui s'est peu à peu imposée comme la seule organisation représentative du peuple namibien, ont été réduits à néant par le gouvernement de Prétoria. Renforcé dans ses positions par l'accession au pouvoir de l'administration Reagan, il a testé successivement toutes les parades : silence, puis refus de reconnaître la représentativité, puis l'objectivité de l'ONU, etc. De plus en plus isolée, la RSA a dû accepter la résolution 385 du conseil de sécurité ' de l'ONU (1976) exigeant son retrait et l'organisation d'élections libres. Elle a alors changé de stratégie, et gagné du temps en sabotant les négociations (en particulier à Genève en 1981), et en tentant de mettre en place, formule classique, un gouvernement fantôche qui lui serait acquis par opposition ethnique à la SWAPO (1978). Pendant ce temps, les conflits avec l'Angola, et les tentatives de déstabilisation des régimes alentour se multipliaient, d'autant que l'accession du Zimbabwe (ex-Rhodésie) à l'indépendance risquait, à long terme, de modifier radicalement le rapport des forces dans la région. Comment s'opposer aux décisions de l'ONU Une telle détermination à s'opposer aux décisions internationales ne peut à l'évidence être le fait d'un pays seul, d'autant plus quand il est isolé sur son continent. C'est dans ce contexte qu'il Affiches présentées à l'exposition « L'Apartheid le dos au mur ». Action Namibia (Hollande) et SWAPO. faut saisir le rôle du groupe de contace. En 1978, s'est créé un groupe de pays partenaires commerciaux de la RSA. Il a proposé sa médiation sur la base de la résolution 385 de l'ONU. ' ' Neutralité bienveillante actuçllement occupé par les troupes sud-africainés (à partir de la Namibie), on s'étonne un peu de la nécessité de ce lien. Comment diton «déshabiller Pierre pour habiller Paul » en anglais ? M. Cheyssonne's'y est pas trompé, puisqu ~à ,.la conférence, il déclarait',;« Aujourd'hui ce groupe a terminé ses trqy.aux.» Ce qui est un Sans entrer dans le détail façon élégante de s'en retirer. des négociations, on peut Non sans dire: « La France considérer que son , activité a ne mésestime pas la légitime surtout consisté, sous préoccupationdechaquepays l'influence des Etats-Unis et ' d'Afrique australe de garantir avec la neutralité bienveil- sa sécurité. Nous nous étonlante des autres membres, à pons cependant que certains tenter d'accommoder la réso- n'en traitent qu'au titre de la lution 385 dans le sens des sécurité de l'jJtat qui est le intérêts sud-africains. La pre- plus fort, le plus riche, le mière tactique a consisté à mieux armé de la région, alors tenter d'imposer un système qu'i! nous semble plutôt que de vote double pour les élec- la menace est surtout grande tions libres devant conduire à pour les plus faibles, les plus l'indépendance, qui défavo- démunis, les moins armés. rise la SWAPO, minimise sa Nous sommes surpris aussi représentativité et permette à qu'au titre de cette sécurité, l'Afrique du Sud d'utiliser et on ne parle guère dans les d'attiser des rivalités ethni- mêmes milieux que de la préques et sociales pourtant sence de forces armées étranmoins fortes qu'ailleurs en gères dans un pays situé à pluAfrique. sieurs centaines de kilomè- La sérénité de la SWAPO, tres. Nous sommes choqués et la clarté de ses exigences qu'on prétende alors faire de (vote uninominal et scrutin l'engagement de retrait de ces simple) ont peu à peu fait forces étrangères la condition reculer le groupe de contact préalable à l'indépendance de sur ce point. Est alors apparu la Namibie,. il Y a une double ce que les Américains appel- anomalie - c'est une litolent le «link » (le lien), qui te - à lier le sort du peuple consiste à demander, comme namibien à une décision intécondition préalable, le retrait ressant un autre pays, des forces cubaines... l'Angola, et à vouloir prendre d'Angola, pour que la Nami- ou faire enregistrer au niveau bie accède à l'indépendance. international une décision qui Quand on sait qu'une partie ne relève que de la souveraidu territoire angolais est neté angolaise,. comme la 7 France, et d'autres parmi ses membres, le Groupe de contact n'a jamais exprimé une telle exigence, je tiens à le rappeler. » Précisons : le Groupe, non, mais les Etats-Unis qui en font partie, oui. Et si la Namibie existe un jour, ce ne sera pas grâce à eux. Ni grâce aux pays du Groupe : engagés depuis longtemps dans des relations commerciales avec l'Afrique du Sud, ils lui donnent les moyens de reproduire son régime raciste et même de l'exporter. La France n'est pas la plus vertueuse. Ainsi la mine de Rossing pratique l'apartheid dans ses murs: les travailleurs blancs sont pério: diquement soumis à des examens médicaux; les travailleurs noirs, placés à l'extraction de l'uranium sans protection appropriée, ont juste le droit d'être irradiés. La Compagnie Française des Pétroles possède 10 070 de la mine de Rossing ... Difficile d'être à la fois juge et· partie. Il est pourtant si facile de constater la monstruosité de l'occupation sud-africaine. Tout le système d'apartheid a été appliqué à la Namibie, depuis 1920. En 1964, la commission Odendaal a commencé à mettre en place des homelands4 • Le système scolaire, les services de santé, la vie sociale sont marqués par la discrimation raciale. 1 500 dollars par an pour éduquer un enfant blanc, 215 pour un noir. 16 0J0 des enfants noirs seulement atteignent l'enseignement secondaire. De plus, la répression est sanglante: emprisonnements, disparitions « à l'argentine », massacres de civils, et le cortège de pillages, viols d'une armée d'occupation. L'Afrique du Sud met l'Afrique australe en danger de guerre. Claude Cheysson concluait ainsi: «Les frustrations s'accumulent, le désespoir monte. Demain la violence peut se généraliser. » Il est bien possible qu'à vouloir son existence, la Namibie rencontre sa fin. Que faire ? Sam Nujoma, qui ne croit plus les gouvernements, en appelait aux peuples ,', d'Europe, à leurs syndicats. Ainsi en 1978, le MRAP a informé le syndicat des pilotes qu'UTA, en acheminant l'uranium namibien, transgressait le décret n° 1 du conseil des Nations Unies pour la Namibie qui réglemente l'exploitation des ressources du pays. En 1980 les transports aériens furent interrompus. « Tôt ou tard, le régime blanc finira par tomber », disait Sam Nujoma à Paris. Ce jour-là la Namibie existè'ta. ,---_:...:.J.e:a:n -Michel OLLÉ 1. SWAPO: South West Africa People's Organisation, le mouvement de libération namibien reconnu par le monde entier, sauf bien sûr par l'Afrique du Sud. 2. Les pays de la ligne de front : l\ngola, Mozambique, Zambie, Botswana. 3. Le Groupe de contact rassemblela France, les USA, le Canada, la·R.F.A. et la GrandeBretagne. , 4. Homelands: territoires où les Suu.!iiiricains regroupent les populations noires, dans un état de dépendance totale. Le Mois AMERICA, AMERICA « Je ne suis plus noir, depuis que je suis riche» déclare Larry Holmes au cours de la conférence de presse qu'il donne à Scranton (Pennsylvanie), juste avant de défendre son titre de Champion du monde de boxe, catégorie poids lourd, face à Lucien Rodriguez (27 mars). -Pour la première fois dans l'histoire des U.S.A., un Noir, M. Harold Washington du parti démocrate, est installé à la magistrature suprême de Chicago. Ce qui confirme l'émergence d'une cohésion politique nouvelle de l'électorat noir aux Etats-Unis. Evénement qui marque par sa couleur, le coup d'envoi des prochaines élections présidentielles de 1984 (12 avril). KHOMEINY: FEMME, 1'1 ~HADOR Les femmes en Iran qui ne respectent pas le port de la « tenue islamique », encourent désormais de un mois à un an de prison ferme en vertu d'une circulaire du Conseil suprême de la Justice (15 avril). A HUE ET A ZIA Quarante deux millions de femmes vivent peut-être leurs derniers jours d'égalité devant la loi au Pakistan. Poursuivant l'islamisation de son pays, le général Zia s'en prend maintenant à l'égalité des sexes. Une ordonnance réformant la procédure judiciaire sur les témoignages est en passe d'être promulguée. Asima J ehangir, une jeune avocate souligne le ridicule de la nouvelle loi: «désormais les femmes violées pourront être condamnées pour adultère» (9 avril). CONFÉRENCE Cent vingt-cinq pays en développement adoptent, à Buenos Aires, un programme de mesures économiques concrètes, qui sera discuté en juin à la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) de Belgrade (9 avril). L'HEURE DU CRIME L'homme visé symbolise plus que tout autre dirigeant palestinien, la volonté de recherche d'une solution négociée avec Israël. Dimanche 9 h 15 mn, un inconnu tire cinq balles sur Issam Sertaoui l'éclaireur de Yasser Arafat. Atteint à la tête il s'écroule dans l'enceinte du congrès de l'Internationale Socialiste réuni à Albufeira au Portugal. Le meurtre est revendiqué par le groupe Abou Nidal mouvement palestinien dissident de l'O.L.P. (10 avril). Le M.R.A.P. exprime dans un communiqué sa vive émotion et son inquiétude à la suite de cet assassinat et «appelle l'opinion publique française à agir en faveur d'une reconnaissance mutuelle des droits et aspirations des peuples israélien et palestinien, seule voie possible vers une issue pacifique et humaine au conflit sanglant qui les oppose depuis si longtemps» (11 avril). Ilan Halevi, membre de l' extrême-ga uche israélienne, anti-sioniste, est chargé des relations de l'O.L.P . avec l' Internationale Socialiste en remplacement d'Issam Sertaoui (12 avril). CAPITALE DE LA MÉMOIRE Quarante ans après le soulèvement des juifs du ghetto de Varsovie le 19 avril 1943, de très nombreuses cérémonies du souvenir sont organisées dans le monde entier. A deux mois de son voyage en Pologne, le Pape Jean-Paul II, rend hommage au soulèvement des juifs du ghetto, devant quarante mille personnes rassemblées sur la place Saint Pierre (14 avril). A Paris, le MRAP participe à une table ronde sur « Le soulèvement du Ghetto de Varsovie et son impact en Pologne et en France », organisée au Sénat par le Centre de Documentation Juive Contemporaine, le CRIF et la section française du Congrès Juif Mondial (17 avril). Le président d'honneur du MRAP, Pierre Paraf, prend la parole au meeting commémoratif à la Bourse du Travail (24 avril). Par ailleurs, le CRIF organise un défilé dans le quartier du Marais jusqu'au Mémorial du Martyr Juif Inconnu (17 avril). A Varsovie «La prière des morts », puis un Kaddish à la mémoire des 3,5 millions de juifs polonais exterminés, repris par quelques milliers de personnes, mettent fin à la cérémonie officielle devant le monument dédié au soulèvement du ghetto de Varsovie (19 avril). Au théâtre de Varsovie, au nom du Congrès Juif Mondial, son vice-président Mr Kalman Sultanik lance devant plusieurs milliers de participants: « Il est de notre devoir de dire aux jeunes générations que l'antisémitisme n'est pas un phénomène du passé. Aujourd'hui la pire des attitudes est l'indifférence» (19 avril). Révolution française en comparaison ressemblera à un piquenique dominical. Le détonateur de cette explosion, ne sera pas allumé de l'extérieur, mais d l'intérieur même de l'Afrique du Sud par ceux qui souffrent. Pour la première fois dans l 'histoire du monde, une révolution sera uniquement fondée sur la couleur de la peau. Tous les opprimés appartiendront à une même race et se soulèveront contre les oppresseurs d'une autre race ». 8 LIGNE DE FRONT «La tentative d'associer le retrait des troupes cubaines de l'Angola, au processus de décolonisation de la Namibie est une manoeuvre visant à accorder au régime illégal de Prétoria, un temps supplémentaire pour renforcer sa présence dans notre pays» déclare à Lisbonne le dirigeant de la S. W.A.P.O., M. Sam Nujoma, au cours de la séance de clôture d'une conférence internationale de solidarité avec les Etats de la Ligne de front (27 mars). M. Kenneth Kaunda, Président de la République de Zambie, est reçu par François Mitterrand (28 mars). Dans une interview accordée au Monde et à State House il déclare: «Lorsque l'explosion se produira en Afrique du Sud, la LA « JOURNÉE DE LA TERRE» De violents incidents éclatent à Djénie en Cisjordanie où l'intoxication collective touchant huit cents écolières cause une vive émotion. La ville en état de choc est placée sous couvre-feu et l'armée israélienne en bloque tous les accès (28 mars). La tension est très forte dans les territoires occupés où 650 000 arabes israéliens célèbrent la « Journée de la terre », organisée depuis 1976 pour commémorer la grande grève qui s'est terminée dans le sang et pour protester contre la confiscation des terres palestiniennes par le gouvernement de Tel Aviv (30 mars). PEACE, LOVE AND BADGES PRÈS 68, on portait des badges partout. Peace A and love ... Maintenant il n 'y a plus guère que les punks, les derniers baba-cool égarés, les manifestants et les invités des congrès pour le faire. Bien que ces derniers aient rénové l'usage: les badges donnent maintenant le nom et prénom du porteur, son titre, son employeur, et une pastille pour la langue pratiquée. Il y a une habitude de congrès qui permet, d'un revers d'oeil sur la boutonnière, d'identifier le locuteur. Cela a dû faire rêver le « comité pour le renouveau louviérois ». Il propose que les travailleurs italiens, nombreux en Belgique, soient astreints au port d'un badge. C'est une idée à creuser. N'est-ce pas, on aime savoir à qui on parle, dans quelle langue, ce qu'il fait. Il est légitime de connaître le pays d'où il vient. (Je connais des produits de couples mixtes qui vont devoir s'acheter le grand modèle). Cela dit, les gens ne se définissent pas toujours par leur nationalité ou leur emploi. La religion, ou les moeurs peuvent être importantes à connaître, ne serait-ce que pour ne pas faire de gaffes. On pourrait peut-être intégrer au badge un symbole particulier, je ne sais pas moi, une petite étoile jaune ou un triangle rose?_ Harold Washington, premier maire noir de Chicago (12 avril). BOYCOTT Edwige Avice,le ministre de la Jeunesse et des Sports, demande à toutes les fédérations sportives de rompre leurs contacts avec les fédérations sud-africaines (8 avril). Cette décision touche d'abord l'équipe de France de rugby qui envisage une tournée en Afrique du Sud en juin prochain. Le MRAP s'élève dans un communiqué « contre les multiples tentatives développées à cette occasion, pour nier, minimiser ou justifier l'apartheid en Afrique du Sud. Une large information s'impose sur les effets · néfastes de ce système qualifié par l'O.N. U. de crime contre l 'humanité .. Nous espérons que la mesure concernant les relations sportives sera suivie d'autres dispositions, dans les domaines économique, militaire, nucléaire et aussi diplomatique où les apports actuels de la France constituent une aide cruciale au régime raciste de Prétoria » (9 avril). Le Président de la Fédération française de rugby, Albert Ferrasse, reçoit à Agen une lettre de François Mitterrand en réponse à sa demande d'audience: «La décision de demande d'annulation de la tournée de l'équipe de France en Afrique du Sud prévue par la Fédération française de rugby a été prise par le chef du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions et ne peut être remise en cause» (20 avril). TH AT IS THE QUESTION A l'occasion de Pâques, Mgr Gabriel Matagrin, évêque de Grenoble, exprime· l'inquiétude de l'Eglise catholique devant la montée du racisme. « L'une des grandes questions posées à la nation française, est de savoir si nous sommes capables de créer les conditions d'une société vraiment respectueuse de toutes les cultures où pourront cohabiter pacifiquement des hommes et des femmes venant de diverses nationalités et appartenant à plusieurs religions» (4 avril). 9 LE RETOUR DES CENDRES Les « restes» du général Toussaint Louverture, né esclave en 1743 à Saint-Domingue et premier président de la République noire d'Haïti,mort en captivité en avril 1803 au Fort de Joux/dans le Jura, arrivent en grande pompe à Port au Prince à bord d'un avion spécial affrêté par le gouvernement haïtien (5 avril). GRÈVE DE LA FAIM AUX MINGUETTES A la suite d'affrontements avec les forces de police et l'arresta, tion de Tunch (21 mars), une partie des jeunes du quartier Monmousseau décide d'entreprendre une grève de la faim illimitée (28 mars). Les grévistes de la faim adressent une pétition à Pierre Mauroy, Premier ministre, dans laquelle ils demandent : - que de nouvelles relations s'instaurent entre la police, la justice et les jeunes d'origine immigrée; - qu'un grand chantier de réhabilitation du quartier Monmousseau des Minguettes soit mis en oeuvre, afin de permettre l'embauche du plus grand nombre de jeunes chômeurs français et immigrés ; - que des mesures gouvernementales soient prises afin que les municipalités de l'agglomération Lyonnaise reconnaissent le droit au logement pour tous et acceptent la création de nouveaux logements sociaux (29 mars). Mgr Albert Decourtray, archevêque de Lyon rend visite aux onze jeunes grévistes de la faim (1er avril). Mr Olivier Philip, commissaire de la République, Préfet du Rhône, reçoit pendant plus d'une heure trois représentants des grévistes qui exigent la création d'une commission d'enquête sur les événements du 21 mars, ils sont accompagnés par Mr Paul Fischer premier adjoint au maire de Vénissieux (2 avril). Actualité Blanéo, joueur noir. Albert Ferrasse a peau,{iné ses arguments pour emmener nos rugbymen au Cap. En vain. ESSAI , REFUSE 10 L A Fédération française de rugby est autant que vous contre l'apartheid. Cependant deux raisons me font agir: la ,px.eJllière est sportive: il est certain qu~ ilôus avons intérêt à nous frotter à de grandes nations comme l'Afrique du Sud. La seconde est une position politicosportive

il ne faut pas oublier que la

Fédération françaisè de rugby, et moi, en particulier, avons été les premiers à nouer des relations avec l'Union Soviétique. «Je me permets des choses que vous ne pouvez pas vous permettre. » En ce qui concerne le problème politique, nous pensons qu'il y a deux façons de procéder: la première consiste à rompre les relations avec la République sud-africaine; la seconde est d'essayer de faire évoluer ces genslà dans le sens que nous souhaitons. Je pense que nous avons fait des choses extraordinaires. Par exemple, la première fois où je suis allé en Afrique du Sud, c'était avec Bourgarel. C'était la première fois qu'un joueur noir rentrait dans des hôtels ot! les Blancs allaient, et c'était la première fois qu'un Noir jouait sur un terrain avec des Blancs. Tout le monde s'en rappelle. Ça été notre premier apport à ce que vous préconisez. Et puis nous avons joué contre une équipe de Noirs, une équipe de Métis, une équipe multiraciale au cap. Je suis même allé voir dans les vestiaires comment cela se passait. J'ai vu les Noirs et les Blancs se déshabiller et se doucher ensemble; c'était un évènement. Je pense que si nous pouvions arriver à amener un tas d'équipes ' multiraciales, on pourrait peut-être faire avancer le problème. Je suis profondément convaincu que nous avons fait changer la situation. Je me permets des choses que vous ne pouvez pas vous permettre car moi, j'ai rencontré le premier ministre et le lui ai dit ce que je pensais. Cependant, je ne me fais aucune illusion : si demain on supprime l'apartheid en Afrique du Sud, ce n'est pas pour cette raison que les Noirs et les Blancs se marieront ensemble. Mais nous sommes de ceux qui pensons que le sport est le seul moyen de réunir les individus. L'an dernier , 50.000 hommes d'affaires blancs sont allés en Afrique du Sud et l'on m'a refusé à moi mes quinze jours, en me disant que le com- . rilerce, c'est le commerce et que le sport c'est autre chose. Parfois, je me demande si l'Afrique du Sud ne se satisfait pas de cette position; qui nous dit que le sport n'est pas un axe de fixation ? Si demain, nous rompons les relations sportives avec l'Afrique du Sud, ça va les gêner mais si on ne rompt pas les relations commerciales ils continuerons à faire du racisme. En rugby, en Afrique du Sud, il y a quatre fédarations . Une de Blancs, une de Métis et deux de Noirs. Une qui joue et qui est prête à jouer avec des Blancs et des Métis et celle du SACOS qui est contre. Mais j'ai appris depuis peu quelque chose, dans la fédération de Noirs qui jouent avec les Blancs, il y a beaucoup de chrétiens alors que dans l'autre fédération, ce ne sont que des musulmans. Qui vous dit qu'il n'y a pas là aussi un problème religieux ? Moi qui suis allé là-bas, j'ai pu constater une évolution dans le sens que je souhaitais, mais vous comprenez bien qu'on ne va pas changer en dix ans 300 ans d'histoire. On ne peut pas aller trop vite. J'ai discuté avec des Noirs de toutes opinions politiques. Eh bien ce qui leur fait le plus de mal, c'est cette humiliation, et je pèse bien le terme. Je m'emploie avec la F.F.R. à les aider afin que cette humiliation disparaisse. « Vaut -il mieux s'entendre et composer, ou vaut-il mieux se battre ? » Il y a encore de l'apartheid dans le sport, mais il y en a moins. Il y a une évolusion favorable mais elle est insuffisante et trop lente. Mais je vous dis qu'il y a aussi des tendances extrémistes chez les Blancs comme chez les Noirs, qui sont prêts à en découdre. Ça représente 10,20,30 % de chaque côté mais il y a 70, 80, 90 % de gens qui sont prêts à s'entendre. Est-ce qu'il vaut mieux s'entendre et composer malgré toutes les difficultés que ça pose, ou vaut-il mieux se battre? Les premiers occupants étaient les Bantous. Ils vivaient dans la région de Durban qui a d'ailleurs été largement submergée par les Métis et notamment les Hindous. Tous les autres Noirs sont arrivés au moment de la guerre des Boers ; ce sont des Noirs d'Afrique centrale qui sont venus en Afrique du Sud et qui sont arrivés après les premiers Blancs qui étaient protestants et sont d'ailleurs les plus rigoristes et les plus racistes. Je suis prêt à ne pas représenter la France, et à y aller sans la représenter. Propos recueillis par Dolorès ALOIA 11 IREILLE Stickel est M infirme moteur-cérébral. Ce qui veut dire, concrètement, qu'elle a du mal à parler, qu'elle ne peut se déplacer, que depuis sa naissance elle est assistée dans tous les actes de sa vie matérielle. Jusque-là, rien que de trop banal. Mais Mireille Stickel est aussi titulaire d'une maîtrise de physique, et veut passer l'agrégation. Tout va bien puisqu'il existe le Centre national d'enseignement par corres- Tu vivrais là jj dedans toi? , , Que les gens foutent le camp dès qu'ils ont trouvé à s'acheter un pavillon, je le comprends ». Il montre la tour 10, rue Gaston Monmousseau , les Minguettes, Lyon. C'est vrai que c'est pas bien joli: une tour murée, une épave plantée au milieu de la cité, plus un carreau entier. Lui aussi, il partirait bien de la cité. Mais pour l'instant, ce n'est pas le problème. On a parlé d'eux dans la presse: les jeunes des Minguettes, la deuxième génération d'immigrés, les problèmes des grands ensembles, etc. Mais personne ne leur a demandé ce qu'ils voulaient. Quand ils ont fait la grève de la faim, on a commencé à venir les voir. Sans trop parler de leur projet: être embauchés pour participer à la réhabilitation de leur cité. «D'abord, virer deux trois tours, c'est vraiment le plus urgent ». Geste large: «Du PAS DE PROFS A ROULETTES Le ministère re.fuse l'inscription d'une handicapée à l'agrégation pondance, établissement public qui scolarise les enfants qui ne peuvent assister aux cours, et offre des postes aux professeurs désireux d'enseigner hors des classes! Non, tout ne va pas bien: quand on est handicapé, il faut être autorisé à s'inscrire aux concours de recrutement. La COTOREP (Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel) a refusé son dossier, en tout arbitraire. Situation absurde: Mireille était bien apte à faire des études, mais pas à s'en servir: «Dans la fonction publique on n'embauche les handicapés que dans les catégories B, C et D. Vous me voyez balayer les couloirs en petite voiture? C'est un peu trop simple de me traiter d'exception. La seule différence, c'est que j'ai décidé de me battre. La plupart des gens dans mon cas démissionnent devant l'ampleur des problèmes ». Mireille a remué tout Grenoble pour obtenir son inscription. Lettre du Conseil d'université, attesta- DEMAIN tions montrant qu'elle a déjà mené nombre de débats publics, etc. Jusque-là rien n'y fait. Quand paraîtra ce journal, Mireille, et Bankalement vôtre, le mensuel que dirige notre amie Aicha Bernier auront sans doute fait parler d'eux ... « Moi, je voulais faire de la physique. J'ai été obligée de me mettre au droit et à la politique. Après tout .. c'est une reconversion possible ». Jean ROCCIA LES MINGUETTES Une cité à refaire gazon partout, un endroit où on puisse bouger ». C'est vrai que si on regarde la cité ce samedi, c'est des grappes de garçons, adossés aux tours vides ; une voiture qui passe dans le grand parking désert, de temps en temps, qui s'arrête une seconde : salut ! et rien d'autre: « Monmousseau USA », écrit sur un des murs. «Surtout, une maison de jeunes, avec des activités. De quoi s'occuper, et faire venir des gens de l'extérieur ». En 12 contrebas, la nationale. Pas une voiture qui monte. A croire que plus personne n'habite ici. « Il n 'y a que les flics qui viennent faire une descente. Contrôle de papiers. Où tu l'a eu ce blouson, avec quoi tu te l'es acheté? Après, c'est le portefeuil'e jeté par terre, et toi tu ramasses ». « On veut bien qu'ils viennent les flics, qu'ils nous contrôlent s'ils veulent, mais que ce soit: tes papiers et c'est tout. Qu'on soit pas toujours suspect parce qu'on est jeune, arbi et sans travail ». On la voit bien la cité comme ils la veulent: vert gazon et ascenseurs qui marchent, loisirs et travail. Mais ça, ça se règle au dehors. Et justement : « Quand tu sors, que tu marches dans la rue, t'es toujours à te retourner pour voir si y a pas une bagnole de flics qui te suit ». Ils sont loin d'être sortis de leur zone, les gamins des Minguettes. Pierre ROUSSEAU Elle nous a con,{ié les lettres qu'elle a reçues. Une psychologue les examine. LE COURRIER DU CoeUR DE FRANÇOISE GASPARD [!I!] Après ses interviews télévisées, ses déclarations à la télévision le 18 mar~ uerlller et sa décision d'abandonner son poste de maire de Dreux, Françoise Gaspard a reçu de nombreuses lettres d'injures, de menaces et quelques-unes, rares et polies, de personnes choquées de son attitude et de ses choix. L'étude d'une quinzaine de ces lettres permet d'y retrouver bon nombre de mécanismes en jeu dans le racisme. Tout d'abord, une série de lettres généralement brèves qui ont comme point commun d'être grossières, complètement sexualisées avec un ton qui grimpe, faisant penser à un véritable coït écrit. Cette sexualisation nous montre à quel point le racisme vient, chei chacun d'entre nous, réactualiser notre position toujours plus ou moins fragile et toujours questionnante «d'être sexué ». Si vous aimez ... Qu'est-ce qu'« être un homme », «être femme », «être différent» de l'autre? Lorsque plus aucune élaboration ou réflexion n'est possible, et ceci dans des conditions particulières de conflit, comme des élections, «l'autre », «le différent » est pris comme bouc émissaire des haines, source de tous les maux. Françoise Gaspard est fustigée, agressée, à double titre, sexuellement, en tant que femme, et politiquement, en tant que femme soutenant les immigrés. Voici quelques extraits de ces écrits : « Si vous aimez les Ratons et les Noirs, c'est votre goût comme beaucoup de salopes de Françaises... Regardezdans la rue, est-ce que vous voyez des Français avec des étrangères tandis que ces salopes de Françaises, avec toutes les couleurs ... ». «Que cette pute aille avec ses copains et copines arabes en Afrique ». Même thème, sur un ton de suavité doucereuse et perverse : « En outre, vous risquez par des luttes et des soucis qui n'en valent sérieusement pas la peine de vous user et defaner prématurément votre joli visage ». La 13 sexualisation et la mysogmle sont au comble dans cet écrit : «Rejoignez vos foyers, laissez aux durs le maniement des armes ... politiques jusqu'à nouvelordre, mais, de grâce, Halimi et tout le MLF est derrière vous pour vous aider à ne pas avoir vos ovaires en bandoulière. Alors, Mohamed Ben Zizi vous adore et vous dit courage. Ne défigurez pas notre race ! Si ce n'est avec la chaude-pisse ou la syphillis, ce sera avec du foutre de l'Islam en pleine évolution ». Je souligne l'aspect éjaculatoire de ces propos ! [!I!] A la sexualisation s'ajoutent la violence, la menace, la mort souhaitée pour l'autre, le différent. «Je suis raciste et nazi maintenant; on se met à plusieurs, on va former des [!mll(Je'l de vengeance, tu vas voir. Oui je suis, on est, racistes, mur' aux Négros et Ratons ». «Faire brûler les quartiers bougnoules est un vrai devoir des Français ». Le terme nazi est banalisé; il est le modèle de haine, l'encouragement pour celui qui a écrit à devenir exterminateur. Ailleurs, le mot n'est plus employé dans un contexte précis, référé historiquement, mais comme aiguillon à la colère, à la violence, au châtiment. « Mon souhait: que vous ayez un couteau ou un rasoir sur la gorge par un de vos protégés ». Là les choses sont claires, c'est de mort qu'il s'agit. Tout petit, abandonné La peur envahissante, énorme, constante est évidente dans bien des lettres avec en contrepartie une demande de protection; peur archaïque qui fait penser à celle du tout petit, abandonné par ses parents: «Essayez de vous occuper des Français, ils le méritent plus ». « Venez donc voir à Paris ce qui se passe. Vous n'oserez plus prendre le métro. Vous aurez peur d'avoir peur de vous faire prendre votre argent ». Aurez peur d'avoir peur, formule type de redoublement, qui souligne l'intensité de la peur, l'impossibilité de la parole à calmer le déraisonnable du corps. Reste l'explication: qui fait peur à qui ?O Anne LOPEZ Expliquez-moi ~~§ - ....... o::ô _-_.~ On accuse les immigrés de s'agiter. Et pourtant ... L'ISLAM autant méconnue et déconsidérée que ces derniers. Or la foi et la pratique de la religion révélée au prophète Mohamed, et la culture qui en a découlé avec l'expansion de l'Islam restent l'expression privilégiée d'une majeure partie des immigrés de notre pays. «Le travailleur immigré venu en France a laissé tous ses bagages chez lui », explique Adama, étudiant sénégalais, Aulnay-sous-Bois, septembre 82. Des travailleurs immigrés prient devant l'usine Citroën cité, et ne lui accordant guère le droit à l'expression de sa différence. Peu de cours d'arabe, langue mère de l'Islam, sont organisés dans les écoles pour les enfants, et encore moins d'enseignement coranique. L'arrêt du travail pour la prière n'est pas souvent accepté par les chefs d'entreprise, et son rythme n'est guère modifié lors du jeûne du Ramadan. Les cantines n'intègrent que très rarement les interdits alimentaires musulmans. Et, aspect sensible entre tous, les lieux de prière et de rencontre man- EN SALOPETTE Calligraphie coranique LA France est le premier pays musulman d'Occident. Les 2 millions de fidèles qui suivent peu ou prou les préceptes du Coran en font la deuxième religion du pays, bien avant le protestantisme et le judaïsme. De telles constatations demandent un essai de compréhension plus large, contre les amalgames (Islam fanatisme 01.1 immigrés insécûrité) largement diffusés par certains medias, mais aussi tristement repris par des membres du gouvernement. Ainsi le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré lors des mouvements de revendication des travailleurs immigrés du secteur automobile que « les principales difficultés qui demeurent sont posées par des travailleurs immigrés ( ... ) agités par des groupes religieux qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ». Le ministre de l'Intérieur était même alléplus loin, parlant d'« intégristes », de «chiites» à l'oeuvre dans les mêmes grèves. De telles déclarations, on le sait maintenant, se basaient sur un rapport extrêmement tendancieux de la D.S.T., concernant les activités d'Iraniens en France. Amalgamant religion islamique, intégrisme musulman et chantage à la grève de la part de «fanatiques khomeinistes », la D.S.T. avait en fait élaboré des hypothèses sans une ombre de preuves à l'appui. 14 Néanmoins, l'impact est resté, occultant les sources éminemment sociales du mouvement des ouvriers immigrés qui luttaient pour être considérés comme travailleurs à part entière. Une nouvelle fois l'Islam était assimilé à un fanatisme agitateur et à un danger pour la bonne marche de la société française. Il est vrai que la manipulation politique opérée par certains au nom d'un Islam rigoriste et ce qui en découle laissent des traces fâcheuses dans beaucoùp d'esprits. Mais à l'instar du christianisme, il existe dans l'Islam une grande dive.rsitéd'approches en face des réalités sociales et politiques. Et il serait aberrant de ne considérer que cette représentation restée extrêmement minoritaire ici :.« La religion n'a pas été révélée pour qu'elle soit un poids» s'exclamait un étudiant musulman pratiquant, exprimant là un point de vue largement partagé. La marginalisation de l'Islam en France ne date pas de l'apparition de l'inté· grisme. Elle y est bien antérieure, et l'on trouverait plus d'éléments de réponse en considérant qu'elle est d'abord perçue comme religion des immigrés, et à ce titre, tout membre d'une association pour la propagation de l'Islam, qui organise des rencontres régulières avec les Africains musulmans des foyers. Il se retrouve coupé du bain culturel dans lequel il était immergé et où l'Islam rythmait la vie quotidienne d'un ensemble de pratiques sociales individuelles et communautaires: prières ponctuant la journée, à l'appel du Muhezzin, ou aumônes aux plus démunis, respect du Ramadan, ou lois régissant le mariage ... A la cantine Le voilà dès lors transplanté dans une société où il se retrouve marginalisé : économiquement, par un travail le plus souvent sans qualification ou par un logement trop isolé . ; mais ausi culturellement, le mode de vie dominant ici ignorant sa spécifiquent

ainsi la Grande Mosquée

de Paris, fondée à l'issue de la 1 re guerre mondiale en hommage aux Musulmans morts pour la France, est longtemps restée le seul lieu de culte reconnu, astreignant les fidèles à pratiquer leur prière-isolement à l'intérieUr de leur logement. Une part essentielle de la culture islamique, son inscription dans la vie de tous les jours, échappe ainsi à l'immigré musulman et empêche l'Umma, cet ensemble des croyants, de se manifester en tant que communauté. Contre cette mutilation culturelle, la communauté musulmane cherche à s'affirmer dans la société française et à se faire pleinement accepter. Ainsi dans un foyer de la Cité d'urgence de Gennevilliers, une salle d'animation est devenue une mosquée suite à un vote largement majoritaire entre les rési- 15 DIFFÉRENCES 0 N° 230 MAI 83 dents. Et sa fréquentation est importante : une centaine de fidèles s'y pressait lors de la prière de 14 heures d'un jour de semaine, la plupart habillés de la traditionnelle robe musulmane et coiffés de la calotte islamique. Cette identité musulmane est aussi davantage prise en compte par les pouvoirs publics. Longtemps considérée comme simple religion et donc transitoire, elle avait été passablement ignorée du côté S'affirmer officiel. Or, maintenant, des documents officiels comme le rapport Gaspard sur «l'information et l'expression culturelles des immigrés en France» insistent sur la nécessité d' « aider les identités des communautés immigrées à s'affirmer» et notamment de « reconnaître pleinement la religion musulmane comme la seconde religion pratiquée en France en donnant au culte islamique des lieux et des créneaux sur les ondes pour s'exprimer ». Des départements et des communes participent ainsi à la construction de centres musulmans, comme dans les Hautsde- Seine. Dans les medias l'expression musulmane émerge aussi : une émission religieuse est désormais diffusée à la télévision chaque dimanche matin et Radio France Internationale propose un programme musulman d'une demi-heure tôt le matin. Localement, des églises concrétisent leur volonté d'ouverture en prêtant des salles permettant aux pratiquants de se retrouver. Mais l'acceptation de cette différence culturelle se heurte à de nombreuses résistances comme en témoignent les récentes campagnes qui faisaient jouer un rôle de bouc émissaire à l'Islam et aux immigrés dans leur ensemble. Cette expression ne pourra en fait prendre sa pleine mesure qu'intégrée à une prise en compte des autres aspects de la vie des immigrés, dans le domaine du travail notamment, où les luttes pour le respect et la dignité sont loin d'être devenues inutiles. La porte d'un dialogue et d'une reconnaissance semble s'entrouvrir. Souhaitons qu'ils touchent toutes les faces du droit de cité des immigrés. 0 Pierre-Alain BAUD REPÈRES L ES 2/3 des musulmans vivant en France arrivent du Maghreb,. dont: . - 782 111 Algériens, le plus souvent originaires de Kabylie et des campagnes de Sétif et de Constantine. Ils sont groupés principalement autour de Paris, Lyon, Marseille, Lille. - 399 952 Marocains habitent surtout Paris, le Rhône et le littoral sud-est méditerranéen. - 183 782 Tunisiens groupés souvent aux mêmes endroits. On trouve aussi 92 772 Turcs, dont beaucoup viennent des villages d'Anatolie. Ils vivent souvent dans l'Est, la région Rhône-Alpes et Paris. La région parisienne rassemble aussi 53 027 Africains musulmans originaires des pays riverains dufleuve Sénégal. De plus sur 90000 Yougoslaves, on estime que 10 000 sont musulmans. Le chiffre des Français musulmans n'est pas officiellement recensé. On les estime entre 500 000 et 700 000 - la plupart harkis ou leurs descendants - dont 12000 convertis. Plus de 400 000 musulmans ont moins de 16 ans. La Ligue Islamique Mondiale recense actuellement en France 410 mosquées et lieux de prière. Revue théorique, de critique et d'information traitant du cinéma et de la télévision notamment en Afrique, Asie, Amérique Latine, Pays Arabes. ABONNEMENTS ( 1 AN - 10 NUMEROS) FRANCE: 80DA- PAYS DU MAGHREB: 60DAAU TRES PAYS: 100 DA Zirout Youcef ALGER ~ CCP 8843-98 sanofi UN GROUPE FRANÇAIS AU SERVICE DU « MIEUX-ÊTRE » ... PHARMACIE MATÉRIEL HOSPITALIER ET MÉD 1 CO-CHIR UR G 1 CAL PARFUMERIE ET PRODUITS DE BEAUTÉ SANTÉ ANIMALE ... DANS LE MONDE Plus de 80 filiales à l'étranger 16 HOMOSEXUALITÉ Moi, pédé, ça va « pas, non? ». Pourquoi cette violence à peine contenue? « Tout le monde est ambigu: l'homosexualité, je n'ai rien contre ». Pourquoi ce ton si bas, si murmuré, quand on en arrive au mot clé ? Tabou, camouflée, l'homosexualité reste un sujet difficile à aborder. D'abord parce qu'elle n'est censée atteindre qu'une poignée d'individus bourrés de problèmes psychologiques (dans le meilleur des cas), hormonaux ou congénitaux (c'est selon les chapelles). Ensuite parce qu'elle interroge sur les fondements même de la personnalité. Freud disait des enfants qu'ils étaient des 'c:pervers polymorphes ». Même en psychiatrie, on ne nie plus à l'heure actuelle qu'il y ait en chacun de nous des composantes homosexuelles. En 1948, le rapport Kinsey sur la sexualité révélait que 50 % de la population mâle américaine avait eu des rapports homosexuels pendant l'âge adulte. Vingt-cinq ans plus tard, le rapport Rite sur la sexualité des femmes apportait de. nombreux témoignages sur les « amitiés féminines ». « Le problème n'est pas d'obliger tout le monde à être homosexuel. La sexualité appartient à chacun et rien ne sert de contrarier telle ou telle pulsion profonde. Mais reconnaître en soi la pulsion homosexuelle, amène à comprendre et à accepter ceux qui ont choisi de la vivre. Or, dans la société actuelle, c'est loin d'être le cas », explique Michèle qui file le parfait amour depuis six ans avec son amie Astrid. « Suis-je homosexuel? » demande « un jeune homme solitaire» dans le courrier du Gai Pied. « Il y a des mecs super-beaux et je tombe amoureux sans qu'ils le sachent lj'espère). Au magasin, j'aifait embaucher un intérim . Aufil des jours, je me suis rendu compte qu'il avait des tendances homo,. d'un coup, je ne peux expliquer ce qui s'est passé en moi, je me suis mis à le détester au plus profond de moi. » LA VIE EN ROSE Marche homosexuelle à Paris en juin 1982. S, avouer à soi-même des « tendances» donne des sueurs froides. Même très fortement ressenties, elles ne recouvrent pas toujours une réalité tangible et passer à l'acte signifie vaincre des peurs et des blocages de toutes sortes. Et même lorsqu'on s'est « jeté à l'eau », assumer ouvertement ses goûts dans son entourage, surtout en famille et au travail, demande un certain courage, tant les préjugés en la matière sont tenaces. Du «vas donc, eh pédé» proféré par l'automobiliste en colère au « sale gouine », ici synonyme de « boudin », sussuré par le dragueur déçu, l'individu « normal» n'est pas tendre, peu s'en faut, envers l'homosexuel(le). 17

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D'où la présence, souvent mal assumée, du secret, de la culpabilité et du refus de soi. « L'enfant juif ou l'enfant noir connait dès sa naissance sa différence. Il trouve autour de lui un cadre minimum qui le fait exister, qui entoure son identité. Rien de tel pour un enfant homosexuel. Où l'adolescent qui se découvre différent des autres va-t-il trouver le référent culturel auquel il pourrait s'identifier de manière positive ? » (1). Michèle se voyait comme un cas particulier, une névrosée qui avait quelque chose à cacher. Elle a été soulagée d'un poids immense le jour où elle a découvert que de grands écrivains comme Proust, Aragon ou Colette « étaient comme elle ». «A la période du silence et de l'obscur a succédé celle du militantisme et de la révolte contre une société hypocrite ». Et puisque l'homosexualité ne se voit pas, contrairement à la couleur, l'handicap ou l'âge, il a fallu la clamer haut et fort: « L'amour qui n'ose pas dire son nom est alors devenu la névrose qui ne sait pas se taire» (1). J ouir sans entrave, « s'éclater» depuis 1968, les homosexuels ont joué à fond la cartre de la libération, face à une sexualité « normale », plus axée sur la procréation que sur le plaisir d'aimer. Des marches homosexuelles mixtes organisées par le CUARH (Comité d'urgence anti-répression homosexuelle) qui, depuis 1979, rassemblent plusieurs milliers de manifestants dans les rues de Paris, au procès intenté à Mg Elchinger, évêque de Strasbourg, qui avait déclaré que « les homosexuels étaient des infirmes », l'heure de la riposte a sonné. Des mots naguère péjoratifs, « pédé », « lesbienne », ont été revendiqués avec fierté et le terme « gai », traduit de l'américain, a fait une entrée fracassante. Fer de lance du mouvement, Fréquence Gaie est une des radios libres les plus écoutées, et le Gai Pied Hebdo diffuse à 25 000 exemplaires. Le CUARH édite un mensuel mixte, Homophonies. Le public masculin dispose d'un nouveau mensuel fort luxueux, Samouraï, « une nouvelle manière d'être un homme ». La revue Masques, trimestrielle et littéraire, a fêté en grande pompe son quatrième anniversaire au Palace par un « Hommage à Fassbinder », réalisateur du film Querelle, tiré du roman de Jean Genêt, lu par Jeanne Moreau en personne. Bars, restaurants, saunas, les lIeux « gais» ont fleuri tout d'un coup à Paris, surtout aux Halles, et en province. Au mois de mars dernier, l'Association des médecins « gais » organisait son premier congrès, sponsorisé par l'Institut Pasteur et deux laboratoires pharmaceutiques. En juillet prochain, la troisième Université d'été homosexuelle, mixte, se déroulera à Marseille, grâce ail soutien actif de la municipalité. C ôté femmes, pourtant, le mouvement est beaucoup plus lent. Mis à part quelques boîtes parisiennes assez fermées et quelques « lieux de femmes » qui ont résisté à la chute du mouvement féministe français, il y a peu d'endroit où les lesbiennes . puissent s'exprimer en tant que telles. « Elles n'osent pas de toutefaçon, explique Françoise, elles sont coincées, et c'est dommage ». Les revues lesbiennes éditées en Allemagne, en Suisse (CHt 007) ou en France (Lesbia) n'ont pas Paris avait titré «Les homosexuels .punis par le cancer ». Bernard en a encore les cheveux dressés d'indignation! Depuis, il a été prouvé que dans plus de 25 070 des cas «de syndrôme de Kaposi» observés, il s'agissait d'enfants,de réfugiés d'Extrême-Orient, ou d'hémophiles. A insi l'utilisation du syndrôme de Kaposi par les médias pour démontrer que l'homosexualité est dangereuse, congénitale et malsaine laisse apparaître un vieux fond repressif. «De même, pour l'assimilation trop souvent faite ces derniers temps entre homosexualité et pédophilie, comme dans l'affaire du Coral. Faut-il insinuer que tout instituteur hétérosexuel préfère les petites filles? ». Bernard, fonctionnaire, dort à ce titre justifier, d'une« bonne moralité» selon l'alinéa 2 de l'article 16 du code de la Fonction publique. «C'est la porte La théorie de l'amalgame: homosexualité, pédérastie, pédophilie. réussi à prendre l'essor commercial du Gai Pied ou de Masques. Malheureusement, les préjugés ont la peau dure. En témoignent l'isolement complet dans lequel se trouvent certains homosexuels en province, ou bien encore l'affaire du «cancer gai ». Le « syndrôme de Kaposi» a fait son apparition à San Francisco l'année dernière, avant d'arriver en France. Présentée d'abord comme spécifiquement « gai », Amoureux, pas cancéreux ce cancer, menant rapidement à la mort par la suppression de toute défense immunitaire, a fait des ravages psychologiques dans la communauté. «Certains ont été effrayés et ont remis leur vie sexuelle en cause ». Le Quotidien de 18 ouverte à tous les abus, et ils ne manquent pas ». Le CUARH, qui dispose d'une permanence juridique hebdomadaire, a lancé dernièrement une campagne de signatures pour l'extansion de lois antiracistes et anti-sexistes à l'homosexualité. «Ecoutez, j'ai téléphoné à votre ancien hôpital et j'ai su que vous viviez avec une autre infirmière. Cette relation homosexuelle aurait désintégré le service. » C'est ainsi que Marie s'est vu signifier le refus d'un stage d'infirmière psychiatrique. Que faire? Le dossier publié par «CFDTMagazine » de janvier est à bien des égards significatif. Intitulé Un adulte sur cinq, il revendique « la prise en compte de la différence» et constate que la situation des homosexuels dans les entreprises évolue à petite vitesse. Les travailleurs inteviewés en arrivent souvent à la conclusion que «parler, c'est inutile et dangereux» (Anne, soudeuse). Des associations homosexuelles se sont créées dans la fonction publique, Gay PTT, Médecins gais, D'DASSistance Gaie, et les Gais Architectes. Après les bars, les saunas et les prix littéraires (Yves Navarre et Jocelyne François en 1980), les homosexuels (elles) « sortent une deuxième fois du placard» pour se battre contre les discriminations dans le travail et la vie quotidienne. E n juin 81, le CUARH avait obtenu du nouveau gouvernement la suppression immédiate du Groupe de contrôle des homosexuels, qui dépendait de la Brigade des stupéfiants et du proxénétisme. Au même moment, la préfecture de police niait l'existence d'un fichier « homosexuel », hommes ou femmes. Le CUARH a saisi la commission nationale Informatique et Liberté. Une enquête est actuellement en cours. L'enjeu est de taille. En 1941, la Gestapo a utilisé les fichiers de la Sûreté nationale française pour envoyer les homosexuels alsaciens au camp de rééducation de Schmirmack. Suivant les chiffres de l'Eglise autrichienne, 200 à 300 000 homosexuels auraient été déportés de l'Europe entière vers les camps de Sachsahausen, Ravensbrück, Dachau, un triangle rose cousu la pointe en bas sur le revers de lèur chemise. Dans de nombreux pays, l'homosexualité est considérée comme un crime. Elle est passible de mort en Iran, illégale en Nouvelle Zélande et en Irlande. Un Irlandais qui avait récemment participé aux premiers Jeux Gais de San Francisco s'est vu excommunier dès son retour au pays. En Amérique latine, une répression particulièrement dure touche les homosexuels d'Argentine et d'Uruguay. L'International Gay Association dont les revendications se basent sur la déclaration universelle des Drois de l'Homme, voudrait être représenté à l'ONU en tant que ONG (2). A son point de vue, les homosexuels victimes de la répression devraient être reconnus comme prisonniers d'opinion par les organismes qui défendent les Droits de l'Homme, tels Amnesty International. De même, ils devraient pouvoir obtenir le statut de réfugié et le droit d'asile. Malgré tout, la communauté homosexuelle n'est pas exempte de contradictions. Entre les hommes et les femmes, le clio vage se fait fortement sentir. Rares sont DIFFÉRENCES 0 N° 230 MAI 83 Au dernier congrès de l'International Gay Association,à Strasbourg. les boîtes ou les bars qui acceptent le~ homosexuels des deux sexes. Si « pédé et lesbiennes font bon ménage », il suffit de comparer les petites annonces poUl mesurer le fossé qui les sépare. Côt~ femme, le sentiment : « Jeune fille cherche tendre et douce amie, sincère, poUl partager joies et peines ». Puis, dans le Gai Pied, côté homme : « On se rencontre, on se plait, on baise. Moi, 37/182/74, brun, du charme BCBG. Toi, plutôt musclé, poilu, beau gosse, quoi ». « Les lesbiennes subissent deux fois la répression sexuelle, en tant que femmes et en tant qu'homosexuelles ». Pour Françoise « il faut déculpabiliser: d'abord être bien dans sa peau ». Et n'y a-t-il point mille et une manière de vivre son homosexualité? Entre Laura, mariée, quatre enfants, qui sort en boîte «parce que les rapports avec d'autres femmes font aussi partie intégrante de ma vie» et Danièle qui « ne supporte pas les hommes physiquement », quels points communs trouver? Il existe par ailleurs de nombreuses divergences politiques ou religieuses, des chrétiens «David et Jonathan» au CUARH, en passant par le Beit Haverim, groupe homosexuel juif, et l'Ahzem, Gais maghrébins. L e premier mouvement homosexuel français, Arcadie, créé en 1964, s'est autodissous cette année. Pour les arcadiens, les homosexuels étaient des gens comme vous et moi ayant droit à « l'indifférence ». La stratégie d'Arcadie consis- 19 tait à se créer dans le système social établi un réseau d'interlocuteurs compréhensifs. Estimant que l'explosion gaie de ces dernières années et que l'affirmation de la différence sexuelle et culturelle d'un groupe minoritaire menait à son Le juif et la folle exclusion, Arcadie a choisi de disparaître. Mais pour beaucoup de militants homosexuels, il est maintenant «plus important d'affirmer nos valeurs ». Dans un article publié par le Gai Pied, Stephane Kaplan, militant du Beit Haverim, homosexuels juifs, expliquait pourquoi il faut sortir de l'ombre pour rétablir une image vraie. « L'identité juive ou homosexuelle inclut une phase de revendication et d'affirmation de l'identité, car la différence n'est pas manifeste. On est juif ou homosexuel avant tout par rapport à soi, selon des ressorts qui opèrent à l'intérieur de sa personnalité. Homophobie et antisémitisme présentent d'ailleurs des points communs », poursuit Stéphane. Pour rendre visible ce qui ne l'est pas à priori «la société a créé deux archétypes outranciers: celui du juif pingre au nez crochu et celui de la folle hystérique ». C'est plus rassurant. 0 Véronique MORTAIGNE (1) Dennis Altman. Homosexuel (le), oppression et libération. Ed. Fayard. Voir également : Gérard Bach. Homosexualités. Ed. Le Sycomore. Geneviève Pastre. De l'amour lesbien. Ed. Persona. (2) Organisation non gouvernementale. Du bon usa&e de la langue en Afrique n Louis-J 20 (/) ~ '"! "" UT-FAIRE ~ ~--------------~ ~ UTEUR de plus d'une dizaine A d'ouvages, dont certains, comme Linguistique et Colonialisme (Payot, 1974) font date, le linguiste français Louis-Jean Calvet s'est fait une réputation de pourfendeur de tous les colonialismes culturels et de champion des différences. Né en Tunisie où il s'est frotté déjà à une situation de pluralisme linguistique (arabe, français, italien, maltais), il s'est toujours intéressé aux problèmes que posait ./'imposition du français non seulement aux ex-colonies mais également à des régions françaises comme la Bretagne, l'Alsace ou les D. O.M. Il se définit luimême comme sociolinguiste, c'est-àdire quelqu'un qui essaie de « deviner les rapports de force dans les sociétés à travers les rapports de langues ». Différences: Vous êtes un avocat de ce qu'on peut appeler le plurilinguisme. Louis-Jean Calvet : D'abord, je crois que c'est un facteur de richesse, que ce soit au niveau individuel ou au niveau des sociétés. Un enfant bilingue n'est jamais retardé par rapport à un autre monolingue. Les psychologues pensent même que le bilinguisme est plus un facteur de développement chez l'enfant qu'un facteur de freinage. Quant aux sociétés, ça dépend beaucoup comment ce plurilinguisme est géré. C'est un problème de société, un problème politique. Il y a des pays où l'on parle plusieurs langues mais où se sont imposées, pour des raisons historiques, ce qu'on peut appeler des langues de prestige, en général des langues coloniales, néo-coloniales ou postcoloniales. Les gens qui ont le pouvoir de décision dans ces pays ou qui sont censés l'avoir ne décident souvent rien du tout: ils laissent simplement se prolonger la carrière d'une langue imposée auparavant. Pourquoi? Est-ce par hasard ? Par oubli ? Par calcul ? Le résultat est que l'accès au pouvoir est bouché pour la plus grande partie de la population. Pour prendre le cas de l'Afrique dite francophone, j'estime, si on veut être optimiste, qu'il y a 10 0J0 de la population qui parle français. Pour avoir un statut, être député, enseignant, fonctionnaire, etc., il faut bien sûr parler cette langue ... Ce qui limite considérablement le jeu de la démocratie. Au Mali, 75 % des gens parlent bambara, pas comme langue maternelle mais comme langue véhiculaire. Au Sénégal, 98 0J0 des gens parlent wolof. En Côte d'Ivoire, 65 % des gens parlent ou peuvent parler jula. Au Congo, 55 0J0 des gens parlent lingala, l'autre moitié parle monokotuba. Dans tous ces pays, on compte entre 8 et 15 0J0 de francophones. Dans ces conditions dire que le français peut être une langue véhiculaire est une hérésie. Différences: On explique souvent le choix du français comme découlant d'une nécessité - étant donné la non existence d'une langue commune dans des paIS où cohabitent plusieurs langues - et surtout l'impossibilité d'accéder aux sciences, aux techniques et à la culture universelle par le biais des langues nationales. Louis-Jean Calvet : Ces explications, on les donne après . D'abord, en général, il n'y a pas de choix. C'est soit une politique par défaut, soit un choix volontaire de limitation à l'accès du plus grand nombre à l'enseignement et au pouvoir. C'est un moyen de sélection féroce comme le latin en d'autres temps ou l'arabe classique ailleurs. A l'indépendance, les gens qui ont pris le pouvoir étaient ce qu'on appelle en bambara des« nègres blancs ». Eux ne se posaient pas le problème puisqu'ils parlaient la langue coloniale. Ils ont continué à reproduire un système où il fallait parler cette langue pour gouverner. C'est le problème général de l'héritage. Différences: Il y a en Afrique aussi des pays qui n'ont pas suivi le travers que vous dénoncez. Il y a l'exemple de la Guinée et plus récemment celui des Seychelles qui ont adopté le créole comme langue officièlle. Louis-Jean Calvet: Les pays qui essayent d 'imposer le français ont prouvé que cette politique était un échec total dans le sens où l'entend l'UNESCO. Dans ces pays, ce qu'on appelle l'analphabétisme de retoùr (c'est-à-dire l'analphabétisme après cinq ou six ans d'école) est très élevé. Le problème de la Guinée qui a choisi d'alphabétiser en six langues régionales est très intéressant. Ce que je peux dire est que le niveau en français des étu-. diants guinéens que j'ai rencontrés est parfait alors qu'ils ont étudié à l'école deux langues africaines avant d'apprendre notre langue. Cela signifie que commencer l'école dans sa langue maternelle n'est jamais un frein. Les psychologues disent qu'envoyer un enfant à l'école, en l'arrachant à sa 21 mère, est déjà un viol psychologique. Il doit ensuite apprendre deux ou trois sémiotiques (systèmes des signes) comme le calcul, l'alphabet. Si, en plus, on ajoute une autre langue ! Sans parler idéologie, du simple point de vue pédagogique, on voit que c'est une erreur, on va vers l'échec. Si on alphabétisait dans la langue maternelle, on gagnerait deux ou trois ans. Mais je ne défends pas les langues africaines uniquement pour cette raison. Je pense en effet, que n'importe quel groupe ethnique ou culturel est unique et qu'il a droit à la différence, et a des droits: aller à l'école dans sa langue, conserver son univers culturel, sa tradition orale. Aux Seychelles, le gouvernement socialiste de France-Albert René a fait ce choix. Il a décidé d'adopter comme langue nationale et langue officielle le créole que toute le monde parle. Quand on . accède directement à la langue coloniale, on n'apprend pas sa propre culture. Les Seychellois valorisent leur propre savoir et apprennent le créole d'abord, l'anglais et le français ensuite. Il faut apprendre les langues internationales. On ne peut demander aux hommes d'affaires qui viennent chez vous pour quelques jours d'apprendre votre langue. Mais comme deuxième et troisième choix. Plurilingue tant que vous voudrez, mais à condition que l'on ait aussi sa langue maternelle. Propos recueillis par Abdou BERRADA AUX SEYCHELLES L ES réalisateurs québécois Alain d'Aix et Jean-Claude Burger ont tourné aux Seychelles un remar~ quable petit film montrant la volonté et la détermination de tout un peuple - dirigeants et citoyens - de sauver leur patrimoine culturel. La fierté des Seychellois est très visible dans les interviews du président, des ministres. Mais aussi les séquences tournées dans les écoles, avec les musiciens, les pêcheurs, ne sont empreintes d'aucune xénophobie. Il y a tout simplement affirmation de soi - sans aucune agressivité - pour que l'autre puisse nous accepter en tant qu'égal. Unfilm qui devrait être montré (et doublé 1) dans beaucoup de pays. A.B. Pour l'obtenir, contacter "Agence de coopération culturelle et technique, à Paris. jlI:\I~TERE DU TRAV.\tL SER\·ICF. D'E LA M,uN~Q OEC\'IOE INIHûfl'X'l' NonrrAfRn A.OEE ln (";OLmHALE . T1'a'l.'ailleu:r fraee) Résid UCC' ; Nf) 7 PERSONNEL lN,pIGÊNE /~,~ FICHE D'IDENTITÉ 22 Au pays de Peugeot, on n'oublie pas les immigrés. Une grande initiative culturelle leur rend hommage. Un jeune chômeur, Serge Kos, se laisse mourir de faim et de froid dans une solitude extrême, entre l'usine, l'église et le syndicat. On ne comptera pas moins de cinq «over-doses» mortelles en l'espace d'une année, dont une dans les toilettes d'un atelier de montage de l'usine Peugeot. Au pays de Montbéliard, c'est le « système Peug ... » qui règne en maître sur l'emploi et le logement. Une ville singulière, pas tout à fait plurielle où les immigrés représentent pourtant près de 14 070 de la population totale et où se joue quotidiennement la chansonnette « travail, famille, racisme, chômage et drogue ». Tout recommence par la découverte dans les greniers de l'empire industriel de baron Empain, l'ancien royaume Schneider, d'une centaine de fiches et de carnets individuels de travailleurs maro- 1937 ; les fiches du ministère du Travail. 1983 ; Montbéliard, ville tranquille. cains, établis par le ministère du Travail, service de la main d'oeuvre indigène, à leur arrivée en France entre 1937 et 1940. « Autant d'arbres aux rêves insensés » (1) .. Les fiches portent la mention « race marocaine », deux photos quasi anthrométriques, l'une de face l'autre de profil, sous-titrées d'un numéro de matricule inscrit à la craie sur une ardoise suspendue autour du cou de celui qui semble ne plus être considéré comme un être humain. Une pratique administrative méprisante sur fond rose colonial qui « nous crache en pleine gueule, ce que nous Français avons été et sommes encore probablement» (2). L'auteur de cette «trouvaille », Antoine de Bary, mettra quelques années à laisser monter en lui, dans un contexte politique pas très favorable ce qui deviendra peu à peu Rupture, cette exposition-évocation de la mémoire, de la souffrance de ces hommes « qui avant d'aller mourir pour la patrie au Monte Cassino sOflt passés par le Creusot» (3). C'est sous l'égide de l'association Visages ' - Oujouh, en collaboration très étroite avec le C.A.C, centre d'action culturelle que le projet a pu prendre corps. Un «itinéraire-rupture », cousu de draps blancs, symbole de la pureté et de la mort tient lieu de fil d'Ariane au long du parcours, qui nous conduit d'une cabane de chantier reconstituée, grandeur nature, jusqu'aux lits de l'asile psychiatrique, à l'autre bout de la chaîne. La Rupture c'est un regard élargi sur l'histoire d'un peuple transplanté. C'est un lieu de reconnaissance fraternelle, qui donne simultanément à voir, à entendre et à lire. A voir, des photos de la Bibliothèque nationale qui renvoient en guise de préambule aux horreurs du nazisme et de la déportation. Puis celles d'Armand Borlant, Claude Dit yvon, Isabel, Didier Maillac, Jacques Windenberger, qui saisissent les travailleurs immigrés, à l'usine, sur les chantiers, dans les lieux d'habitation, à l'école, dans les hôpitaux, en un mot des images de la terre promise, celles du paradis perdu et de l'humiliation. A voir aussi les réalisations plastiques d'Antoine de Bary sur le « racisme, le langage des lames de scie qui crachent des clous» sur la « fonction miroir », le chômage, où la symbolique de la rupture est toujours matérialisée par un fil barbelé. Sans issue A voir également, la reconstitution d'un cimetière avec pour chacun des travailleurs, un cercueil de bois peint aux couleurs du Maroc, contenant le carnet individuel et une sourate du Coran personnalisée, dans un ultime hommage. De, monta~e, vidéo viennent enrichir le travail précédent. On remarque voie sans issue, réalisée par de jeunes immigrés de la banlieue de MOlllbéliard, qui portent. iu'-qu'au drame. un rl'l!ard lucide sur le' quotidien. Hadda et Laïla dif!logue entre une grand-mère et une fille, Algériennes toutes les deux, qui 23 témoignent à leur façon de la rupture entre les générations. D'excellente qualité également la bande sonore de Mara Laporte à l'écoute des bruits de ce monde et le dialogue imaginé tout au long de l'exposition par Adbellatif Laabi. Le catalogue regroupe des contributions majeures de Jean Genet, de Tahar ben Jelloun, Martine Charlot, Hayate Bousta, Bernard Rettenbach, Colette Petonnet, Chérifa ben Achour et d'Abdallah Baroudi sur Mohamed l'immigré qui s'use et s'anéantit pour la prospérité du capital, et quelques misérables miettes. Mais l'essentiel de La rupture c'est sa fonction de miroir. Ne sommes-nous pas tous des immigrés depuis que Dieu dans la Bible a chassé Adam du paradis terrestre, le condamnant ainsi à l'errance, à la recherche d'un abri, de nourriture et de travail? (4) Abraham pressenti par Dieu pour être son messager ne devait-il pas rompre avec sa terre et les siens? Mahomet persécuté par la bourgeoisie de sa patrie, n'a-t-il pas quitté La Mecque pour Médine ? Voix d'usine En fait, «l'histoire ne nous donne aucun cas de communautés humaines qui se soient développées en un espace géographique donné, le tout de façon définitive et immuable» (5) Le concept de nation lui-même recouvre un tissu complexe d'émigrations, de guerres et d'échanges entre des groupes humains originellement disparates, moulés dans le creuset national par le biais de l'appareil d'Etat. Nous sommes, pour la plupart, d'origine rurale, jetés dans le bouillon de la culture urbaine. Nous sommes les uns et les autres amenés à vivre des situations de rupture, qu'il s'agisse d'un sentiment personnel, d'un engagement, d'une situation professionnelle, du passage d'un milieu social à un autre ... etc. La Rupture émerge dans une dynamique culturelle locale, qui a déjà produit par le Théâtre-Action-Trétaux, associé plus récemment à la Compagnie du Trèfle, au CAC et à l'association Espoir et Drogue pour monter un spectacle, Pelouse interdite, sur une écriture de Michel Beretti, ayant pour thème: Livres et liberté 1) «LES GRANDS REVOLUTIONN AIRES ». 8 volu~es magnifiquement reliés et illustrés, présentant l'action et la pensée d'hommes et de femmes tels que Marx, Louise Michel, Bakounine, Schoelcher, Jaurès, Blum, Dubcek, Allende, etc. 2) « FEMMES & SOCIETE». 7 volumes montrant l'importance et le rôle de la femme dans l'évolution de la société depuis 150 ans. Demandez une information gratuite en retournant le coupon ci-dessous aux EDITIONS MARTINSART, 58, rue des Capucins 41200 ROMORANTIN NOM ....... PRENOM ADRESSE ............................... . ..................... CODE POSTAL Désire une information sur LES GRANDS REVOLUTIONNAIRES FEMMES & SOCIETE Date ..................................... . Signature ................................. . SOClétc anonyn\(' 'HI Cdpltôl ril' :)~)O 000 tr8ri,s 41 RUE DU SENTIER PARIS 2\' TELEPHONE 233 8243· / . C.c.P. PARIS 7456 42 GEMONT S.A. Fabricant de rideaux couvertures - linge de maison 30, rue des Jeûneurs 75002 Paris - Tél. : 261.83.84 24 Le plus beau jour de votre vie au Caunt~~ Club de ;~ande Aamaine dans un parc de 30 ha avec piscine chauftëe, tennis, etc. à 25 minutes de Paris par a~toroüte ;14. Ouvert toute l'année Té!. 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Une démarche qui rend compte de l'enfermement du sujet, de sa trajectoire vers la mort, sur toile de fond de voix d'usine. La C.A.C. quant à lui, autour de la Rupture, qui fait déjà l'objet d'animations en milieu scolaire, a créé un environnement sur le thème Des mondes ... , en un ensemble d'expositions qui chacune à leur manière raconte l'identité et la différenc:e, la séparation et la proximité, la rupture et la solidarité. Qu'il s'agisse de l'exposition de peintres arabes contemporains, réunissant l'Egyptien Adam Henein, les Marocains Mohamed Meleki et Farid Belkahia, le La Rupture doit se déplacer à travers la France et sera à " Chalon-sur-Saône du 22 avril au 20 mai. Oullins (Lyon) en septembre. Evreux (Le Vaudreuil) en octobre. Amiens en novembre, pour les Journées cinématographiques contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Mantes-la-Jolie en janvier 84 Rosny/Seine en février. CCI Beaubourg en mars. Le Creusot en mai. Syrien Dial Azzawi et le Libanais Lisa Fattah. Ou qu'il s'agisse des photographies de Marc Garanger sur les images d'une guerre dans le regard de femmes algériennes, ou encore des affiches des quinze artistes contre l'Apartheid. L e contexte de La Rupture, c'est aussi Radio Vouivre, ce sont des rencontres de femmes immigrées et de jeunes de nationalités différentes en stage d'insertion. Rencontres orchestrées par le M.R.A.P. et par les nombreuses associations locales et régionales de travailleurs immigrés (6), qui ont par ailleurs leur propre projet à l'instar des Blesh Papiers, de chez Peugeot, qui mènent une recherche théâtrale et tentent d'exprimer ce qui fait leur réalité de tous les jours. Dans La Rupture sont contenues et l'histoire et les appréhensions des immigrés face à leur avenir (7). L'exposition est un lieu de recherche, en même temps qu'un espace d'expression. C'est une rencontre d'artistes, de créateurs, qui nous invitent une fois 'encore à nous débarrasser de nos préjugés. C'est aussi un énorme travail d'équipe qui s'érige au lendemain des élections murlicipales, contre le discours 25 de certains progressistes et non des moindres, mais surtout contre les pratiques virulentes, racistes et poujadistes qui continuent de faire croire que tout rentrerait dans l'ordre (et quel ordre !) si les immigrés repartaient chez eux (8). En fait la Rupture, c'est surtout un immense espoir, car ce que beaucoup considèrent comme quelque chose de définitif, n'est qu'une forme de devenir. Ce que trop de gens vivent comme une perte d'identité culturelle et originelle, peut fonctionner comme un apport déterminant en termes de métissage, de diversification et de pluralisme cul ure!. Enfin pour répondre à l'argument de l'acculturation progressive largement répandu, disons que c'est précisemment cela qui transforme les société fermées en sociétés oJ.lvertes, c'est là que La Rupture prend tout son sens. 0 Daniel CHAPUT (1) Extrait de « l'arrivage» poème de Tahar ben Jelloun. (2) (3) Matricule 1I55-Jean Genet (4) «Nous sommes tous des immigrés », Martine Charlot. (5) Extrait de «L'Etat trahit la patrie originelle ». Silmane Zeghidou!. (6) AMATE, ASCAMI, AATEM, FRATE (7) Groupe CIMA DE du Pays de Montbéliard (8) Scénario du journal Actuel, sur les six mois qui déshonorèrent la France. 26 27 , AUSTRALIE, laplus grande île de la planète. Une L immense île-continent (près de quinze fois la France) enchâssée de désert. Seulement quinze millions d'habitants, dont dix dans ses cités côtières. Ce dernier Nouveau Monde n'est pas exempt de problèmes et vit aussi sa « crise» à l'heure de Mad Max. Au bout de vingt-cinq heures d'avion: brume tiède sur Sydney. Il faudrait l'oeil d'un Wim Wenders (le cinéaste de Nick's Movie et de Hammet) pour cadre le vertige de l'immense baie bleutée et du pont noir qui l'enjambe. Sydney-City, trois millions d'habitants. Première ville d'Australie - fondée dès 1788 - et ville-modèle des quatre grandes autres du pays. Ville-berceau de l'Australie blanche créée par une poignée de « convicts », de bagnards déportés. Quelque chose aujourd'hui comme le San Francisco des antipodes en plein Pacifique sud. Avec son symbole futuriste se mirant dans la baie: le Sydney Opera House. Architecture d'ailerons blancs et acoustique hors-pairs ... Société jeune d'à peine deux siècles, l'Australie « blanche » aura vécu une longue phase pionnière et coloniale puis, en accéléré, son passage à l'ère industrielle et technologique. Elle occupe maintenant une belle place en matière de recherche scientifique (en micro-chirurgie et en génétique par exemple). Et, les premiers bébés-éprouvettes émanent de ce continent d'immigrants. Depuis la seconde guerre mondiale, près de quatre millions de nouveaux venus ont « choisi» de s'y installer. AUSTRALIE Actuellement, un australien sur cinq n'est ni natif du pays ni descendant des colons anglo-saxons. Dominent en nombre les immigrants européens: Scandinaves, Italiens (ils sont des millions), Grecs, Yougoslaves (très nombreux aussi), des Tchèques, des Hongrois, des Turcs, des Ceylanais ... Sans oublier l'arrivée, ces dernières années, de réfugiés du SudEst asiatique. Ils seraient actuellement 60 000 Vietnamiens et plusieurs milliers de Cambodgiens répartis dans le pays. L'Australie d'aujourd'hui. Une société aux horaires de travail réduits, aux loisirs abondants ... Ces derniers temps, la presse européenne aura d'ailleurs trouvé à travers ce continent quelques belles « images » pleines de look moderniste, de grands espaces désertiques et marins, de corps bronzés et de saine énergie. Eclats-clichés d'une réalité passée au zoom touristique et bien dynamisante en période de crise ... Pourtant, ici, aux antipodes, de vrais problèmes existent au-delà de la vague des « surfers» et de la densité-record des courts de tennis inondés de soleil. Politiquement, le continent australien est une constitution de six Etats: N:ouvelles-Galles du Sud, Queensland, Victoria, Australie Occidentale, Australie du Sud, et Tasmanie (insulaire). Avec des institutions calquées sur celles de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, l'Australie est encore à ce jour une Vice-Royauté constitutionnelle et fédérale dépendant formellement de la reine d'Angleterre. Simple Lors des Jeux du Commonwealth de 1982, plusieurs dizaines d'Abori2ènes ont manifesté pour attirer l'attention du monde sur leurs problèmes. c~up:d'oeil sur un billet d'un dollar australi~n : recto: un gration, un chiffre aux résonances spécifiques et qui remet portrait de « Sa Majesté» ; verso: peintures aborigènes en mémoire la « dépression» des années 30. D'où quelques attestant la présence ancestrale (depuis 40 000 ans) des pointes d'angoisses chez les anciens migrants de majorité natifs du pays... « middle-class » attachés au bien-être et aux plaisirs de la Le 5 mars dernier, aux dernières élections législatives, consommation. . la dominante politique du pays changeait. Le parti travail- De plus, cette année, l'Australie vient de connaître une liste vient de damer le pion de Malcolm Fraser, l'ex-Premier sécheresse peu commune et jamais vue depuis plus d'un sièministre et leader du parti libéral-conservateur depuis 1975 cleo (après trois réélections successives). Un retournement de -----Q-u-a-n-d-Ie-s-m-u-I-tl-On-a-t-i-o-n-a-I-e-s---- situation qui n'avait pas eu lieu depuis le 1 er gouvernement travailliste de Gough Whitlam qui, en son temps (de 72 à remplacent les pionniers ... 75), n'avait pas lésiné sur les mesures fortes et spectaculaires. Reconnaissance de la Chine maoïste, rappel des militaires australiens engagés au Viet-Nam, création de la sécurité sociale, gratuité de l'instruction ... Dans le contexte actuel des années 80, que sera cette Australie remise sur rails travaillistes? Question ouverte et qui relève encore de la politique-fiction. Certains australiens « de gauche» sont même plutôt réservés quant aux possibilités réelles de changement d'un pays pris, lui aussi, dans les remous de la crise mondiale. Il y a peu, ce dernier « nouveau monde» fort de son néo-modernisme et de sa faible démographie semblait encore à l'abri du chômage et de l'inflation. Aujourd'hui, le chôJI1age frôle les 10 0/0. Pour cet Eldorado du rêve d'immi- 28 . Conséquences : une baisse de production céréalière de près de 50 % pour ce pays exportateur. Sans compter les gigantesques feux de brousse, la détérioration des grands vignobles réputés du sud du pays et de fortes pertes parmi son imposant cheptel. Pour la première fois, ce continent se voit contraint d'importer du blé américain et canadien. Bien que le monde rural australien ne représente que 5 % d'une population concentrée majoritairement dans les villes, c'est tout le secteur agro-alimentaire qui a été touché. Avec séquelles et conséquences économiques profondes pour cette société de mentalité « performante» se croyant un peu trop à l'abri des « coups durs» et des problèmes du « vieil Occident ». Sydney, une baie célèbre, un mode de vie. . De A à Z, de l'aluminium au ~inc, l'Australie est une inépuisable mine de matières premières. En passant par la baijxite, le charbon, le fer, le gaz naturel, le pétrole, l'uranium (20 % des réserves mondiales) et beaucoup de métaux rares et précieux. Avec une economie soumise aux lois des grands marchés de l'offre et de la demande, extrêmement dépendante des débouchés de ces richesses minérales. Mines et gisements se retrouvent sous la coupe réglée des multinationales établies sur des territoires où régnait jadis l 'esprit d'aventure style coup-de-poker des pionniers. Les investissements étrangers se disputent donc les marchés, enclenchent et accélèrent la compétition et les baisses de prix. Toutes questions évoquées jusqu'aux comptoirs des pubs où la bière mousse et s'écluse avec un bel allant. Et ce n'est pas un mythe de publicitaire en mal d'inspira,tion : 140 litres ingurgités en moyenne par personne et par an ... Jusqu'ici, l'Australie a toujours fait très bon ménage idéologique avec les Etats-Unis. Sous l'ancien gouvernement Fraser, toute mesure susceptible d'endiguer la moindre influence communiste dans le Pacifique sud était bonne. Au point - par exemple - de laisser les bombardiers US utiliser la base aérienne de Darwin, au nord du pays ... C'est d'ailleurs sous ce même gouvernement conservateur que fut passé un accord de politique nucléaire avec la France ; accord violemment dénoncé par le parti travailliste et les 29 ANTIPODE-CINÉMA L ES RECENTS succès mondiaux du label « Australie » (avec des films comme Picnic à Hanging Rock ou Mad Max 1 et II) pourraient prêter à confusion historique. En fait, le cinéma australien ne date pas des bruits et des fureurs de la Dolby stéréo ... Entre 1906 et 1970, ce pays avait déjà à son actif la production d'environ 400 films. Après l'époque cinématographique florissante de ses débuts, au sortir de la première guerre mondiale, le marché est pris par les Americains. Jusqu'à l'avénement du parlant, l'Australie réalisera peu de films. Ce n'est qu'à lafin des années 60 (sous le 1er gouvernement travailliste) que le pays se dote d'une véritable infrastructure de production-réalisation. Une « Commission du cinéma» est mise en place. En 1973, une grande école nationale de cinéma (1'Australian Film & TV School) est créée dans la banlieue de Sydney. Le renouveau du cinéma australien est à l'ordre du jour. Et il débarquera à Cannes en 1976 ... Bien que ce cinéma soit aujourd'hui largement aux mains des Majors Companies américaines et de la CIC anglaise, ses derniers succès spectaculaires permettent - paradoxalement - de ressourcer les projets de films futurs sur la réalité australienne et ses paysages. Avec un fort désir de ne rien perdre de son histoire et quasiment de s'inventer des racines. A cet égard, il n'est pas indifférent de s'interroger sur le « traitement» actuel de la minorité aborigène dans ces films récents, distribués à l'étranger. Dans la Dernière Vague de Peter Weir (le réalisateur de Picnic à Hanging Rock), le scénario repose sur les arrières-plans magiques de la culture abo. Une angoissante pluie de particules boueuses s'abat sur la ville de Sydney à la suite de l'assassinat d'un Aborigène et d'une vengeance talismanique... En dépit du talent du réalisateur et de sa « pureté» d'intention, cette fiction fantastique n'est pas loin de donner prise au racisme latent. A l'écran, les Aborigènes deviennent des personnages hiératiques et inquiétants. 0 Jean-Jacques PIKON syndicats australiens. Les expériences et les essais nucléaires français dans cette zone Pacifique (dont ceux de Mururoa) n'ont pas cessé de susciter de fortes réactions négatives dans l'opinion publique du pays. Ce qui n'a pas empêché une assez bonne implantation de sociétés françaises (au-delà d'un siècle pour la BNP) : Péchiney, Elf7Aquitaine, Total, etc. Une carte d'identité, c'est quoi? L'immigration française en Australie? très faible (40000 français environ) et disséminée; avec toutefois un petit nombre de nouveaux arrivants depuis l'élection de François Mitterrand/me confiait - sourire en coin - une assistante sociale de Sydney... Tenant à son image de marque de société libérale et « ouverte », l'Australie ignore la mise en carte de ses ressortissants. La carte d'identité nationale y est inconnue. Dans les services publics, plutôt que votre passeport on vous demande de présenter un simple permis de conduire qui peut servir à tout. Côté « routards» - avec une majorité de visas touristiques pris à Bangkok ou à Djakarta en même temps qu'un vol retour - la débrouille est donc au programme. Rien que dans la région de Sydney, on aurait ODEURS DE CUISINE Poussins de Sydney Pour 4 personnes: 4 poussins de 400 g. environ chacun, 3/4 de litre de jus d'ananas, 1/4 de litre de vin blanc, sel, poivre, garniLUre: ananas et bananes. Parer et brider les poussins. Les faire tremper plusieurs heures dans une marinade de jus d'ananas et de vin blanc. ' Egoutter et sécher, saler et poivrer, rôtir pendant 30 à 40 mn, pendant la cuisson arroser si. besoin d'un peu de marinade. Déglacer avec cette marinade et la faire réduire jusqu'à onctuosité. Ajouter les dés d'ananas et de bananes et napper les poussins. récemment « retrouvé» près de 20 000 immigrants illégaux dont un vétéran d'origine britannique totalisant 60 ans d'Australie en incognito (sic) li millions d'habitants pour. .. 7 682 300 km 2. Un territoire excessif pour qui arrive de la petite Europe. Des distances et des paysages vertigineux, une flore et un bestiaire parmi les plus déconcertants du monde ; du symbolique kangourou au koala en passant par l'émeu (une variété d'autruche). Exotisme facile, étonnement garanti! Dans le « bush» (la brousse intérieure) aVec ses étendues semi-désertiques, à perte de vue, des fermiers bottés et chapeautés règnent encore sur d'impressionnantes exploitations avec troupea~x de moutons ou de bovins. Certains de ces ranches atteignent parfois les 100 000 hectares. Seules possibilités de liaison avec les villes: la Land-Rover, la Toyota et les avions privés (qui sont nombreux). Alors, dans les avenues blanches des cités on finit par croiser des macadam 'cow-boys ... De Sydney à Melbourne ou Adélaïde, le stéréotype « pionnier» fonctionne encore dans les têtes ; même au sortir des bureaux un Australien sur trois travaille dans le tertiaire. Au fil des rencontres et des conversations, on se rend vite compte que l'Australie est encore une société à caractère « machiste » où l'émotivité est plutôt mal vécue. Imagedéfense

un homme doit savoir boire et faire le coup-depoing.

En réaction - depuis longtemps déjà - le féminisme est un mouvement puissant. Sur un campus, une étudiante 30 z _____. ..;..; _. .._ .1 ,:0:.): Les peintures murales de Carol Ruff à Adélaïde. me dit: « Si la femme de trente ans existe aujourd'hui en 4ustralie, ce n'était pas le cas de sa mère. Reléguée dans l'ombre à faire des sandwiches ! ... » Une société victorienne à la base, une éducation en dehors des femmes (hormis la mère) et ce serait assez pour que « le souci de virilité chez le mâle australien frise la maladie » .. . Et cela se ressent à travers le sacro-saint rituel masculin du club et du pub où c'est souvent: rires gras et bras-de-fer. Quoiqu'un soir, au sortir d'un bar d'Adélaïde (comme dit la chanson), dans Hindley Street, j'ai trouvé dans une vitrine, un moulage d'éphèbe en mini-maillot, avec cette inscription: « Je suis fatigué d'être un sex-symbole ! » Allons, les temps changent. Puisque même les tee-shirts le disent... Channel 0/28 : de s programmes en quarante-deux langues différentes. Qui dit mieux ? A peine arrivé en Australie, une bouche critique m'annonçait: « Tout le pays est soumis à la manipulation des médias à un point difficilement imaginable pour un européen ». Ici, cinq chaînes TV. Trois commerciales (Channels 7, 9 et 10) pleines de pubs, de jeux-concours, d'animateurs joufflus-contents et de séries américaines. Avec sur Channel 9 une bonne pensée pour les insomniaques

des films toute la nuit. Plus deux chaînes d'Etat:

Cocktail au soleil, bière au café. La championne est aborigène. ABC-TV (qui doit pas mal de ses pro!!ramm'es à la BBC) et une nouvelle-née avec un peu plus de deux ans d'existence sur la région Sydney-Melbourne: Channel 0/28. Visite de ses studios. Là, une TV à vocation « multiculturelle » quasi-unique au monde. Qui s'adresse à toutes les communautés d'Australie (anglo-saxons, Européens du sud, de l'est; gens du Moyen-Orient et du Sud-est asiatique). Des programmes en ... quarante-deux langues différentes; avec des films, des émissions, achetés au monde entier. Le sous-titrage anglais est effectué sur place. Par computers dernier-cri et une équipe polyglotte. Une chaîne qui n'émet encore que de 18 à 24 h mais où l'on traduit sans relâche: documentaires, dramatiques et films du tchèque, du yougoslave, du français, de l'arabe, de l'italien, du grec, etc. Avec des infos et des sujets-magazine concernant les diverses communautés et des temps d'antenne répartis en fonction de leur importance. Dans les couloirs feutrés, je croise Basia, une des présentatrices, qui fonce à la make-up-room. Entre deux « prises », face au miroir, un peu anxieuse, elle pense à la Pologne de ses parents; aux événements de « là-bas » .. . Quelques instants plus tard - sourire radieux de circonstance _ elle a,nnoncera une « french émission» puis l'intégrale retransmission d'un opéra de Verdi. Channel 0/28 semble une passionnante expérience de TV inter-ethnique dans ce pays où un australien sur cinq n'est pas d'origine britannique. Une initiative appelée dans les années qui viennent à 31 couvrir d'autres villes. Globalement, à son immense échelle territoriale, l'Australie totalise une centaine de stations TV et plusieurs centaines de radios. Sur les pistes de poussière rouge du Centre du pays où foncent les « road-trains » (ces camions-monstres de plus de 30 m de long), même une voix parasitée est une présence qui compte pour ces routiers des grands espaces qui ne sont pas encore Mad Max ... Vivre dans « l'outback » (l'arrière-pays) c'est être loin de tout. La liaison radio par émetteur-récepteur permet ici l'enseignement primaire des enfants pour des familles disséminées à des centaines de kilomètres de toute agglomération. A partir d'une classe-studio de la ville la plus proche, l'instituteur dialogue à distance avec ses invisibles élèves, au micro, interroge, corrige ... La décennie qui s'annonce du côté vidéo (notamment par le vidéo-disque) apportera sans doute un second souffle à ce système d'éducation baptisé « School of the Aie» et q,ui fonctionne ici depuis plus de 30 ans. A Alice Springs, le soleil cogne. Passe un Dupont-la-Joie ... Avec ses 18000 habitants: Alice Springs. La ville plein-centre ~de l'intérieur australien; la seule à des centaines de miles à la ronde. Une « oasis dans le désert» disent les guides touristiques ... Sur la paisible Stuart Terrace, un petit bâtiment blanc avec un drapeau bleu frappé de deux ailes, d'une hélice et d'un caducée. C'est l'une des treize bases des Médecins volants (du Royal Flying Doctor Service créé en 1925) réparties sur l'ensemble du territoire. En cas d'urgence ou d'accident dans un chantier, une« highway », un camp minier ou une station d'élevage et sur simple appelradio, un avion sanitairement équipé décollera en moins d'une demi-heure avec à bord un médecin et une infirmière. Un fil d'Ariane radio-aérien fonctionnant 24 h sur 24, 365 jours par an et qui relie les isolés de «l'outback» aux grands services hospitaliers des cités. Un service d'assistance unique au monde - ouvert à tous et gratuit - dont l'Australie est assez fière. Une après-midi à Alice Springs; le soleil cogne. Non loin de moi, trois jeunes aborigènes allongés sur un terreplein de gazon discutent. En casquette et salopette, un australien blanc passe et m'interpelle . fout de gu, Il me met en garde pour le sac et l'appareil photo que je trimballe: « Faites attention, méfiez-vous d'eux! dit-il en désignant les trois garçons d'un mouvement de tête. Ils nefont rien de lajournée, ils traÎnent. Tous pareils ces bastards ! Pas étonnant que la criminalité soit si importante dans notre ville » ... Je venais de tomber sur un triste Dupont-La-Joie australien. Ce ne fut pas le seul. Au-delà de l'anecdote, comment ne pas s'interroger, se poser des questions? D'origine suisse mais venue du Canada s'établir ici, au centre du pays, une postière me dira son dégoût d'un apartheid masqué mais qu'elle vit tous les jours. «Parfois, moralement je craque .. . Ici, particulièrement dans cette petite ville, il y a un insupportable mépris de la population aborigène. Descendants ou pas de pionniers, la majorité des gens vivent en terrain conquis, se croient dans un jardin protégé, ne pensent qu'à leur confort. J'en connais même qui s'imaginent qu'en cas de catastrophe atomique mondiale leur Australie sera épargnée. Ce pays s'est édifié sur le dos des aborigènes; en profitant de leur pacifisme naturel et en ne comprenant rien à leur culture. En la niant parce qu'elle repose très peu sur des bases matérielles. Si à Alice Springs, « Impossible de remettre les Blancs dans leurs bateaux » EPUIS 1972, des D changements sont intervenus dans la condition des Aborigènes en Australie. Du moins en théorie, car le gouvernement fédéral a laissé toute latitude aux Etats pour appliquer les mesures favorables aux Abos. Dans les faits, il n'y a guère q,ue dans le Nord que les land rights (droits à la terre que réclame le peuple aborigène) existent. Là, nous avons la possibilité de faire reconnaÎtre nos revendications territoriales, en montrant que l'endroit a toujours appartenu à la tribu, à travers son passé mythique, l'itinéraire de ses ancêtres. Cela dit, il y a un hiatus entre les directivesfédérales et le gouvernement fédéral. Tous les dossiers revendicatifs doivent passer par celui-ci, qui les garde sous le coude. De plus, les Aborigènes demandent l'autonomie, ils déclare ne pas avoir d'Abori- pour les Blancs. Le reste de la gènes sur son territoire, population s'entasse là, ce qui accepte cependant deux mil- rend les logements invivables. lions de dollars qui leur sont Beaucoup de gens s'installent mêmes positions que les jeunes. Bien sûr, nous savons bien que nous ne pouvons pas revenir 200 ans en arrière. Il y a des choses dans cette société qui nous paraissent bonnes. Si nous avions à reprendre notre ancien mode de vie il y a beaucoup de traits de la civilisation blanche que nous accomoderions. De plus, personne n'a encore construit de bateau assez grand pour remettre à la mer tous ces gens qui sont venus. Je suppose qu'une partie de ces Blancs sont nés en Australie et doivent y rester 1 Nous voulons simplement survivre à côté d'eux, puisque cette société ne peut nous convenir. D'ailleurs, on ne nous demande pas de nous y adapter. S'il est permis à un Blanc d'avoir des rapports avec une femme abo, l'inverse reste interdit par la loi. L'Afrique du Sud ad'ail- Short y D'Neil, ambassadeur des Aborigènes nous parle de son peuple n'ont guère droit qu'à une auto-administration sous contrôle blanc. Partout ailleurs en Australie, si une instance décide qu'il est d'intérêt national qu'une terre ne soit pas reconnue comme aborigène, on vire simplement les A bos, en leur reconnaissant toutefois le droit moral d'en être propriétaires. En fait, on les parque dans des réserves avec quelque argent, ce qui détruit le système de vie abo basé sur le nomadisme. A ce propos, les subventions fédérales sont détournées. La Tasmanie, qui destinés. C'est parfaitement significatif du statut des Aborigènes en Australie. Il faut dire qu'officiellement le dernier a été tué en 1876. Nous sommes supposés ne pas exister. sous les ponts ou dans des carcasses de voitures. 80 % des Abos souffrent d'infection des oreilles. Tous ces maux découlent directement de la dépossession. Les mentalités ont évolué. La vie en réserves a bouleversé notre mode de vie. De plus en plus, nous refusons de reconnaître une loi qui nous condamne à disparaître. La structure familiale très forte dans notre civilisation s'est inversée. Maintenant les personnes âgées viennent sur les leurs souvent pris conseil de l'Australie pour mettre au point l'apartheid, et le système des réserves. La thèse la plus couramment pratiquée ici est l'éclatement de la cellule familiale. Dans certains Etats, on enlève les enfants qu'on place en pension. Dans d'autres, les enfants sont ventilés, à tel point qu'avant chaque mariage, il faut faire une enquête pour savoir si les futurs époux ne sont pas frère et soeur. Vous voyez, il ne s'agit pour nous que de survivre. Pourtant le simple énoncé de nos difficultés prouve notre existence. 80 % des chômeurs recensés en Australie sont abos alors qu'ils représentent 1 % de la population totale, mais 45 % de la population pénale. On considère qu'un tiers des Aborigènes ont un logement convenable, pour eux s'entend, pas Traduit par Marie-Jeanne SALMON 32 lU 1: lZ o U Z 1: ...J ~ ' '-.................. ~------...... ----.... ~~ La réserve de Morningtown Island: pas d'alcool, pas de cigarettes sous peine de prison. comme ailleurs beaucoup s'adonnent à la boisson, c'est qu'on les a dépossédés de la croyance immémoriale qu'ils avaient en leur terre. Et c'est nous qui osons parler d'écologie maintenant 1 ... » Seuls habitants du continent australien jusqu'à l'arrivée des Blancs, les Aborigènes vivaient en nomades - de pêche, de chasse et de cueillette - parcourant en groupes familiaux disséminés d'énormes distances. Une civilisation adaptée à des conditions climatiques et matérielles où seuls, ils savaient vivre. Avec un intense rapport mythique et. sacral à la terre et au paysage. Depuis longtemps les aborigènes d'aujourd'hui revendiquent les droits tribaux des « sites sacrés» de leurs ancêtres sur la majorité desquels se sont installés (pour l'exploitation ou la prospection) les sociétés minières internationales. Au cours de la dernière décennie, le Parlement fédéral a finalement reconnu des droits aux Aborigènes sur ces territoires. Variables selon les lieux et les Etats, ces droits - théoriquement acquis -se traduisent mal dans la réalité. Les demandes, par exemple, de priorités d'emplois ou de pourcentages sur les royalties minières semblent se perdre dans le dédale administratif en raison des intérêts financiers des sociétés et des consortium. Cependant, par la voix de plusieurs leaders, les Aborigènes 'd'aujourd'hui (environ 1 070 de la population globale du pays) entendent bien défendre leur cause. En 1980, une délégation s'est d'ailleurs rendue à Genève pour la plaider devant l'organisation des Etats-Unis. Sur les 140 000 Aborigènes du pays, certains connaissent encore un mode de vie plus ou moins traditionnel dans les territoires du Nord devenus « réserves protégées ». Mais depuis les années 70, nombreux sont ceux qui se retrouvent dans les villes avec femmes et enfants. Chômeurs pour les 33 DIFFÉRENCES 0 N° 23 0 MAI 83 80 % d'entre eux, ils perçoivent du gouvernement une pension d'assistance (Dull). Une certaine manière pour l'Australie blanche d'enterrer ainsi sa vieille mauvaise conscience des massacres perpétrés lors de l'avancée des colons sur le territoire? En tous cas. une façon de maintenir ,pciail'ment un statu-quo, de ne pas aborder de front la question Aborigène, de reculer son échéance. L'indifférence confine au ghetto. Dans plus d'une ville, dépenaillés et dépourvus de ressources hors cette unique pension - sans qaalificationni possibilité de travail - les aborigènes tendent à se regrouper dans quelques pubs sinistres. L'alcool coule; beaucoup de bière pour oublier. Quand parfois la violence éclate, la police fait son métier à grands coups de sirènes et d'empoignades. Le scénario est triste, systématique, répétitif. S'il n'y a plus discrimination raciale en matière de législation, très peu d'Aborigènes ayant l'expérience de la ville n'ont pas aùssi celle de la prison. Sur la population pénale du pays: 46 % d'Aborigènes ... Souvent là où la peine pourrait se solder par une simple amende, l'aborigène, nonsolvable, est incarcéré ... Impossible la synthèse entre une culture venue du fond des âges et l'Australie moderne, au seuil de l'an 2000 ? Après avoir joué vainement la carte de l'assimilation, le gouvernement fédéral a préconisé l'éducation bi-culturelle. Mais sa mise en pratique est loin d'être satisfaisante. Ce n'est d!ailleurs qu'en 1967 que les Aborigènes ont été reconnu comme faisant partie de la nation australienne. Gary Foley - militant d'origine métisse affirme qu'il n'y a actuellement sur tout le territoire australien que six professeurs et trois avocats de souche abo : « Il est temps que le gouvernement nous perçoive et nous reconnaisse comme interlocuteurs à part entière. Nous n'admettrons plus de nous laisser flouér. » . « Les Aborigènes ont découvert Cook »~" un cri peint sur un mur Si la société aborigène est notoirement dépourvue de « cadres », elle sait prouver sa faculté d'autogestion; notamment à travers des centres de santé comme le Victorian Aboriginal Health Service (dans la banlieue de Melbourne). Malgré les efforts de ces centres et ceux du gouvernement en matière de santé, la mortalité infantile touche encore trois fois plus cette communauté ethnique, que les autres. Certaines maladies graves comme le trachôme et la méningite y sont aussi très répanaues. Depuis plusieurs années, Carol Ruff, artiste en peintures murales, travaille en collaboration avec la communauté aborigène. OEuvre visible ail plein air d'un mur de la ville d'Adélaïde : les portraits colossaux d'une vieille femme et d'un enfant abos. Avec l'inscription: « Les Aborigènes ont découvert Cook 1 » ... Des semaines de travail pour ce cri peint. Rien d'une boutade à l'heure où les touristes australiens comme les étrangers s'arrachent les dernières peintures sur écorce et les derniers vrais boomerangs. Sous l'humour d'inversion: l'évidence affirmée de la différence face au passé colonial et à l' Australian way of life d'aujourd'hui. Où des difficultés se profilent et l'ennui gagne du terrain ; malgré le soleil et la mer, l 'hygiénisme sportif et la course au confort. Dans ce pays où le vieil écrivain australien Patrick White (prix Nobel 73) ferait encore à 79 ans ' figure de marginal: «Parce qu'il s'est toujours insurgé contre nos deux valeurs dominantes, la réussite et l'argent » ... 0 Jean-Jacques PIKON ,ê1 Réflexion~~§êCharles i E considère la musique « J dans son essence comme impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc. ,» disait Igor Stravinsky. Distinguons cependant le partage qu'il ne fait pas: la musique pure, c'est-à-dire instrumentale (rythme, mélodie, harmonie) et le double langage articulé, musique et paroles (chants divers, musique religieuse, opéra). Toute forme musicale doit produire un plaisir. Peut-il être procuré par un phénomène qui n'exprime et ne signifie rien? Certes non. Laissons ce débat aux musicologues et autres théoriciens de la musique. Posons, d'entrée de jeu et contre l'assertion de Stravinsky, que toute musique peut servir à exprimer, surtout si on lui joint un texte et s'il se crée ainsi un langage à deux niveaux, produisant une signification. Incompris et rejeté A l'époque moderne, comment certaines formes musicales ont-elles pu servir de moyen d'expression à des individus, des groupes humains, des ethnies opprimés par différents pouvoirs, comment des gens différents d'une norme dominante, ont pu trouver dans la musique un chemin pour !;; libérer ce qui était contraint en eux. j Trois aspects peuvent être analysés: ~ l'individu incompris et rejeté par une [:i .:-. "- , ,,",. "' société (Mozart, Berlioz) ; les groupes ~ ... ________________ _ humains en révolte au nom d'un idéal Hector Berlioz contre un oppresseur (chants révolu- prix, deviennent son unique obsestionnaires, chants de travaileurs et de sion! Ses premières tentatives sont un partisans) ; enfin les minorités oppri- effort pour se libérer de la tutelle famimées par des pouvoirs politiques liale (oppression de l'argent et chan- (musique des Noirs américains et musi- tage affectif: lorsque sa mère apprenque brésilienne). dra la décision de son fils, elle le mau- La disparition progressive des mécè- ' dit, au sens propre ; cf. ses superbes nes, dès la fin duXVIIIe, et le désir des Mémoires). musiciens, romantiques surtout, de se Puis notre compositeur se heurte à libérer de toute contrainte et de toute l'Académisme tout puissant du Conpesanteur (tradition, académisme, servatoire, en la personne de son direcoeuvres de commande) ont mis à la teur Cherubini, tenant de la vieille' merci de la société de leur temps, de ses école et de la tradition; nous dirions, préjugés, de ses habitudes musicales et de nos jours, réactionnaire. Ses prede ses goûts, un certain nombre de mières oeuvres vont choquer les esprits compositeurs qui n'ont plus eu qu'un et les oreilles délicates des messieurs seul recours pour exprimer leur bien-pensants et de bon goût, car elles oppression : leurs propres productions sont bel et bien révolutionnaires: musicales. orchestrations grandioses et inaccoutu- Le cas Berlioz est plus complexe et mées, recherches harmoniques insoliplus étonnant. Son père et sa mère veu- tes, formes musicales difficilement lent faire de lui un médecin. Il entre- classables, musiques descriptives à prendra donc des études adéquates, à programmes qui racontent. Elles expri- Paris où il découvrira aussi de quoi ment, comme celles qui suivront, satisfaire sa passion pour la musique, jusqu'à la fin, un rejet des formes et Beethoven et Mozart, entre autres. modèles académiques, une tentative de Créer, composer, à n'importe quel subversion des règles imposées et il lui 34 faudra s'y reprendre à quatre fois pour obtenir le Prix de Rome 1830 (cantate « Sardanapale»), condition sine qua non pour pouvoir continuer à composer - les parents ont coupé les vivres et la bourse obt enue est substantielle - et pour être reconnu, ce qui, d'ailleurs, ne sera jamais le cas. Comme pour beaucoup de composi, teurs (les Romantiques, Fauré/Debussy/Ravel, l'Ecole de Vienne ... ) la subversion berliozienne est l'expression d'un refus de se laisser étouffer par les préjugés bourgeois (sa famille) et par la toute-puissance d'une Ecole et d'un goût officiel qu'il jugeait dépassés. Marseillaise et Bella Ciao Laissons de côté l'individu en lutte contre une société muette et hostile pour nous attacher aux groupes humains en révolte et aborder ainsi le problème dans une optique plus politir r Î r 1 2 ~...-.. -" -------- cres'c-. -/ EST -CE AINSI QUE LES HOMMES CHANTENT ? • , La musique adoucit les moeurs ? Elle peut aussi porter la colère. que et plus idéologique, d'une manière à la fois plus complexe et plus ambiguë. « La Marseillaise », hymne guerrier et patriotique des révolutionnaires républicains, à un moment où les concepts de patrie et de-république étaient subversifs, a été, pendant des décennies l'étendard de la liberté dans une Europe essayant de se libérer de toutes les formes de tyrannies. Elle devint le symbole de toutes les aspirations de liberté, d'égalité et de fraternité. Mais une musique peut facilement . en se déplaçant dans le temps (Cf. mon article: Wagner est-il coupable ?, Différences n° 20) être détournée de sa signification originelle pour être utili sée à des fins moins louables. C'est là qu'interviennent le politique 'et ses trahisons. En 1983, cet hymne n'est plus le beau chant révolutionnaire de ceux qui partaient défendre leur idéal et mourir pour leur liberté mais il est devenu l'expression patriotarde et nationaliste des plus sectaires défenseurs de l'ordre bourgeois occidental. Parallèlement, il serait intéressant d'étudier l'évolution de L'Internationale. Disons qu'il y a souvent danger de récupération par une classe au pouvoir d'un chant créé à l'origine par une minorité en révolte. y échapperont probablement les chants engagés, c'est-à-dire exprimant une révolte particulière d'un groupe particulier contre un pouvoir particulier: chants de travailleurs, d'anarchistes, de résistants et de partisans. C'est l'étonnante histoire du chant Bella Ciao, du début de notre siècle, de la plaine de Padoue, en Italie. C'est la complainte des travailleuses des rizières et de leurs dures conditions de travail. Il se termine ainsi: « Mais viendra un jour Où toutes, tant que nous sommes, Nous travaillerons en liberté. » Donc, un chant de lutte pour une société meilleure, où le travail sera moins dur et s'accomplira librement ; bel exemple de l'expression par la musique d'une oppression sociale et économique. On pourrait l'appeler: « La Voix des Rizières ». Cette oeuvre a été récupérée, elle aussi, mais, de façon étonnante, par les partisans italiens, pendant la guerre de 39-45 ; il y a là passage du flambeau entre une minorité en lutte dans le domaine économique et une autre en lutte contre des régimes politiques et militaires : le fascisme et le nazisme, Le texte a été transformé; voici le couplet correspondant au premier cité: « Et ceci est la fleur Du partisan Mort pour la liberté. » Verdi et les puissances étrangères C'est le même mot, porteur du même espoir et de la même croyance qui achève les deux versions. La musique est restée la même, tout comme le refrain ( Bella Ciao! »). Et il suffit, de nos jours, de le siffler ou de le fredonner, pour que tout italien y reconnaisse et y retrouve le symbole de la révolte et de la liberté. Jusque-là, nous avons restreint le problème à des cas particuliers ou à des faits ponctuels. Les cas généraux, nés de situations durables dans le temps et 35 'dans l'espace, nous conduisent à un élargissement nécessaire et à des formes musicales qui, en soi, ont pu et peuvent ne pas paraître exprimer une lutte contre une oppression précise, mais qui, dans leurs contextes historiques, politiques, culturels et sociaux, sont devenues, par la force des choses, symboliques d'une ségrégation. Ce fut le cas, au XIxe siècle, de certaines oeuvres de Giuseppe Verdi, dans une Italie, occupée par des puissances étrangères. (Cf. l'article déjà cité). Depuis le début du xxe siècle, de ses balbutiements jusqu'à ses formes sophistiquées actuelles, la musique noire nord -américaine et le jazz ont été appréhendés par les occidentaux comme l'expression de l'oppression raciste ressentie et vé'cue par cette communauté. Pourtant, cette musique de la négritude aux U.S.A., n'était pas, à proprement parler, porteuse d'un message de révolte, ni dans sa forme ni dans son contenu. Le «NegroSpiritual » dit la croyance religieuse et morale d'une minorité victime d'une ségrégation et plaçant son espoir de libération dans sa foi. Le «Blues» chante et exprime les malheurs et les bonheurs de la négritude sur un mode lancinant de détresse et de lamentation. Le « New-Orleans» cède le pas au rythme, provocateur certes, mais perdant bon nombre des connotations africaines qu'avaient introduites les premiers musiciens noirs. Le « Free », enfin, devient exercice de style s'acheminant vers la musique pure, la recherche. Les deux derniers exemples auront tôt fait d'être récupérés par les musiciens occidentaux, Pourtant qui nierait que ces musi- 1 ques ont été et sont toujours considérées comme le chant de la négritude opprimée? Cela tient aux conditions particulières de leur naissance et de leur développement

chants d'une communauté en

souffrance, exprimant ses malheurs, mais aussi son vécu et ses espoirs, l'ensemble déterminant .un signifié nouveau: l'identité noire nordaméricaine, la Négritude. On pourrait rapprocher de ce problème

le chant berbèr~, la salsa, le

reggae, la musique beat, le folk, le rock, etc. Là, la musique exprime l'identité d'une communauté par son existence même, ce qui est encore plus évident dans l'analyse de la musique brésilienne du XX· siècle. Condomblé et samba Les premières formes musicales brésiliennes sont nées de groupes d'esclaves noirs, originaires de différentes contrées africaines (le fameux triangle) ne parlant pas les mêmes langues et ne pouvant, partant, communiquer. Le Condomblé africain, chant-lutte, d'origine animiste, devenu danse au Brésil sous le nom de Capoeira et certains instruments comme le « berimbau », rattachent directement les ( afro-sambas» à cette identité africaine, qui, étymologiquemeni, rappelle sans cesse au maître blanc ou à ses avatars, son crime esclavagiste et la spécificité ethnique de son interlocuteur noir, ou métis, car les mélanges (noir, indien et blanc) sont allés bon train au cours des siècles . . De par son origine, cette population bigarrée est devenue, socialement et économiquemènt la classe la plus défavorisée, habitant les bidonvilles (favellas), les régions pauvres, un conglomérat de parias qui assument dans la société brésilienne les tâches les plus basses, le chômage et vit dans la misère. Par cette situation et le contact avec la classe dominante (blanche en grande partie) la musique originelle (afro-samba) va perdre de sa spécificité, va se banaliser et surtout dans deux voies principales: la samba et la chanson populaire. La «samba» est pour nous synonyme de Carnaval (Rio de Janeiro, Bahia ... ). C'est l'expression musicale d'un groupe de quartier (Ecoles de Sambas) l'aboutissement d'un long travail d'élaboration collectif et le désir de vaincre (puisqu'il y a concours). Pendant le Carnaval, les Ecoles de Sambas défilent les unes après les autres, selon un parcours précis et balisé, dans les quartiers riches de Rio, descendant des favellas . Comme dans les fêtes romaines, mères du Carnaval (Saturnales, Lupercales et Bacchanales, où une fois par an, les esclaves devenaient maîtres et vice-versa), ces groupes prennent possession des rues, des quartiers bourgeois grâce à une convention de tradition. Il s'agit d'un grand spectacle, d'une grande comédie qui ne durent qu'une nuit, puis tout rentre dans l'ordre bourgeois Louis Armstrong, jazz et joie de vivre. et fasciste du Brésil contemporain. De plus, les textes des sambas ne sont pas, en eux-mêmes, des appels à la rebellion. Le Carnaval est récupéré par l'idéologie dominante comme spectacle canalisant la créativité et les aspirations d'une minorité méprisée. Il est aussi difficile d'avoir une place à Rio qu'à Bayreuth! Ceci dit, la « samba» est reconnue, unanimement, comme l'expression musicale privilégiée d'une classe sociale opprimée économiquement. De ces formes musicales particulières, est née une expression individuelle, cette fois, d'artistes pour la plupart issus du groupe socio-culturel déjà cité. Ces chanteurs (de Chico Buarque de Hollanda à Vinicius de Moraes, en passant par Maria Bethania, Elizabeth . Caetano Veloso, Simone, Gal Costa, etc.) ont véritablement pris la parole par les médias merveilleux que constituent la chanson et le disque 36 (d'où concerts, radio, télévision et audience internationale). Il reste dans leurs oeuvres des résurgences de la samba et des rythmes du Nord-Est, mais leurs textes vont devenir plus percutants, dans la mesure où, avant la «libéralisation » du régime (années 70), ils n'étaient pas obligés de s'exprimer à demi-mots. Ainsi la chanson et le speCtacle de music-hall vont être le lieu privilégié d'une expression politique et élever leurs voix pour dire le vécu et l'oppression subie par leur communaut~ : écoutez, par exemple, ' Simone dàns sa chanson « Barbara », en duo avec Gal Costa. Etrange cheminement qui conduit de l'esclave à l 'homosexuel opprimé, peut-être exemplaire de cette certitude que tous les opprimés du monde ont bien à se donner la main. De ce long cheminement, une force, une constante se dégage : une musique peut ne rien signifier en soi, mais devenir, dans un contexte défini, le symbole d'une minorité opprimée. Il en va ainsi de la négritude noiraméricaine et brésilienne. Si le texte le contient, elle peut être engagée et arme de révolte et, si le musicien le veut, elle peut devenir la contradiction de l'affirmation de Stravinsky. « Sans la musique, la vie serait une erreur» (Nietzsche). Une erreur, certainement, mais surtout invivable pour beaucoup. Claude JALLET Lu Vu Entendu§§§§§§§§§êDIFFÉRENCES O N0 23 0 MAI83 LIVRES o Lettres de mon pays, éd. M.D.P.L. B.P. 2135 34026 Montpellier. Un recueil de lettres manuscrites et de photos, qui, constitue une véritable ethnographie intimiste de la vie rurale en Palestine en même temps qu'une chronique, qu'un journal d'occupation. Le langage des saisons, des olives et des blés rythmé par les bruits de la guerre exprime la nostalgie de cette terre de liberté, du temps où juifs, chrétiens et musulmans vivaient à l'écoute de leurs traditions respectives. Des lettres brûlantes de simplicité et d'amour qu'une grandmère assignée à résidence adresse à ses très chers petits enfants. C'est bouleversant et plein d'espoir. D.C. o La dialectique du don: essai sur l'économie des communautés indigènes de Dominique Temple, éd. Diffusion INTI. Les alternatives au modèle d'intégration traditionnel que les forces progressistes occidentales ont proposées aux communautés du Tiers Monde pour enrayer le sous-développement ont provoqué des tensions qui les remettent en question. Dominique Temple propose ici de contribuer à clarifier les principes des économies indigènes par une brève critique de la spécificité du don, en se référant à l'Essai sur le don de Marcel Mauss, et de la redistribution en se référant à l'ouvrage de Marshall Sahlins : Age de pierre, âge d'abondance. R.P. A commander à Diffusion INTI, 37, rue Meslay 75003 PARIS. u Murt de Pasolini de D Bellezza, éd. Persona. Chemin parcouru ensemble, dirait-on, à lire cette longue réflexion-rêverie de D. Bellezza, assise sur des faits précis, des témoignages sûrs, de nombreux extraits des poèmes et de la correspondance de Pier Paolo Pasolini. Oeuvre déstructurée, style démantibulé et agaçant parfois en corrèspondance avec l'angoissante question, leitmotiv de l'oeuvre et non résolue sinon à la manière d'un puzzle: pourquoi la mort en ce sordide Ostie? Assassinat ou suicide ? Point de concordance des deux? Pier Paolo Pasolini vu à travers le regard fasciné et amoureux de son ex-secrétaire et ami ainsi qu'à travers les témoignages divers de Moravia, Laura Betti, Elsa Morante, etc ... Le procès de Pelosi, le prétendu assassin, en décor tragique et dérisoire, et puis, peut-être, une clé, donnée par sa correspondance

« ... et alors la recherche

d'une joie immédiate, une joie à en mourir, est-elle l'unique issue ». Reportage sur un « cri destiné à durer dans la mémoire ». C.J. THEÂTRE o Les jours de Khiyâm de Roger Assaf. Chronique d'un village du Sud-Liban avec ses rires et ses pleurs entre les années 1948 et 1978. L'évocation s'enracine du côté d'Hayes Sellom dans la banlieue sud de Beyrouth, où les survivants du village ont trouvé refuge après les massacres du 18 mars 1978 perpétrés par les milices de l'ex-commandant Haddad, pendant lesquels une cinquantaine de vieillards terrés dans le village ont été tués. _ Une histoire vraie, rapportée mot à mot par les témoins qu'elle a directement touchés dans un arabe du sud-Liban. Un spectacle pas comme les autres durant lequel le public est même invité à partager la récolte des figues. Une mise en scène signée Roger Assaf créée en mai 1982 à Beyrouth par le Théâtre Libanais du conteur, à l'instar du Téatro Campesino des années 60 et de la chanson de geste. D.C. o Om-Saad de Ghassan Kanafani. Théâtre Lucernaire. Par le travers de quelques images de son enfance, Ghassan Kanafani nous replonge au coeur du drame palestinien, incarné ici par Om-Saad. Une femme blessée, marquée par l'exil et la déportation dans la misère des camps de réfugiés, en butte à l'indifférence et à l'oubli depuis les massacres de Deir Yassin d' avril 1948. La progression dramatique de l'interprétation d'Hichem Rostom, montre à l'évidence et ce d'une façon très émouvante que l'auteur envisage le retour comme une utopie prenant sans cesse le pas sur les contingences du quotidien. C'est d'autant plus fort que Ghassan Kanafani est · mort à Beyrouth en juillet 1972 déchiqueté à la suite d'un attentat. Par l'explosion de sa voiture, on touche à la magie. D.C. o Fanico par l'ensemble Koteba. Direction Souleymane Koly. 08 BP 2205. Abidjan 08 Côte-d'Ivoire. A la suite d'une dispute, Samba le fiancé de « Fanico }) tue Bila le frère de la jeune fille qui s'opposait à leur mariage. Dès cet instant les génies entrent en scène.. D.C. OLe cosmos, histoires de banlieue par le Centre dramatique de La Courneuve. Un bistrot de banlieue, authentique, le « Cosmos}) ! Et il en a vu des choses, des grandes, des moins grandes, des encore moins grandes, même des petitess qui passent inaperçues chaque jour. Les comédiens du Centre Dra' matique de La Courneuve les ont recueillies avec tendresse et les présentent sous la direction de 'Christian Dente. Une chronique un peu douce-amère des années 50, 60 et 70. A.R. EXPOS o Constantin Cavafy. Centre 'Georges Pompidou. Avec Cavafy c'est tout un univers méditerranéen qui sort de l'oubli. Kazantzaki, l'auteur de « Zorba}) se prendra à rêver devant lui, qu'il imagine dans un autre temps en prince florentin, en envoyé vénitien. Une poésie qui renvoit aux profondeurs de l'intérieur, à la tourmente. Cavafy demeure le poète de l'amour, de l'amour maudit, homosexuel. Alexandrie refuse cet amour car en 1900, elle est alors plus victorienne qu'hellénistique. Il y restera pourtant toute sa vie: « Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et en expériences. Ne crains, ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni la colère de Neptune ». Une exposition orchestrée par le Centre Georges Pompidou, un itinéraire symbolique à travers quelques-uns de ses poèmes et des oeuvres plastiques signées David Hockney et Diane Michals qui nous fait revivre Alexandrie, celle que Laurence Durrell a élevée au rang de mythe: « .. . ville unique toujours balancée entre l'illusion et la réalité, entre la substance et les images poétiques ... Alexandrie, capitale de la mémoire ... » D.C. o Wifredo Lam. Musée d'art moderne. Paris. Une oeuvre très symbolique, liée au Cubisme et au Surréa- 37 lisme. Une oeuvre entièrement dominée par l'émotion où se conjuguent les formes magiques païennes et catholiques de la « divinité » , de la célébration, de la fécondité et du futur. Une peinture qui regarde les sorciers et les esprits danser entre le ciel et la terre. Partant du merveilleux primitif qu'il portait en lui, Wifredo Lam, l'ami de Pablo Picasso et d'André Breton, s'est élevé au plus haut en faisant exploser son univers intérieur au dehors par un jeu d'ombre et de lumière, de vide et de plein. Il incarne le combat d'un homme en quête de dignité, c'est à la fois un retour à ses orginines africaines, un témoignage sur son temps et sa condition de peintre. Peu de temps avant sa mort en 1982, il achevait la toile qui désormais fait partie de l' initiative Quinze artistes contre l'apartheid. (Voir Différences nO 21 Mars 1982, affiche disponible au journal). D.C. MUSIQUE o Le gamin d'Harlem de Daniel Lévi. Pathé Marconi. Daniel Lévi, musicien originaire d'Afrique du Nord, chante le « Mal» et le « Gamin d'Harlem », la musique noire de ses nuits blanches, d'une voix pleine et chargée de nostalgie. D.C. CINÉMA o Prostitute de Tony Garnet (Grande-Bretagne). Film documenté sur les «arpenteuses du trottoir» des faubourgs d'An!!leterre, Prostitute ne satisfera pas les voyeurs. Avec une seule séquence porno - nécessaire, suffisante, assez criante de vérité -, ce film inciterait plutôt à entendre ce qui se joue dans les coulisses (vies personnelles, rapports de fric et de forces) de la prostitution et ses odes. Portraits vivants de prostituées. . Ni tableau de moeurs complaisant ni réquisitoire militant, le film mêle réalil~ reconstituée et fiction (une seule comédienne parmi les prostituées). Par l'évident travail d'enquête de terrain préalable au tournage, Prostitute mérite mieux qu'une méprise de ciné-pornophiles ou qu'un ghetto sociologique. On attend encore made-in-France, un film de tonalité aussi vraie sur ce sujet. J.-J.P. Notes de Daniel Chaput, Claude Jallet, Robert Pac, Jean-Jacques Pikon, Alain Rauch varger Culture 11 janvier 2012 à 15:08 (UTC)~~f Le continent noir fait recette. A quel prix? Coluche dans Banzaï , LES CAMERAS , SONT TOMBEES SUR L'AFRIQUE P ENDANT de nombreuses années, l'Afrique ne fut rien d'autre pour le public des salles obscures qu'un cadre de pacotille pour films occidentaux en mal d'exotisme. Sa représentation ne se situait pas à un niveau sensiblement différent de celui de « Tintin au Congo ». Hormis le travail capital, mais relativement marginal qu'a pu donner Jean Rouch, le cinéma français n'a fait, jusque dans les années 70, qu'utiliser l'Afrique comme décor de ses superproductions (les grands espaces, la nature et les animaux sauvages, l'aventure possible) et l'homme africain qu'en faire-valoir des vedettes européennes. Mais depuis qu'en Afrique a sonné l'heure des indépendances, de nombreux cinéastes, malgré des difficultés sans nom, ont percé. Ils ont accompli la prophétie de Georges Sadoul dans sa conclusion de L 'histoire du cinéma mondial en 1966. A Sembene Ousmane revient enfin le mérite d'avoir été le premier négroafricain à réaliser un long métrage d'une incontestable valeur, La Noire de ... où il conta l'histoire d'une jeune Sénégalaise engagée comme servante en France et conduite au suicide. Cette originale réussite à marqué une date 38 dans l'histoire du cinéma. Elle annonce peut-être un prochain essor dans l'art du film dans plusieurs pays d'Afrique noire ». Aujourd'hui? Des superproductions occidentales ou assimilées utilisent encore le cadre africain et sombrent dans les travers paternalistes et racistes du cinéma de papa. C'est le cas de Banzai~ de L'Africain et du pseudo-film botswanais Les dieux sont tombés surfa tête. James Uys, le réalisateur de ce premier film du Botswana, a déjà réalisé une dizaine de longs métrages dans son pays, l'Afrique du Sud, et dans sa langue natale, l'afrikaans. Il serait intéressant de comparer le contenu des films tournés au pays de l'apartheid avec celui des dieux sont tombés sur la tête. Nul doute qu'ils montreraient, contrairement aux affirmations du dossier de presse ( James Uys a en quelque sorte voulu rendre hommage aux Bushmen »), que l'homme, quand il est africain, est loin d'être la préoccupation de ce type de réalisateur. Dire cela n'est pas faire un procès d'intention à tous les sùd-africains blancs. Il en est de progressistes et des antiracistes. Leur oeuvre est diffusée en dehors Le temps béni des colonies de leur pays. Les dieux sont tombés sur la tête est loin d'être un film innocent. Les omissions dont il se rend coupable, quant à l'histoire et à la situation réelle des Bushmen, lèvent toute ambiguité sur la démarche du réalisateur. Elle se situe dans la droite ligne de l 'histoire officielle du régime qui fait la loi à Prétoria. Jusqu'en 1980, le gouvernement sud-africain a prétendu contre toutes études historiques sérieuses que lors de l'installation des Blancs en Afrique du Sud, le pays n'était occupé par aucun peuple. Il justifie tout son système par la théorie du primo-arrivant. De ce fait, le territoire est divisé en zones blanches et zones noires. Sur les zones blanches, les Européens sont censés être arrivés les' premiers; ces zones blanches représentent 87 070 de la surface totale du pays, les Noirs (67 % de la population) devant théoriquement se partager les 13 % restant. Les Bushmen Les Bushmen, ces hommes présentés dans le film de James Uys comme vivant encore à l'âge de pierre, ne vivent dans les zones désertiques que parce qu'ils y ont été contraints et forcés. Les Bushmen vivaient déjà dans les zones fertiles de l'Afrique du Sud avant le début de l'ère chrétienne. Traqués, décimés par les fermiers afrikanders, ils se réfugièrent dans le désert du . Kalahari. Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire sur les techniques de manipulation plus proprement cinématographique auxquelles se livre James Uys. Banzaï' de Claude Zidi ne s'embarrasse pas bien de l 'habit connaissance du monde des Dieux ... Le rire est gras, la caricature grossière. C'êst tout le Tiers-Monde qui est visé par les clichés , du style café du commerce véhiculés par ce cher Coluche. Traiter avec mépris ce genre de films ne suffit pas quand on sait que le film comique est le genre préféré de 65 % des jeunes, que l'essentiel du public régulier du cinéma est constitué par les moins de 25 ans. On peut s'interroger sérieusement sur le pouvoir d'insinuation raciste de films tels que celui de Claude Zidi. Une oeuvre susceptible d'installer ou de conforter les préjugés ... Philippe de Broca, auteur de nombreuses comédies de qualité, s'est laissé aIJer dans L'Africain à un humour fleurant bon le préjugé raciste. Retenons une phrase dans cette série de clichés auxquels malheureusement Philippe Noiret et Jean Benguigui prêtent involontairement la main! «Les nègres et les babouins, ça n'a pas plus de tête qu'un babouin ». Différences de mars dernier relève toute une série de propos du même acabit dans ce pseudo-africain de Philippe de Broca. Pourtant... quelques festivals de cinéma ont depuis quelques années permis la découverte de films africains inédits. C'est ainsi qu'à Nantes (1), au Festival des trois continents, en décembre dernier, et à Ouagadougou (Fespaco), en février 83 se sont affirmés Finyé (le Vent) de Souleymane Cissé (Mali) et Wend Kuni (le don de Dieu) de Gaston Kaboré (Haute-Volta). D'autres films ont marqué la production cinématographique africaine récente : Dijom de Ababacar Samb (Sénégal, 82) et Love brewed in the african pot (l'amour mijoté dans la marmite africaine) de K.P. Ansa (Ghana, 80). Finyé de- Souleymane Cissé pose avec un rare courage la question des relations complexes entre l'ancien pouvoir et le nouveau, entre l'Afrique des chefs traditionnels et celle des militaires occidentalisés et cortompus. Finyé fait appel à la jeunesse africaine et lui demande clairement de se définir entre les deux mondes qui l'entourent. Il confirme la place originale tenue dans la cinématographie africaine par Souleymane Cissé, l'auteur de Baara (diffusé en aôut dernier dans l'émission télévisée Cinéma sans visa). Un conte « Il était une fois ... sur le territoire mossi à l'époque où le blanc n'avait pas encore foulé le sol mossi, lorsque le mil abondait et que l'eau emplissait les rivières, un orphelin trouvé à moitié mort dans la brousse par un colporteur ». Wend Kuuni débute comme un conte. Il sait montrer avec lucidité que toute n'était pas idyllique dans l'Afrique d'avant la colonisation blanche. L'Afrique, la vraie, a aujourd 'hui ses cinéastes. Elle n'a que faire de charlatans ou d'aventuriers en mal d'exotisme. Allez voir les oeuvres de Souleymane Cissé, Gaston Kaboré, Ababacar Samb, Daniel Kamwa ... et revoir ceux du « père» du cin éma africain, Sembene Ousmane. Jean-Pierre GARCIA (1) Il convient de souligner l'important travail de défrichage accompli par les organisateurs du Festival de Nantes en ce qui concerne le cinéma du Tiers-Monde. En 1982, un vaste panorama du cinéma brésilien (20 films) ainsi que la découverte de deux auteurs indiens inconnus en France, Guru Dutt et Ritwik Gathak, étaient proposés au public. LE VENT Souleymane Cissé nous parle de son .film Ce que je fais est une recherche personnelle qui se situe dans le contexte général du cinéma africain, dont je ne vois pas comment je peux me dissocier dans ses tentatives pour s'imposer. D'abord en Afrique même, auprès des Africains qui finalement ne sont pas habitués à leur cinéma mais plutôt au cinéma européen, américain, indien. Par conséquent, nous n'avons pas à inventer un cinéma africain, nous avons à en recréer un nouveau qui permette même d'aller au-delà de nos frontières. Les cinéastes qui font des films sur l'Afrique ne sont pas des colonisés eux-mêmes. Ils la méprisent ou veulent la nier. En voyant comment ils exposent les problèmes, on sent que ce sont eux les colonialistes. Il est temps qu'ils révisent leurs positions. Je lutte pour que le cinéma africain puisse se maintenir auprès des autres cinémas. Que le mépris qu'on avait il y a seulement vingt ans cesse. Nous avons des difficultés terribles: faire un film en Afrique, c'est tout une aventure. Il est temps que l'on change la façon de voir notre continent. C'est urgent. 0 Propos recueillis par Dolorès ALOIA 39 gifco POUR TOUS VOS BESOINS: • Sport, plein air, camping, sport d'hiver • Aménagement de centres culturels, sociaux-éducatifs, sportifs • Machines de bureaux • Matériel et fournitures d'imprimerie • Fourniture de tous papiers, fabrications, stock • Fournitures de bureaux • Cadeaux, textile, jouets ... IL y A PR':S DE CHEZ VOUS UNE AGENCE GIFCO 28"30, RUE PASTEUR 94800 VILLEJUIF Tél. : 677 2260 PROFITEZ DE NOTRE EXP~RIENCE ... LILLE - LONGWY - ROUEN - LORIENT - LYON - MARSEILLE - MONTPELLIER - BORDEAUX - TOULOUSE - POITIERS - PÉRIGUEUX - MONTLUCON CRÉA TlONS EX CL U S 1 V E sGOTTEX 19-21, Rue de la Glacière Tél. : 67.37.11 Faubourg de Roanne - 42 CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ,Avant de proposer ùes assuranc:es, un assureur doit en donner. 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Son représentant en France, Neoleonard Mnumzana, a vu le tïlm ... qu'essaient de « récupérer» les autorités de Prétoria. LE CHOIX DE GANDHI D U'FÉRENCES : Etes-vous d'accord avec la version que Richard Attenborough donne de l'action de Gandhi dans son film ? Neoleonard Mnumzana : Le réalisateur a choisi certains épisodes de la vie - mouvementée - de Gandhi. Son propos est clair: il s'agit d'exalter le recours à une stratégie de non-violence pour corriger certaines injustices, y compris le racisme. Mais il faut bien comprendre que la théorie de Gandhi s'est surtout développée en Inde, c'est-à-dire dans un pays où la religion, très puissante, commande à tout être de ne jamais porter atteinte à la vie. De sorte que Gandhi ne pouvait prôner la lutte violente, mais qu'au contraire il s'est appuyé sur ce fond religieux. Le film ne mentionne pas cette composante, et donne du coup l'impression que l'usage de la résistance non-violente est universel, ce qui est une critique implicite de tout mouvement de libération utilisant la lutte année, précisément au moment où l'administration Reagan tente de faire passer les mouvements de libération nationale pour des factions terroristes. Différences : Que pensez-vous de la tentative de récupération du film par les autorités sud-africaines, qui ont voulu le présenter solennellement? Neoleonard Mnumzana: D'abord, le régime d'apartheid a voulu se monter suffi" samment ouvert pour accepter un film qui relate essentiellement une lutte contre le racisme. Mais surtout, la montée des luttes est telle ques les autorités tentent de faire passer l'idée qu'il y a une alternative non violente à la lutte de libération nationale. En fait, tout est calculé pour affermir le régime en danger. Différences: Pensez-vous que la théorie de la résistance passive puisse être efficace en Afrique du Sud? Neoleonard Mnumzana: Je dois dire que j'ai beaucoup d'admiration pour Gandhi et ses thèses. Mais toute l'histoire de l'A.N .e. (muuvement d'uppusltiun en République sud-africaine) de sa naissance en 1912 à son interdiction en 1960 prouve que toutes les possibilités de combat pacifique ont été épuisées et se sont heurtées à une répression de plus en plus radicale. La résistance passive a été possible en Inde, elle n'est malheureusement pas universellement efficace. , DES NOUVELLES DE DIFFERENCES LES AMIS UU JOURNAL A l'initiative de quelques amis de Différe,nces, une association (loi de 190 J), la Société des amis de Dijjërences, a été créée en date du 8 avril 1983. Elle a pour but d'apporter une aide sous toutes/ormes au dciveloppemen/ el à la dU fusion de notre mensuel. Depuis cette date plusieurs centaines de lecteurs se sont joints à ceffe if/ilia/ive. Rejoigne::-Ies .' LE CONCOURS DE DESSINS l)'ENFA:\fTS UfJe conférence de presse réunissant Radio-France Internationale, le M RA Pel DiJjërences a été tenue le J 4 avril à la Maison de la radio pour présenter le concours international de dessins d'enfants, dont voici le règlement déJïnitif. A l'occasion de la Journée internationale de lutte contre le racisme du 21 mars 1983, le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples lance un concours de dessins d'enfants, avec le parrainage du magazine Différences et de , Radio-France Internationale ,sur le thème .' « Dessine-moi les gens de chez toi et d'ailleurs ». 1) Ce concours est ouvert à tous les enfants du monde de 7 à 14 ans. 2)Il aura lieu du 21 mars au 30 septembre 1983. 3 )Le jury sera composé de personnalités du monde artistique international, de représentants de RFI et de membres de la Commission culturelle du MRAP. 11 délibérera dans le courant de la première semaine d'octobre. 4 )Les 13 dessins sélectionnés feront l'objet d'une publication sous la forme d'un calendrier 1984, qui sera publiquement présenté le 10 décembre 1983 pour le 3Y anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. 5 )Le premier prix sera un voyage à l'étranger. La liste des autres prix sera publiée ultérieurement. 6 )Les dessins, accompagnés d'une autorisation des parents, devront être envoyés au plus tard le 30/09/1983 à l'adresse suivante: DIFFÉRENCES. ,Concours de dessins. 89, rue Oberkampf - 75011 PARIS. 7 )Quels que soient les matériaux utilisés (crayons, feutres ou peinture), le format recommandé est de 21 x 29,7 cm. 8 )Les participants autorisent le MRAP à publier leurs dessins dans Différences et dans le calendrier 1984, et le MRAP se réserve tous droits de publication. 9 )Le fait de prendre part au concours implique que les participants acceptent pleinement le règlement. Les décisions du jury sont souveraines et sans appel . 10) N'oubliez pas de mentionner votre âge, nom et 'adresse. Les dessins non retenus ne seront pas renvoyés. 41 Histoire UNE ENFANC Le 8 avril 1944, la division allemande das -Reich traverse le gros bourg de Chamberet, en Corrèze. Quelqu'un y dénonce la doctoresse, résistante et juive, qui est arrêtée. Sa .Olle a huit ans. Aujourd'hui elle raconte. Une façon de célébrer la chute du nazisme. ET quand je repense à toute cette période, je m'étonne de mon mutisme, de la faculté que j'ai de ne poser aucune question, de mon aptitude à rebondir, posée en un lieu, en un autre, passant d'une école à une autre et enchaînant comme si de rien n'était, passant de bienveillance inconnue en bienveillance inconnue et toujours, comme au premier jour quand j'écoutais battre l'horloge sur la plage blanche du grand lit étranger, sidérée, incapable d'un mot ou d'un geste, incapable de hurler, incapable de pleurer en public, incapable de parler à ma mère et de demander aux adultes s'ils pensent que je la reverrai jamais. Et si elle disparaissait à tout jamais comme mon père déjà? J'ai parfois, sans me les formuler clairement, de grands moments de dépression que je ne montre pas à autrui: seul subsiste alors en moi le sentiment de cette perte, le besoin si pressant de la douceur impossible de ma mère, de la boule de larmes rentrées qui obture ma gorge et la rend douloureuse. Une fois parmi d'autres, seule debout sur le pont dormant, à regarder des gravilions ocrés au sol et les fleurs d'un rose violent accrochées aux montants de pierre grise, submergée par ma peine, par mon besoin de m'envelopper dans cette tendresse blonde et protectrice, debout les poings crispés à évoquer ma mère et à contrôler la boule douloureuse dans ma gorge. Je distille ma peine, ma nostalgie jusqu'à l'extrême limite où je ne pourrai plus les supporter. Le reste du temps, je pense à autre chose, je m'investis dans la beauté, dans la lumière, dans les odeurs. Parfois aussi son souvenir revient en traître. Mais jamais je ne pleure à haute voix, jamais je ne pose de questions sur son avenir ou sur le mien. L'épargne grise et triste des gagne-petit .. . Le temps qui passe s'est figé pour moi à l'improviste en ce matin d'avril et depuis je fais la boule, le gros dos, me laissant transporter, transplanter, réacclimater, passant sans difficulté d'une école à une autre puis à une troisième, apprenant sans trop d'étonnement ni de révolte des modes de vie contradictoires et foncièrement étrangers au mien, au nôtre - tout d'abord, l'épargne grise et 'triste des gagnepetit qui pourtant n'ont pas hésité à m'ouvrir leur table d'arrière-cour, à mettre à mon usage un troisième lit dans la chambre de leurs petites-filles et à soustraire au mince trousseau de ces dernières de quoi me constituer une garde-robe que je trouve laide et rapiécée mais que je découvre néanmoins avec un certain intérêt dans la chambre où nous dor- 42 mons toutes les trois; puis maintenant le faste, la somptuosité de la pierre, de la vigne, de la terre qui donnent un éclat inhabituel au plat de spaghettis et à la salade de haricots blancs, notre ordinaire. Là j'ai appris le luxe vrai, avec émerveillement mais sans plus d'étonnement qu'auparavant les cache-misère dans la loge sombre et enfumée du gardien au fond de la cour grise et emmurée. Ce matin qui devait être anodin ... Si ma sensibilité se décuple, en revanche rien ne peut plus m'étonner depuis ce matin qui devait être anodin au début du mois d'avril, le mois de mon anniversaire, où ma mère s'en est allée après m'avoir promis qu'elle reviendrait me chercher tout-à-l'heure. Seulement, au lieu de revenir, elle s'en est retournée chez nous pour chercher un papier oublié ou dire un mot à la toute jeune fille qui travaillait chez nous, et je ne l'ai tout simplement plus revue ,ayant failli la retrouver, d'où le silence quand j'y suis arrivée, à l'école où dans ma classe il y avait en plus de mes compagnes habituelles toutes les grandes; et leur institutrice m'a saisie aux épaules pour me faire retourner quand le poids du silence et l'épaisseur du mur de regards devant moi ont stoppé mon élan primesautier :je suis alors restée, l'éternité d'un instant, toute droite, immobile, à contempler des pans de ciel clair à travers les très hautes fenêtres sous lesquelles étaient massés les regards incrédules qui se rivaient sur moi. Et puis ces mains m'ont retournée comme on ferait d'un objet, doucement et fermement, et elles m'ont remise en marche en sens opposé, coite, droite et docile sans que j'ai encore compris ce qui venait de m'arriver ni qui se trouvait de l'autre côté du couloir, dans la salle soudainement désaffectée, en train de nier ma présence pour essayer de me sauver. En ce moment eussé-je compris qu'elle était là, toute proche, je me serais probablement précipitée vers elle inconsciente du danger comme je le faisais naguère au moment des vaccinations ... .. . A ce matin-là je ne pense jamais, aux jours où je demeure cachée en ces provinces qui me sont étrangères, mais parfois je fais revenir ma mère dans mon souvenir, dans mon imagination, pour voir combien je pourrai supporter de sa présence fictive qui rend plus insupportable encore mon absence réelle. Parfois j'évoque ses bottes, luisantes et noires, remontant derrière chez nous l'étroit sentier qui revient du garage, et aussi la serviette noire, mate, granitée qui pend au bout de son bras. Parfois je remonte au ORDINAIRE manteau, noir aussi, mat, rapeux, qui se détache sur le vert tendre et sur celui, plus bleu et plus foncé, des thuyas. Ce n'est que rarement que je me hasarde jusqu'à la tête, les cheveux blonds et ondulés, les joues roses, le sourire, les yeux noisettes. Quand j'ose remonter aussi haut, une boule se forme dans ma gorge, qui me brûle et qui me fait mal. Mes yeux demeurent fixes et secs, je reste droite, sans bouger ; je suis inondée de peine, de nostalgie, mais tout cela s'écoule à l'intérieur de moi, mes larmes, mon désespoir, un flot brûlant, un flot amer. Le reste du temps, je joue, je regarde, je hume, je m'émerveille. J'imagine que je travaille aussi puisque je vais à l'école et que j'y ai de bonnes notes. Mais la seule image qui me reste est celle des poules qui pi,coraient dans la cour quand j 'y suis retournée en dansant certain après-midi après avoir appris à la radio, à l'improviste, que les troupes alliées venaient de débarquer sur notre sol, en Normandie. !!IDJ ' ')/ l'fll , ! lm'/ ,. « C'est peut·être comme cela que je supporte l'absence, le déchirement, mÎl solitude." » De ce jour, je ne doute plus, je retrouve l'espoir, l'exubérance

les troupes alliées ont débarqué et moi je reverrai

ma mère. C'est peut-être comme cela que je supporte l'absence, le déchirement, ma solitude. C'est peut-être à dater de ce jour que je peux me permettre de rappeler devant les yeux de mon esprit, de mon coeur l'image de ma mère qui n'est peut-être pas à jamais perdue. De temps à autre, quand je me crois très forte, je distille ma souffrance. Je ne deviens jamais vraiment très forte; mais j'apprends à savoir que j'ai mal, j'apprends à contrôler le flot des larmes corrosives dans ma gorge nouée. Je ne sais pas, heureusement pour moi, que pour elle l'horreur ne fait que débuter; que pour elle commencent l'humiliation, la faim, les appels debout sans appui des heures durant par tous les temps où qui se laisse aller au sol joue sa vie; la faim, la dysenterie, le corps qui fond, l'odeur de chair brûlée que le vent rabat certains jours sur le camp et qui coupe l'appétit de ces femmes affamées qui n'ont rien à manger; la faim, la soif, la pluie, 43 le froid, la neige et rien pour se couvrir pendant les appels, debout, des heures durant, le ventre creux, les jambes qui vacillent et la notion qu'il faut rester debout si on veut revenir

la faim, la soif, le froid, la maladie, la mort autour de

soi, sous les yeux, dans le nez, partout présente comme réalité et comme menace, et la volonté de survivre, d'en aider d'autres à revenir. Et en même temps, la notion de sa dignité d'être humain qu'elle affirme plus forte que la tentative d'avilissement systématique. Comme au tout premier jour, lorsqu'à son arrivée au camp elle a perçu d'instinct que mieux valait marcher qu'avouer sa fatigue, sauvant ainsi sa vie, maintenant elle affirme contre la logique exterminatrice qu'il faut sauver les apparences, rester propre ou du moins le paraître malgré le manque d'eau et l'absence de savon (et leur eût-on donné des savonnettes qu'elles n'eussent pu se résoudre à s'en servir, faites de graisse humaine récupérée sur les cadavres), coiffer son crâne hirsute où repoussent des touffes pleines de poux, malgré le manque de peigne et de brosse; et quand du Canada (c'est ainsi qu'elles appellent le centre de tri de vêtements et d'objets volés aux déportés), quand en remerciement d'un service rendu, pansement ou repos accordé sur un châlit d'hôpital, on lui propose quelque objet, c'est un peigne qu'elle demande et elle le fait passer parmi ces femmes moribondes, tentant pour les sauver de la sélection mortifère de leur faire retrouver un visage humain ... Mon château de rêve ... ... Un jour, trente ans plus tard, alors que j'âi moimême dépassé l'âge qu'elle avait alors et que depuis beau temps elle ne raconte plus les mois de la déportation, un hasard, une rencontre font lever un souvenir que je ne connais pas. Elle raconte une femme morte au Revier de Birkenau dans des conditions si atroces que la mort ordinaire de faim, de froid, d'épuisement, ou bien encore de gaz et de chaux vive paraît douce par comparaison. Ce jour-là, trente ans plu-s tard, elle pleure en racontant ce cadavre mutilé, comme si pour elle maintenant comme pour moi jadis dans mon château de rêve à l'annonce du débarquement, s'était enfin levé l'interdit de l'émotion; comme si elle avait été elle aussi sidérée par la brutalité de l'événement; comme si pour tenir elle avait dû s'interdire toute reconnaissance de l'horreur, contractée qu'elle était dans une lutte à vie, la sienne et celle des autres, contracture qui a duré des années durant dans les récits qu'elle faisait soir après soir de sa voix habituelle et sans émotion perceptible, comme si l'horreur allait de soi (c'est ce que j'ai pensé alors) ou comme si (et ce n'est qu'aujourd'hui en écrivant que j'élabore cette pensée), comme si le choc avait été trop fort, sa mobilisation de survie trop rigide, l'anesthésie de sa sensibilité trop intense pour qu'elle puisse à volonté et pour la seule raison qu'elle était revenue sauve, d'apparence du moins, pour qu'elle puisse à volonté retrouver en elle et transmettre une émotion dont seul le déni lui a permis de revenir et d'aider quelques autres à revenir vivantes. Claude MORHANGE Mai 1945, mai 1983, Barbie est en prison, d'autres courent encore. Que faut-il faire des criminels contre l'humanité? Pierre P ARAF Président d'honneur du MRAP Pour tenter d'éviter le renouvellement de pareils actes, il faut les déshonorer sans appel. Et, dépassant la personnalité du criminel (pas de r.ecette pour ce genre d'accusé !), faire de chaque procès celui du crime lui-même. Dans la loi de demain, il doit être aussi dangereux d'obéir à certains ordres que de désobéir, l'objection de conscience étant inscrite dans la Charte universelle des droits de l'homme. Les crimes hitlériens qui, certes, ne sont pas les seuls, mais qui incarnent la plus extrême barbarie, ne comportent aucune prescription. Ainsi, sans y apporter aucune publicité malsaine, sans ajouter le sang des 5'" coupables à celui des innocents, par resi pect pour ceux qui sont tombés assassi~ nés et torturés, pour ceux qui les pleu- Il faut faire de chaque procès celui du crime lui-même QUARANTE ans après, faut-il encore se souvenir, alors que tant de coupables ont rejoint dans la mort leurs victimes? Le problème relève de la Politique, de la Morale, de la réaction psychologique de chacun d'entre nous. Peu après la Libération, nous déplorions le zèle de ces « Résistantialistes » de septembre 1944, tondant le crâne des malheureuses filles qui avaient fréquenté de trop près des soldats allemands, poursuivant de leur hargne tels Français~ moyens qui n'avaient commis nuite vilenie, sans avoir eu l'envie, ni les moyens d'être des héros. Mais les autres! Les responsables, les dirigeants, les exécutants du crime hitlérien et leurs complices français, plus méprisables encore, les dénonciateurs de juifs - et pas seulement des juifs -, les pourvoyeurs de chambres à gaz, comment effacer leurs forfaits! De quel droit pardonnerait-on aux assassins d'enfants, à ceux qui les pourchassaient dans leurs asiles, qui raflaient les vieilles dames dans leurs pensions de famille à cause de leur nOm, pour les jeter dans les trains de la mort ? Quelle triste leçon de morale lèguerait-on aux jeunes Français! Quatre décennies plus tard, les coupables ne se repentent nullement, déclarent cyniquement que c'était la loi du vainqueur. rent, par amour de l'avenir, n'oublions pas. D Daniel COHN-BENDIT Journaliste Barbie doit être condamné dam les normes et les garanties des droits de l'homme B ARBIE, s'il avait été tortionnaire, il y a quarante ans seulement, je m'en foutrais, mais il a continué. Je veux bien qu'on fasse un procès, qu'on montre les rouages de ce qui s'est passé. Mais alors, il faut toucher à tous les tortionnaires . Il y a les tortionnaires de l'OAS, les tortionnaires américains au Vietnam, les tortionnaires russes en Afghanistan, il y a les collaborateurs communistes du KGB. La palette de ceux qui 44 ont participé à des massacres est grande, à des degrés différents. Moi, en général, ce n'est pas le problème de la répression qui m'intéresse le plus mais le problème de la société, le pourquoi, ainsi que la responsabilité des individus dans des processus historiques tels que le fascisme, le stalinisme, le colonialisme. Anna Rehnt avait raison quand elle disait que le problème du fascisme, ce n'était pas les bourreaux mais les milliers et milliers de fonctionnaires qui ont fait fonctionner la machine. Que faire? Les mettre dix ans en prison pour avoir continué à être fonctionnaires? Le colonialisme a fonctionné car la population française a accepté pendant des années que l'on envoie le contingent en Algérie. Si tous les soldats avaient refusé d'aller en Algérie, il n'y aurait pas eu de guerre. Les responsables ce ne sont pas seulement Massu ou Salan, c'est aussi tous ceux qui ne se sont pas battus contre. C'est pour moi le plus important. Si tu arrives à avoir une conscience des droits de l'homme ultra-majoritaire dans un pays, il y a des tas de problèmes qui ne se poseraient pas. Je ne dis pas qu'il n'y aurait aucun problème mais ils ne se poseraient plus de cette manière. Tout le monde est responsable. Je suis pour que le procès de Barbie soit public, qu'il soit condamné mais dans les normes et les garanties des droits de l'homme. La France a très vite passé l'éponge au nom de l'union nationale sur l'histoire de la guerre d'Algérie. C'est toujours plus facile de condamner pour des délits de droits de l'homme un Allemand qu'un Français. D ~ --------------------------- ~ Gilles PERRAULT écrivain I L est vrai que l'actuel déferlement d'horreurs à travers le monde pourrait conduire à classer aux archives du coeur le souvenir de ce quifut perpétré voici quarante ans. Si nous croyons au contraire à l'ardente obligation de rappeler encore et toujours le terrible passé, c'est à cause de l'irréductible singularité du phénomène nazi. Les crimes de masse ont existé avant et après Hitler. Les circonstances (guerre civile ou nationale, exaspération des tensions politiques, etc.) leur apportent un début d'explication, sinon de justification. On fait le mal en croyant au bien. La spécificité du nazisme, sa caractéristique '. TROP TARD ? • presque unique dans l'Histoire, c'est d'avoir délibérément inscrit le mal à son programme. Il a fait le mal pour le mal. Ailleurs, le crime est accident de parcours. Pour le nazisme, il est le parcours lui-même. La seconde guerre mondiale n'explique pas les atrocités commises: elle a au contraire, par les divers inconvénients qu'elle suscitait, empêché les nazis de parachever leur programme d'asservissement et d'extermination. Le nazisme reste l'attentat le plus grave commis contre l'humanité depuis des siècles. Aussi doit-il être inlassablement désigné, dénoncé comme le mal absolu. Tous ceux qui ont prêté la main à l'ignominie doivent être nommés, le problème de leur châtiment étant désormais secondaire. Le nazisme doit être inlassablement dénoncé comme le mal absolu Au reste, le passé renvoie bien souvent au présent. « Différences » a eu raison de montrer le rôle de Barbie à la tête de tueurs d'extrême-droite en Amérique du Sud. L'incarcération de Barbie à Lyon pour son passé n'est pas indifférente à l'avenir du régime démocratique bolivien contre lequel il ne pourra pas utiliser son affreux savoir-faire. Quarante ans ou un siècle peuvent passer: c'est encore «le combat des mêmes contre les mêmes ». 0 Jacques CHABAN-DELMAS Maire de Bordeaux .P EUT-ON encore, quarante ans après, reprocher à certaines personnes leur attitude pendant la dernière guerre mondiale? Oui, lorsqu'il s'agit de clÎmes véritables. A ce sujet, le concert des Nations a d'ailleurs qualifié ces crimes comme étant ceux qui ont été commis contre l'humanité. A quoi peuvent servir de telles accusa- Il faut tout faire pour prévenir l'abomination de la désolation tions et quelles formes doivent-elles prendre? Celles d'un jugement en bonne et dûe forme dont l'utilité sera triple: châtier les coupables, honorer la mémoire des victimes et établir la vérité de telle manière que les jeunes générations soient pleinement informées de ce qui s'est passé, il y a maintenant une quarantaine d'années afin qu'elles prennent conscience de ce que l'occupation du territoire national par une armée étrangère constitue bien l'abomination de la désolation et qu'il convient, par conséquent, de tout faire pour la prévenir. D Joseph JACQUET Responsable national CGT Ancien déporté EN avril 1982, le ministère des Anciens Combattants organisait une exposition au Trocadéro à Paris : « Les camps de la mort ». Conduits par notre regretté ami Marcel Paul, une délégation de la CGT, avec Georges Séguy et Henri Krasucki, visitait cette exposition. Je faisais partie de la délégation. Au moment de sortir, une femme devant moi signait le livre d'or et'écrivait ces mots, restés gravés dans ma mémoire: « Cela n'est pas hier, mais aujourd'hui. Maintenant, en moi, en nous ». Je répondrai à la question posée: « Peut-on reprocher à des personnes après 40 ans, leur attitude pendant la guerre? », en me référant à cette pensée profonde, à cet appel écrit par une main de femme, probablement ancienne déportée. 45 Sans hésiter, je réponds oui, non seulement « on peut » mais on doit reprocher à que/qu'un toute attitude ayant été, ou étant contraire à la dignité, à la liberté d'un être humain. L'extradition de Klauss Barbie et son emprisonnement avant jugement, ouvre à nouveau des plaies dont on sait bièn qu'elles ne se cicatriseront jamais. A Lyon et dans la région, la douleur et.fa colère ressenties à la vue de ce visage en première page de certains journaux m'émeut profondément et me revient sans cesse à l'esprit: « cela n'est pas hier » ... La notion de temps n'entre pas en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'attitudes, de comportements d'hommes responsables de crime contre l'humanité. La notion de temps n'entre pas en ligne de compte lorsqu'il s'agit du comportement d'hommes reponsables de crime contre rhumanité Ce qui doit nous interroger, noUs interpeller, chacune et chacun, ce sont la gravité des actes commis et la part de responsabilité personnelle pour découvrir les causes profondes de ces comporte, ments individuels et collectifs. 1 Mais aussi pour que la justice des hommes, aussi difficile qu'il soit de la rendre, vienne sanctionner ces actes, sans esprit de vengeance et sans prescription aucune. Cela n 'èst pas facile direz-vous ... Sans nul doute. Nous savons bien qu'il y a en chacun de nous des forces contraires qui agissent, se développent ou régressent, en fonction d'un combat permanent, influencé fortement par notre éduca- i suite page 47 --' La parole ... a ... --- UN"""A RAMOS «Ma politique, c'est la musi•q ue ... » Virtuose précoce de la .kena, du keracho, de l'artara et du mosino, l'Indien qui d'un simple roseau fait jaillir une musique de lumière, est né à Humahuaca, petit village argentin, aux confins de la Bolivie. OUI, j'ai commencé à jouer très jeune. Pablo Neruda, Don Pablo , m'avait dit à l'époque« Mon petit, tu dois voyager loin, pour faire .connaître ta musique ». C'est fait, aujourd'hui j'en vis et j'en suis très heureux. Cela n'a pas toujours éti le cas, j'ai été instituteur, j'ai travaillé au ministère, à la , «computation» chez I.B.M. Ma mère a quatre-vingt-douze ans, elle est restée aùvillage où je suis né, elle continue de penser que je ne gagne pas assez d'argent pour aller chez le coiffeur. Je r.entre d'un,e longue virée en Amérique Latine et en Argentine, je viens de vivre en quelques concerts avec Mercedes Sosa une expérience très émouvante. J'ai. quelques projets pour l'avenir, je suis en train de préparer un disque et quelques émissions de radio-télévision pour le Pérou. Cet automne, je dois partir en tournée aVec Miguel Estrellas pour la Suisse où nous allons faire découvrir quelques compositeurs classiques 'argentins du début du siècle comme Cilardo Gilardi, Guastavino, Ginastera. Cet hiver je pense pouvoir participer au festinal de la musique latmoaméricaine de Boston. J'aime faire des choses avec des gens différents, dans des lieux différents, c'est toujours une source d'inspiration pour moi. J'ai mes propres croyances, mais je respecte les idées des autres, je crois beaucoup à la rencontre. J'ai choisi de rester en France à cause de l'accueil qu'on m'y a réservé. Du reste je compte bien y produire l'essentiel de ma musique, je m 'y sens libre. En France je ne sens pas de racisme à mon · égard, beaucoup moins qu'aux U.S.A., du reste l'élection d'Harold Washington à la mairie de Chicago m'a beaucoup touché. 1 J'habite la Provence, le Vaucluse, oùje retrouve un peu mes montagnes. Je suis resté très attentif au vol des papillons, je me sens très proche du silence de la Terre. 7:i Propos recueillis par Stéphane JAKIN 46 Différence dérisoire Que vient faire un article sur Taï Wan dans Différences? V ous voulez sans doute parler des différences entre l'Est et l'Ouest, le socialisme et le capitalisme, etc. Vous avez choisi de traiter ce grave problème sur le mode de la dérision. Ça ne le mérite pas. Ce n'est sans doute pas le rôle de Différences de dénoncer la déformation systématique à l'Ouest de tout ce qui vient de l'Est, à quoi répond sans doute le silence entretenu à l'Est sur ce qui existe à l'Ouest. Mais c'est un problème que vous devriez évoquer à votre façon. Est-ce qu'on peut parler de racisme anti-pays socialistes? Le simple fait d'agréger toujours tous les peuples de l'URSS, l'ignorance dans laquelle est ~ tenue l'opinion sur ce sujet, le 15 rassemblement de l'URSS. de cr. l'Europe orientale, voire de l'Asie en un seul bloc, alors qu'à part quelques nostalgiques fascistes, il ne viendrait à l'idée de personne ici de considérer l'Occident comme un bloc monolithique et sans nuances, toutes ces simplifications ne sont-elles pas racistes ? Philippe HUBERT Lyon Cokilles Bravo pour les photos du dernier numéro! Il est bien dommage qu'une revue de qualité comme la vôtre soit souvent gâchée par sa présentation générale, et l'importance du nombre de coquilles. Si vous voulez gagner votre place dans la presse et tenir les promesses des thèmes que vous abordez, il vous faut présenter un produit qui ne souffre pas l'imperfection. Regardez Actuel! Martine CONTOT Arras La Palice pas mort Je ne suis pas d'accord avec les arguments avancés par Albert Jacquard dans le dernier numéro de Différences, contre l'existence de races humaines. La question n'est pas simple, elle divise aussi bien les généticiens que les anthropobiologistes. Si les races n'existaient pas, il n'y aurait pas de racisme! Georges OLIVIER Saint-Maur Et Mosaïque ? Dans votre rubrique En débat (n 0 22 du mois d'avril 83 de Différences), vous avez voulu ouvrir la télé. Les réponses que vous publiez prouvent bien qu'elle est fermée, que les professionnels qui vous ont répondu se disqualifient d'eux-mêmes, Narcisses qui ne voient dans l'écran-miroir que le reflet de leurs propres émissions. Tous parlent comme si Mosaïque n'existait pas à moins qu'effectivement ils n'en connaissent pas l'existence, ce qui les diqualifient encore. Nous ne trouvons mention de cette émission qui en est à son 250e numéro que chez le Président Holleaux qui déclare que F.R.3. la « présente, chaque dimanche matin », alors que F.R.3. ni ne présente, ni ne produit, ni ne co-produit Mosaïque, mais 1 'héberge sur son antenne moyennant finances. Si la télé devait s'ouvrir, un signe serait apparu, nous aurait été donné par ces « astres» de l'espace télévisuel qui ne brillent que pour euxmêmes. A les entendre nous comprenons pourquoi, depuis 6 ans que nous bataillons pour que Mosaïque, l'émission des différences et son cortège de 4 millions et demi de spectateurs-acteurs, Bougnouls, Espingouins, Portos, Yugos, Turcos, et autres métèques entrent par la petite porte dans la grande production interne d'une chaîne, nous n'avons pas encore réussi. Le « ghetto» qu'on nous jette à la face à chaque occasion, pour justifier ces rejets, pourrait nous faire rire, s'il ne nous révulsait. Le « ghetto », pour nous, c'est celui d'une télévision française fermée sur elle-même, hexagonale comme le logotype de notre chaîne, celui de ces émissions de variétés capables de passer 10 fois Mireille Mathieu mais pas une seule Abdelkader Chaou, Talip Ozkan, ou Jose Afonso, ou de ces grands magazines qui ne braquent leurs objectifs sur les « autres» que quand des voitures brûlent dans des banlieues ou que des ouvriers font leur prière au lieu de la pause casse-croûte. « Ventre affamé n'a point d'oreille» dit l'adage. Quand on connaît l'état de famine 4 uasi sahelien de la production télévisuelle, on peut comprendre que trois chaînes demeurent sourdes aux appels des minorités étrangères qui vivent en France et donc payent la même redevance que les collectionneurs de timbres, les amateurs de football ou ceux qui aiment le jazz. La différence 'entre tous ceux-là et les « autres» c'est que les uns votent les autres pas, et que jamais la quittance des Services de la Redevance ne remplace le bulletin électoral. Car c'est peutêtre là, l'une des clés pour ouvrir la télé. de Français qui ont une relation originelle, affective ou seulement d'intérêt avec des cultures étrangères et qui pensent que cette relation les enrichit, qu'elle ne les menace ni dans leur économie ni dans leur identité que, bien au contraire, elle ouvre à la France et aux Français le champ bénéfique des échanges humains qui ouvrent ceux de tous les échanges, que demain, ceux-là qui ont, eux, droit de parole revendiquent avec nous, le droit à l'expression. Alors, peut~être que ce que n'ont voulu faire ni les P.D.O. de la droite, ni les P .D.O. de la gauche se fera. En attendant Mosaïque ouvre chaque dimanche la télé aux différences. En attendant, Mosai~ que existe, dans la précarité de sa subvention du FAS (Fonds d'Action Sociale), comme une cité de transit: on ne vous oblige pas à savoir que ça existe mais on attend quand même le H.L.M. Car l'alibi de l'audience ne vaut guère dans certains cas: Mosaïque a probablement autant d'audience sinon plus que «Droit de réponse»' ou que « Cinéma sans visa ». Pourtant ni F.R.3. ni T.F.l. ne produisent cette émission différente. Mais que demain, les quelques millions Tewfik FARES Paris EN DÉBAT: Joseph JACQUET (suite de la page 45) tion, par notre conception de l'homme, éventuellement, par notre croyance religieuse, c'est mon cas, aussi par notre vie sociale, c'est-à-dire nos rapports avec les autres. En nous, l'altruisme s'oppose constamment à l'égocentrisme. Nous sommes pourtant appelés, croyants ou non, à vivre en frères. Aimer nos ennemis, envers et contre tous. « C'est la douce loi des hommes De changer l'eau en lumière Le rêve en réalité Et les ennemis en frères » écrit Paul Eluard, et Jésus-Christ dit: « Aimez-vous les uns les autres ». Ces appels doivent être entendus par tous les hommes de bonne volonté et par-dessus tout, ils nous incitent à rejeter la haine comme sentiment envers l'être humain, quelle que soit la gravité de ses actes, de ses fautes, de ses crimes. La haine est à la racine du racisme, de l'antisémitisme, de l'anticommunisme, la haine qui faisait dire à mon bourreau :«Parles et tu sera considéré comme un homme civilisé. Sinon, je te traite comme un Russe, comme un juif» ... En définitive, nous nous rendons compte, par notre propre expérience qu'il faut être fort pour reprocher à une personne ses actes, il faut être fort et donc engagé dans le combat pour l'homme, fort et engagé, car, isolé, c'est le ressentiment qui domine et la haine en découle facilement. L'engagement dans le combat pour plus de justice, de liberté, pour la dignité de chaque être, pour la paix, est un gage de pureté des intentions individuelles, une preuve de notre rejet de tout ce qui avilit l'homme, qu'il soit frère ou ennemi. C'est aussi la certitude de l'efficacité. Notre reproche ne peut donc avoir qu'un sens, celui d'extirper àjamais du coeur de l'homme et de la société la bête immonde, en mettant à nu - et non pas en cachant - les racines et les mobiles de ce mal toujours possible, toujours renaissant. Et je dois dire franchement, en toute responsabilité, ces racines je les sens, je les vois, elles ont des pousses dans le coeur de certains hommes dans notre pays, parce que le peuple a voulu changer le cours de son histoire. En balbutiant, peu préparé par un passé où une classe sociale s'est crue seul « levain» du progrès, il exprime sa volonté de construire lui-même son destin. Les propos, les écrits, les actes de certains hommes de droite, ont un goût de haine contre ce peuple et contre ceux qui l'animent, le responsabilisent. Les exemples ne manquent pas et je dois dire que je ne crains pas tant les propos des chansonniers défigurant Dieu, que ceux prononcés récemment, mettant en cause l'honneur et la dignité de mes camarades communistes. Attention, amis... «Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête 47 immonde », qu'il s'agisse du racisme envers des peuples ou envers la classe ouvrière, de l'anti-communisme, du terrorisme, ou encore qu'il s'agisse de l'exploitation des pays maintenus en état de pauvreté par l'exploitation de leurs richesses humaines et naturelles. Voir les choses en face, sans haine, sans exagération, avec lucidité, animer au mieux d'une révolution par l'amour, tel est, me semble-t-il, le comportement que commande aux hommes d'aujourd'hui une situation où apparâissent des fractures dans une société à la recherche de son destin. / Il est nécessaire et urgent de poursuivre avec la jeunesse l'analyse du passé et en particulier de celui dans lequel certains hommes mirent en oeuvre des conceptions et des idéologies d'où ne peut sortir que le néant. «Pas hier, aujourd'hui, en nous, en moi » ... Il nous faut croire en l'homme, croire en sa capacité d'aimer, en pensant aussi, lorsqu'on reproche à une personne des actes commis dans le passé, aux victimes disparues et vivantes de ces actes, de ces crimes, penser à l'abnégation, aux sacrifices consentis, au courage. Tout reproche devrait être suivi, mieux, précédé, du merci à toutes celles et à tous ceux grâce à qui nous sommes là, aujourd'hui, grâce à qui l'espérance est permise. Notre « merci» doit prendre la forme concrète de l'engagement pour l'homme. 0 LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour maréher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre ,. 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du.38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT: SULLY, 85 rue de Sèvres, Paris 6" 5 % sur présentation de ~l!tte annonce. ARTICLES • CADEAUX MAROOUINERla SERVIETTES - PORTE-DOCUMENTS GROS 1/2 GROS t11CHELEf\ Soclet' Anonyme au Ceplte' ~e 200.000 Frenee 70, RUE DU TEMPLE, 75003 PARIS r.,. : 887.72·11 ·~ daniel hechter MOLITER 51 rue Raspail 92300 Levallois-Perret Ets MARCEL CAHN 6, rue Gambetta - 57000 METZ . 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Le Centre Culturel Allemand - Goethe-Institut, présente une exposition sur les émigrés français en Allemagne - émigrés allemands en France 1685-1945. Rens.: 17, av. d'Iéna 75116 Paris. Tél. : (1) 723.61.21. D 23 AVRIL/22 MAI Au C.A.C. de Montbéliard, « Parcours ... » photographies d'Andrée Girard, présentées par Théâtre action Tréteaux, dans le cadre de l'opération « Eloge de la Différence» sur le thème : les immigrés au quotidien, dans les quartiers de Montbéliard: Femmes, enfants, l'intérieur et la rue, l'éducation et le travail, les loisirs. Théâtre action Tréteaux, 43, rue Godefroy Cavaignac, 75011 Paris. Rens.: (1) 379.11.61. D 28 A VRIL/26 MAI Exposition d'art contemporain irlandais de la région de Limerick au Musée des Beaux-Arts de Quimper, place St-Corentin. D 3 MAI/4 JUIN Exposition des dessins d'Henri Guédon sur l'esclavage dans les Antilles (tiré du film « De Gorée en Enfer »), dans le cadre de la lutte anti-apartheid organisée par le MRAP, exposition à la Galerie Art et Paix, 35, rue de Clichy · 75009 Paris. Henri Guédon a reçu le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour « Légendes et Contes des Antilles» (livrecassettes) catégorie Patrimoine, dont il a assuré l'illustration musicale et la direction artistique en mars 1983. D 4 MAI/4 JUIN L'association « Dialogues ... Racines africaines» organise à Paris son premier festival de cultures extra-européennes: Maghreb, Afrique Noire, Antilles et Moyen-Orient, au programme des concerts, colloques et expositions. Rens. : Dialogues ... Racines africaines, 10, bd des Batignolles 75017 Paris. Tél.: (1) 522.66.83 et 387.31.89. D 6 MAI Forum des Halles à Paris (niveau 4) à 16 h, à l'Espace 4, débat public sur le thème: « L'alimentation des nourrissons en question en France et dans les pays du Tiers-Monde ». Ce débat sera suivi de la projection du film : « Les biberons qui tuent ». Participations de : l'Union Fédérale des consommateurs, Campagne Alimentation Nourrissons, CIMADE, C.C.F.D. et Santé Développement et Culture. Rens. : (1) 297.54.30. D 6 MAI A 21 h à la salle des Cordeliers de Reims, le comité du MRAP organise un concert avec l'U.S.T.I. (Une seule terre information), pour soutenir la campagne de Terre et Frère des Hommes en Haute-Volta. Au programme: Una Ramos et un groupe rémois africain. D 7·15 MAI 1983 2e Festival de Théâtre de personnes âgées au Centre d'action culturelle de Mâcon, pour une rencontre entre les générations, pour un autre visage de la vieillesse. Projet conçu par Michel Daureil du C.A.C. Mâcon, Romola Sabourin de Forum F. et des Farfadets de Paris. Rens. : C.A.C. Mâcon (85) 38.79.11 et Forum F. (1) 543.40.58. D 9 MAI A 20 h 30, au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, 47, rue des Ecoles 75005 Paris, la CIMADE organise un gala de Solidarité avec l'Amérique centrale et les Caraïbes, avec la participation du pianiste argentin Miguel Angel Estrella et du Quartetto Cedron. Rens. : CIMADE (1) 550.34.43. D 9/14 MAI Semaine d'animation antillaise au Centre Socio-Culturel de Créteil, 36, bd. J. Kennedy, avec exposition de photos d'Hugues Pagesy, projection de films de Christian Lara et de documentaires de François Reichenbach sur la Martinique et la Guadelo~pe. Grande soirée artistique à la salle Georges Duhamel le 13 mai. Rens. : (1) 377.52.99. D BlIS MAI A Marseille, Be Rencontre nationale de l'Action Catholique Ouvrière. Rens. : A.C.O., 7, rue 49 Paul Lelong 75002 Paris. Tél. : (1) 236.36.11. D 14 MAI A 14 h 30, colloque sur la littérature antillaise à l'Ecole Polytechnique, Amphi. A. Pavillon Joffre, 5, rue Descartes 75005 Paris: « Littérature et politique. Le cas des Antilles anglophones », animé par Rex Nettleford. Rens.: Centre d'Etudes Caribéennes. Tél. : (1) 354.94.18. D 14/15 MAI 2e festival de la jeunesse pour le désarmement, la paix et l'amitié sur le campus universitaire de la faculté des lettres de Bordeaux. Organisé par Jeunesse pour la paix avec le soutien du MRAP de Bordeaux, l'Association d'amitié Liban, l'Amicale des Algériens, le SWAPO, France Amérique Latine, le Mouvement de la paix et diverses organisations pour la paix . Rens.: (1) 874.35.86. D 16/20 MAI José Carreno, peintre équatorien, expose à la Salle des pas perdus de l'Unesco, place Fontenoy, une trentaine .de tableaux dont une série de têtes de prisonniers. Rétrospective d'une « Mythologie amazonienne ». D 16/21 MAI Musiques et chants d'Amérique latine au T.E.P. 17, rue Malte Brun 75020 Paris, tous les soirs à 20 h 30. Rens. : (1) 797.96.06. D 17/18 MAI Le Comité médico-social pour la santé des migrants tient son 7e Congrès national, sur le thème: « Insertion sociale de l'enfant de migrant, prévention de l'échec scolaire ». Rens. : CMSSM, 23, rue du Louvre 75011 Paris. Tél. : (1) 233.24.74. D 21/22 MAI Pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage, weekend du livre antillais au Théâtre Noir, 16, rue Louis Braille 75012 Paris. Samedi et dimanche à 14 h 30 débat sur le livre antillais, samedi à 16 h concert de Maura Michalon (cantatrice antillaise), dimanche à 16 h et 18 h concerts de jazz d'Alain Jean Marie. Rens . : Centre d'Etudes Caribéennes (1) 354.94.18. D 21/22 MAI Au parc de La Courneuve en Seine-St-Denis, rassemblement de la JOC-JOCF, sur le thème: Festival des jeunes pour l'emploi. Rens. : (1) 535.74.77. D 22 MAI Clôture de l'exposition rétrospective des oeuvres de Wifredo Lam, peintre cubain. En contrepoint de l'exposition de peintures, un ensemble d'objets d'art d'Afrique noire et de bois sculptés océaniens, qui ont beucouJ1 inspiré Wifredo Lam sont présentés. Nous rappelons que cet artiste cubain fait partie des «quinze artistes contre l'apartheid ». W. Lam est mort en 1982 après avoir terminé la toile qu'il a offert à ce mouvement. D 24 MAI Journée internationale des femmes pour le désarmement. Rens.: (1) 846.11.95. ou 901.99.81. D 24/28 MAI De Il h à 20 h kermesse géante du Secours Populaire Français «pour envoyer les enfants au soleil », au centre des expositions de Montreuil-sous-Bois. Rens. : (1) 285.16.32. D 24 MAI/3 JUILLET La Maison des cultures du monde organise, avec la participation de la Fondation du Japon, de l'Association Française d'action artistique, du Théâtre National de Chaillot et du Théâtre du Rond-Point, une manifestation « Japon 83 », portant sur une confrontation des formes d'expression dites (en Occident) classiques, traditionnelles et contemporaines. Le programme s'oriente vers le Bunraku et le Gagaku (théâtre), la musique classique japonaise est représentée par ses plus grands interprètes et les formes traditionnelles par deux expressions totalement ignorées en Europe: le Hayachine-Kahura et le BunyaNingyo. Dans le domaine de la création contemporaine: une création d'Hijika, le théâtre de Tenkei Gejiko, un concert de musique contemporaine et un concert rock. Rens. : Maison des cultures du monde, 10 1, bd Raspail 75006 Paris. Tél.: (1) 544.72.30. D 25/29 MAI Au cinéma Rialto, 7, rue de Flandre, 75019 Paris, métro Stalingrad: Soutien aux Indiens d'Amérique avec la projection du film « Tonnerre rouge », débat aVec le public à l'issue de la séance de 21 h. Organisé par le Comité de soutien aux Indiens d'Amérique. Rens. : 3, rue Clavel 75019 Paris. Tél.: (1) 203.12.85. et 707.87.61. HumeUf§§§§§§§§§§§§§§§§DIFFÉRENCES D N° 23 D MAI 83 , LA CITE RADIEUSE D'HA&iTUDE.. , C. E..5T ,sALtS (?OUGNOULE.5 •... SALES On peut vivre encore sans racisme. La preuve ... M A cité, elle est en état de non-racisme. Ça veut dire qu'il y a des gens de culture, d'origine, de religion, de nationalité, d'âge différents, et que tout ça tourne à peu près rond, sans trop se battre et sans trop s'insulter. Pour combien de temps encore? Dimanche matin. Les enfants jouent dans le parking, entre les voitures que quelques adultes récurent avec un bel acharnement. Ça gueule quelquefois, contre un ballon mal lancé, contre un skate érafleur de portière. Jamais parce que le ballon est juif et le skate cambodgien. D'ailleurs, difficile de s'y reconnaître ... Ça court, ça crie, ça tourne, ça tombe ... De là haut, va savoir qui arrive de Saigon et qui vient des Îles. Si Soraya est née à Vitry, ou si « le vieux monsieur du A3 » était déjà là au moment de la guerre d'Algérie. Oui, le dimanche matin, sous l'oeil complice du gardien ch 'timi ça joue entre les voitures, tous sourires et toutes pleurnicheries confondues. Pour combien de temps encore ? Je connais une famille d'émigrés parisiens, à Vitry, qui emploie un homme de ménage tcha,dien. Entre deux balayages, il prépare une thèse d'histoire et raconte un peu son pays aux Parisiens nostalgiques, dépossédés de leur 13e arrondissement. Dans ma cité parfois on se parle du pays. Pour combien de temps encore? Ma cité est en état de non-racisme. Ça s'estfait comme ça, tout doucement au fil des ans. Pas spontanément, bien 50 sûr, mais sans qu'on en parle vraiment. J'aimerais pouvoir dire que le MRAP y est pour quelque chose. Non; même pas. C'est chouette des fois la fête des Lilas dans tout le quartier. Il y a des musiques et des trognes de toutes les couleurs ... On se marre, tranquilles. Pour combien de temps encore? Une fois, il y a longtemps de ça, c'était pour la Saint Jean, on avait fait un feu. Les hommes du foyer étaient venus. Le foyer d'immigrés. C'est plutôt rare. La cité et le foyer s'ignorent, en général. On peut pas dire que c'est la faute à personne. C'est un peu la faute à tous les deux. Enfin, ce soir là, ils étaient venus. Venus, c'est beaucoup dire. Ils s'étaient assis tout au bout du terrain, serrés les uns contre les autres. Quand on les invitait du geste à venir nous rejoindre, ils souriaient etfaisaient non de la tête. Ensuite ils ont pris des bidons vides, et entre chaque disque, ils se sont mis àfaire des danses de là-bas. Là-bas, c'était aussi le pays de notre trésorier, un jeunepied-noir sympa, qui tout d'un coup, va savoir pourquoi, a pris la mouche. Ce soir là, je crois qu'on a eu chaud. On a bien failli basculer de l'autre côté. L'autre côté de l'état de grâce. Les regards furtifs. Les apeurés. Les femmes qui marchent au milieu du trottoir. Les verrous tirés. Les portes qu'on blinde. Les pétitions qui circulent. Parce que l'état de non-racisme, c'est un peu comme la santé, ça peut se perdre, si on n y prend pas garde. Tous, on peut tomber racistes, un jour ou l'autre. Même nous, les militants. Tu connais des docteurs qui soient immunisés contre les microbes? D V.L; BONJOUR L'HEBDO! BP 183 / 75523 Paris Cede~ 11. a (1)357.52.05 + première encyclopédie de poche sur la situation des femmes dans le monde Turquie: des harems au féminisme ? Chine: peut-on parler d'amour? Etats-Unis : la crise des valeurs. Mali : plutôt se changer en oiseaux.

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Et aussi... La virginité; Biologie, les nouveaux magiciens; Le port du voile, contrainte ou revendication? Japon: obéissance et solitude

Arabie saoudite
une prison dorée;

Le progrès technique est-il sexiste? Kadhafi féministe? Accouchement, allaitement, le choix d'une méthode; Suède: première au hit-parade? Les agences matrimoniales; Les religieux contre les femmes; Mères d'emprunts et épouses d'occasion aux EtatsUnis; Union soviétique: des femmes sous surveillance ; etc ... articles écrits par 90 femmes de 40 pays Et aussi ... • Des statistiques sur la situation des femmes dans 165 pays, adresses dans le monde entier. Editions • 11 cartes. • 87 bibliographies thématiques . 448 pages Format de poche relié 79 F. LA DECOUVERTE/MASPERO l, place Paul-Painlevé. 75005 Paris. Tél: 633.41.16

Notes

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