Différences n°18 - décembre 1982

De Archives
Révision datée du 1 mars 2012 à 10:16 par Pantchovilla (discussion | contributions) (Remplacement du texte — « </div> » par « </div>{{Notes de bas de page}} »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche

Sommaire du numéro

n°18 de décembre 1982

  • Vive le temps! par Albert Levy
  • Scènes de chasse en basse-terre (dominicains en Guadeloupe) par Véronique Mortaigne
  • Jack Ralite: santé, inégalités, mentalités
  • Jack Lang à Différences: "non au fast-food culturel
  • Des papiers et des hommes (régularisation) par J.M. Ollé
  • Quel jour sont-ils? (calendriers) par Pierre Vandeginste
  • Une île de garnison dans le Pacifique par Patrick Frilet
  • Angoulême: la bande à Basseau (enfants de harkis) par Emile Murene
  • Les armes du Liban par Abdou Berrada
  • Raymond Eddé "pour que revienne la paix d'antan"
  • Masques nègres, peuples blancs (art africain) par Assane Fall
  • Culture: les pyramides de Chahine (cinéaste égyptien) par Christianne Dancié
  • Marseille ville ouverte: propos de Edmonde Charles-Roux recueillis par J.M. Ollé
  • Histoire: un homme nommé Jésus par Pierre Paraf
  • En débat: les français sont-ils antisémites? interventions de André Monteil, Maurice Olender, Henri Bulawko, André Wurmser, François Gremy
  • La parole au mime Marceau: "le cri du silence"
  • Une lettre de Marcel Paul
  • Humeur: test, êtes-vous raciste?

Numéro au format PDF

Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.

Voir-pdf.jpg

Texte brut

Le texte brut de ce document numérisé a été caché mais il est encore visible dans le code source de cette page. Ce texte ne sert qu'à faire des recherches avec la fonction "rechercher" dans la colonne de gauche. Si une recherche vous a amené sur cette page, nous vous conseillons de vous reporter ci-dessus au document numérisé pour en voir le contenu.

Edito 10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)Charles 10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)ê DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 LE SYGMA OUS les devins de la saison le prédisent: dans la nuit du 31 décembre au 1 er janvier, vous allez T changer d'année. Une fois de plus. Le découpage du temps nous fixe des étapes, où s'inscrivent la vie de chacun et l'histoire du monde, entre les bornes perpétuellement mouvantes du passé, du présent, de l'avenir. Les temps morts, est-ce que ça existe? Si la science se doit de mesure impartialement le temps et les phénomènes qui s'y déroulent, son flux sans début ni fin ne peut que fasciner les humains qui savent ne pouvoir durer, quant à eux, qu'une infime fraction de l'éternité. Bien des poètes ont chanté la nostalgie de ce qui n'est déjà plus, l'affligeant divorce entre notre si brève existence et la sereine continuation de l'univers. Aux prophètes - ceux de la religion ou de la politique - il revient de projeter sur l'écran du futur les images radieuses ou terrifiantes traduisant leur humeur du moment ou leurs intentions pédagogiques. Poète et prophète, faut-il croire le Victor Hugo des Contemplations : Toujours la nuit! Jamais l'azur! Jamais l'aurore! Nous marchons. Nous n'avons point fait un pas encore! ou celui des Châtiments : Ô République universelle, Tu n'es encor que l'étincelle, Demain tu seras le soleil. Attendez-vous, dans les prochaines semaines, à des appréciations tout aussi contrastées, que ce soit sur la situation en France ou, en termes philosophiques, sur l'évolution - ou la stagnation - de l'espèce humaine. Nous autres, à Différences, nous nous situons plutôt du côté de l'espoir: c'est un choix. Nous n'ignorons pas les difficultés quotidiennes, ni le malheur scandaleux du tiers-monde, ni les méfaits de la violence, du racisme, de la tyrannie. Mais un changement, peut-être décisif, est apparu: la volonté de changer. Que les problèmes techniques servent au plus grand nombre, que cesse l'offense des inégalités, que la mort par la faim ne soit plus entretenue par la course aux armes de mort, que s'affirme enfin une authentique solidarité entre les hommes, que tombent les barrières entre les peuples: ce ne sont plus des voeux pieux, mais des exigences massives. Les gouvernements ne peuvent plus aussi facilement décider à leur gré de la guerre et de la paix. L'es Droits de l'Homme sont devenus une cause à ce point populaire que ceux-là mêmes qui les bafouent insolement doivent se proclamer leurs défenseurs. Le progrès, aujourd'hui, on "ne se contente pas d'y croire, on le suscite. On n'accepte pas aveùglément les promesses, on suit de près leur réalisation, mieux, on y participe. Et quand des forces adverses s'y opposent, par la confusion, le mensonge ou l'intimidation, on ne recule pas pour autant. Voilà pourquoi, peut-être, espérer n'est pas vain. Le temps n'est plus d'attendre passivement un bonheur mythique octroyé, ou l'émergence miracu' leuse d'une humanité réconciliée. C'est vrai qu'on peut compter sur les doigts des deux mains les décennies dont vous disposez pour faire le nécessaire. Mais Victor Hugo le dit aussi: « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ». La lutte, comme le temps, n'a pas de limites, mais nous survivons en elle, à travers chaque acquis défendu, chaque idée nouvelle admise et transmise. Alors, pour que vive le temps, luttez! Et soyez optimiste, que diable! Raisonnablement. Albert LEVY 3 (' ,/' / ,li '-----------------------1 V'US 'VEZ: , ,/// t'MI. ~ faites-lui connaître Diffé- / rences pour 120 F seulement / ~~1~1 ' (au lieu de 150F)

't '"ûJ !r!~~ eux le plaisir de V recevoir chaque mois Différences,

au tarif préférentiel de / jïw,s. ne les laissez pas plus longtemps dans l'ignorance de Différences, pour le prix exceptionnel de 80 F l'abonnement. Nom •••••••••••••••••••••• Prénom •••••••••••••••••••••••••••• Adre8se ••••••• ~ •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• Nom •••••••••••••••••••••• Prénom •••••••••••••••••••••••••••• Adresse •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• J.,/J'NNE 'USSI Nom •••••••••••••••••••••• Prénom •••••••••••••••••••••••••••• Adresse •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• tCharlespour l abonnement Je vous joins un chèque de ~,~~pour 2 abonnements ZflJ~pour 3 abonnements de •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• Si vous voulez que vos amis sachent de qui vient le cadeau, indiquez votre nom ou joignez votre carte. Sonunaire §§§§§DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 POINT CHAUD NOTRE TEMPS CULTURE 6, 18 38 ----~,------------------~~ SCENE DE CHASSE EN BASSE-TERRE La Guadeloupe aussi a ses immigrés, débarqués de la Dominique voisine . L'accueil est un peu frais ces derniers temps. VÉRONIQUE MORT AIGNE ACTUALITÉ " UNE ILE DE GARNISON DANS LE PACIFIQUE Le cantonnement de la VIle flotte aux Philippines PATRICK FRILET RÉGIONALE 22 MARSEILLE VILLE OUVERTE Edmonde Charles-Roux nous livre ses interrogations et ses espoirs HISTOIRE 40 UN HOMME NOMMÉ JÉSUS Comment Ernest Renan a laïcisé l'enfant de Bethléem PIERRE PARAF LA BANDE A EN DÉBAT BASSEAU Que sont devenus les fil s des Harkis 42 parqués à Angoulême? ÉMILE MlfRENE CONNAITRE 26 ACTUALITÉ LES ARMES DU _____________________1 __5 _ La multitude des commu!:u~~e~~ DES PAPIERS ET un atout ou une hypothèque pour l'avenir? DES HOMMES ABDOU BERRADA Après la régularisation des travailleurs EXCLUSIF clandestins, quelques problèmes RAYMOND EDDÉ : subsistent Pour que revienne la JEAN-MICHEL OLLÉ paix d'antan EXPLIQUEZ-MOI 16 QUEL JOUR SONTILS? Le jour de l'an n'est pas le même pour tout le monde. Une analyse des différents calendriers. PIERRE V ANDEGINSTE RÉFLEXION 34 MASQUES NÈGRES PEUPLES BLANCS Une recherche de l'art nègre, au-delà de son utilisation en Occident ASSANE FALL LA PAROLE AU ... 46 MIME MARCEAU Propos recueillis par ALAIN RAUCHVARGER HUMEUR 48 LE TEST DU RÉVEILLON: ÊTES-VOUS RACISTE? DIFFÉRENCES. magazjne mensuel créé par le MRAP (Mouvement contre le ruçisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des Éditiuns Différem:l!s, 89 rue Oberkampf, 75011 Paris, téi. 806.~,33, Abonnement .' 1 an .' 150 F - 1 an à l'étranger .' IBO F - 6 muis.' 80 F - Etudianlset chômeurs.' 1 an,' 130 F - 6 mois .' 70 Fljoindre ul1ephu/cx'upie de al carte d'é/lldiam uu de la corte de pointage), SOU lien " ZOO F Abonnement d'honneur .' 1 000 F. Vente à l'é/ranger .' Algérie.' /0 dinars, Belgique.' 140 F. belges. Canada .' J dol/ars, Portugal.' 250 eSl..'udos, OirC\.1eur de la publicatÎon : Albert Lé"y - Secrétaire de rooa.:tion cl maquettes : Francis Laurent - Service photos: Abdelhak Senna. Ont .:ollaboré à ;.e numéro: Dolorès Ak)ïa, Jean-Bertnmd Hary, Abdou Benada, lantel Chaput, Chrisliane Dandé, Asssne FaU, Patrick FriJeI. Jean-Pierre Garria. Marielle Hubert. Annie Lauran. Véronique Murtai~ne. Emile Murène, Jean-Mif:heI OIli, Robert Pac, Pierre Paraf, Alain Rauch"arger. Yves Thoraval, Pierre Vandeginste. Admini ... trat ion : KhaJed Debbah - Secrétariat : lanièle Simon - Promotio n-Vente : Marie-Jeanne Salmon - Publicité : Différences - Photocomposit ion ·Photogravure : PPC : 805.97.36 - Imprimerie: EflC. 17 rue Rich .... 75009 Paris. tél, 824.45, 15 - Di ffusion : N.M,P.P_· Numéro de commission paritaire: 6J.6J4 . ISSN : 0247·9095, PholO couverture: Randnan. S)gm • • 5 Point chaud SCENE DE CHASSE EN BASSE-TERRE Dans la banlieue de Pointe-à-Pitre, les Dominicains venus de l'î.l e voisine subissent un sentiment croissant de xénophobie. D ominique, capitale Roseau. Les tropiques à l'anglaise. Les citoyens de sa majesté britanique avaient su inculquer les bons principes dans tout l'Empire. Au beau milieu de la mer des Caraïbes, on prend le thé à cinq heures dans des tasses à fleurs. De Trinidad aux Barbades les jeunes - bonnets colorés et dreadlocks (1) - jouent au cricket sur des airs de reggae. Dans les super-marchés, où, pauvreté oblige, les vivres frais manquent six jours sur sept, les rayons regorgent de sauces à la menthe et chutneys (2) en tout genre. Tous ces confettis de l'empire britanique sont aujourd'hui indépendants. Beaucoup restent membres du Cùmmonwealth, tous commercent activement avec le Royaume-Uni. Certaines ont trouvé du pétrole dans leurs eaux territoriales, comme Trinidad et Tobago, d'autres proposent les trois S antillais (Sea, Sex and Sun) aux charters de touristes. La plus sauvage, la plus déshéritée des British West Indies, la Dominique (751 km2 , 78 000 habitants) n'avait que ses mangues, ses bananes et sa canne à sucre. En 1979, elle se trouve en plein sur le passage de David et de Frédéric, les cyclones : les cultures sont entièrement dévastées. La Dominique ne s'en remet pas. Jusqu'à aujourd'hui le téléphone est toujours coupé à Roseau, le chômage atteint plus de 40 0,10 de la population, les sansabris sont légion. Né dans les quartiers populaires de Kingstown, en Jamaïque, le phénomène rasta, qui s'est propagé dans toutes les îles anglophones de la Caraïbe, principalement par' la voix de Bob Marley, a rapidement atteint la Dominique. Face au malaise économique, de nombreuses communautés Dreads (du nom de leur coiffure) se sont formées dans les mornes boisés de l'intérieur de l'île. Se nourissant de fruits de la terre, prônant un retour mythique vers l'Ethiopie, vénérant la marijuana comme une herbe sacrée, les Rastas sont en perpétuel rupture de ban avec le pouvoir en place, qu'ils appellent Babylone. Miss Eugénia Charles, premier ministre de la Dominique a dû, l'année passée, déclarer l'état d'urgence: des Rastas armés de fusils et de bazookas avaient enlevé le porte-parole du gouvernement, après que deux dreads aient trouvé la mort lors d'un accrochage avec les forces de l'ordre. Deux jours plus tard, la dame de fer des Caraibes promulgait une loi antiterroriste extrêmement dure. L'île d'en face ... A quelques encâblures de là, la Guadeloupe fait figure de jardin d'Eden. Marie- 6 Pointe à Pitre, un rêve pour beaucoup de Dominicains. Galante, l'île guadeloupéenne la plus proche des côtes dominicaines, est à portée de barque. Dès les années 30, les voisins pauvres des Antilles françaises étaient uchelés pour la coupe de la canne, mais depuis 1975, l'immigration dominicaine s'est accélérée. En 1979, après le passage du cyclone David, ils affluent par centaines dans les banlieues de Pointe-à-Pitre. Malheureusement pour eux, ils arrivent au moment où les premiers effets de la délinquance urbaine se font sentir dans l'agglomération pontoise. A Baimbridge, aux Abymes, cages à lapin et HLM ont poussé sous un soleil de plomb, les valeurs tradition nelles se sont peu à peu dégradées; les jeunes, durement touchés par le chômage, Ont commencé à zoner et à fumer de la ~lIl/ja ; vols et cambriolages, incullllu., jusqu'alurs dam la société guadeloupéenlle, tr0) rurale, se SOllt multiplié ., ce~ dernières années. Les Dominicains forment une communauté forte de 8 000 membres (3), soit ellviroll 4!TJo de la popu lat ion ue l'agglomératioll pOlltO!)C. Très regroupés, COl1tral:\:melll aux Haitiens éparpillé .., aux quatre coim de l'île, ce sont les victimes désigllées uu mécolltelltement populain:, accru par unmalai.,e politique latent. L'ill.,écurité étant par ailleurs un sujet en or pour le, campagnes électorales, la xénophobie à l'cncontre des Dominicains s'est considérablement développé depuis 1979. A celle époque, une véritable cha., . .,e à l'homme avait été organisée dans les §§§§§§§§§§§§§~ DIFFÉRENCES N° 18 DÉCEMBRE 82 rues de Point-à-Pitre, à la suite d'un discours tapageur du député Raymond Yiviès, qui .,'oppmait à l'invasion de la Guadeloupe pur les indésirables. Des excités ont tout cassé ... Depuis, ces indésirables effectuent en Guadeloupe les travaux subalternes: plongeurs, servantes, ou sont tout simplement,

hômeurs clandestins.

Pour la plupart, ils mènent une vie pauvre, mais calme. Lorsque le 8 septembre dernier la jeune Francine Régent-Talbot est retrouvée, étranglée avec sa ceinture après avoir été violée, à quelques mètres de chez elle, c'est la communauté dominicaine elle-même qui fournira les renseignements qui permettront à la police d'arrêter les assassins deux heures plus tard. La population apprend que les coupables sont des ressortissants dominicains en situation irrégulière, dont l'un avait déjà été impliqué dans une affaire de viol à la Dominique. La réaction sera immédiate et épidermique. Dès l'aube de la reconstitution du crime, une foule hostile arrive sur les lieux. Toute la journée de nombreux manifestants se pressent devant le commissariat de police et le palais de justice, guettant l'apparition des deux prévenus. Peu avant minuit, ils cadenassent la porte du commissariat, lancent des pierres, des bouteilles, des cocktails Molotov. Ils seront dispersé à coup de grenades lacrymogènes. Tout ce qui ressemble à un Dominicain est alors traqué. L'hebdomadaire antillais Informations Caraïbes rapporte le témoignage suivant: «Des excités ont molesté et blessé un certain nombre de Dominicains, nombre indéterminable, car ils ne veulent ni se faire soigner à l'hôpital, ni déposer plainte. Un de ces malheureux, blessé à la machette, a été détaché d'un poteau de signalisation de la rue Bébian; l'époux guadeloupéen d'une Dominicaine témoigne qu'on est venu tout casser chez lui. De plus, il est certain que des extrémistes Les mêmes problèmes qu'ailleurs. racistes ont voulu provoquer la police et chercher l'effusion de sang. » Depuis, la situation reste extrêmeme.nt tendue à Pointeà- Pitre, et l'on craint que de nouveaux heurts ne se produisent. Les racines du mal Pour éviter -- une nouvelle explosion de' violence, il ne faut surtout pas nier l'évidence. Il y avait, en septembre dernier, 344 détenus dans les prisons de Point-à-Pitre et Basse-Terre, dont 90 étrangers. Parmis eux, 8 Haitiens et 65 Dominicains. La communauté haitienne en Gouadeloupe étant officiellement deux fois plus nombreuse eri Guadeloupe que la dominicaine, il est clair que cette dernière est nettement plus criminogène. A cela, une raison simple: de nombreux délinquants fuyant la justice de leur pays, se réfugient dans · l'archipel guadeloupéen, dont les frontières, extrêmement floues, sont difficilement contrôlables. Il est également vrai que le trafic de drogue à Pointe-à-Pitre est presque entièrement contrôlé par de jeunes rastas dominicains. La politique commune de contrôle policier, qui commençait à se mettre en place ces dernières années, a été freinée par le projet de décentralisation dans les DOM. 7 ment de xénophobie va croissant. Certains l'utilisent. Une opération de police menée en octobre dernier a permis d'arrêter un quatuor de truands guadeloupéens qui avaient pris des noms dominicains et s'habillaient en rastas pour brouiller les pistes. Mais le coup d'arrêt définitif à cette situation explosive ne pourra être donné que le jour où la Dominique aura les moyens de sortir de l'impasse économique où elle se trouve. Le développement de la coopération franco-dominicaine, l'aide bilatérale à ce pays en détresse devrait redresser la . barre. Autrefois du ressort du Préfet, la responsabilité des accords en matière d'immigration avec le gouvernement de la Dominique devrait échoir au Conseil général, qui dans le cadre de la prochaine instauration d'une Assemblée unique dans les DOM verra ses pouvoirs accrus. Dans cette optique, Mme Lucette Michaux Chevry, présidente du Conseil général de la Guadeloupe s'est rendu en Dominique le mois dernier pour mettre au point avec Miss Charles une politique de coopération inter-îles. En Guadeloupe même, on a beaucoup tardé à chercher des solutions. Il est vrai qu'il .était plus pratique d'exploiter la misère des travailleurs dominicains en quête d'emplois, qui se voient 'proposer des salaires parfois de trois fois inférieurs au SMIC (déjà plus bas aux Antilles qu'en Métropole), des logements surchargés pour des loyers exhorbitants. Le mauvais contrôle de la croissance urbaine dans l'agglomération pontoise dont les deux principales communes, Pointe-à-Pitre et Les Abymes rivalisent, ajoute encore au malaise. Coup d'arrêt Dominicain devient déjà à Pointe-à-Pitre synonyme de voyous. Les rastas en font également les frais et le senti- Le gouvernement français, qui se sent quelques responsabilités dans la zone, a beaucoup accru ses efforts depuis quelques mois, notamment en ce qui concerne le logement, l'agriculture et la pêche. A terme, il s'agit de réduire l'écart de niveau de vieconsidérable - entre la Dominique et ses voisines françaises et d'accroître les échanges inter-Caraibes. Avec la même langue, le créole, des origines africaines et une histoire communes, les îles de la Caraibes possèdent une identité propre. Et pourtant... «Nous refusons de faire de la Guadeloupe un hôpital pour tous les estropiés économiques de la Caraibe », s'exclamait l'éditorialiste de France-Antilles, seul quotidien aux Antilles françaises, (groupe Hersant), au lendemain des scènes de violence qui ont suivi le meurtre de la jeune Francine. Véronique MORTAJGNE ( 1 ) petites nattes que les rastafaTian s portent comme des antennes. ( 2 ) condiment épicé ( 3 ) la répartition des étrangers vivant en Guadeloupe est officiellement la suivante: Haitiens; 6457 (dont 2239 en cours de régularisation et 2418 en situation régulière). Dominicains

3678 (dont 2896 en situation

régulière et 782 en cours de régularisation). Il y a aussi 901 syriens, 325 libanais, 205 originaires de République Dominicaine, 130 St-Luciens... (chiffres octobre 82) source: ICAR - HP 958 97176 Pointe-à-Pitre Cedex Le Mois AFRIQUE DU SUD 27 octobre ·0 Dix condamnés à mort pour des crimes de droit commun ont été exécutés en quatre jours à la prison centrale de Prétoria. Selon l'Institut des relations raciales, 57 personnes ont subi le même sort au cours du premier trimestre 1981 , et 130 pendant l'année 1980, dont un Blanc, un Indien, 43 métis et 85 Noirs.

J. novembre

o Le Fond Monétaire International décide d'accorder un prêt de 1.070 millions de dollars à l'Afrique du Sud, malgré l'opposotion de l'Assemblée générale des Nations Unies, sur l'insistance particulière de l'administrationReagan. 4 novembre o A Rome, l'Assemblée consultative des dix pays membres de la Communauté Economique Européenne (CEE) et des 63 Etats associés d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), adopte une résolution condamnant le régime d'apartheid en Afrique du Sud o Une délégation du MRAP, conduite pas Albert Lévy, secrétaire général, est reçue par M. André Laurent, directeur du cabinet de Mme Edwige Avice, ministre chargé de la Jeunesse et des Sports. Cette délégation a exprimé son opposition à la tournée d'une équipe française de rugby en Afrique dU Sud annoncée récemment par M. Ferrasse. 22 novembre o Dans un communiqué publié à Paris, les représentants dû Congrès national africain (ANC) et l'Organisation des · populations du Sud-ouest africain (SWAPO) déclarent qu'ils ont « appris avec inquiétude que le gouvernement français est en train d'étudier la possibilité de vendre une deuxième centrale nucléaire à l'Afrique du Sud ». 26 novembre o Trois condamnés à mort sudafricains ont vu leur appel rejeté, ce qui porte à neuf le nombre de prisonniers en passe d'être exécutés. Le MRAP demande d'écrire en masse à l'Ambassadeur d'Afrique du Sud à Paris. \ .\lI:RIQl'ES 29 octobre o Selon les chiffres publiés par la Commission chilienne des Droits de l'homme, de janvier à septembre 1982, 1.985 personnes ont été arrêtées pour raisons politiques. Ce chiffre est supérieur à celui de 1981 (908). Il comprend essentiellement des ouvriers et des étudiants membres d'organisation de gauche. 3 novembre o L'ambassadeur des Etats-Unis à San Salvador reconnait que «30.000 Salvadoriens ont été assassinés depuis 1979, non pas tués au combats, mais bien assassinés ». La réalité est certes, beaucoup plus terrible, inais l'aveu est de taille. 9 novembre o En Californiè, Joe Hoover, un étudiant de 17 ans qui refusait de collaborer avec un groupe néo-nazi et avait dénoncé certains de ses agissements, est assassiné de huit balles dans le dos. EUROPE 26 octobre o Un militant du Sinn Fein, formation légale très proche de l'IRA, est tué par balles devant l'un de ses enfants. Ce meurtre est revendiqué par un groupe terroriste protestant. o Le gouvernement suisse reconduit pour la nouvelle année les quotas d'entrée d'étrangers et renforce les contrôles aux frontières. 27 octobre o Environ 150.000 personnes manifestent en Finlande pour réclamer le retrait des armements nucléaires d'Europe de l'Est comme de l'Ouest. o Trois policemen sont tués dans leur voiture par une bombe à Lurgan, à 32 kilomètres au sudouest de Belfast. L'IRA revendique cet attentat. 28 octobre o La junte turque publie un rapport sur les arrestations opérées durant les deux ans qui ont suivi le coup d'état militaire du 12 septembre 1980. 56.486 personnes ont été arrêtées pour « activités terroristes » et 24.858 d'entre elles sont actuellement détenues dans les prisons de l'armée. 6.512 ont déjà été jugées et condamnées. Par ailleurs, plus de 200 anciens parlementaires, une cinquantaine de journalistes et plus de 3.000 syndicalistes sont poursuivis. o Plus de 12.000 représentants des manifestants de Moscou pour la Paix se rassemblent au Palais des sports lénine. Ils demandent un désarmement «général et complet », l'arrêt de la fabrica- 8


~~§ê§10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)~~§ DIFFÉRENCES N° 18 DÉCEMBRE 82 tion de nouvelles armes chimiques et nucléaires. 1er novembre o D'après la Anti-Defamation league du B'nai B'rith américain les actions dirigés contre les juifs et les Israéliens en Europe occidentale ont fait 25 morts et 373 blessés au cours des deux dernières années. Le rapport fait état de 29 attentats en France, y compris celui de la rue Copernic, 12 en Italie, Il en Autriche, en 5 en Grèce, 4 en Allemagne de l'Ouest et en Grande-Bretagne, 2 en Belgique et à Chypre, 1 au Danemark, en Hollande et en Suisse. Le rapport ajoute que les terroristes n'ont été appréhendés qu'une fois, après l'attentat contre la synagogue de Vienne en août 1981. o Une association internationale de médecins s'opposant aux armes nucléaire est fondée à La Haye, avec la participation, entre autres, d'organisations soviétiques et américaines. Il novembre o Avec 24 heures de retard, la radio de Moscou annonce le décès de Léonid Brejnev. o Trois hommes membres de l'IRA sont tués à Lurgan, au sudouest de Belfast, après avoir tenté de forcer un barrage policier. PROCHE-ORIENT 25 octobre o Devant la commission d'enquête sur le massacre de Sabra et Chatila, le général Sharon, ministre israélien de la Défense, reconnait que les forces israéliennes ont laissé pénétrer les milices phalangistes dans les camps de réfugiés palestiniens. o Lors d'une manifestation à Naplouse, un enfant palestinien de 15 ans est tué par les militaires soutenus par des colons. 2 novembre o L'avocate israélienne, Me Félicia Langer, défenseur' des prisonniers politiques palestiniens, obtient le prix Pierre Cot décerné par l'Association internationale . des juristes démocrates (AIJD). 8 novembre o Devant la commission d'enquête, M. Menahem Begin contre toute évidence soutient n'avoir été au courant des massacres de Sabra et Chatila qu'après lë retrait des phalangistes. 9 novembre o Le gouvernement israélien décide d'expulser le grand sacristain du patriarcat orthodoxe arménien de la Ville Sainte. 11 novembre o Une formidable explosion due à des bouteilles de gaz, détruit complètement le siège du commandement israélien à Tyr, faisant 89 morts et 56 blessés. o Devant la commission d'enquête, le lieutenant-colonel Reouven Gay affirme que le secrétaire particulier du général Sharon, avait été informé des massacres de Sabra et de Chatila dès le vendredi I7 septembre à midi. L'As des As, c'est l'histoire de Belmondo et d'un petit garçon. Il sait pas comment s'en débarrasser parce que c'est les . Jeux Olympiques en Allemagne. Le petit garçon revient toujours, alors il l'emmène dans sa voiture, je sais pas où ... Le petit garçon? Il est juif, bien sûr. Il se retrouve tout seul parce que ses grands-parents, ils ont été arrêtés dans un café. C'est des gens avec des imperméables noirs, en cuir, avec des chapeaux aussi, qui les ont arrêtés. Ils les cherchaient partout parce que Belmondo leur avait cassé la 'ligure quand ils démolissaient la librairie, ils jetaient les livres par terre ... Hitler, on le voit pas. Il y a un monsieur marrant avec une petite moustache. Il crie tout le temps, il commande les autres, sauf Belmondo. Il finit par tomber dans une mare aux canards. - Non, c'est pas Hitler, Hitler il tombait pas dans les mares ... Il y a des soldats qui courent tout le temps après Belmondo et le petit garçon et ses grands-parents. Il y en a un, le général, c'est le copain de Belmondo, il l'aide tout le temps, il dit qu'il déteste Hitler. Il est gentille général, il prête sa voiture et lui il part avec la soeur du monsieur à moustaches. C'est bien L'As des As, aussi bien qu'Une chambre en ville. MARINETTE, 6 ans 10 novembre: Mort de Leonid Brejnev. En 1971, il avait rendu visite aux O.S. de Renault. LA REGULARISATION CAHIN-CAHA 27 octobre o 20 travailleurs africains font la grève de la faim dans le 13e arrondissement pour obtenir la régularisation des sans-papiers qui n'ont pu bénéficier de la procédure exceptionnelle mise en place cette année. o 90 070 des 149.707 étrangers « sans papiers » qui ont déposé un dossier dans le cadre de la procédure de régularisation avaient un emploi à ce moment-là, indique une enquête du ministère du Travail qui précis~ : « Il n'est pas possible d'établir une liaison entre l'augmentation du chômage des étrangers et la régularisation exceptionnelle ». 28 octobre o Huit travailleurs immigrés - six Maghrébins et deux Portugais - entament une grève de la faim dans une salle paroissiale de l'église Sainte Monique à Nice parce qu'ils n'ont pas pu obtenir la régularisation de leur situation. S novembre o Dans un communiqué, le MRAP explique ses vives préocupations sur les difficultés actuelles que rencontrent les travailleurs immigrés «sans papiers » qui se sont vus refuser leur carte de séjour. C'est à ce sujet que le MRAP est intervenu le 26 octobre auprès de M. Autain, secrétaire d'Etat aux immigrés et qu'il a envoyé un télégramme le 29 octobre à M. Mauroy, premier Ministre. COUPS ET "BLESSURES 26 octobre o A l'occasion du débat parlementaire sur les séquelles de la guerre d'Algérie, le MRAP s'oppose, 9 dans un communiqué, à la réhabilitation des responsables de l'O.A.S. et des généraux factieux d'Alger. o La fédération de la HauteCorse du PCF condamne les attentats, les actes de violence et les mots d'ordre racistes qui ont déferlé sur la Corse depuis plusieurs mois. 4 novembre o Trois cents personnes environ manifestent à Bastia (HauteCorse) contre la violence et la recrudescence des attentats. 5 novembre o A la tête d'un commando d'hommes de main armés et ·accompagnés de chiens policiers, un propriétaire expulse ses locataires immigrés d'un immeuble de Gennevilliers. Ce propriétaire, par ailleurs P-DG d'une entreprise de chaudronnerie du Calvados, avait été débouté la veille par une ordonnance de référé de sa demande d'expulsion . Les logements ont été dévastés. 14 novembre o Attentat fasciste à Ramatuelle (Var) contre · le domicile de Lucette et André Thomazo. L'attentat est revendiqué par des « militants communistes » alors que des graffitis fascistes ont été peints sur les murs. L'HUMANITÉ CHTCHARANSKY 26 octobre o Le MRAP lance un appel en faveur d'Anatoly Chtcharansky qui observe une grève de la faim. Il demande que ses conditions de détention soient immédiatement améliorées et qu'il soit libéré sans délai afin qu'il puisse quitter son pays comme il le désire 4 novembre o M. Mitterrand assure les représentants de diverses organisations de soutien à Anatoly Chtcharansky de «l'attention toute particulière» qu'il porte au cas du mathématicien soviétique et de son intention d'intervenir en sa faveur. 6 novembre o Le MRAP écrit à Léonid Brejenv pour demander l'octroi d'un visa qui permette à un juriste et un médecin français de rencon- . trer Anatoly Chtcharansky. Après l'annonce du décès du secrétaire général du P.C.U.S., une lettre est adressée à louri Andropov, son successeur à ce poste, pour lui demander un acte de clémence. Le MRAP prépare pour le 26 novembre à Paris une soirée artistique de solidarité. Actualité .10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)~~§ Une âme saine dans un corps sain, et pour tout le monde, c'est ce que souhaitent les deux ministres qui ont répondu à nos questions. JACK RALITE: SANTE, Le ministre dédicaçant son livre, (Re)tour de France. INEGALITES, MENTALITÉS. Différences: Vous avez demandé à Sylvie Le Roux, député au parlement européen, de vous rem~ttre un rapport sur les inégalités sociales face à la maladie et à l'accès aux soins. Elles se concentrent sur les catégories les plus défavorisées de la société, et de ce fait concernent pour une bonne part les immigrés. Pensez-vous que ces populaitons subissent des difficultés spécifiques ? Jack Ralite: Les immigrés accumulent les inégalités des plus défavorisés. Il suffit de visiter les régions où ils sont nombreux pour se rendre compte à quel point ils en sont victimes au-delà de ce que subit le travailleur de souche française, lui-même atteint. Ce n'est pas leur origine ou leur culture qui est en cause ,'l'équipe du Centre de Médecine préventive de Nancy- Vandoeuvre a montré comment, entre deux populations de même condition sociale et très pauvres, c'est la population destructurée, qui n'a bénéficié d'aucune culture, quelle qu'elle soit, qui est la plus fragile au regard des questions d'hygiène et de santé. Ce qui est en cause, c'est cette accumulation de facteurs de pauvreté. Ce sont les mêmes catégories qui ont les tâches les moins qualifiées et sont les moins diplômées, qui ont les plus bas salaires, les plus mauvais logements, dont les enfants ont le plus de difficultés scolaires. Ce sont les OS et les manoeuvres qui ont la plus faible espérance de vie. Or les immigrés sont la plupart du temps OS ou manoeuvres, et dans leur cas les facteurs de pauvreté peuvent se croiser. Voyez le rapport de Sylvie Le Roux, et ses conclusions sur . 10 les facteurs de prématurité des naissances: à l'origine migrante de la mère s'ajoute son niveau d'études, souvent très bas, l'inconfort de son logement, etc ... J'ai visité la Lainière de Roubaix ce n'est pas un hasard si la syndicaliste, qui, lors de nos entretiens, s'est le plus engagée dans l'analyse de la mortalité prénatale, est algérienne. Elle m'a écrit depuis: « Je n'en peux plus, Monsieur le ministre. J'ai 18 ans, et comme beaucoup de filles du Pas-de-Calais, je travaille à la Lainière. Jusque là rien d'extraordinaire: conditions de travail pénibles, salaires de misère, production intensive ( ... ) Je gagne mon pain avec ma sueur, je ne comprend pas pourquoi la direction m'insulte: bougnoule, sale Arabe, repars d'où tu viens. » Voilà ce qui justifie pour les immigrés les mesures de rattrapage, en quelque sorte, pour compenser les retards accumulés. Il y a une courbe de l'OMS qui montre très clairement qu'un accroissement général des soins et équipements sanitaires a des effets positifs sur une grande partie d'une population, mais laisse toujours de côté les plus défavorisés de cette population. C'est une raison supplémentaire d'agir spécifiquement. Différences: Un des thèmes les plus répandus de la propagande raciste, c'est que les immigrés coûtent cher à la société française. Que pensezvous de cette affirmation ? Jack Ralite: A visiter le bureau d'aide sociale d'une ville comme Aubervilliers, on s'aperçoit que 75 % des demandeurs sont immigrés. Au niveau municipal, c'est un problème. Mais ce n'est pas une question de coût, c'est la 1 preuve que ce sont les plus touchés, avec les ouvriers spécialisés d'origine française. Sinon, ils ne seraient pas demandeurs. Quant à dire qu'ils coûtent plus cher que les autres travailleurs, rien n'est moins sûr. Le coût d'un travailleur, c'est aussi el surtout sa qualificaiton, l'investissement nécessaire à sa formation; or à l'évidence, jusqu'à ces derniers temps, le patronat les a fait venir précisément pour éviter cet investissement. En ce qui concerne le « coût» de la santé des immigrés, je dirai que les inégalités et la mauvaise santé sont des gâchis très coûteux. Une hospitalisation en catastrophe coûte plus cher qu'une surveillance médicale régulière chez un médecin généraliste ou spécialiste, un ancien accidenté du travail au chômage pèse plus lourd sur la société que le même homme en bonne santé et au travail. Mais je dois aussi ajouter que, contrairement aux idées volontiers répandues, ce sont les cadres et professions libérales qui ont statistiquement la plus forte consommation médicale. Selon une étude du CREDOC, les 10 % plus forts consommateurs, les gloutons de la médecine sont plutôt aisés, culturelle ment et socialement favorisés. Différences: Vous avez lancé l'idée de mesures inégalitaires pour lutter contre les inégalités, ne craignez-vous pas , en orien tant votre action vers une partie limitée de la société, de déclencher des sentiments de frustration dans les autres catégories ? Jack Ralite: Cela ne m'inquiète pas. Cela montre simplement qu'il y a dans une société plusieurs problèmes à envisager de front. Un problème social, objectif, et un problème de mentalité. Il faut de plus en plus avancer en crabe, si je puis dire: faire avancer les mentalités en même temps que les réponses aux problèmes sociaux, et grâce à elles. Il n 'y a pas d'autre stratégie possible, y compris sur le plan politique. C'est cela, mon idée sur les mesures inégalitaires. Si j'ai supprimé le secteur privé des hôpitaux, c'est pour faire une encoche mentale, même si au début on l'a perçue comme une violence. Un journal titrait, quelque temps après mon passage dans le Nord: « Qu'est-ce qui a changé depuis le passage de Jack Ralite : rien, sauf les mentalités ». Ça m'a fait plaisir, la lutte était engagée. Y compris chez les travailleurs qui parfois ont du mal à se déssaisir d 'une sorte de mémoire ouvrière du malheur, même s'ils sont les mieux placés pour dénoncer leurs conditions de travail et en construire de nouvelles. Différences : Un des moyens de lutter contre les inégalités devant la maladie est peutêtre de mettre au point une coopération médicale avec les pays d'origine des immigrés ... Jack Ralite : Nous y travaillons, surtout au niveau de la production pharmaceutique. A Alger, à Paris, à Dakar, nous nous sommes concertés avec les pays francophones pour déterminer leur besoins en la matière. La con,certation continue. Dis-moi comment tu te soignes ... Quelques extraits du rapport que Jack Ralite a demandé à Sylvie Le Roux, parlementaire européen TABLEAU 21 : Pourcentages. d'enfants prématurés en fonction des caractères socio-culturels des parents et des conditions de vie. Situation de famille de la mère : Prématuri té 0J0 - non mariée.... .................. Il,4 - mariée .... .. .. ........ ... .. .. .... 7,1 Origine de la mère : - immigrante ..................... 9,7 - non immigrante.. ... .. .. .... .. .... 7,1 Niveau d'études de la mère : - nul ou primaire ................ 8,7 - secondaire .... .. ..... ....... ..... 6,3 - technique.. ........ .. .......... .. 6,0 - universitaire ... .. .. .. ........... 4,2 Catégorie socio-professionnelle du père: - manoeuvre .. .. .. .. ... .. .. ..... .. - ouvrier .. ................. .. .... .. - employé ... .. ............... .. .. . - cadre moyen ....... ... ..... ... .. - cadre supérieur .. .. ........... . - patron ..................... .. .. .. - agriculteur .. .. .......... .. ... .. . Confort de l'habitat : - chauffage central : 10,3 8,2 5,9 4,7 4,9 5,6 5,9 - non .. .. .... .................... 8,5 - oui .... ........ .... .... ....... .. 6,2 Nombre de cigarettes par jour pendant la grossesse : - 0...... ....... .. ....... .. ... ........ 7,4 - 1-9...... .... . .. .. ................ 8,1 10 .. .. ..... .. . .. .. .. ... .. ....... 8,4 17 % des femmes immigrées ne se rendent pas à toutes les visites prénatales obligatoires, pour Il % de femmes d'origine française. Il TABLEAU 9 Consommation médicale par catégorie socio-professionnelle : indice de dépense de la catégorie par rapport à l'ensemble Agriculteurs exploitants ... ....... 63,4 Cadres supérieurs - Prof. lib .... 120,2 Cadres moyens ..................... 109,5 Employés .. .... ..... ... .............. 106,1 Ouvriers ......................... .... 77,6 Ce sont les femmes des milieux les plus défavorisés et ne travaillant pas qui bénéficient le moins d'une surveillance médicale . Interrogeant sur ce fait des mères de famille de la ZUP de Mont-Saint-Martin (Meurthe et Moselle), commune proche de Longwy, j'ai obtenu un élément de réponse à cette question : « Les femmes qui ne travaillent pas et qui sont pauvres n'osent pas sortir, surtout pour aller à la consultation ou chez le médecin. Elles ont honte de leurs vêtements et de leurs sous-vêtements ». A la Lainière de Roubaix (Nord) où le ministre de la Santé a recueilli le témoignage des travailleuses, les femmes ne savent pas, ou peu, ce que c'est d'accoucher à terme: à la Lainière, trois femmes sur cinq « font leur perte» comme elles disent.

  • * *

Le récit d'un délégué syndical chez Peugeot

« Voici encore le récit d'un travailleur marocain, dont j e suis témoin. Un lopin d'acier chaud (1 200°), d'un poids de 9, 6 kg et d'une hau'teur de l ,50 m lui tombe sur le pied. Je lui ai dit:« Va à l'infirmerie » et j'ai appelé le chef d 'équipe, je lui explique ce qui est arrivé ». « Voici sa réponse : « Oh, il me fait ch ... , je n'ai personne pour le remplacer en ce moment ». Je le relance: « mais chef, il a mal ». « - Il n'a qu'à attendre, ce bougnoule » . C'est là que moi, sous ma responsabilité, j'ai arrêté le groupe de forgeage et je l'ai envoyé à l'infirmerie. Diagnostic: l'orteil et un autre doigt de pied fracturés et un mois d'incapacité de travail ». §§§10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)Charles 10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)-Charles 10 janvier 2012 à 15:48 (UTC) CL\JS\f DIFFÉRENCES N° 18 DÉCEMBRE 82 Pour le ministre de la Culture, la vrai liberté de penser et la connaissll!nce de :E~ soi passent par ['écoute des autres. Jack LANG à DIFFERENCES •• NON AU FAST-FlOOD CULTUREL vous vous êtes opposé, à Mexico, à ~impérialisme financier et intellectuel qui submerge la culture de nos pays. Par ailleurs, vous souhaitez ouvrir la France à d'autres expressions, européenne, méditerranéenne ou francophone. Définir ces deux objectifs, est-ce faire un choix entre les cultures, ou s'agit-il d'un équilibre ? Selon quelles modalités ce processus sera-til mis en oeuvre et quel en sera le profit pour la France? Jack Lang: Revenons, si vous le voulez bien, au discours de Mexico qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et déclenché une véritable Bataille d'Hernani. Au fond, je devrais m'en réjouir, car c'est le signe que l'enjeu était de taille. Malheureusement, en me taxant d'antiaméricanisme, certains ont cherché insidieusement et de la façon la plus caricaturale, à jeter l'anathème sur toute une politique culturelle qui pourtant ne se caractérise ni par le chauvinisme, ni par le protectionnisme, mais préconise au contraire l'ouverture et la libre circulation des idées. Nous n'allons pas interdire Hitchcock, Chaplin ou Faulkner. Parler comme je l'ai fait de l'impérialisme financier et culturel ne signifie pas du tout, comme quelques uns ont fait semblant de le comprendre, que nous allions fermer nos frontières, interdire la projection des films de Walsh, Hitchcock ou Chaplin el retirer des librairies Faulkner, Miller ou Burroughs. Non, mes propositions à Mexico visàient à encourager les pays du Tiers-monde, et d'Europe, à s'organiser pour créer eux-mêmes des oeuvres originales au lieu de se laisser envahir passivement par les sous-produits de la culture des autres. Voilà le choix que nous voulons faire et qui s'inscrit aussi dans un programme de relance économique. Il faut beaucoup de malveillance à nos détracteurs pour faire passer notre action pour de la censure et confondre notre désir de rayonnement intellectuel, comme notre volonté d'accueillir toutes les formes de création venues des quatre coins du monde, avec un quelconque esprit cocardier. Venons-en maintenant à la deuxième partie de votre question. Le problème de fond qui était posé dans le discours de Mexico, et qui a provoqué cette levée de boucliers dans une partie de l'intelligentsia, est que nous défendons une certaine idée de la culture. Une idée fondée sur le droit à la différence, le respect des identités, le pluralisme et l'indépendance. Nous travaillons à l'élargissement de l'espace culturel en stimulant la création dans tous les domaines, dans toutes les régions, pour tenir tête justement à l'uniformisation qui nous menace. Je ne parle pas ici bien sûr de la minorité de privilégiés qui savent échapper à la médiocrité des produits standardisés et au fast food culturel, mais à tous ceux pour qui cette sousculture est la seule nourriture spirituelle et tient lieu de modèle. Vue du Tiers-monde, cette situation est encore plus alarmante. Concrètement, nous avons 12 le dos au mur », organisée par le MRAP. déjà fait beaucoup de choses. Pour ne parler que des actions les plus récentes, qui s'inscrivent dans ce cadre du dialogue des cultures, je citerai la grande rétrospective sur «l'Orient des Provençaux» qui vient de s'ouvrir à Marseille. Dix-sept expositions simultanées retracent sept siècles d'échanges entre le Midi de la France et ses voisins d'Afrique du Nord et du Proche-Orient. Pour les Marseillais et pour cette grande partie de la population qui y vit tout en restant culturellement liée à l'Islam, cette manifestation sans précédent est une fenêtre ouverte sur leur propre histoire et ne peut qu'enrichir les rapports humains. Autre exemple: à Paris a été créé la Maison des Cultures du Monde, lieu d'accueil et de rencontre pour les artistes, écrivains, musiciens, hommes de théâtre, de tous les continents. Vousmêmes, dans plusieurs de vos numéros vous êtes faits l'écho des rencontres internationales qui se sont tenues en France, notamment à Vittel qui révéla l'an dernier la comédie musicale égyptienne. La France doit redevenir ce qu'elle a été par le passé: un pôle d'attraction et un carrefour de la création. Vous avez insisté sur l'intérêt que nous aurions à mieux connaître les cultures du Tiers-monde, notamment en ce qui concerne le cinéma. Quel peut être le poids d'une telle orientation dans l'instauration d'un nouvel ordre international qui revêt, par ailleurs, des aspects essentiellement économiques? Jack Lang: Dans ce domaine également, la France doit jouer un rôle d'avant-garde et assumer des responsabilités abandonnées depuis trop longtemps. J'ai multiplié des initiatives en ce sens pour favoriser la diffusion d'oeuvres de cinéastes du Tiers-monde. L'excellente émission de Jean Lacouture et Jean-Claude Guillebaud a déjà ouvert la voie, en présentant, pour la première fois au public français, des films turcs, iraniens, égyptiens. Soixante films chinois, pour la plupart inédits en France, ont été projetés au cinéma La Pagode, de nombreux cinéastes étrangers ont désormais possibilité de travailler en France, comme par exemple le cinéaste égyptien Chahine. Tous ces événements sont encourageants pour l'avenir, mais permettront-ils de modifier la situation que vous évoquez ? Dans l'immédiat, probablement pas, mais il faut se placer dans la perspective de la nouvelle ère audiovisuelle et de la multiplication des programmes qu'elle entrainera. La révolution des modes traditionnels de communication qui s'annonce autorise tous les espoirs, car elle permettra à des oeuvres de qualité de trouver l'audience qu'elles méritent. Pensez que trois ou quatre seulement des films de l'un des plus grands cinéastes d'aujourd'hui, Satyajit Ray, ne sont encore presque exclusivement connus que du public des cinéphiles, alors que des séries B hypnotisent des millions de téléspectateurs. Dans les futurs créneaux de programmation, il y aura une place à prendre pour des films et des émissions de télévision des pays du Tiersmonde, mais en attendant, la France se doit de faire découvrir la richesse et la vigueur de cultures trop longtemps ignorées. Les séries B hypnotisent des millions de spectateurs. Nous assistons, depuis quelques années, à l'émergence - ou à la résurrection - des cultures régionales. En favorisant leur développement, ne risque-t-on pas de mettre en cause l'unité cuiturelle de la France? Jack Lang: Bien au contraire. C'est le rejet et le camouflage des spécificités culturelles qui mettent en péril l'unité et, à la limite, provoquent les poussées séparatistes. La richesse linguistique de la France, sa diversité du point de vue des traditions, du mode de vie, du tempérament même des gens, liées à des conditions géographiques, historiques, sociales, particulières, constituent la partie la plus vivante de notre patrimoine. Reconnaître toutes ces différences et leur donner les possibilités de s'exprimer, est le meilleur moyen d'enrichir et de renouveler (a vie culturelle, d'éviter le rabotage des identités dont j'ai souligné le danger à Mexico. Les responsables du patrimoine, au sein de mon ministère, viennent de lancer un grand programme d'enquête, dans toute la France, pour faire l'inventaire des données sodo-culturelles, des expressions artistiques, propres à chaque région. De ce travail, mené de l'intérieur, et qui fera appel à des ethnologues et des chercheurs, naîtront certainement de nouvelles formes d'interventions. La France est une mosaïque de cultures qu'il faut préserver; le programme de décentralisation que le gouvernement a mis en oeuvre en tient compte et devrait permettre de donner un second souffle à la création régionale. Dans cette optique, je viens de proposer d'organiser, à partir du printemps prochain, un Festival des cultures de France. Pensez-vous qu'il soit nécessaire et possible de favoriser l'expression culturelle des diverses communautés d'immigrés vivant en France? Dans la mesure où ces communautés échappent souvent aux circuits culturels traditionnels en France, envisagez-vous des dispositions particulières pour leur faciliter l'accès aux médias et établir des échanges fructueux entre elles et la population française? Jack Lang: Là encore, il y avait presque tout à faire. Françoise Gaspard, député d'Eure-et-Loir, est en train de terminer un rapport sur « L'information et l'expression culturelle des communautés immigrées en France », auquel le ministère de la Culture a collaboré. D'ores et déjà, le Fonds d'intervention culturel a financé des projets d'associations d'immigrés et des expériences d'expression culturelle, il a également participé à la création d'emplois dans ce domaine. 13 Pas question de favoriser de nouveaux ghettos culturels Il est important, et cela fait aussi partie de notre mission, defaire en sorte que les immigrés ne soient pas coupésde leur culture d'origine. A cet égard, il faut que les spectacles ou les manifestations organisés en France soient de qualité et aient un caractère authentique. Je signalerai, dans le calendrier des manifesations de la Maison des Cultures du Monde, un quinzaine des conteurs du monde entier, un festival de films ethnomusicaux, un festival du cinéma arabe. Il n'est pas question de favoriser de nouveaux ghettos culturels, mais de donner la parole aux membres des différentes communautés et de les inciter à participer, à part entière, au monde dans lequel ils vivent, pour qu'ils ne s'en sentent pas exclus . . Tout cela est nécessaire à l'équilibre de notre société. Les prochaines décennies en dépendent. Les F"rançais sont très attachés à leur spécificité. En développant la diffusion des cultures étrangères, vous attendez-vous à des réactions de méfiances, voire de rejet et de repli sur soi d'une population qui se sent menacée J Jack Lang: L'art et la cu liure se sont toujours nourris d'apports extérieurs. Picasso et les cubistes ont été fortement marqués par la rencontre avec l'art nègre, Artaud, par la découverte du théâtre balinais, et Brecht a élaboré toute une partie de son esthétique à partir du jeu des acteurs dans l'opéra chinois. Qu'il y ait des réactions de méfiance de type conservateur ne saurait me surprendre. Il faut les dépasser. Un grand ethnologue, Pierre Clastres, disait que mieux connaître le monde des autres c'est aussi apprendre à mieux comprendre le nôtre et permet de s'élever à la véritable liberté de pensée. R IX BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON : 11, rue Stéphane-Gulllemé LE HAVRE : 222J228, rue Arlstlde-Brland GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place BESANCON: 1. rue Gambetta GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72. av. G.-Péri LA ROCHE-SUR-VON: 11. rueStéphane-Guillemé GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place LE HAVRE: 222/ 228. rue Aristide-Briand GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" §§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 1 " DES PAPIERS ET DES HOMMES La régularisation des sanspapiers, s'est terminée en laissant 20 000 travailleurs clandestins dans une situation préoccupante. On l'a dit, quand on est immigré, il fait meilleur vivre en France depuis 1981. Pourtant, à Paris puis à Nice, des travailleurs étrangers ont entamé une grève de la faim. Alors ? L'action la plus spectaculaire du gouvernement de la gauche a été de lancer une vaste opération de régularisation des sans-papiers. François Autain s'est félicité de son succès, et c'est vrai que 130000 d'entre eux se sont vus reconnaître une existence légale. Mais 20 000 demandes ont été refusées. A beaucoup de refusés, la mesure a semblé injuste : tant de leurs amis, plus débrouillards, avaient obtenu leur carte provisoire de séjour! Pourquoi eux, et pourquoi 20 OOO? Les responsabilités sont multiples, et n'incombent pas au gouvernement, comme certains cherchent à le faire croire - et parmi ceuxlà même qui avaient critiqué l'opération. Les deux convocations prévues n'ont pas toujours atteint les intéressés. Les travailleurs clandestins, par force, sont très mobiles, ou très démunis : il suffit d'un gérant de foyer ou d'hôtel mal intentionné pour que disparaissent les lettres. Il sufit surtout d'un patron mécontent de voir ses employés régularisés: beaucoup de sans-papiers ont été licenciés après avoir déposé leur demande, et dans ce cas, on s'est bien gardé de faire suivre les convocations arrivées sur le lieu de travail. Le ministre avait donné des instructions pour que les dossiers soient accueillis avec la plus grande bienveillance. Quelques préfectures ont fait la sourde oreille : en SeineSaint- Denis et dans le Rhône, 45 070 des demandes ont été refusées, alors que le taux national de refus s'est situé autour de Il %. L'écart souligne l'arbitraire des réponses. On comprend mieux dès lors les grèves de la faim. A Paris comme à Nice, le ministre a délégué un représentant. La négociation a abouti. Le problème est réel et reste préoccupant, même si un recours administratif est envisageable. Ce qui est le plus Pour le droit à vivre digne. IS inquiétant, c'est le décret du 27 mai 82. Selon lui, toute visite de sa famille oblige l'immigré à produire un engagement d'hébergement, signé par le maire de la commune. Certaines municipalités profitent de la possibilité que leur a laissée le gouvernement pour régler leurs comptes avec les étrangers. A la mairie de Paris, pour obtenir la signature, il faut recopier ce document: «Je soussigné ... m'engage à subvenir à tous les besoins de la personne, en cas de maladie, d'accident, d 'hospitalisation, de frais pharmaceutiques ou de voyage ». C'est parfaitement illégal, bien au-dessus des garanties demandées par le décret. C'est sans doute pour cela que le document n'est pas imprimé, mais présenté à l'immigré pour qu'il le recopie. Certains éléments de la Police de l'Air et des Frontières en rajoutent. On signale qu'à Orly, on refoule des familles en contestant la validité de leur certificat d'hébergement, et sans respecter le délai d'un jour imposé avant toute action par la loi du 29 octobre 1981. Le gouvernement aura du mal à contrôler ces excès de zèle. D'autant que d'autres mesures, prises au lendemain des débats autour du droit d'asile et du terrorisme, semblent ambiguës : les visas ont été rétablis pour les ressortissants d'Amérique du Sud; on se prépare à en faire de même pour l'Afrique. On ne peut pourtant dénier au gouvernement la volonté claire d'insérer les immigrés, de plus en plus touchés par le chômage, dans la société française. Pour la première fois, une commission, présidée par Françoise Gaspard, s'est penchée sur ce problème à sa demande. Mais il doit en même temps affronter une percée inquiétante du racisme. A voir qu'on s'occupe des immigrés, à voir qu'on veut les intégrer, les racistes s'énervent. Reviennent les chasses à l'homme, les ratonnades. Et puis, c'est le temps des municipales, et certains, à droite, nous ont habitués à l'utilisation des réflexes dangereux. Raison de plus pour ne pas leur laisser de marge de manoeuvre. Jean-Michel OLLE' « zz ~ Expliquez-moi Calendrier, n.m. : système arbitraire pour compter le temps, qui est de l'argent. L e singe descendit de l'arbre, mit le pied à terre (précisément: ses deux pattes postérieures), et observa le monde alentour. L'homme (vous l'aviez reconnu) constata d'abord que le Soleil, d'où lui venait la lumière, se déplaçait dans le ciel, en un lent périple autour de la Terre (pauvre Galilée). Il nomma jour, dans sa langue, ce cycle qui rythmait son activité. Le Soleil fut donc son premier instrument de mesure du temps. Evaluer des périodes de plusieurs jours supposa, ensuite, de disposer d'un système de signes (objets, gestes, mots, symboles) susceptibles de désigner les quantités, bref, il fallut inventer les nombres. Auparavant, toutefois, les hommes remarquèrent un second astre, la Lune, dont l'aspect changeait périodiquement, son disque étant tour à tour envahi par . l'ombre et la lumière. Ce cycle donna naissance à la notion de mois. A l'aide de ces deux notions et d'un système de numération rudimentaire nos ancêtres commencèrent à évaluer la durée. Ils purent indiquer que tel lieu était situé à sept jours de marche, qu'il avait plu trois lunes durant. Pour apprécier des durées plus longues encore, l'homme fit de nouveau appel au Soleil. Après avoir invoqué, sans le savoir, le mouvement de rotation de la Terre sur elle-même (dont le déplacement apparent du Soleil est la conséquence), puis la révolution de la Lune autour de la Terre (origine des phases de la Lune), l'homme profita hypocritement du fait que la Terre, bravant tous les interdits, tournait inlassablement autour du Soleil. Par chance, en effet, l'axe de rotation de celle-ci est incliné sur son plan orbital, ce qui se traduit par une modification cyclique de la trajectoire apparente du Soleil et du ciel nocturne. L'homme remarqua d'abord les effets de ce mouvement sur la météorologie, la flore ou la faune. Plus tard, il mesura régulièrement la hauteur du Soleil à midi et guetta le retour des étoiles remarquables. Il constata que la trajectoire solaire comme les constellations revenaient régulièrement à l'identique selon une période qu'il nomma année. L'homme disposa alors de trois . unités de temps : le jour, le mois l'année. L'émergence de l'astronomie (qui permit de préciser la position des astres) et des mathématiques (qui permirent de comparer les durées de leurs cycles) allaient permettre l'invention du calendrier. Cet outil apparaît, en effet, lorsque l'homme cherche à ranger bien sagement, pour les nommer, les numéroter, les jours dans des mois et les mois dans des années. « Objectif Lune », ou « Le Temple du Soleil » ? Il faut le dire, les faits astronomiques, qui comme tant d'autres sont têtus, sont aussi parfaitement désagréables : la révolution synodique de léi Lune dure en moyenne 29,530588 jours, l'année tropique vaut, elle, 365,422198 jours, ou 12,368267 cycles lunaires. Mettez vous à la place des tous prem-iers astronoÇa tombe pas juste ! mes, que leurs instruments n'autorisaient pas à écrire autant de chiffres après la virgule, laquelle restait d'ailleurs à inventer. Pour contourner cette difficulté, les · mathématiciens de l'antiquité inventèrent des systèmes de règles instaurant une succession de périodes (mois ou années) d'une durée tantôt inférieure et tantôt supérieure à celle du cycle naturel correspondant, sur lequel elles 16 QUELJ devaient, par ce moyen, rester (en moyenne) synchronisées. A l'opposé, certains calendriers s'affranchirent délibérément de l'un ou l'autre cycle astral, ou même des deux. On peut de ce fait distinguer quatre . grands types de calendriers : les lunaires, luni-solaires et solaires, enfin ceux qui ignorent la Lune et le Soleil. La plupart des calendriers primitifs, strictement lunaires, eurent comme premier principe l'alternance simple de mois de 29 et 30 jours .. Pour conserver le synchronisme, la lunaison moyenne étant supérieure à 29 jours et demi, on rallongeait certains mois de 29 jours, d'abord lorsque le besoin s'en faisait sentir, puis selon des cycles, comme celui du calendrier musulman, qui dure trente ans, lorsque les progrès de l'astronomie le permirent. Des solutions similaires furent utilisées pour régler l'année sur le soleil : certains calendriers lunai- ~ res devinrent luni-solaires en instaurant, comme le fait le cycle de 19 ans de Méton dans le calendrier grec, une alternance d'années de 12 et de 13 mois. D'autres peuples, pour mieux suivre le Soleil, choisirent de lâcher la Lune. Dans les calendriers solaires les mois sont d'une durée conventionnelle, mais qui reste souvent proche, cependant, de la lunaison, et des règles fixent une succession d'années de différentes longueurs, obtenues soit en modifiant la durée de l'un d'entre eux, c'est le cas des calendriers julien et grégorien, soit en introduisant un nombre variable de jours blancs n'appartenant à aucun mois, mécanisme employé lorsque tous les mois ont une durée égale, comme dans le calendrier copte. Le calendrier religieux maya, quant à lui, est l'un des rares qui ne soit synchronisé sur aucun astre. Son année comporte 13 mois de 20 jours. Faire plaisir à tout le monde Il serait naïf de croire que l'utilisation par une société d'un certain système de division du temps résulterait d'un libre choix parmi des possibles déterminés par l'état de la science astronomique. On constate au contraire que ces choix sociaux résultent d'un réseau extrêmement touffu de contr"aintes de tous ordres, à la fois locales (physiques et culturelles) et historiquement définies, relevant de nombreux domaines de l'activité humaine. L'agriculture, première activité économique des sociétés humaines, apporte son lot de revendications. A quelle date doit-on redouter ou espérer la pluie, le gel, les orages? A quelle date faut-il semer ou récolter? Un calendrier calé sur le Soleil répond à ces questions en permettant d'associer les événements agricoles à des dates fixes. Le commerce, la banque ou l'administration ont eu leurs exigences: l'usurier, comme le percepteur, apprécie les périodes de longueur fixe ou peu variable qui simplifient les calculs d'intérêts. Toutes les formes de pouvoir ont eu leur point de vue sur la question du calendrier. César, en imposant sa réforme, dite julienne, mit un terme aux abus des pontifes qui en fixant la durée de l'année, comme c'était leur droit, avançaient oy reculaient les échéances, électorales ou fiscales, pour leur plus grand profit. Selon la part du pouvoir qu'elle détenait et la place qu'elle accordait dans sa symbolique à tel astre ou à tel système de nombres, la hiérarchie religieuse a défendu, souvent imposé ses vues dans ces débats qui aux époques les plus lointainf!s avaient d'ailleurs lieu en son sein. 1 '" UR SONT-ILS ? • 1 1 1 Le calendrier toujours à son poste. dans le calendrier musulman : dans le calendreir vietnamien: dans le calendrier hébraïque : dans le calendrier copte : Le 1 janvier 1983, on sera: le 16 Rabi'-oul-Aououal le Ngay 18 thang chflP le Tét Zayin (16) Tébeth le 23 Keihak 17 • Face à ces différentes expressions de la demande, les savants (astronomes, mathématiciens) ont inscrit la science de leur époque dans les solutions proposées. Entre autres, le calendrier a toujours entretenu des rapports particuliers avec les systèmes de numération. Ce n'est pas par hasard si le calendrier romain primitif comportait dix mois, si les mois mayas duraient vingt .jours. Malgré son caractère éminemment artificiel, le calendrier a souvent été perçu par les populations, laissées dans l'ignorance de ses tenants et aboutissants, comme parfaitement surnaturel: le monde, en quelque sorte, lui obéirait. il serait le-temps-lui-même. Lors de l'installation de la réforme grégorienne, à l'occasion de laquelle on supprima purement et simplement dix jours, certains ont craint le pire, que les oiseaux migrateurs soient désemparés, eux aussi. La transformation des économies et par là, des modes de vie, modifie profondément les données du problème. L'industrialisation, en diversifiant les moyens d'information et en diminuant l'assujettissement des individus aux conditions naturelles, fait baisser le niveau des exigences particulières vis-à-vis du calendrier. Le calendrier est petit à petit désinvesti de toute signification, au profit de sa valeur de convention. A l 'heure actuelle, le calendrier grégorien, imposé par Rome au monde catholique le 15 octobre 1582, est usuel, voire légal dans la presque totalité des Etats. Pour une nation, son adoption s'apparente actuellement à celle du mètre comme unité de longueur. Le calendrier grégorien n'est pas meilleur que ses homologues tamoul, laotien ou malgache, dont l'usage religieux ou traditionnel se perpétue. Il se trouve simplement que l'histoire des { rapports de forces mondiaux en a ~ fait, de facto, un outil universel. gj Pierre V ANDEGINSTE 1403 de l'Hégire, de l'année du chien, 5743, 1699 de l'Ere de Dioclétien. ElLE Pas un conflit en Asie sans que surgisse la VIle flotte. Voici son -cantonnement. Des jeans et des boots ... Des boots et des jeans ... Ils chevauchent leur Harley Davidson... Loin dernière l'horizon, vers l'Ouest, attendent les Indiens, tout un continent d'Indiens. Les hommes de la 7" Flotte américaine à Subic Bay, sont dans les Philippines pour maintenir la loi et l'ordre sur la périphérie de l'Empire. Leur job? Préserver l'hégémonie du dollar, assurer de nouveaux avant-postes, apprivoiser les sauvages. C'est une affaire sérieuse. Superviser le Pacifique implique la force derrière le business. Depuis la débâcle vietnamienne, Su bic Bay est devenu le centre de commande des opérations militaires américaines en Asie. De l'autre côté de la nier de Chine, vers l'Ouest, s'étend Cam Ran Bay. Cam Ran Bay est passé à l'ennemi ; les bâtiments soviétiques qui croisent dans ses eaux utilisent les structures construites pour la « conquête» de l'Asie du Sud-Est. Après le désastre de 1975, après que la plus puissante armée du monde ait été battue par des indigènes mal armés et disciplinés, on craignait à Subic Bay que l'administration américaine ne coupe les vivres de la base. Mais il n'y a plus rien à craindre de ce genre. Depuis quelques temps, Subic Bay grouille d'activité. Le Kitty Hawk, ce monstre de 90.000 tonnes est entré au port, relevé de ses patrouilles dans le Golfe Persique par un autre monstre, le Nimitz chargé de 80 avions de guerre et animé par 5.000 membres d'équipage. L'Amiral qui commande Subic Bay supervise la base gigantesque qui fournit un support logistique à toutes les opérations américaines aux points chauds de la crise: l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan, la Péninsule arabique. Sous son autorité : la moitié de la surface de la terre, et 320 000 hommes stationnés dans d'autres bases à Diego Garcia et à Hong Kong. Il est responsable des 20 bâtiments qui patrouillent dans le Golfe Persique. A 90 kms au nord-ouest de Manille, il dispose de 46.000 tonnes de munitions y compris Autant de bars que de jours de l'année de missiles nucléaires. En dehors des Etats-Unis mêmes, il n'y a pas mieux. La main-d'oeuvre est moins chère que dans la mère patrie. Elle ne connaît ni la récession, ni l'inflation, ni les syndicats. Le plus grand des trois docks flottants a une capacité de 54.000 tonnes. En 1973, en pleine guerre du Vietnam, plus de 100 bateaux par jour étaient pris en charge à Subic Bay. Ici, on est fiers de ses énormes camps d'entraînement, de ses 26 champs de bataille différents. On y trouve tout, de la jungle à l'océan, on s'y prépare à tout, de la guerilla insurrectionnelle aux vastes opérations navales. De l'autre côté du lagon fétide, au delà des 32.500 acres de la colonie américaine, surgit une autre jungle. Ils sont deux cent mille Philippins à Olongapo, qui subsistent grâce aux 100 millions de dollars que les Américains injectent dans l'économie philippine tous les ans. La Base Navale de Subic Bay emploie officiellement 20.000 ouvriers qualifiés . et semi-qualifiés. Ils sont payés en dollars. Depuis que les Américains se sont établis à Subie Bay, Olongapo est devenue la Mecque des indigènes. 18 La Navy était intéressée par le port naturel exceptionnel, les Philippins, eux, sont intéressés par le dollar. L'industrie du plaisir emploie 20.000 femmes qui travaillent dans les 360 bars de marins, night clubs et hôtels de la ville. Les bars s'appellent Iron Betterfly, Shi! Kickers, Stone Crow, Big Dipper, The Sexton. On y vend de l'alcool, des drogues et des femmes, comme dans un mauvais mélo. C'est un commerce qui, en 1980, a fait dépenser 45 millions de dollars à 2,2 millions de clients. Les filles sont gogo-girls, hôtesses et serveuses. Certaines perçoivent un salaire nominal (trois dollars par nuit pour les danseuses), d'autres touchent une commission sur les boissons qu'elles font vendre, la plupart attendent la fermeture pour se laisser emmener par un marin. Quant au règlement de la Marine, il s'accommode très bien de ce commerce. Après le couvre-feu de minuit et demi, la police militaire patrouille dans les rues d'Olongapo et embarque les marins qui sont encore dehors. Il faut soit rentrer à la base, soit trouver un hôtel pour finir la nuit. Comme toutes les villes frontières qui Une aune ville est née des détritus de la base. vIvent en symbiose avec l'Amérique, Olongapo a sa rue principale où circulent motos et buggies made in America, une rue jonchée de canettes de bière, où les filles rêvent de partir en Californie ou à New-York ... Certaines femmes font vivre leur famille dans les montagnes, ou paient la drogue de leur frère et d'autres hommes sur l'argent qu'elles reçoivent. Il y a eu 1.500 mariages à Subic l'année dernière. Les marins fondent des familles et, si nécessaire, abandonnent les enfants. Si elles ne peuvent se faire avorter, les mères font de même, à moins qu'elles ne partagent des appartements avec d'autres filles dans la même situation et n'y élèvent les enfants. Derrière la rue principale, s'étend le Harlem d'Olongapo, surnommé la Jungle. Là, les marins noirs ont leurs propres bars. Ils écoutent de la soul et dansent avec des filles qui ont adopté le style afro: vêtements, coiffures et même accent du sud. On y échange de l'héroïne, de la cocaïne et de la marijuana. Des gangs de gosses sans abri errent dans les rues à la recherche d'une dose ou simplement d'un endroit pour Un Américain ll..Olangapo .. 19 20 000 femmes pour l'industrie du plaisir , ., 1 ~ l E 8 j ~ ~ , ! ~ .1 i .!! 8. i ~ 0 ë ~ ! ~ li u ~ ••• Les travailleurs philippins sur la base. \.! ~ Comme au pays 21 DÉCEMBRE 82 dormir. La plupart d'entre eux passeront leur adolescence à entrer et sortir de la prison d'Olongapo. J'ai vu Luisite. Il avait 16 ans. Il git, mort, sur la table de l'Hôpital d'Olongapo. Le prêtre, un missionnaire colombien achève de lui joindre les mains et les pieds. Luisite était drogué. Il est mort d'une hépatite. Sa mère était une des prostituées du Fisheye. Il n'a jamais connu son père. Dans les rues, les vieilles femmes vendent des cigarettes, de la marijuana et des fruits. Des garçons de quatorze ans se prostituent. Plus haut, pour 10 dollars, on pénètre à l'intérieur de l'Iron Butterfly. Sur la pis te, les couples se mêlent, s'exhibent, font l'amour, etc ... Le dispensaire municipal enregistre 6.000 filles. Elles passent un examen médical au moins une fois par mois. En échange on leur remet une carte de santé qui leur permet de travailler dans les bars et les night clubs . Théoriquement, elles doivent avoir au moins avoir seize ans, mais elles en ont souvent douze ou treize. D'après les statistiques officielles, les militaires américains ont investi environ 400.000 dollars dans les entreprises locales. Au profit d'une élite philippine puissante qui dirige la ville . Les Américains peuvent déposer leur argent dans les banques locales et toucher les taux d'intérêt. La pauvreté semblent être le règle pour la majorité des Philippins d'Olongapo. Certaines femmes vont jusqu'à attendre devant les grilles de Subic Bay que les soldats sortent pour les agripper. La Marine ne fait guère confiance aux travailleurs locaux qu'elie emploîe: ils sont tous fouillés à la sortie . Les missionnaires colombiens ont fondé un centre de réhabilitation sociale, le Predo. Ils vivent, eux aussi, sur l'économie de Su bic et ont même importé les psychothérapies à la mode: on utilise le cri primaire pour tenter de guérir de la douleur de vivre à Olongapo. Patrick FRILET Régionale10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)~~§ i - 1 1 1 Brahim, Aïssa, Ali, Nouad ... et le MRAP. . ' .. "' ~ .y ~ ,... • y ~ . .. ~.,.~. , .. : ". ~ MURENE LA BANDE A BASSEAU Dans le carré musulman, une victime de l'autodéfense. MURENE 22 A ngoulême, c'est tout juste entre Limoges et l'Océan, entre Bordeaux et Poitiers. C'est l'ancienne capitale de l'Angouvion et aujourd'hui le chef lieu de département le moins peuplé de la région Poitou Charente. Si on exclut sa banlieue. En fait, le dépeuplement de la ville a coin ci dé avec celui de toute l'Aquitaine, après la grande saignée de 1914-1918. II falIut faire appel à la main d'oeuvre immigrée. la région comptait 26 000 étrangers en 1911, 180 000 en 1934. Le chef lieu le plus vide est aussi l'agglomération la plus dense des Charentes. Avec ses quelque 12 communes associées depuis mars 1973, comme le GoudPontaouvre, l'Isle d'Espagnac, St Yriex, ses communes dortoirs comme Fléac ou Puy Moyen, ses quartiers excentrés comme St Michel ou Basseauf le nombre d'habitants de la ville passe de 47 822 à 92 142 habitants. Parmi eux, la cité de Basseau a une longue histoire, et triste réputation. Basseau, à plus de sept kilomètres du centre ville. Au cours de la première guerre mondiale, on a construit ici les premiers baraquements, ceux d'un camp de prisonniers allemands. II convenait alors qu'il soient le plus éloignés possible de la ville. La guerre finie, on a utilisé les bâtiments pour loger des travailleurs annamites venus travailler à la poudrerie de St Michel, à la fonderie des canons de la Marine de Ruelle ... Puis sont arrivés les Espagnols, les Italiens, 1 Û' les Polonais ... les barraquements préfabriqués de 1916 ont été remplacés par des bâtiments de béton. Une immigration chassant l'autre, les étrangers se sont succédés à Basseau. Arméniens, Portugais, Marocains... Etrangers et Français pauvres se retrouvant dans les mêmes cités d'urgence, cités de la misère. Evidemment, cette situation a fait la réputation de Basseau. Pensez donc, tous ces étrangers entassés là... Ça ne pouvait rien donner de bon. Quand un lar-:i'l, un mauvais coup avait lieu, c'étail forcément l'oeuvre de la bande de Basseau. Devenue, au fil des ans la Bande à Basseau. Voulez-vous des exemples? Un crime a été commis dans le quartier de la Grande Garenne, à 500 mètres de là. C'est un quartier chic, habité par des Français. La presse locale titre: Crime à Basseau . Une tentative de viol a lieu au quartier St Michel. La même presse titre: Viol à Basseau. La mauvaise réputation colle à,la peau. Impossible de s'en débarrasser. Quand on et de Basseau, on est le lépreux, le paria, le criminel. Cette réputation, qu'on nous a imposée, qu'on n'a pas cherchée, pas créée, on finit par s'en servir. Comme d'un bouclier, comme d'un étendard, explique Brahim. C'est à la fois une tare, une protection, un titre de gloire. On entend souvent les mômes, daI}s les écoles, dans les bals, dans la rue: Les plus faibles, pour intimider l'adversaire, pour se donner de l'importance prétendent connaître un gars de la Bande à Basseau. Brahim en est de la Bande à Basseau, comme ses frères Aïssa et Ali : Forcément, plûs.qu'on habite ici. Bral1üp. ;..et ses frères sont fils de Harkis. En 1962, lorsqué l'Algérie eut conquis son indépendance, les Harkis, ces supplétifs de l'armée française, quittèrent l'Afrique du nord avec armes, bagages et familles. Une partie d'entre eux atter~ rit à Angoulême. On les a parqués à Basseau. Naturellement. En 1962, Brahim avait 2 ans, Aïssa venait au monde, Ali n'était pas né. - C'est pas facile d'être fils de Harkis. Pour les français on est des bougnoules. Pour les Algériens on. est des traitres. Qu'est-ce qu'on y peut, nous, on n'était pas nés ... Et on ne peut même pas juger nos pères. Ont-ils eu tort? Ont-ils eu raison ? Est-ce que ce sont des traitres ou des gens trompés ? Vingt ans après la guerre d'Algérie, on peut peut-être chercher à comprendre. On a souvent comparé les Harkis aux miliciens de l'Occupation. Ce n'est pas tout à fait vrai. Quand les miliciens se sont mis au service de l'Allemagne, les Nazis occupaient la France depuis seulement 2 ou 3 ans. Quand les Harkis ont servi l'armée française, la France était en Algérie depuis 130 ans. En 1942, la France était occupée. En 1960 l'Algérie c'était 3 départements français. Pas si facile - surtout pour des paysans, souvent illettrés, de voir 23 clairement où est le devoir : défendre la France ou l'Algérie nouvelIe. Etaientils Algériens ou Français musulmans ?Un Breton est-il Breton ou Français? Que ferait-il en cas de soulèvement des nationalistes bretons? Brahim, comme Aïssa Ali ou Kader ne

herchent pas à excuser, ni à condamner.

Cette guerre a fait tant de blessures Iue vingt ans après elIes ne sont pas ~ncore cicatrisées et qu'on demande des

omptes même à ceux qui ne l'ont pas

vécue. On n'est pas des saints Attention - dit soudain Brahimfaut pas croire qu'on est des saints et qu'on ne fait pas de conneries ... Mais ni plus ni moins que les autres... et dans des situations souvent plus difficiles. Ainsi quand on est au chômage, que le père est au chômage, qu'on n'a pas de ronds... Certains volent une mobylette, ou se font un sac à main dans un bal. A nous, on le reproche collectivement. Dans une boîte de nuit, le Monocle un gars a voulu voler un sac à main. Le patron l'a pris sur le fait. Avec une dizaine de ses copains, il lui a cassé la tête et puis après, ça a été la chasse aux frisés. Ils nous prévenaient: « Ratons, on va tous vous tuer }). Quelques jours après, deux copains arrivent dans une autre boîte de nuit, La Galaxie. Ils étaient attendus. Le principal videur avait un pistolet. Les autres des chaînes, des poings américains ... Les copains se sont sauvés. On les a poursuivis en voiture. L'un d'eux a été rattrapé. Le pistolet sur la tempe il a fallu qu'il demande pardon - de quoi ? - De tout, de rien, d'être Arabe sans doute ... Avec les contrôles de Police, c'est la même chose. Il suffit d'être marron frisé pour avoir un régime de faveur. Brahim, Aïssa, Ali, Nouard parlent beaucoup des boîtes, des bals, des sorties du samedi soir. Normal; ils ont entre 18 et 23 ans. Il ne faudrait pas croire qu'ils vivent d'expédients, de larcins, de vol et de racket comme La Bande à Basseau en a la réputation. Certes, il y a ici plus de misère et de chômage qu'ailleurs. Mais eux ont une situation: Brahim a son C.A.P. de chaudronnier et travaille en intérim comme soudeur chez SAFEM à Ruelle. Aïssa est monteur chez IFE-SINEX. Ali est bachelier et poursuit ses études en faculté, dans le technico-commercial. Aïssa est également délégué C.G.T. de son entreprise. Là aussi ses origines lui amène des complications. Un jour, en réunion paritaire, où l'on discutait salaires et pouvoir d'achat, Aïssa démontrait que l'entreprise, une multinationale qui a sa maison-mère en Autriche et sa banque en Suisse avait les moyens de payer. - C'est bien à vous de parler d'étranlFKER- PARIS 24 RUE DES PETITES -ECURIES 75010 PARIS TEL 24i 13 ~4 IFIOER-MARSEILLE 5 RUE GABRIEL-MARIE 13010 MARSEILLE TÉL (41 1 i ~ 02 5~ IFIOER-NANTES Il RUE DE STRASBOU RG HOOO NANTES TEL (4014 i lb 40 IFIOER-LYON 110 RUE DUGUESCLIN 69006 LYON TÉL (7) !l52 60 ()4 lFKER-BORDEAUX 65 RUE IUDA/QUE 33000 BORDEAUX TÉL (Sb) 46 7~ 61 CUIRS & PEAUX FOURNITURES tENERALES POUR CHAUSSURES l Les Spécialistes de Moutons et Chèvres 85, Rue Julien-Lacroix - 75020 PARIS - Tél. 63653-18 - 636.81.39 1 COMMISSION • EXPORTATION 1?(lbriea1tI.~(lpll()lIl1el er;e • POUR VOS FILS CIASSIQUES ET FANTAISIE • POUR VOS BOBINAGES A F ACON Société MARJOLAINE 93, quai de Valmy PARIS-1O" Tél. 206 -94-73 607 -32 80 Dépo~itaire des Eh DElMASURE (laine peignee Nm 2/28 . 1/28.' 1/40) 24 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Boissière HI--FIVIDEO 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro: Crimée NOUS IMPORTONS ET VENDONS DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO LIGHT - SHOW CADEALX TELEPHONES SAJ\'S FIL TELEPHONE LONGCE DISTAJ\'CE (plus de 20 km) PROMOTIONS PERMANENTES Une visite s'impose !!! Garantie S.A. V. assurée Mise au point et réparations d'émetteurs récepteurs professionnels et grand public 2222733 Le reFUGe sporTS LEREPUGE 4?1 rue Saint-Placide 75006 Paris LES PlEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT ' SULL Y, 85 rue de Sèvres: Paris 6e 5 % sur présentation de cette annonce ger, a dit le délégué patronal. Vous pouvez toujours, si vous n'êtes pas content retourner en Algérie. Aïssa en a parlé au syndicat, qui l'a envoyé au MRAP et plainte a' été portée. Quelques jours plus tard, Aïssa "recevait la visite de gendarmes qui lui ont montré les photos d'un gangster en plein hold up dans un super marché de Toulouse qui lui ressemblait étrangement. Coïncidence ? Coup monté pour l'intimider? Quelques mois plus tard, le juge a renvoyé dos à dos Aïssa et son adversaire. Lui avait parlé exploitation capitaliste, l'autre avait fait du racisme. C'est du même tonneau a conclu le juge. Ali a 19 ans. Il est bachelier. C'est pas facile de faire des études supérieures quand à la maison on parle arabe le plus souvent, qu'il y a beaucoup defrères et soeurs, qu'on n'a pas d'endroit pour travailler tranquille. Faut s'accrocher pour lire, pour étudier ... Il Y a un pourcentage énorme d'échec, surtout entre la 6e et la 3e, chez les enfants d'immigrés - et nous fils de Harkis, que nos pères croyaient «Français à part entière» sommes des enfants d'immigrés. Presque tous sont exclus du chemin des études secondaires, purement et simplement rejetés, ou orientés vers les CET. On a même créé pour nous une classe df CM3 spéciale, une sorte de section bâtarde ou on accueille des jeunes de 12 à 14 ans qui deviendront irrémédiablement manoeuvres ou chômeurs. Avant de visiter le quartier, Brahim m'avait emmené au cimetière. Beaucoup de nos parents .sont attachés aux traditions islamiques. Il a fallu attendre l'élection d'une municipalité de gauche pour qu'enfin il y ait au cimetière un carré musulman. Curieux, non ? Quand on pense que la droite a toujours poussé les Harkis en première ligne, soit pour défendre leurs privilèges dans l'Algérie française, soit pour gagner les élections, contre les bandits socialo-communistes alliés au FLN. .. Des rencontres internationales Pendant les périodes électorales, nos pères étaient les meilleurs, les héros magnifiques. Aussitôt les élections passées, ils pouvaient retourner crever en silence et n'avaient même pas la possibilité d'aller reposer en paix, selon leurs croyances. Au stade - magnifique - qu'ils ont absolument tenu à me faire visiter, ils m'ont raconté l'histoire de l'équipe de foot de Basseau. Une équipe musulmane homogène. Rien que des fils de Harkis, recrutés et entraînés par Kader, un joueur hors pair. Au début, quand il y avait un match à la Couronne ou à la Chalette, les gens DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 Un avenir incertain. disaient: «méfiez-vous des coups de couteaux ... avec les Arabes ... » Et puis ça se passait très bien. On faisait du beau spectacle, du bon foot. Après le match, gagnant ou perdant, on allait bo/re le coup comme tout le monde ... Les gens - les gens raisonnables disaient - « qui donc a vu qu'ils sortaient les couteaux?». Pendant trois ans, on a raflé les coupes régionales. Mais si d'un côté on remettait les choses au point, de l'autre, on exacerbait le chauvinisme. Nos matchs n'étaient plus des rencontres locales, amicales, c'était des rencontres internationales, la France contre l'Algérie, la chrétienté contre l'Islam, la bataille de Poitiers qui recommençéût. Et ça n'était pas admissible que ce soient les Arabes qui gagnent. Alors pour éviter les problèmes, on a dissous l'équipe de Basseau. Et puis on a fait le tour du quartier, depuis les immeubles presque agréables ou logent ceux qui ont la chance d'avoir 25 MURENE un travail, un salaire, jusqu'à la cité d'urgence où sont rassemblés les plus misérables, les chômeurs. Les sans ressources, qui ne payent plus leurs loyers depuis des mois et parmi lesquels on ne trouve pas d'anciens Harkis . Bref, à Basseau, j'ai rencontré une communauté de communautés. Des Français musulmans que ni les Musulmans, ni les Français ne veulent reconnaître. Des rapatriés d'Algérie que les pieds noirs ignorent malgré les sacrifices et les malheurs communs. Des adolescents à qui l'on reproche et quelquefois l'on fait payer les choix - bons ou mauvais - de leurs pères et de leurs aînés. Et qu'adviendra-t-il si, acculés à la solitude, au désespoir, ils ne trouvent de solutions que dans la révolte, la violence? A qui reviendra la responsabilité d'avoir désespéré toute une génération d'Angoumoisins de 20 ans? Emile MURENE l ' -l Liban côté cour et Liban côté jardin. Massacres et loukoums. Quel est le vrai Liban? Avant la dernière guerre, on l'appelait «la Suisse de l'Orient ». Que n'a-t-on pas dit, écrit, chanté, sur la douceur des nuits libanaises, la majesté des cèdres, la perfection des cultures en terrasse, la liberté garantie par des institutions uniques dans le monde arabe, la tolérance mutuelle des 17 communautés religieuses. Pourtant le bilan est là : sept années de guerre et plus de 50 000 morts pour une population totale de moins de 3 millions de personnes. L'acharnement, la cruauté des combattants sont encore visibles dans les ruines de Beyrouth et dans ces terrains vagues calcinés où il n'y a pas si longtemps des milliers de Palestiniens avaient réussi à recréer de vrais villages. Est-ce les mêmes paysans aux doigts de fées qui avaient fait naître les vergers à flanc de côteaux au dessus de Jounieh ou de Jezzine, qui ont égorgé les femmes et les enfants de Sabra et de Chatila ? Est-ce ces cowboys aux visages de poupée à peine plus grands que leur Kalashnikoff qui ont décimé des familles entières à Damour ? Chercher la vérité, décrypter l'horreur n'est ,pas exercice facile. Chacun a ses bons et ses mauvais Libanais, ses bonnes et ses mauvaises interventions étrangères. Pourtant, les interrogations qui surgissent à l'esprit devant le spectacle de ce paradis ensanglanté, doivent pouvoir trouver une réponse dans la réalité libanaise. Rejeter la responsabilité de tous les crimes commis depuis 1975 sur tel ou tel pays, telle ou telle 26 On a encensé, accusé, utilisé le foisonnement de ses communautés. Une enquête sur les atouts et les dangers de l'ancienne Suisse de l'Orient communauté serait non seulement arbitraire mais surtout futile. En refusant de voir une réalité complexe, confuse, on se condamnerait à ne rien comprendre, on serait incapable de contribuer à trouver des solutions susceptibles d'empêcher un retour à la folie meurtrière de ces dernières années. Les massacres ne sont pas chose nouvelle au Liban. Episodes quasi obligés dans des drames confus, ils jalonnent la longue histoire de la cohabitation communautaire de ce petit pays bien singulier. A l'origine des conflits? Les mille et une raisons qui poussent deux hommes à se haïr et parfois à s'entretuer: une querelle de marché, une succession mal réglée, un chemin mal tracé, la plus banale dispute peut devenir une bataille rangée. Des communautés peuvent ainsi s'opposer pendant des générations entières longtemps après que quiconque ait pu garder en mémoire l'origine futile du conflit. Mais ces drames de villages ne se transforment en vraies guerres que dans des situations particulières. Et le Liban les réunissait toutes. A l'abri de la mer et du désert Petit pays qui vit à l'abri de sa montagne face à deux immensités qui appellent et isolent en même temps, la mer'et le désert, le Liban tel qu'il existe depuis l'occupation ottomane n'a jamais connu de pouvoir fort, capable d'imposer sa loi aux puissances locales. Lorsque, à l'indépendance en 1943, un pouvoir central a pu être instauré pour la première 1 l' fois sur l'ensemble du territoire, une partie importante de la population, une bonne moitié, s'est sentie frustrée, grugée, acceptant mal que l'équilibre nécessaire à l'existence même du pays se fasse à ses dépens. Dans sa· diversité, la population libanaise n'est en rien différente de la quasi totalité des pays environnants. Tous ont été façonnés par des siècles d'invasions successives, de découpages plus ou moins arbitraires dictés par le sort des armes favorisant tantôt tel royaume tantôt tel empire. Ainsi la complexité humaine, religieuse et ethnique, du Liban où certains chantres de la pureté raciale et de l'apartheid vùient la source de tous les maux, n'est en rien unique et n'explique ni la guerre ni la férocité des massacreurs. Par contre, la faiblesse du pouvoir central, dans laquelle beaucoup voient la raison même de la réussite économique du pays, le miracle libanais, est bien unique. Les clans, les tribus, les pouvoirs communautaires ont toujours réglé l'essentiel de la vie du pays. Leur jeu - leurs compromis et leurs rivalités - constitue le véritable et unique débat de la scène politique, dans toutes les instances de l'Etat du sommet au dernier échelon de la hiérarchie administrative. Mais pour l'immense majorité de la population, les vrais problèmes et surtout les règlements des problèmes, se font ailleurs, par les vraies autorités, c'est-à-dire le patriarche, le seigneur ou le chef de clan, entouré d'un conseil très réduit de sages. Pas de guerres de religion Au coeur de ce système qu'on peut appeler confédération de féodalités se touve la religion. Mais l'organisation n'en est pas pour autant confessionnelle. Cette nuance risque d'échapper à ceux pour qui la séparation de l'Eglise et de l'Etat est chose aussi naturelle que le journal du matin. Pourtant, il faut le saisir pour comprendre que la guerre civile libanaise n'est pas une guerre de religion. Le paradoxe devient plus criant encore lorsque l'on sait que les tribunaux confessionnels règlent toutes les affaires privées - mariages, successions ou tout autre litige - au sein d'une communauté. Ainsi quand un Libanais souhaite se marier, non seulement il doit savoir à quelle religion il appartient, mais il doit indiquer, s'il est musulman, qu'il est sunnite, chiite ou druze, en ajoutant même le rite exact. De même s'il est juif ou chrétien. Un chrétien peut ainsi appartenir à une multitude de catégories : catholique maronite, catholique latin, cath'Jlique arménien" catholique chaldéen, Beyrouth, du « paradis » ... deurs de cuisin~e-----------------' LE MEZZE La joie de vivre des Libanais, leur sens de l'hospitalité et la fierté qu'ils ressentent de~ant la beauté et la r~ches~e de leur pays, bref, la douceur du Liban, se découvrent immédiatement devant une table garnie des 46 plats (parfOiS mOinS, quelquefois plus encore) qui constituent le Mezzé, repas, fête et cérémonie à lafois. La plupart de ces plats composés de légumes, de fruits, de viandes et de pâtisseries, sont aussi savoureux que faciles à préparer. En voici quelques-uns,' - Tabboulé,' salade de blé concassé et de légumes. Ingrédients,' blé concassé très fin, menthe, persil (coriandre facultative), tomates, oignons verts et oignons blancs, huile d'olive, citron, (vinaigre facultatif), sel, poivre (piment de cayenne facultatif). Mélanger les légumes coupés et hachés avec le blé après l'avoir laissé gonfler dans de l'eau froide. - Hommous,' purée de pois chiches. Ingrédients,' pois chiches secs, huile de sésame, citron, ail, huile d'olive,. sel et pim.e?t de ,cayenne. Faire ~uire les po~s chiches après les avoir laissés tremper. Ecraser pour obtenir une purée, laisser refrOidir. Melanger les condiments, servir si on le souhaite avec des olives et du citron confit. D'autres purées sont tout aussi déliCieuses,' purée de fèves, purée d'aubergines notamment. --:- Plats de viandes,' boulettes de gigot de mouton (kibbé), cervelles de mouton marinées, foiefris, rognons cu'ils dans le jus de citron, etc. Ne pas oublier le yogourt (Iabné) et les galettes de pain. 28 5yriaque-catholique, assyrien, syriaque orthodoxe, catholique grec, orthodoxe grec, orthodoxe arménien, presbytérien ou toute autre dénomination protestante. Chaque communauté, 5elon ses rites et coutumes, dispose de juges habilités à délivrer des actes qui seront rédigés dans la langue liturgique ou la langue juridique de la communauté. Les Libanais qui rejettent ce système se veulent uniquement citoyens d'un pays et qui n'éprouvent jamais le besoin de crier leur identité communautaire sont une pathétique minorité. Les autres, l'immense majorité, les traitent avec mépris d'occidentalisés. Les « vrais» Libanais, eux, accordent leur allégeance en priorité à leur communauté. Bref, l'un des maux majeurs du Liban est le féodalisme. L'autre, c'est le tribalisme. Celte mentalité archaïque de la majorité de la population contraste avec l'image moderne que le Liban donne à l'étranger s'attendant à débarquer dans une contrée orientale de plus. Dans les faits, cette modernité est mise au service du féodalisme et du tribalisme. A la violence villageoise traditionnelle, aux vendettas que l'on retrouve d~ns presque tous les pays de montagne quelque peu isolés, où la précarité de l'existence est exacerbée par l'exiguité des terres et l'absence de grandes richesses naturelles, les temps moder- ... à l'enfer. 29 « ~ o enLe niarché à Chatila, avant. nes ont apporté les lourds bilans que rendent possibles les mitrailleuses, les RPG et autres quincailleries guerrières. Désarmer un peuple pour qui la poudre est le symbole même de l'homme et des valeurs traditionnellement liées d'honneur et de virilité, ne sera pas chose facile. Les oubliés de l'âge d'or Autre paradoxe du Liban, la prospérité relative de la population dans un pays où il n'y a ni pétrole ni grandes possibilités agricoles. Les Libanais ont su tirer profit de la faiblesse même de leur pays. Ses institutions ont ainsi permis un développement anarchique, exubérant, des affaires, dttirant par là même à la fois les paysans pauvres, arabes et kurdes, des pays voisins et les capitaux des Libanais partis par nécessité chercher fortune loin de leur montagne; enfin, plus récemment, un flot ininterrompu de pétro-dollars. Capitaux et main-d'oeuvre à bon marché ont ainsi permis de bâtir une grande puissance financière et un secteur industriel non négligeable. La liberté telle qu'elle existe dans les pays occidentaux - à la fois héritage de données historiques singulières et nécessité dictée par la coexistence de communautés veillant jalousement au respect de leurs pouvoirs - a attiré également des cadres de tout le monde arabe et des expatriés du monde entier amenant dans leurs valises leur expérience et de nouvelles ouvertures commerciales vers leur pays d'origine. Bien entendu, le capitalisme sauvage qui en a résulté a donné naissance à des inégalités criantes dont les 30 plus faibles étaient les victimes obligées: travailleurs immi·· grés - syriens en particulier - mais aussi paysans libanais, appartenant en majorité à la communauté qui se considère comme la grande oubliée du pacte national de 1943, les chiites. Dans ce contexte, il n'est donc pas étonnant que les revendications sociales habituelles des systèmes capitalistes se confondent souvent avec le jeu traditionnel des communautés. Le mouvement syndical et le courant politique de gauche, très actifs, n'ont jamais pu développer une puissance capable d'inquiéter sérieusement la féodalité politique et économique à cause des allégeances communautaires trop fortement ancrées dans la classe ouvrière et chez les paysans. République du Liban Date d'indépendance: le 22 novembre 1943 État pluricommunautaire, garanti par le Pacte National, qui attribue aux communautés les plus importantes les différents postes de responsabilité Capitale: Beyrouth (environ un million d'habitants) Pays frontaliers: ISRAEL et SYRIE Principales villes: TRIPOLI, TYR, SAIDA, BAALBEK Superficie : 10 400 km 1 Population: 1982-2,63 millions d'habitants (1981·3,16 millions d'habitants) Densité: 253 habitants au km 1 (76 % de population urbaine) -

Le problème palestinien avec ses incidences militaires, et - par l'intermédiaire des réfugiés, musulmans pour la plupart - politiques et sociales, n'a fait qu'exacerber les contradictions inhérentes au système libanais. Il ne les a pas créées. . Quel équilibre? De même que les périls venant de l'étranger - rivalités de grandes puissances, partisans d'une Grande Syrie mythique, avocats d'une nation arabe de l'Atlantique au Golfe ou manoeuvres israéliennes cherchant à détruire un exemple gênant - n'ont pu se concrétiser qu'en exploitant une situation qui existe déjà. En 1943, la France qui - comme le rappelle Raymond Eddé - a toujours favorisé les maronites, a imposé un équilibre où ses protégés trouvaient largement leur compte. Depuis, tout ce qui risque d'ébranler l'édifice suscite la réaction brutale des privilégiés. Tout, aussi bien un geste inconsidéré d'un ardent nationaliste panarabe qu'une revendication sociale légitime d'autant plus violente qu'elle a été longtemps contenue. Le retour de la paix ardemment souhaité par une population traumatisée par une trop longue suite d'horreurs ne peut, dans ces conditions, qu'être synonyme de retour à' la situation pro ante, c'est-à-dire, au Liban traditionnel, réclamé par tous ceux qui profitent du système libanais. Ce qui signifierait le maintien des structures féodales et d'un équilibré inégalitaire. Abdou BERRADA Raymond Eddé •• Pour que revienne la paix d'antan D éputé du parti centriste, le Bloc national, Raymond Eddé était candidat ( pour témoigner» dit-il) aux élections présidentielles libanaises contre Amine Gemayel. La soixantaine gaillarde, « al Amid » a plusieurs qualités qui, pour un politicien de son pays, sont plutôt rares. II est, par exemple, fidèle jusqu'à l'entêtement à ce qu'il croit être juste. Profondément attaché à la souveraineté du Liban, seule garante affirme-t-il de la paix, il n'a jamais cessé de dénoncer les puissances, proches ou lointaines, qu'il soupçonnait de vouloir y attenter. Six ans après une tentative d'assassinat dont il a été victime, probablement parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen de le faire taire, il demande plus que jamais depuis son exil parisien que les Etats voisins « f. .. la paix» à son pays. Chrétien maronite, proche de la France, il proclame haut et fort l'arabité du Liban et réclame un Etat pour les Palestiniens. Avec son franc parler en plus. C'est dire que ce chef d'une des plus vieilles familles libanaises n'est pas très représentatif de la classe politique traditionnelle qùi a dominé la scène depuis ces vingt dernières années. Mais en réalité, il 31 joue un rôle important, sans commune mesure avec l'effectif modeste du Bloc national. Très écouté dans les chancelleries, il lui arrive souvent de bénéficier en retour de quelques « bons tuyaux» avant tout le monde, lui donnant ainsi, parfois, l'air d'un véritable devin. Acceptant de recevoir Différences, M. Eddé a dressé devant nous une vaste fresque de l 'histoire proche-orientale, citant de mémoire faits, dates et déclarations. Différences: La guerre civile dure depuis plus de 8 ans. Pourquoi cette guerre ? Raymond Eddé : Pour bien comprendre il faudrait remonter à 1840, lorsque les premiers affrontements sanglants ont opposé des Druzes à des Maronites. Différences: C'est donc une véritable guerre de religion? Raymond Eddé: En apparence seulement. En réalité, c'était déjà l'étranger qui poussait les Libanais à se combattre parce que cela servait ses intérêts. On peut ainsi dire que le Liban a toujours été victime de rivalités extérieures. Au moment de ces premiers affrontements, c'était à cause de la z- ~ Il route des Indes dont les puissances se disputaient le contrôle. Plus tard, ce sera à cause du pétrole. Plus précisément, à cette époque, la France et l'Angleterre rivalisaient pour le leadership de toute la région. En ce qui concerne la France, depuis les Croisades, les chrétiens de la montagne libanaise, des catholiques, l'ont toujours considérée comme leur« mère protectrice ». Il ne restait plus au consul général anglais qu'à proposer ses services aux druzes. Depuis 1840, si l'on constate que c'est toujours l'étranger qui braque les Libanais les uns contre les autres, on doit ajouter que c'est aussi l'étranger qui rétablit la paix. Après les massacres de 1840, il Y eut l'intervention de l'Angleterre et de l'Autriche, et la paix a été maintenue pendant 15 ans. Mais, parce que les Français, dit-on, cherchaient à étendre l'influence des catholiques, alors que les Anglais tentaient d'introduire le protestantisme, de nouvelles tueries furent organisées, en 1860. Cette fois~là, les grandes puissances chargèrent la France de ramener le calme. La paix que connut alors le Liban était telle qu'il était courant d'entendre les gens dire « heureux celui qui a ne seraitce qu'un petit enclos à chèvres au Liban ». Le pays s'est doté d'une presse libre et d'universités, ce qui permit une renaissance culturelle qui faisait l'envie de tous les pays voisins. Jusqu'à récemment, on citait l'exemple d'un Liban où vivaient en harmonie 17 communautés religieuses. Plus tard, on adopta une Constitution qui établit un régime démocratique et parlementaire inspiré de la troisième République française. Dans la Constitution, qui date de 1926, il n'est fait nulle part mention d'une quelconque religion. Un article, l'article 95, stipule que dans l'attribution des différentes fonctions, il faut tenir compte des communautés qui composent la population libanaise. Depuis l'indépendance, obtenue en 1943, un accord, non-écrit, dénommé « pacte national », veut que le président de la République soit maronite, le président du Conseil sunnite et le président de la chambre chiite, les ministres étant choisis parmi les principales communautés. La grande majorité du peuple libanais participait ainsi à la question des affaires publiques. Différences: Mais si le système fonctionnait si bien, pourquoi la guerre ? Raymond Eddé : L'exemple d'un Liban paisible ne plaisait pas à tout le monde. Notamment, pas à Israël. On servait tout le temps l'exemple libanais aux dirigeants israéliens. On leur disait: faites comme vos voisins, établissez un Etat laïc ou juifs, chrétiens et musulmans vivraient en paix. Mais les juifs, convaincus qu'ils devaient absolument avoir un Etat à 32 ,. , "'**' .... ~~ __ II!-';:~l:'ti;CjKX-"'6~, .. ~ r~ eux, voulaient à tout prix démontrer que la formule libanaise était précaire. Aussi, dès 1954, Israël a établi sous l'impulsion de David Ben Gourion un plan visant à déstabiliser le Liban. L'objectif était de créer autour d'Israël, qui ne serait plus l'exception, un tas de petits Etats confessionnels, non seulement au Liban mais même en Syrie et plus tard en Irak aussi. Les bienfaits pour Israël en seraient immenses. La création d'un petit Liban chrétien, allié d'Israël, permettrait ultérieurement à l'Etat hébreu de pénétrer dans le monde arabe. Le Nord Liban (les plaines de lq Bekaa et du Akkar ainsi que le port de Tripoli) à prédominance musulmane, pourrait être rattaché à la Syrie ou devenir un Etat sunnite. Par contre Israël annexerait une partie du Sud Liban, la région du Litani et du Hasbani (où se trouvent les affluents du Jourdain dont son agriculture a besoin). Je n'invente rien. Tout ceci est consigné dans les mémoires de l'ancien ministre des Affaires étrangères de Golda Meïr, Moshe Sharett. Mais lui estimait qu'un tel plan avait peu de chances de réussir. Il disait que les Libanais étaient trop intelligents pour accepter de vivre dans un Monaco un peu plus allongé, amputé des terres agricoles qui le nourrissaient. En fait, Moshe Sharett s'est trompé sur les Libanais, Camille Chamoun et Pierre Gemayel, ont bel et bien accepté de faire une alliance avec Israël. Quant à moi, j'ai été prévenu en 1974, ici même à Paris, peu après la guerre de Chypre. Un ami américain est venu me voir pour me dire qu'il y avait un plan de partage du Liban après le partage de Chypre. J'ai immédiatement sonné le tocsin. Je disais qu'il y avait un plan de « chyprianisation » du Liban et de balkanisation de la région. Personne n'a voulu me croire. Il est vrai que je ne pensais pas qu'un tel projet pouvait réussir. A Chypre, l'opposition entre Turcs musulmans et Grecs chrétiens, était, si l'on peut dire, atavique. Mais au Liban, rien de tel. Les chrétiens et les musulmans sont ensemble dans les écoles, les affaires et sur les plages. Il n 'y a pas de fanatisme religieux. Différences: Oui, mais ne pensez-vous pas qu'un tel projet ne peut réussir que si le terrain s 'y prête déjà? Raymond Eddé : Je crois que les choses ont commencé à aller mal pour nous quand, après la guerre de 1956, les A méricains ont compris qu'ils pouvaient utiliser l'armée israélienne pour faire aboutir leurs propres objectifs stratégiques dans la région. Je vous ai parlé du « pacte national ». Ce pacte reposait en fait sur une double négation. D'un côté, les Maronites qui, depuis les Croisades, regardaient vers l'Occident parce ~ Août 82, sur le dernier bateau, le départ des Palestiniens. Un couple mixte: elle est chrétienne, il est musulman. T 33 qu'ils se sentaient isolés dans un monde à prédominance islamique, renonçaient à la protection européenne pour affirmer leur libanité. De l'autre, les musulmans qui traditionnellement tournaient leur regard vers l'Orient, renonçaient à mettre en avant leur appartenance à la « Umma » m. Mais, en 1958, ce pacte a été violé. Un député musulman, Adnan Hakim, proposa à Gamal Abdel Nasser d'associer le Liban à l'union syro-égyptienne qu'il venait d'annoncer2). A partir de cette erreur majeure, il était facile pour Israël de tout faire pour que les Arabes, au lieu de le combattre, se fassent la guerre. Ce fut d'autant plus facile que certains partis chrétiens - les partisans de camille Chamoun et les phalangistes - pensaient qu'ils ne pouvaient plus compter sur la France et ont préféré faire appel aux Etats Unis et même à Israël. D'autres erreurs ont été commises. Par nous et par d'autres pays arabes. Je me suis toujours opposé à l'intervention de la Syrie au Liban. J'estimais qu'une telle intervention provoquerait immédiatement celle d'Israël. Différences: Pensez-vous que les Palestiniens ont leur part de responsabilité? Estcee que leur présence au Liban n'a pas été l'un des facteurs de la guerre civile? Raymond Eddé : Les Palestiniens, profitant de l'accord du Caire (qui a été une autre grave erreur puisque cet accord accepté par le président Charles Hélou violait l'armistice de 1948), ont eu le tort de vouloir créer un Etat dans l'Etat. Leur raisonnement était simple: le Liban est une terre arabe, il est normal que nous utilisions son territoire pour récupérer la Palestine. En ce qui me concerne, je suis en faveur d'un Etat palestinien en Palestine ou en Jordanie, c'est aux Palestiniens de décider, mais pas au Liban. Ce qui est aussi inadmissible, c'est que le Liban soit devenu le seul champ de bataille contre Israël, le seul front contre Israël. La Syrie èt la Jordanie n'ont jamais permis à l'OLP d'agir à sa guise à partir de leur territoire. Les autres pays arabes envoyaient des armes et de l'argent pour soulager leur conscience, croyant ains s'être acquittés de leu! devoir de solidarité envers leurs frères palestiniens. Mais .nous étions les seuls à subir les représailles de l'armée israélienne. Depuis 1968, depuis l'attaque contre l'aéroport de Beyrouth, je n'ai pas cessé de demander l'envoi de casques bleus pour protéger la frontière libanaise au sud car nous n'avons pas les moyens de la défendre. Mais enfin, une chose est claire: le Liban sera en danger tant que les Palestiniens n'auront pas leur Etat. Différences: On parle pourtant d'un retour à la paix. Ray~?n~ Eddé : Je ne peux pas être optimiste tant que les A'}1en~~zns permettent à Israël d'attaquer le Liban pour le destabllzser. Les Etats Unis devraient pourtant tenir compte du fait que, désormais, tous les musulmans sont devenus libanais, même ceux qui pouvaient être tentés par une union avec la Syrie. Tous ont vu comment Hafez el Assad a traité les habitants de Hama. Quand un peuple a goûté à la démocratie, il ne peut jamais choisir la dictature. Un autre fait est à signaler. Les Libanais sont las de la guerre. C'est ce qui explique que même les musulmans ont voté pour Béchir et Amine Gemayel, qui sont tous les deux membres du parti phalangiste, l'allié d'Israël. Imaginez 'ce que cela veut dire. Je crois sincèrement que le jour où Israël mettra un terme à sa politique expansionniste et qu'un Etat palestinien sera créé, la sécurité reviendra au Liban. Propos recueillis par A.B. (1) Umma : communauté islamique dans son ensemble. (2) Accord du Caire, 1970. Réflexion MASQUES NEGRES De la pacotille des trottoirs aux fétiches sans mémoire des collections, l'art africain meurt d'être transplanté. {/l UJ ~

'"t

U ~ ~ A Nice, ils arpentent du matin au soir la Promenade des Anglais ; à Cannes, ils sont sur la Croisette

à Paris. on les rencontre sous le

pont du Périphérique, Porte de Clignancourt, et plus loin dans le ventre du Marché aux puces . En suivant leurs traces, on peut facilement établir une topographie des hauts lieux de rendez-vous touristiques de la capitale. Ecritures et découvrent qu'après le ~ Déluge , le plus mauvais des trois fils de .~ Noé aurait engendré la race des Noirs. ~ Grâce à ce passage de la Génèse: .~ «Maudit soit Chanaan! qu'il soit l'esclave des esclaves de ses 'Irères ! ». Conclusion: le Nègre est homme, mais, ~~"'" 1: Qui sont-'ils ? Des hommes noirs. Des Africains, tr'ès souvent habillés comme au pays pour appuyer davantage l'authenticité de leurs origines . Lorsque ce n'est pas sur une toile étendue à même le sol, ce sont les bras, la tête, le cou - cbmme sur ces figurines célèbres des métiers de Paris - qui servent de présentoir aux objets qu'ils proposent de manière bon enfant. Une constellation d'objets fabriqués et vendus à des fins purement mercantiles à une clientèle européenne pour le moins néophyte. Lorsque ces vendeurs se limitaient au marché africain, on disait de leur marchandise

« Art d'aéroport», ce qui

sous-entend objets de bazar ... Maintenant que ces bracelets, ces sculptures en faux ébène ou en plastique imitation ivoire, sont venus à la conquête du marché européen, on a tendance à y voir des objets artisanaux, ou plus grave, des réalisations de « l'Art Nègre ». Ces pâles copies de la véritable création africaine, tendent à la dénaturer, à la « déritualiser » en voulant la généraliser afin de vendre plus, comme n'importe quel produit courant de consommation. L'Afrique est bien loin . Au 1 se siècle l'Europe découvre le sol d'Afrique . Elle se trouve confrontée à un problème nouveau : la pluralité des races. Ce sont les théologiens qui trancheront pour définir le rang qui est propre aux Noirs dans la hiérarchie des hommes. Ils se penchent sur les Saintes « mauvais dans l'âme»; le Nègre est humain: mais se comporte «en animaI ». Il sera traité désormais en tant que tel, et relégué au bas de l'échelle humaine. Quant aux créations africaines - essentiellement des sculpturesl'Eglise n'y verra que des « idoles païennes », oeuvres du démon et érigera des bûchers pour les réduire en poussière. C'est ainsi que les Africains seront écartés de l'Histoire. L'idéologie colonialiste n'aura aucun mal « à présenter les Nègres comme des êtres primitifs errant dans la nuit des temps ». L'Occident niera, occultera toute culture nègre cinq siècles durant. Cependant, il serait injuste de dire que l'aveuglement destructeur de l'Eglise fut la seule réaction face à la sculpture africaine. Petit à petit, dans les cours d'Europe, et chez les riches marchands on commença à s'y intéresser. Au même titre que l'homme noir luimême, enchaîné depuis sa terre d'origine, et par mer déporté vers des marchés lointains pour servir la production dans les colonies européennes d'Amérique: ces objets enrichissaient d'une manière ou d'un autre leurs détenteurs Parmi les premiers amateurs, les frères Ango, armateurs dieppois qui émerveillèrent François 1er , en lui présentant des pointes d'ivoire, et des idoles de provenance africaine. Et aussi, le R.P. Athanasius Kircher, jésuite qui fonda à Rome, au 17e siècle, un musée, l'actuel musée L. Pigorini. Comme dit Jean Laude, « la rencontre 34

t

U des civilisations européennes et africaines s'effectua en de telles circonstances que d'immédiates raisons furent trouvées (par l'Occident) pour légitimer moralement et intellectuellement des entreprises n'ayant nul but moral ou intellectuel ». Ce malentendu volontaire durera jusqu'au début du 20e siècle. Moment à partir duquel on peut dire en paraphrasant Lorca: «La porte du sang noir, après une longue traversée dans la nuit de l'indifférence, s'ouvrit enfin ». C'est, à Maurice De Vlamink que revient le mérite d'avoir été le premier à considérer l'Art Nègre comme élément référenciel, vers 1905. Plus tard, d'autres artistes s'y interesseront, selon leur propre sensibilité: Matisse, Derain et, bien sûr, Picasso. Dans les années 20, la mode nègre bat son plein. Dans les milieux mondains Cocteaudécrit cette nègrophilie avec son laconisme railleur (pour son milieu) : «Crise de Nègre ». On voit Paul Poiret, le couturier le plus en vue de Paris reproduire un masque nègre dans le prospectus de son livre: « En habillant l'époque ». C'était pour les joailliers et les orfèvres, la découverte d'une nouvelle source d'inspiration dans ces formes restées longtemps ignorées. Les milieux musicaux furent séduits à leur tour. Darius Milhaud, sur un argument de Blaise Cendrars donne en 1923 « La création du monde », ballet monté au Théâtre des Champs Elysées , dans des décors du peintre Fernand Leger. Faut-il rappeler qu'au même endroit, sera accueillie la célèbre Revue Nègre, avec comme tête d'affiche une vedette au destin fêté: Joséphine Baker. Le monde littéraire fut aussi saisi. Le groupe des suréalistes, comptait parmi ses membres les premiers collectionneurs avertis et exégètes de la sculpture africaine. Citons André Breton, Tzara, Eluard etc ... Mais un nom se détachera de manière singulière, Michel Leiris. Ecrivain, ethnologue, et critique d 'art, on peut dire de Michel Leiris, toutes proportions gardées, et au risque de le froisser lui-même, qu'il aura été pour l'Afrique, ce que fut Malraux pour l'éveil des consciences europ~ennes en matière d'art khmer de l'extrême Orient. Une culture à usage interne Cet intérêt, culturel et non commercial, ne s'est jamais démenti. Mais il n'a pas levé pour autant les malentendus face aux arts plastiques négros-africains si l'on veut en comprendre le sens, et face aux motivations propres à l'artiste africain. Celui-ci ne crée des objets, qu'au sens où ces derniers constituent des éléments de base nécessaires au fonctionnement de la communauté tribale. Ici, l'objet d'art est un élément matériel qui entre comme fonction dans l'univers intime du groupe. Quant au génie de l'artiste, quel qu'en soit le degré PEUPLES BLANCS d'expression, il peut être compris et apprécié par chaque membre de la tribu. Comme le rappelle très justement William Fagg, « la tribu (africaine) est un groupe fermé pour lequel l'Art est un moyen parmi d'autres d'exprimer, sa solidarité interne et son autarcie, et inversement de se différencier de tous les autres groupes» (in Sculptures africaine-Editions Fernand Hazan). Il ne s'agit donc pas d'un art éclaté vers l'extérieur, qui aurait pour vocation d'établir une communication esthétique avec d'autres groupes. L'art africain reste étranger au concept de galerie privée (pour le regard et le plaisir de quelques amateurs privilégiés), et de Musée (pour le regard du plus grand nombre) en Occident. Dans un article de la revue Arts d'Afrique Noire (n 0 35, M. Raoul Lehuard son infatigable animateur, raconte: « En 1924, lorsque mom père parcourait les villages Téké (peuple de la région de la Haute Sangha - Congo Brazzaville - et du Stanley Pool-Zaïre), Bembé (peuple du Nord-Ouest du Lac Tanganyka), et Kota (peuple du Gabon et du Congo-Brazzaville), il récolta la plupart des statues qu'il ramena en France dans les détritus jetés derrière les cuisines. Ces fétiches avaient été écartés de leur 'Sanctuaire pour avoir perdu leur force ». Certes M. Lehuard porte à nôtre connaissance un exemple de sauvetage, si modeste soit-il, du patrimoine africain, et ceci est fort louable. Malheureusement, on a là un exemple de malentendu fondamental: l'objet d'art africain n'a pas pour finalité la collection. Si les les tribus auxquelles fait allusion M. Lehuard ont déplacé les fétiches de leur sanctuaire vers un autre endroit de village, c'est dans le cadre d'une organisation et d'un rapport entre les membres des tribus et ces fétiches. C'est statues auraient pu, selon certains rites, être brûlées purement et simplement ; comme le fait de les conserver dans un endroit où ils sont soumis à une rapide érosion participe, sans doute, du rite. Pour qualifier l'acte de M. Lehuard père, nous ne parlerons pas de sacrilège car le mot est trop fort. Mais on peut le 35 qualifier de détournement d'objets du sens final que leur assignaient les membres de la tribu ... Ceci au bénéfice d'un autre lieu: la France, où ils n'auront plus à exprimer que le silence de leurs traits. Aujourd'hui pourtant, alors que le nivellement culturel entre l'Occident et l'Afrique est fortement avancé, pour l'Afrique la science et les méthodes occidentales sont devenus les seuls moyens permettant de retrouver les mémoires d'antan. L'Afrique offre maintenant ses propres musées, car les dirigeants sont de plus en plus conscients d'une sauvegarde de leur patrimoine. Ceci démontre, qu'on le veuille ou non, l'influence de la démarche occidentale par rapport à l'art et sa reprise par les Africains pour leur propre compte. Les responsabilités qui incombent à présent aux conservateurs et chercheurs d'origine africaine sont les mêmes que celles prises en Occident. Ces hommes à qui l'on a confié la sauvegarde d'une partie de l'héritage africain se doivent de posséder au moins deux cultures afin de stopper l'hémorragie (comme certains pays semblent déjà s'y employer) des objets d'art à partir du continent noir (exportés vers l'Europe et les Etats-Unis depuis des décennies) et être aptes à intervenir dans le domaine de la recherche. Dans le domaine de la recherche, actuellement, existent trois types d'approches, que l'on peut tenir comme complémentaires

la méthode régionaliste, établie

, sur le concept de « tribaUté » (William Fagg) ; la méthode morphologique, qui tient de l'analyse esthétique dans une région stylistique donnée, axée sur un~ étude systématique d'un grand nombre d'objet et une enquête de terrain centrée sur la création plastique (école d'Olbretchts) ; enfin une méthode qui, à un niveau plus général, consiste à faire un bilan ethno-esthétique des différentes recherches entreprises, que l'on constate encore insuffisantes pour fonder une véritable synthèse (Michel Leiris et Jacqueline Delange). Pour atteindre ces objectifs, aux côtés ~§§§§§§§§§§§§§~DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 des chercheurs occidentaux, l'Afrique, sous prétexte de rentrée de devises, bien minces par rapport aux nécessités économiques, ne doit accepter plus longtemps le pillage organisé des ob jets. Pillage qui se poursuit souvent avec la bénédiction de personnalités africaines haut placées, plus affairistes que responsables. En effet, le marché de l'art tel qu'il fonctionne - de nos jours - à travers le monde, n'est pas toujours pour favoriser l'Art et démocratiser comme on le prétend, la collection, en ouvrant cette dernière à un large public d'amateur. Les bonnes raisons d'un pillage En se limitant au seul domaine de l'art et du patrimoine, il semble que l'Art primitif en général, et l'Art Nègre en particulier, soient l'objet d'un pillage intense servant à nourrir les exigences d'un marché essentiellement centré sur l'Occident, exigences sans cesse renouvelées. Le résultat immédiat, bien entendu, est la perte, pour les pays - victimes d'un tel pillage -, d'oeuvres de référence pour le présent, et plus inquiétant peutêtre, celle d'une mémoire pour le futur. En ce qui concerne l'Art Nègre, le phénomène de « confiscation» est d'autant plus sérieux, qu'il est antérieur au boom du marché de l'art primitif entamé dans les années 60. Dès l'époque coloniale (période au cours de laquelle ethnologues et scientifiques mirent en place un precessus de déplacement systématiqe des objets d'Art Nègre vers l'Europe), l'Afrique se vidait déjà d'une part importante de sa substance artistique. A la mission de l'ethnologue allemand Froebenus, on peut ajouter la fameuse mission française dite: «Mission Dakar-Djibouti» dans le début des années 30. La mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti avait en son temps conçu un vade-mecum de son programme intitulé: «instructions sommaires pour les collecteurs d'objets ethnographiques ». Cette méthodologiè dut être suivie à la lettre, car la mission revint en France av~c plus de 3.600 objets. Ce qui en dit long sur la nécessité matérielle à laquelle étaient soumis les ethnolographes de faire la preuve tangible et visible de leurs expéditions lointaines à travers l'Afrique; une Afrique qui était encore mythique dans beaucoup d'esprits. Cette preuve était alors une exigence incontournable de ceux-là mêmes qui assuraient le financement des missions - qu'il s'agisse de l'Etat, ou de personnes privées, idéologues ou philantropes. Plus tard, la circulation des oeuvres d'Art Nègre par le biais du marché, s'accélère dans les années 60 avec la dispersion de la collection Paul Guillaume - l'un des tous premiers marchands à s'installer en boutique - aux Arts Sauvages - dans les années 20, rue de la Boétie à Paris. Désormais la valeur des objets d'Art Nègre appartient au déterminisme du monde occidental, seul qualifié à la lui accorder; et par conséquent, rien d'étonnant à ce que les collectionneurs occidentaux emboîtant le pas des scientifiques, se mettent à engranger à leur tour ces objets. Dans ces conditions il est difficile de voir le collectionneur d'art primitif - quelles que soient ses motivations: intellectuelles, passionnelles ou financières - autrement qu'en receleur des temps modernes. Face à ces dépossessions, les pays du Tiers Monde ne pouvaient durablement rester sans réagir . D'où la constitution d'un comité de retour à leurs pays d'origine de ce patrimoine, sous l'église de l'UNESCO: Comité intergouvernemtal pour la promotion du retour des bien culturels à leurs pays d'origine ou leur restitution en cas d'appropriation illégale. Comme il fallait s'y attendre, la constitution d'un tel comité a entraîné une levée de boucliers chez les collectionneurs et marchands. Les argumentations tendant à discnditer le comité ne manquèrent pas. La réaction la plus commune était caricaturale: «Si l'on rend des oeuvres d'Art aux pays africains, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? .. Rendons aussi la victoire de Samothrace à la Grèce, les fresques de Botticelli du Louvre à l'Italie, etc ... » A vec un minimum de bonne foi intellectuelle on constate que ce genre d'argument est irrecevable. En effet, dans les oeuvres d'art émanant d'autres pays européens que compte le Louvre, tous les Occidentaux sont à même de se connaître, puisqu'ils se réclament des mêmes sources de civilisation. Aussi ce n'est ni non-sens, ni détounement, que Paris soit à Athène et vive-versa, Florence à Londres, etc ... Cette filiation concevable entre Européens est plus difficile à établir entre Africains et Européens. On a dit aussi: ces objets bien que réunis en Occident, restent accessibles à tous, tant aux chercheurs qu'aux curieux de toute origine. D'autre part il est convenu que ces objets bénéficient d'une protection, d'un soin particulier et d'une mise en valeur que l'Afrique serait bien incapable de mettre en place toute seule. C'est vite oublier que, du fait de la disctance qui sépare le continent noir de l'Europe et des Etats-Unis, le petit Zaïrois aura moins de chance d'accéder à l 'héritage culturel de ses aïeux que le jeune Belge, Français, etc .. . Cette forme d'inégalité - particulièrement intolérable ici - dans l'accès à la culture, semble être une règle entre pays riches et pays pauvres. Quant au fait que les oeuvres sont mieux préservées en Occident, n'est-ce pas toujours considérer les pays du Tiers Monde comme des nations encore immatures et incapables de prendre en main les matériaux de leur univers culturel propre? Assane FALL Y oussef Chahine, cinéaste égyptien est né il y a 56 ans à Alexandrie, où vivaient côte à côte, Grecs, Italiens, juifs, chrétiens. « Ma génération, née au sein d'un capitalisme féodal, est romantique et rêveuse. Elle avait rêvé le socialisme comme une nécessité absolue. Bien vite est arrivé le désenchantement. L'avantgarde était usée... C'était soi-disant le socialisme et l'on jetait en prison les communistes, les socialistes. A cela s'est ajouté la guerre de 67. Nous nous sommes posé des questions. Nous avons encaissé tellement de coups qu'on a fini par apprendre. » Apprendre par exemple que le cinéma n'est pas un îlot protégé de la société, qu'il est aussi régi par des lois économiques, politiques. Apprendre, avant de se plaindre de ne pas être reconnu, à rencontrer les gens, apprendre d'eux ce qu'ils ont vécu. Pour effacer les différences, l'effort doit d'abord venir de vous. « Il faut savoir ne pas tricher quand on s'adresse aux jeunes générations », précise Youssef Chahine. Les intéresser, les distraire, mais aussi leur dire : «à tel moment, je me suis trompé ». C'est à nous tous d'aller vers l'autre et de dire: « on n'en est plus aufanatisme. Si je balbutie, si ma couleur est différente, ne t'effraie pas. 11 fauI, en tout cas que l'autre sache que vous l'aimez. C'est notre devoir à tous d'apprendre une autre langue, de chercher à mieux raconter, plus juste, plus vrai ... » C'est ainsi sans doute que le jeune Chahine à Alexandrie, a appris l'anglais, en explorant mot par mot le monologue de Hamlet " « To be or not to be ». Etaitce la magie d'Alexandrie, où toutes les communautés vivaient en paix? « Ça a existé, c'est possible. J'ai beaucoup de mal à devenir fanatique. Voilà la première leçon que j'ai gardée d'Alexandrie. Bien sûr, si on jette un demi-million de bombes en un jour, cela m'indigne violemment, comme peut s'indiKner un juif de Paris ou un humaniste juif d'un autre pays. C'est très pas implanté en moi, ça ne se discute pas. Je voudrais que cela existe de nouveau, un contexte où l'on ne fait pas de distinctions. Il est absurde qu'il y ait des religions d'Etat, par exemple. Quandj'étais jeune, je suis allé si souvent à la synagogue avec mon ami que je sais chanter en hébreu ... » Il ne s'agit pas de tolérance, Chahine trouve le mot condescendant. «A Alexandrie, continue-t-il, tout le monde parlait sa langue et tout le monde se comprenait. Il faut retrouver tout ça. Les sacrifices de Bonaparte Que l'on puisse revoir Alexandrie pourquoi? et son dernier film, Une histoire égyptienne, leur réalisateur le souhaite. Pour que ces films remplissent leur modeste rôle, pour jeter un pont, un petit pont. Il prépare maintenant un 'film sur Bonaparte en Egypte, un effet des récents accords de coproduction cinématographique franco-égyptiens . «Qui était-ce Monsieur Bonaparte? Etait-il un homme universel ou préoccupé seulement de sa gloire? El tous ces savants avec lui, certains sont morts en effectuant leurs recherches. Ils partaient recopier les hiéroglyphes en dehors des sentiers et certains se sont fait massa- .n crer. Ils ne voulaient pas construire des pyramides, mais rassembler leur savoir, tout ce qu'ils avaient ressenti, et le transmettre aux autres. Parmi eux, j'ai découvert un homme extraordinaire, Caffarelli. Quand il va en Egypte, ce n'est pas en envahisseur, mais en amant,' c'e.;t quelqu'un qui a envie d'aimer. J'd trouvé son contrepoint chez des gens du peuple, des gens ordinaires. Une famille égyptienne qui a ses amours et ses conflits Il était le maître de génie de Napoléon. Napoléon était prêt à sacrifier des centaines de soldats pour prendre St Jean d'Acre. Caffarelli s'y est opposé, c'est attesté,' « Je ne veux pas tromper les générations à venir et les sacrifier pour les murs d'une bicoque ». Ce film, à nouveau, j'espèr'!, fera accepter les différences. Et puis, je vais retrouver ma ville, dans l'Egypte du XVIIIe siècle. Les fluctuations de sa fortune, ses heurs et malheurs avec les Anglais. Si elle avait été effacée de ma mémoire, cela aurait été très grave. Et pourtant les occasions se sont multipliées de faire de moi un fanatique, un non-alexandrin. Il faudrait des Alexandrie partout. Je dis beuucoup de choses dans mes films et en même temps rien du tout ... Je veux simplement tendre la main à l'autre. » Christiane DANCIE Différences: L'Orient des Provençaux, la grande manifestation organisée par Marseille, semble remporter un certains succès. A quoi l'attribuez-vous? (1) Edmonde Charles-Roux: C'était la première manifestation de ce genre,' tous les bâtiments mis au service d'un même thème, chacun servant le thème à partir de ses propres fonds. On est partis de l'idée de trouver quelque chose dont Marseille est riche. C'est la première fois qu'une expérience de ce type est tentée en France. Seules Naples, avec les Bourbons et Florence avec les Médicis l'avaient fait. LI1 population de Naples ne fréquentait pas les musées, ça ne faisait pas partie de ses habitudes culturelles. Quand on lui a donné un thème qui était son histoire, que tous connaissaient, les musées ont été pleins. A Marseille comme à Naples, les populations ne bougent pas de leur ville, il fallait mettre l'Orient à leur porte. C'est quelque chose' dont Marseille est riche, qui représente son passé. Quelle a été l'obsession majeure des Marseillais depuis les croisades? Aller vers la rive en face, explorer les terres, essayer de s 'y établir à égalité, de pays à pays, avec tous les risques que cela comporte,' ainsi les quartiers de Smyrne, véritables enclaves où l'on parlait provençal. Sans escamoter la période coloniale, il fallait prendre ses responsabilités et avoir le courage de l'aborder. Comment? La colonisation des pays du Maghreb n'a pas été le fait de Marseille, nous ne souhaitions pas la prendre à notre compte. Qu'est-ce qui était propre à la ville? L'échange et le passage, d'où l'exposition Mémoires de nos quais. Puis les expositions coloniales, 1906 et 1922, un phénomène inventé par Marseille. Là, il y a eu des remous, beaucoup ont trouvé que ce n'était peut-être pas à faire. Il se trouve qu'à ce moment-là, j'étais en Algérie. J'avais des entretiens avec les étudiants. Une question revenait souvent,' Qu'est-ce que c'est une exposition coloniale? Nous avons décidé de le montrer [ .. . f. Différences: L'idée d'organiser cette exposition a-t-elle été bien accueillie? E. Charles-Roux: Vous mesurez sans doute le risque que nous avons pris. J'ai été accablée d'injures, de menaces, de lettres anonymes. Mais peut-être certains de ceux-là se déplaceront. Ceux qui ne veulent pas comprendre, ceux qui sont butés, ceux-là le resteront. Je suis convaincue qu'il va passer un courant de détente, de pacification. Il y a tant d'exemples de ces Marseillais qui se sont complètement identifiés à la vie de l 'autre côté de la Méditerranée! Ça prouve que c'est possible dans l'autre sens. Différences: Marseille est une ville plurielle. Est-ce une richesse? E. Charles-Roux: Ce qui nait des communautés étrangères, c'est notre plus grande richesse, peut-être la seule qui nous reste. Voyez les Harkis,' leur retour n'est pas vraiment la page la plus plaisante de notre histoire. On oublie simplement une chose,' c'est qu'avant les Harkis sont revenus d'Egypte, dans les mêmes conditions, les troupes égyptiennes de Bonaparte qui n'ont pu rester en Egypte, et qui sont arrivés, mamelouks avec leurs familles ne parlant pas un mot de français. A cette époque, on a commencé à en jeter quelques-uns dans le port. Mais ils sont §ê~,§§§§§êDIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 De la Canebière au Vieux-Port, on vit en ce moment à l'heure orientale. Edmonde Charles-l?oux nous livre les clés de la cité phocéenne MARSEILLE VILLE OUVERTE restés. Depuis, certains sont parmi les notables les plus en vue de la ville, bien qu'ils oublient maintenant volontiers leurs lointaines origines. C'était possible, pourquoi ne le serait-ce pas aujourd'hui? Autour du retour de ces hommes est née l'école de traduction de la langue arabe. Ils se sont parfaitement fondus dans la ville, ont apporté un savoir extraordinaire sur les civilisations de la Méditerranée, qui a conduit aux découvertes de Champollion. Il y a bien un apport positif aprèS une période d'intégration, plus ou moins difficile. Il y a eu le même phénomène avec l'arrivée des Pieds Noirs. Ils ont apporté ici leur langue, une langue complètement étrange, avec des mots pris sur place, moitié français, moitié arabe, qui ont enrichi le parler marseillais. Ça n'a pourtant pas été facile de les intégrer au départ. Différences : Evaluez-vous un apport positif des populations maghrébines? E. Charles-Roux: C'est très difficile à dire pour l'instant. Nous sommes dans une JS période critique, en pleine crise. Le racisme actuellement peut aller dans les deux sens. Un racisme anti-arabe provoque un racisme dans l'autre sens. On m'a critiquée, mais je prends en compte tous les Marseillais, et leurs problèmes, d'autant plus quand ce ne sont pas les miens,' en particulier, j'admets qu'il y ait dans certains quartiers des problèmes de cohabitation. La lâcheté serait de ne pas le prendre en compte. Je crois que nous sommes dans la période d'intégration difficile dont nous parlions. Les enfants ne se sentent plus algériens, par exemple, et ne sont pas français. Ils ont des droits dans'des deux pays. C'est un drame. Pour le moment, la situation n'est pas positive. Mais qu'est-ce que ça veut dire pour le moment? Que vont devenir ces gosses? Vont-ils être les premières victimes de la crise? Il ne faudra pas s'en prendre à eux, mais à la crise. Evidemment, nous serions dans une période de vaches grasses, nous pourrions dire,' tout l'effort ne doit porter que sur ce secteur. Mais ce n'est pas le cas. Pourtant il y a déjà eu beaucoup d'efforts ...

z

Z ta '" Nous SUillmes en train de réfléchir à lafaçon dont nous allons pouvoir donner aux jeunes une spécialisation, les former à des métiers qui sont nécessaires chez eux. Si on se dit qu'ils sont venus en France pour apprendre plus facilement qu'ils ne l'auraient fait chez eux, il faut les aider, les former à un métier qu'ils neferont peut-être pas ici, qu'ils feront là-~as .. Pour l'instant, ce temps est difficile, mars je pense que les chocs eux-mêmes peuvent être positifs. Différences: Pensez-vous que la situation actuelle soit modifiable par une action culturelIe? E. Charles-Roux: C'est le seul moyen. Nous n'avons pas le choix,' il nous faut sans cesse tenter des brassages de culture. Nous attendons de ces expositions que les Maghrébins s'y intéressent, mais aussi un certain type de Marseillais, qu'ils voient que nous avons des relations très anciennes avec l'Orient et que c'est comme ça depuis longtemps. ' Il faut brasser et normaliser. Aux concerts de clôture, nous ferons entendre des musiques ayant utilisé des thèmes orientar1x d'une richesse étonnante,' croyez-moi, on est loin du Boléro de Ravel. Différences: Une société doit-elle s'ouvrir aux pénétrations étrangères ? E. Charles-Roux: Je suis bien placée pour .vous répondre. Je suis arrivée en France en 1940. Après ma démobilisation, j'avais pour tout capital une connaissance des littératures itali~n~e, tchèque, russe et soviétique. Que seraIS-Je devenue si j'avais vécu à l'étranger enfermée dans la seule culture française ? Qu'est-ce que peut être un pays renfermé sur lui-même et sa culture ? Comment la France pourrait-elle faire autrement que s'ouvrir aux cultures étrangères dans un monde où les distances n'existent plus, ou plus aucun pays ne suffit à l'emploi de ses citoyens? Un des aspects de l'entreprise menée par le gouvernement est de faire en sorte que tout le monde puisse inventer s'ouvrir. Nous n'avons d'autre ambition qu; l'invention, or l'imagination ne peut se refermer sur elle-même. Différences: Vous êtes donc la personne de plusieurs cultures? E. Charles-Roux: A tel point que dans ma jeunesse je me suis souvent demandé ce que je faisais ici. C'était mon pays, j'étais fille de fonctionnaire, c'était mon devoir ... mais tous mes amis d'enfance étaient ailleurs j'avais des difficultés à comprendre, à m; mettre dans le carcan français parce que la France est un des pays les plus fermés qui soient, même politiquement. La France est un pays étriqué, avec une presse sectaire, aveugle. Que faire contre ça ? L'ouverture! Différences : Pourquoi étriqué? E. Charles-Roux : Par complexe de supériorité. Nous sommes les plus forts. Ça me met hors de moi. Mais c'est tellement confortable ! Dans le cas qui nous intéresse, c'est tellement la négation de l'art musulman et de l'échange. C'est une chose qui me ~e. Les Marseillais sont beaucoup plus ouverts et totalement égalitaires. Ils ne savent pas ce qu'est la crainte révérentielle. Toute personne qui veut se montrer supérieure devient antipathique. C'est une des habitudes nées de l'échange. Différences: Faut-il installer Paris à Marseille? E. Charles-Roux: C'est un vieux rêve. François 1er avait déjà pensé à rapprocher la capitale des nouvelles alliances qu'il projetait avec l'Empire de la Sublime Porte,' c'est d'ailleurs là le début des échanges. La France serait différente si le centralisme s'était tourné vers d'autres horizons, l'Islam par exemple. Différences: Cette ouverture peut-elle se manifester à nouveau ? E. Charles-Roux: C'est déjà gagné, avec l 'Algérie. Voyez ce peuple qui arrive à surmonter si vite, qui se redresse psychologiquement et peut produire des jugements aussi nuancés. Dans un voyage, un ami me montrait l'endroit où son frère, combattant du FLN, avait été abattu. Comme je lui demandais comment on en était arrivé là, il a eu c~tte . réponse admirable,' « les Français aImaIent tellement l'Algérie! ». Quand on a de telles personnes en face de soi, il faudrait être stupide pour ne pas reprendre le dialogue. Propos receuillis par J.-M.O. (1) Voir Différences nO 17. 39 , croissance des Jeunes natIons numéro spécial IMMIGRES • Un an et demI après l'arrivée de la gauche au pouvoIr en France, le poInt sur ce quI a changé - ou non - pour /es ImmIgrés. • Les ImmIgrés, preml.res vic" mes de la crIse ? • Où en est la régularlsaHon des sans-papIers ? • Grande-Bretagne: vers une société muHI-raclale. • Benelux: au secours de la démographIe. • Suède: les prIncIpaux bénéficIaIres des mesures pour l'emploI. • SuIsse: des ImmIgrés très hIérarchIsés. • I.FA.: la sItuatIon des ImmIgrés turcs. Le nO: 12 F ABONNEMENT 1 AN : 130 F (avec 2 numéros spéciaux) croissance des Jeunes natIons BULLETIN A RETOURNER A C.J.N.-DEV, 163, bd Malesherbes 75859 Paris cedex 17 Réglement Joint à l'ordre de C.J.N. nom ................. ......................... .. ........ ... . adresse .... ................... .. .... .. ... ... .... ........ . ............................................................... • désire recevoir le n° 244 (IMMIGRES) 12 F 0 • profite de l'offre spéciale d'abonnement 12 n° 130 F. 0 Histoire Jusqu'au milieu du XIX e siècle, la figure du Christ restait au purgatoire des libres-penseurs. Après Ernest Renan, juifs et athées ont reconsidéré son image. ' ai toujours éprouvé pour Jésus une dilection singu- J lière. Maints enfants prophètes que nous rêvions d'être au début de ce siècle se sentaient fascinés par le Crucifié dont on avait spolié, calomnié, massacré la descendance charnelle et que dans mon ciel intérieur je plaçais auprès des Prophètes d'Israël et des sages de la Grèce antique. Dans la Grande Guerre, remplissant notre humble mission de fantassin, il arrivait qu'on s'identifiât un peu à lui. On mon tait aux tranchées, comme il était monté au Calvaire. Vingt-cinq ans plus tard, sous l'Occupation, on voyait le nazis et leurs complices de Vichy prendre pour première cible des hommes, des femmes, des enfant~ qui partaient vers le martyr avec le même regard de tri~tesse et d'amour que leur frère galiléen. De cette gloire de Jésus parmi les agnostiques et les juifs, c'est le chef-d'oeuvre d'Ernest Renan qui donna le signal. La Vie de Jésus date de 1854. Le jeune philosophe archéologue, que sa renonciation à la prêtrise, son éloignement des dogmes n'empêchaient pas de rester, au meilleur sens du mot, chrétien, voulait aller sur place revivre les Evangiles, s'imprégner du climat palestinien, des pentes du Liban aux déserts de Judée. Le livre, malgré sa ferveur, fit scandale. Parce qu'il avait contesté les miracles, refusé la divinité du Christ tout en concluant par un propos d'admiration incon- . ditionnelle : « Parmi les fils des hommes, il n'en est pas né de plus grand que Jésus ». 40 Napoléon III le priva de sa chaire. L'ancien sulpicien fit alors figure de révolutionnaire. Avec lui, l'image de Jésus allait se modifier. Chez Victor Hugo d'abord. Un de ses poèmes me fut révélé alors qu'il était encore inédit chez Gustave Simon, son exécuteur testamentaire. Deux bourgeois, très conservateurs, très conformistes discutent de Jésus, pèsent le pour et le contre. Ses aspects révolutionnaires les inquiètent. Ils lui reconaissent pourtant quelques qualités. Ils concluent par une sage et prudente réflexion: « Dommage qu'il se soit mêlé de politique ». Ressuscité à regret Puis chez un autre des mes maîtres : Emile Zola. Chez le père du naturalisme, pour qui la science a remplacé la religion, s'affirme envers le christianisme une réticence de principe, si tolérant, si respectueux soit-il de toutes les convic-tions, dans sa vie publique, comme dans sa vie privée. Le romancier est hanté par le mythe de la fécondité. Il veut la victoire de la nature, la victoire de la vie, reproche non seulement à l'Eglise, mais aux Evangiles mêmes d'avoir prêché la chasteté. S'ajoute à ce sentiment essentiel un anticléricalismefin de siècle, partagé par beaucoup de républicains, qui tient à l'attitude du catholicisme officiel. L'Affaire Dreyfus ne fait qu'accentuer cette position. Cependant, Emile Zola n'est nullement insensible au mystère. Qu'on relise La faute de l'Abbé Mouret, Le Rêve qui se déroule à Ernest Renan: « La vie de Jésus ». l'ombre d'une cathédrale, et mieux Lourdes si sensible au cri des malades vers Dieu. En 1894, quatre ans avant J'accu~e, Jésus apparaît sur son chemin. Zola compose un orat?no, d~nt Alfred Bruneau écrit la musique: Lazare et sa.resurrectlOn. ::ar Zol~, contrairement à Renan, accepte le mlracl,e~ ou plutot ce miracle humain opéré par le pouvoir magnetlque de certains guérisseurs du corps et de l'âme sur de grands m~lades, d.es mourants qu'en ces temps évangéliques on avait trop vite tenus pour morts. On assiste ainsi auprès de l'épouse, de la mère, de l'enfant des amis à la résurrection de Lazare. Mais lorsqu'il s,'est levé de sa t0':1be,. c.'est pour .su~pli.er Jésus de le rendre à la grande P~IX o~ Il se sentaIt SI bien. Et de tout son coeur déchiré Jesus finit par céder à sa prière. ' Du romancier-po~te, passons à l'historien: Charles Guignebert, professeur a la Sorbonne, dont le livre magistral sur Jés~s fait accomplir à la christologie des progrès décisifs. LOin de contester, comme le Dr Couchoud, son existence, il la retrace avec précision et va beaucoup plus avant qu:Ern~st Renan. Plus question de séparer Jésus des juifs. JUIf, Jesus le fut de toute sa foi, de toute son âme. Si certains propos répétés par les Evangiles le choquent, Guigneb. ert le dit sans ambages. Par exemple, cette injonction au fils : Laisse les morts ensevelir les morts. Pas question d'admettre l'invraisemblable figure de Judas, traître de mélodrame, exploité plus tard pour nourrir l'antisémitisme traître par ordre divin et qui se pendra de désespoir. Ni d'avaliser les malédictions contre les Pharisiens qui furent dans l'ensemble, de très honnêtes gens. ' J.é~u~ rayonne là, dans toute la réalité juive, fidèle à sa tradilIon el pourtam la bouleversant, étroitemem apparenté à la ~eCle de~ Esseniens dont la découverte des Manuscrits de la Mer Morte a révélé tam de poims communs avec son message. « Ne reconstruisez pas les églises» Après le témoignage loyal et fortement documenté de l'historien, j'achèverai cette évocation de Jésus dans la libre pensée par Henri Barbusse. l!n poète, un inspiré, comme le furent Hugo et Zola, petitfils de pasteur, descendant de Camisards morts sur les galères de Louis XIV et très proche d'Israël par l'esprit et par le coeur. Jésus devait tout naturellement se trouver sur sa route. Au soldat mortellement blessé de son roman Clarté, il apparait, dans sa paleur, au bord du lac. Il lui délivre son message d'amour avec ce conseil très révolutionnaire

« Ne reconstruisez pas les Eglises ». Il est vrai que

pour de fervents israélites le meilleur temple était le coeur et que Philon le juif devait écrire: « L'âme du juste est le palais de Dieu ». Mais la rencontre va se faire plus directe, plus durable. Henri Barbusse, en plein apostolat communiste, consacre une trilogie à Jésus: Jésus, les Judas de Jésus et le troisième volet qui n'a pas été publié en France et porte un titre provocant

Jésus contre Dieu. Le premier suit le rythme des

Evangiles. Pour Barbusse, le prophète de Galilée appartient à notre temps. Il lui dédie cette véritable déclaration d'amour dont maints athées et maints croyants seront sur- 41 DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 pris: « Je l'aime, je le tiens contre mon coeur et je le disputerai aux autres, s'il le faut ». Et il prête à un disciple inconnu cette parole pathétique: « Je t'aime parce que tu n'es pas Dieu ». Quant aux juifs si méconnus par certains passages des Evangiles, il exalte leur destin: « .Semeur de justice et de paix à travers le monde, peuple espérance ». Et dénonçant les erreurs de l'Eglise, Henri Barbusse va jusqu'·à écrire: « Les 'Irais Chrétiens sont les juifs ». Mais eux, les juifs, en 1982, quel est leur comportement devant Jésus? Après tant de siècles, marqués ici par la persécution, le mensonge du déicide, là par un silence dédaigneux à l'égard de celui qui fut la gloire d'Israël, qu'en est-il de l'image de Jésus depuis Renan en cette famille spirituelle ? Je ne remonterai qu'aux temps de mon enfance, ceux de l'Affaire Dreyfus. On était loin alors, dans la communauté juive, de revendiquer ce prophète. Cependant, rompant le silence, dès 1899, un sociologue réputé, par ailleurs fondateur spirituel du sionisme, Max Nortau écrivait ces lignes parues dans le journal Le Siècle: « Celui que nous eritrevoyons à ~r~vers le récit des synoptiques est une figure typiquement JUive. Il observe la Loi. Il enseigne la morale d'Hi/leI: « Aime ton prochain comme toi-même» ... sa prière, la plus belle qu'un croyant ait jamais trouvée, le Sermon sur la Montagne est la quintessence de l'éthique juive ... Nous revendiquons comme nôtre, Jésus ». . La grande retrouvaiIl6 Sans doute, même après l'union sacrée de 1914, même après le rasseI?blement fraternel de la Résistance, même après Auschwitz, cette parenté ne fut pas affirmée avec la même vigueur que par ce précurseur audacieux. Des rabbins très légitimement s'alarmaient du flot des conversions, rappelant qu'il n'y a pas de raison d'abandonner Israël pour un autre culte, mais réservaient de plus en pl!ls sa place à Jésus parmi les sages. Ainsi le rabbin Isaac Choukroun constatait : « Jésus a vécu en juif, pensé et agi en juif. Il est mort en juif. Il n'a pas été le Messie. Je n'ai pas besoin de lui pour mon salut. Les portes du salut sont ouvertes à tous les juifs, sans que l'on ait recours à son sacrif~ce. Nous ne demandons pas aux chrétiens, nos frères en DieU que nous devons aimer comme nous-mêmes de renoncer à leur foi que nous devons respecter. Nous a~ons droit au même respect à notre fidélité ». Mais chez les laïcs israélites, parallèlement à l'évolution du Vatican préparée par la rencontre oecuménique de Seelisberg, les adhésions devenaient de plus en plus chaleureuses. Le génocide avait accompli la grande retrouvaille entre chrétiens et juifs, à laquelle le pape Jean XXIII s'est noblement dédié. Nos lecteurs connaissent le livre de l'historien Jules Isaac Jésu.s ~t I~ra~l, ~insi que son action, ses neuf proposition~ destmees a liqUider l'antisémitisme religieux et sa conclusion: La lueur du four crématoire d'Auschwitz se confond avec une autre lueur, celle de la Croix. Ma~s bie,n aV,ant Jules Isaac, mon grand ami Edmond Fleg avait prepare ce rapprochement. Dans ses poèmes Ecoute Israël, épopée de la persécution et du combat juif dans sa pièc: Le Juif du Pape, dans son roman L'Enfant ~rophète. et, Jesus~ raconté par le juif errant, récit vécu à Jérusalem, ou le gUl?e d'Edmond Fleg se trouve être ce juif errant éternel. lllUl conte la France de la Passion, et bien qu'il ait, en un moment de révolte contre Celui qu'il n'acceptait pas de ~ec?~n~ître pour, Messie, refusé de l'aider à porter sa croix, II s ecne : « Je 1 aimais. Je l'aimais. » Pierre P ARAF ment un mouvement de libération nationale du peuple juif, exprimant la volonté de reconstruire sur la terre ancestrale, berceau de la foi et de la culture juive, un Etat spécifiquement juif. Cette aspiration, il faut la comprendre, même quand on ne la partage pas. Loin de moi l'idée que l'Etat d'Israël, par sa nature même, doive échapper à toute critique. Mais, inversement, je n'admets pas que, par nature, il soit chargé d'une culpabilité particulière, qu'il n'ait en aucune manière droit à l'errew et qu'il soit constamment représenté comme un Etat dominateur et oppresseur qui empêche, au MoyenOrient, l'instauration de la paix. Certes, il existe des antisionistes de bonne foi, qui ne croient pas. pour cela, être antisémites, mais, à force de de gauche à droile : (en haut) André MONTEIL André WURMSER Maurice OLENDER (en bas) François GREMY Henry BULA WKO Paris, Rome et Bruxelles ont vu leurs rues ensanglantées par des attentats visant la communauté juive : antisémitisme ou antisionisme ? La politique israélienne a été vivement critiqué~ : antisionisme ou antisémitisme ? Différences a voulu clarifier le débat LES FRANÇAIS NT-ILS André MONTEIL Ancien ministre, vice-président de la LIeRA Chez un certain nombre de Français, on constate aujourd'hui un réveil de l'antisémitisme Je n'aime pas la formulation de la question

« Les Français sont-ils antisémites?

». En effet, je me méfie des généralisations qui prétendent appliquer à des groupes, faussement considérés comme homogènes - les Français, les Russes, les Noirs, les Juifs, etc ... - des caract~res stéréotypés et, par conséquent, arbitraires. En revanche, je n 'hésite pas à dire que chez un certain nombre de Français, on constate aujourd'hui un réveil de l'antisémitisme. Dans la mesure où le racisme et l'antisémitisme sont une réponse pathologique et perverse au malaise d'une société en crise, il n'est pas étonnant que l'on assiste aujourd'hui à des manifestatigns d'antisémitisme primaire. Ces résurgences, notre devoir est de les combattre partout où elles apparaissent. Et nous attendons des pouvoirs publics qu'ils les répriment avec une sévérité exemplaire. Mais qu'il me soit permis d'ajouter une remarque à mes yeux essentielle. De nos jours, on ne retrouve personne qui ose se . déclarer antisémite. En revanche, on se dit volontiers antisioniste. Or. qu'on le veuille ou non, l'antisionisme apporte de l'eau au moulin de l'antisémitisme. Le sionisme n'est pas une idéologie de nature néocolonialiste, mais tout simple- ANTISEMITES ?• dénigrer Israël, ils finissent par confondre, dans leur détestation, l'Etat juif et l'homme juif. Ils en viennent à déceler chez leurs compatriotes juifs les mêmes traits et les mêmes comportement que chez les Juifs d'Israël et. par conséquent, une nécessaire connivence entre eux. Ce n'est pas par hasard que les violentes campagnes qui se sont développées depuis plusieurs mois contre la politique d'Israël ont coïncidé avec une recrudescence des attentats foncièrement antisémites comme celui de la rue des Rosiers. Maurice OLENDER Directeur de rédaction de la revue Le Genre Humain (1) Le terrain fut souvent fertile en idéologies mortifères ... Si en posant la question toute générale « Les Français sont-ils antisémites? » on doit entendre : « La société française, en tant que telle, est-elle hostile aux juifs? », je crois qu'on peut répondre par la négative. Cela, même si, comme le pensait Pierre Mendès-France peu avant sa mort, on peut considérer que dans les affaires libanaises, les médias ont été plus passionnels qu'analytiques. A la question posée on doit également de répondre « Non» parce qu'en France, 42 aujourd'hui, on ne peut pas dire que l'on encourage officiellement et institutionnellement la haine ou le mépris de ceux que l'on considèrent - ou qui se considèrent - comme juifs. Mais ce type de question en cache généralement une autre, plus difficile, qui serait: « Les Français sont-ils potentiellement antisémites ? ». Répondre à une telle question supposerait que l'on puisse prévoir l'avenir, ce serait jouer au (bon ou mauvais) prophète. Par contre, ce qui est certain, c'est que l'on a en France longtemps entretenu des traditions culturelles et académiques qui criaient haut et fort la haine et le mépris du juif. Voltaire, bien sûr, mais aussi, plus près de nOl!S, tout ce qui a précédé et succédé l'Affaire Dreyfus. Il faut souligner qu'en ces temps d'avant le cataclysme nazi, l'intelligentsia croyait, de bonne foi peut-être, que l'on pouvait jouer à être antisémite sans que cela ait des conséquences sociales ou politiques réelles. La mode était telle qu'il était de bon ton d'être antisémite et les meilleurs esprits (Renan et tant d'autres) s'y sont exercés brillamment, et avec les passions de la plume! On peut donc affirmer, pour notre passé récent, qu'en cette matière incandescente où la mémoire de l'Occident se noue entre Athènes, Rome et Jérusalem, le terrain fut souvent fertile en idéologies mortifères. Et aussi qu'une grande tradition antisémite existe, fervente et majoritaire hier, plutôt minoritaire et « rentrée» aujourd'hui. A ces sources vives peuvent donc toujours s'abreuver des courants idéologiques tentés par des haines anachroniques. Henry BULA WKO Ecrivain, membre du CRIF (2) Je distingue entre un antisémitisme classique, même violent, et les crimes des tueurs professionnels L'après-guerre m'est apparue singulièrement paisible par rapport aux années 30, en dépit de certaines manifestations, comme celle des croix gammées d'il y a une vingtaine d'années. Les campagnes des «révisionnistes », négateurs du génocide. ont créé un certain malaise, d'autant plus qu'elles étaient accompagnées d'attentats antijuifs souvent sanglants. Celui de la rue Copernic a suscité une protestation massive, mais ce ne fut pas toujours le cas. Après la tuerie de la rue des Rosiers, certains commentateurs émirent même l'hypothèse (odieuse !) que ce pouvait être l'oeuvre d'aj(ents israéliens. Parallèlement, il y eut une série d'agressions racistes, anti-Noirs et anti-Arabes, stimulées par les difficultés économiques et le chômage. Certes, je distingue entre un antisémitisme classique, même violent, et les crimes des tueurs professionnels (dont les autorités situent l'origine au Proche-Orient). Mais je ne puis nier que le déchainement an ti-israélien accompagnant la guerre du Liban, n'a pu que libérer chez certains des sentiments longtemps étouffés. On m'a d'ailleurs signalé nombre de cas assez significatifs. La légèreté (l'irresponsabilité) de certains propos entendus ces derniers mois peut contribuer à réveiller « la bête qui sommeille ». La France est fière de ses traditions démocratiques, mais on ne saurait oublier que l'antisémitisme y eut aussi des racines de gauche (Proudhon, Fourier, Toussenel, etc.). Il.faudrait plus de recul pour juger des effets de la guerre du Liban et, pour ma part, je veux croire que l'opinion publique a su raison garder. Mais la vigilance s'impose. Il ne faut surtout montrer aucun complaisance à l'égard de cet antisémitisme sournois, que est d'autant plus nocif qu'il se défend de l'être. André WURMSER Ecrivain Des imbéciles s'imaginent que les juifs constituent un groupe distinct Nous vivons un temps de schématisme et de falsification. La guerre menace: quiconque blâme la rupture des accords Salt II et le surarmement américain n'en passe pas moins pour téléguidé par Moscou. Les coeur sont bouleversés par les massacres des camps palestiniens : guiconque blâme la politique de l'Etat d'Israël n'en est pas moins tenu pour antisémite. On lira même que les attentas perpétrés contre des Juifs sont à la fois la preuve que l'antisémitisme règne en France - comme s'il n'était pas extrêmement improbable que les criminels soient des Français! - et une incitation à l'antisémitisme - comme si les sympathies que ces assassinats suscitent allaient aux assassins et non aux victimes ! Les cartes sont à ce point brouillées que le gouvernement d'Israël prétend parler au nom de tous les Français d'ascendance juive et leur conseille même de créer une police parallèle, et que ses partisans s'indignent que des fanatiques confondent eux aussi de pacifiques Français avec les conquérants israéliens ! Cela dit, y a-t-il des antisémites en France? Oui, en France comme ailleurs des imbéciles s'imaginent que, milliardaires ou OS, croyants ou incroyants, Argentins, Israéliens ou Français, les juifs constituent un groupe distinct, monolithique et responsable de tous nos malheurs, de la crise du capitalisme à l'insécurité dans les grands ensembles. Ces dinosaures sont de droite. J'ai reçu quantité de lettres anonymes : aucune ne me traitait seulement de sale juif ou seulement de salaud de communiste. Je serai toujours pour ces demeurés un judéo-bolchéviste. Mais conclura-t-on 43 de la survivance de ces demeurés que « les Français » sont antisémites ? Et que les Françaises sont rousses, alors? Il Y a si peu d'antisémitisme dans notre pays que des citoyens français s'affirment solidaires d'un état étranger et que personne ne voit là une confirmation de la thèse du « juif étranger dans l'état », « inassimilable», etc... Il y a si peu d'antisémitisme dans mon pays qu'aucun parti n'en parle avec indulgence, qu'aucun tract ne circule, aucune manifestation ne s'organise qui soit antisémite (à moins qu'on ne tienne pour disciples de Drumont ceux qui, applaudissent les 300 000 pacifistes de Tel Aviv !). Les Français, quoique en majorité ils n'aient pas vécu le temps des persécutions nazies, ont le génocide présent à l'esprit. L'hitlérisme a laissé une répulsion horrifiée que l'antisémitisme le plus « modéré», ne peut surmonter. Mais surtout, l'antisémitisme a toujours été, en théorie et en pratique une force de diversion, de Drumont à Rosenberg, des pogroms tzaristes à l'affaire Dreyfus et aux chambres à gaz: les martyrs juifs ont été frappés pour que la question ne soit pas posée: celle de la lutte du Capital et du Travail. Or, la droite capitaliste française ne peut pas se servir de l'antisémitisme

elle a pour maison mère les

États-Unis, qui soutiennent Israël. Comment soutenir Reagan et combattre Begin? prendre parti pour Israël et contre les juifs ?' En d'autres temps, elle aurait dénoncé les juifs, trop nombreux dans l'Assemblée, ou parmi les dirigeants de la CGT, du Parti Communiste ... Elle aurait la part belle : il lui faut se taire. Non, les Français ne sont pas - en tout cas pas plus que d'autres - antisémites. Le péril est ailleurs. Le racisme est ailleurs. Présentement. François GREMY Président du MRAP L'antisémitisme régresse de façon régulière dans la grande masse de la population française Il est difficile de répondre à une telle question par une affirmation sans nuance. Certes bien des faits peuvent plaider pour une montée de l'antisémi- . 'tisme en France: graffiti injurieux, profanation de cimetières ou de synago-' gues, attentats meurtriers des rues de Médicis, Copernic et des Rosiers. A ces manifestations spécifiquement antisémites, il faut adjoindre, comme indice inquiétant, la remontée des groupuscules qui se réfèrent explicitement au fascisme ou au nazisme, et l'effort de propagande de la nouvelle droite qui rejette la tradition judéo-chrétienne, produit d'importation venu d'Orient pour polluer la pureté de la tradition «européenne ». A l'opposé, on peut avancer que tous les faits précédents ne sont sans doute le fait que d'une très faible minorité de la population française. Les grands attentats, quant à eux, sont selon toute vraisemblance liés au contexte international et rien ne prouve que leurs auteurs soient français. Au contraire, la grande masse de la population de ce pays est, plus qu'autrefois me semble-t-il, prête à exprimer sa solidarité à la communauté juive inquiète,' les grandes manifestations, d'après Copernic, organisées à l'appel du MRAP, en octobre 80 (300 000 personnes à Paris) en sont un sign~ peu discutable. Bien mieux, une partle notable de l'opinion - je pense notamment aux chrétiens - observe avec une sympathie nouvelle, l'histoire, la culture, la religion du peuple juif. Ce courant judéophile est un phénomène êêDIFFÉRENCES N'o 18 - DÉCEMBRE 82 relativement neuf et qui va en s'accroissant. Au total, il apparaît une sorte de bipolarisation " mais le versant de sympathie me semble l'emporter sur le versant hostile. en moyenne, je pense que l'antisémitisme régresse de façon régulière dans la grande masse de la population française. Jamais /'insertion de la communauté juive dans la collectivité française n'a été plus près d'être réalisée. Les événements du Proche-Orient viennent compliquer la situation. On veut nous faire accroire que la désdpprobation de la politique de M. Bégin est une forme d'hostilité à l'Etat d'Israël, et que cet antisionisme n'est qu'un avatar de l'antisémitisme. Toutes les combinaisons sont en fait possibles. Il existe des antisionistes qui sont aussi antisémites,' la caricature en est représentée par M. Faurisson. Il en est d'autres qui regardent avec peu de sympathie la politique de l'Etat hébreu mais qui n'ont aucune hostilité contre le peuple juif " une large fraction du peuple de gauche, et parmi eux nombre de juifs français (opinion partagée par une proportion non négligeable de l'opinion israélienne). Il existe aussi quelques personnes qui sonl sionistes par haine des juifs,' l'Etat d'Israël n'est-il pas une façon de s'en débarrasser? Ajoutons enfin qu'il est des sionistes - beaucoup plus nombreux - par haine des Arabes. L 'bbservation montre donc que l'amalgame est inacceptable. Ajoutons que comme toute simplification abusive, il peut être dangereux,' si les tenants de cette confusion parvenaient à convaincre l'opinion de sa véracité, ils risqueraient de favoriser la naissance d'une forme nouvelle d'antisémitisme. (1) Éditions Fayard. Abonnés: Europériodiques S.A. 31, av. de Versailles 78170 La Celle SaintCloud. 2) Cunseil représentatif des institutiuns juives de '-rance. la Semaine PIERMONT de l'émigration (J'U "",. ,,, , AM .. ,\l, 1. ' At ... ' III! 1 III • ""0'" 44 PR1jT A PORTER F~MININ 121, RUE DE TURENNE 15003 PARIS T~L~PHONE: 881 69-41 prêl-à-porler 36, rue du Caire - 75002 PARIS Tél. : 233.75.63 ,... Lu ,Vu Entendu §§§§ DIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 • Oa~ Du côté des hommes de Guido de Ridder. L'Harmattan. Dans la collection « Changements » dirigée par P.H. Chombart de Lauwe, l'Harmattan publie une « recherche des nouveaux rapports entre hommes et femmes ». C'est Guido de Ridder, psychosociologue, qui par une série de conversations avec des « groupes d'hommes », groupes qui étudient la remise en cause de la virilité et dont luimême fait partie, nous donne une image de ceux qu'on appelle « nouveaux hommes ». La question des rapports hommes-femmes est à la mode. Mais ce travail ne cherche pas à alimenter la guerre des sexes: il tente simplement d'observer ce qui se passe du côté des hommes dans le couple et dans le groupe familial, confrontat ions. divorces, séparations, remariages, compagnonnages, permissivité affective et sexuelle. Car l'éclatement de la famille traditionnelle en raison de l'essor économique de la société au 1ge siècle a préparé la famille actuelle qu'on pourrait appeler « nucléaire», avec transformation des rôles masculins et féminins, due en grande partie à l'entrée des femmes dans la vie professionnelle. Etude originale, facile à lire et qui sera sans doute la tête de file d'autres travaux sur les « nouveaux couples ». A.L. Moins qu'un chien de Charlie Mingus. Editions Parenthèses. Etre moins qu'un chien, c'est être musicien de jazz dans une Amérique blanche... D.C. Dictionnaire d'arabe de JeanJacques Schmidt. Un des soucis de Jean-Jacques Schmidt est de faire franchir les barrières linguistiques afin de favoriser les contacts humains. Après la méthode ASSIMIL « l'Arabe sans peine», il nous propose un dictionnaire arabefrançais, français-arabe, s'adressant aux voyageurs, aux touristes, aux étudiants et aux journalistes. Cet ouvrage ne comporte aucune expression philosophique mais des mots usités dans la vie quotidienne qui permettent une approche simple de la langue arabe, facilitée par une transcription phonétique du vocabulaire. A l'heure où les échanges économiques et culturels s'accentuent, ce dictionnaire revêt un attrait non négligeable pour ceux qui désirent s'initier à la langue d'Ibn Khaldouln. Toutefois, ce répertoire de mots d'arabe clasique ne peut être utile à la communication entre Français et Maghrébins ne parlant que l'arabe dialectal. M.H. vu Le Mariage de Madame Citroën et de Monsieur CGT de la Maison de la culture de Seine-SaintDenis. Ça ressemble plus à un mariage de raison qu'à un mariage d'amour, et pour cause. Ce film tourné pendant la grève des O.S. chez Citroën à Aulnaysous- Bois au printemps 1982 retrace la marche d'un travailleur marocain, Ghazi Akka, de l'isolement à sa rencontre avec Oufkir, le camarade de la CGT ennemi public numéro un du système Citroën. Plus que l'histoire d'un homme victime des provocations, des tracasseries, des persécutions de la CSL, syndicat maison, c'est l'histoire d'une prise de conscience collective. A travers les luttes, le sens de la fête retrouvé, les repas, les prières, nous assistons à la naissance d'une solidarité. C'est là que le témoignage prend tout son sens. Plus qu'un hymne à la gloire de la CGT, il prolonge l'élan vital de la fraternité que se partagent les travailleurs immigrés en quête de dignité. D.C La guerre d'un seul homme d'Edgardo Cozarinsky. A Paris, sous l'occupation, l'écrivain aIlIemand Ernst Jünger est mobilisé. Il occupe de hautes fonctions et se croit au dessus des mornes passions des masses. Cozarinsky fait alterner les textes des Journaux parisiens de Jünger avec des documents d'actualité ... Une autre façon de regarder l'histoire. J.-P. G. La nuit de San Lorenzo de Paolo et Vittorio Taviani. Partir sur les routes, une nuit d'août 1944, pour un enfant de huit ans est une expérience marquante. Dans un petit village près de Florence, tout le monde attend l'arrivée des Américains. Refusant l'injonction des Allemands ordonnant le rassemble- 45 ment de la population dans l'église, un homme simple, domestique un peu fruste mais de bon sens, entraîne avec lui une partie des habitants, en une marche vers les libérateurs ... Ton épique et lyrique, mariage de l'homme avec la nature, les mots sont faibles pour célébrer le dernier film des frères Taviani. J.-P. G. Léonce et Léna de Buchner. Un conte de fée, une histoire d'amour dans un royame où il est interdit de gagner son pain à la sueur de son front, là-bas du côté du rêve et de la folie, aux aurores d'une conscience de classes qui s'ébauche. Nous sommes dans l'Allemagne romantique de la première moitié du 19 siècle. Léonce le Prince du royaume Pipi est un peu « Le Messager des campagnes hessoises » texte aujourd'hui considéré comme le tout premeir tract socialiste, dont l'auteur Büchner est en même temps celui de « Léonce et Léna» que JeanLouis Hourdin vient de mettre en scène, avec une sensibilité et un humour extrêmes autour des thèmes du pouvoir de l'innocence et du temps. Un théâtre comme on aimerait en vivre plus souvent, où l'utopie devient possible et s'érige en tant que forme de résistance face à l'oppression des puissances de l'argent. Léonce finir par rencontrer la Princesse du royaume Popo et son père le Roi renoncera du même coup à l'exercice du pouvoir pour réfléchir enfin ... Là est le signe du destin le plus manifeste, le plus engagé. D.C. Le chemin aux pieds nus du groupe Patafleur à la Maison de la Culture de Chelles. Le scénario s'inspire d'un fait divers relaté par Edith Falque dans son livre sur les, Manouches

une famille rejetée pendant

des mois entre les frontières belge et française. Un fait divers réel allié à' une fable mythique: la légende de l'Arbre à clé, qui domine le décor de son métal dur et violent, comme il domine l'axe dramatique. On pourrait au premier abord frissonner ... Des gadge qui se lancent à monter un spectacle sur les Tsiganes. En plus, en mêlant légende et réalité! Eh bien, le pari est gagné. L'oeuvre théâtrale est sous-tendue par un travail de documentation sérieux, avec l'aide des Etudes tsiganes et des contacts avec le Comité culturel rom. Ça ne court pas tellement les rues : un spectacle apte à provo- 'quer, pour les enfants comme pour les adultes, une discussion sur des points très concrets et bien actuels : la coexistence de communautés aux moeurs différentes, l'attitude de la police, des municipalités, vis-à-vis d'éléments considérés comme marginaux, le conflit de la loi et de la liberté. Souhaitons que dans la région parisienne, le spectacle soit demandé par les Maisons de la Culture et des établissements scolaires

(voir la Maison de la Culture

de Créteil). J.-B. B. La Moman de Louisette Dussault au Lucernaire Forum. Des gestes qu'on se refile de mère en fille, des gestes outrés, écorchés, des gestes de pardon et des gestes d'amour. Louiseqe DussauIt, la « Moman» raconte comment avec ses deux petites jumelles, en plein hiver, elle a dit non au rôle de mère-police que l'on attendait d'elle dans un bus univers-prison conçu pour les grandes personnes, où les enfants n'ont ni le , droit de rire ni celui de pleurer. Un spectacle-performance drôle et émouvant, où la chanson est de mise et où les aCCents québécois nous font oublier l'épaisseur de la neige. D.C. « My Iife in the Busb of Gbosts » de ~rian Eno-David Byrne. Les voix sortent du feu, d'une mémoire volée, se mettent à danser le souffle de l'amour. Brian Eno-David Byrne quittent les Etats-Unis et sonnent les bass, les congas en terre d'Islam. Une rythmique orientale enveloppe des sonorités synthétisées. Des incantations voilées, écaltées au-dedans, ça porte loin, c'est beau tout simplement. D.C. Notes réalisées par: Jean-Bertrand BARY Daniel CHAPUT Jean-Pierre GARCIA Mariette HUBERT Annie LAURAN La parole . au ... Bip est revenu à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées MIME MARCEA U : « Le cri du silence » ON n'arrive jamais à vaincre la bêtise ... Po~~ l'aba.ttr~, il faudrait tuer la mort. Le racisme naît de la betlse. Amsl au plan religieux: dès qu'on est fanatique, on est raciste. Croire qu 'on ~ le meilleur dogme, la meilleure religion, croire qu'on est le peuple elu, par exemple, ça peut mener à l'intolérance. . . Pour arriver à l'humanisme complet, il faut que change la polltlqu~ du monde, qu'on crée une espèce d'homme nouveau. ~st-ce POSSIble ? C'est déjà mieux qu'il y a cent ans. Je crois que BlP, mon personnage, fait partie de ce nouveau type. C'est l'h;omme n;oyen. Ce n'est pas une victime, mais il est écrasé parce qu'li n'en reclame pas trop. Comme tout homme moy~n, il rêve, ,~'e~~ un .vagabond du rêve. En cela il ne peut pas mounr, parce qu li s mscrlt dans la continuité de l'idéal. ~ Je crois que l'artiste se doit d'être un voyant, et d'être en meme temps le frère de tous les hommes, qui .s'~uvre au monde, un homme à coeur et corps ouverts. Eluard dISait: L'homme a besoin de vivre dans la lumière totale. L'artiste et là pour ça, comme un frère voyant. Il n'est pas qu~stion de complaisance, ni de démagogie. Le cri que je pou~se en sllence est celui de tout être humain. C'est à l'homme de pUiser dans chaque événement ce qu'il y a de meilleur. Le vrai génie, c'est ,la synthèse, qui comprenne et éclaire le r:zonde., Or~ f!as de synthese qui passe par la hiérarchie, la comparaison. C est IdIOt de comparer les hommes, les femmes, les races, les religions. . Je disais que le jour où on supprimera la mort, on suppnmera la bêtise. Mais peut-être que ce sera aussi supprimer le mouvement, ~e passage. Il y aura d'autres arbres après la mort des ~rbres. La Vie est faite de millions d'inconnus qUi ont tout apporte au monde. Propos recueillis par Alain RAUCH V ARGER 46 Prisonniers politiques ? Cette affaire hypocritement dite de ballets bleus est la machination politico-policière du genre qui aura fait le plus couler d'encre depuis lontemps en France! Une fois de plus, secret d'instruction et respect des accusés ont été bafoués et ces seuls faits seraient de nature à scandaliser les humanistes et antiracistes s'ils voulaient bien enfin prendre en compte les revendications de tous ceux qui luttent pour toutes les libertés amoureuses. Qu'on sache bien au MRAP que les mouvements homosexuels de France condamnent catégoriquement ceux qui font commerce des désirs illégaux et prétendus pervers. Qu'ils sont également contre le viol et la contrainte ou les actes sadiques. Qu'on dise aussi dans vos colonnes que ces mouvements réclament la suppression de tous ces crimes imaginaires de , nos lois, la reconnaissance du fait pédophilique qui a toujours été et existera toujours. Qu'ils exigent que la vérité soit faite, en l'absence de toute hypocrisie et que les groupements humanistes, anti-racistes et autres se joignent à eux pour considérer les condamnés et suicidés pédophiles comme des prisonniers politiques. On veut faire passer ces gens pour des monstres et d.es grossiers jouisseurs et pervertIsseurs

il faut savoir que dans

l'immense majorité des cas il n'en est rien du tout! Il faut respecter les différences, il faut les admettre et permettre aux minorités sexuelles de vivre dans la quiétude leurs relations d'amour M. MALLET Paris Moulinex libère la femme On croit rêver. Pour une fois que Différences consent à donner la parole à une femme, la rédaction trouve le moyen de faire un lapsus tout à fait intéressant : Gisèle Halimi se voit bombardée à la présidence de Que Choisir, as~ociation de consommateurs bien connue, alors qu'elle dirige le mouvement Choisir. Pour certains, les femmes ne sont encore bonnes qu'à tester les appareils électro-ménagers. Il n'y a donc que Moulinex qui libère la femme? Anne DANTIER Paris ,... Réflexions sur le racisme des enfants Deux composantes de la psychologie normale' de l'enfant constituent, peut-être, les points d'ancrage du racisme: l'agressivité et l'aptitude à percevoir les différences . Les milieux où vivent les enfants leur proposent des modes d'expression et une terminologie de types d'explication, introduisant ainsi des notions de valeur et des habitudes de pensée défectueuses. (Des enfants de CM2 font observer que Nègre ou Arabe nécessite l'adjonction obligatoire de sale pour constituer une injure, mais beaucoup d'adultes - même des journalistes - emploient indifféremment depuis quelque temps les termes gitans et yougoslaves). L'école peut lutter contre le racisme en faisant prendre conscience du fait que la parole peut être une arme redoutable donc en utilisant toutes les disciplines scolaires pour amener l'enfant à la maîtrise de son langage (en particulier propriété du vocabulaire et adéquation de la formulation) : en n'occultant ni en refoulant l'agressivité mais en en faisant prendre conscience aux enfants et en leur permettant de l'extérioriser à travers toutes sortes d'activités (sports, théâtre, concours ... ) - En se refusant à freiner la perception des différences, mais, au contraire, en faisant savoir qu'il en existe beaucoup plus que celles repérables au niveau du quartier ou de l'école, c'est-à-dire en proscrivant à tout prix les démarches lénifiantes ou paternalistes de type on est tous pareils ou le folklore mais en informant toute la population scolaire au niveau géographique et historique, sur les grands courants de civilisations et, plus pratiquement, sur les pays dont les enfants immigrés sont originaires. - En officialisant les cours de langues et cultures d'origine. En fait en le battant sur son propre terrain, c'est-à-dire celui de la bêtise et de l'ignorance. Jeanine CUI NATTRIPOTEAU Directrice d'établissement Comme les autres J'ai lu avec stupéfaction le,s conclusions de Jacques Madaule et Jean-Michel Ollé, dans le numéro d'octobre de Différences. Juifs disent-ils, il faut que vous reco~sidériez votre situation dans Une lettre de Marcel Paul Peu avant sa mort, il nous envoyait cette lettre. Nous la publions en hommage à cette grande figure de la Résistance et de l'après-guerre. Je vous fais tenir, ci-joint, un CCP de 140 F couvrant mon abonnement pour une année. Votre publication a beaucoup de qualité, mais comme ancien déporté d'Auschwitz et de Buchenwald, je considère que les le monde ... La source la plus perverse du racisme serait alors tarie... Tout ira mieux quand Israël sera un Etat comme les autres et les juifs une communauté comme les autres! Depuis plus de vingt ans que je suis au MRAP, c'est la première fois que je me sens obligé de répondre à une publication du mouvement. Etant juif, je suis rentré tout naturellement au MRAP. Mes parents lisaient déjà le journal Droit & Liberté, ·l'hebdomadaire de la vie juive, fondé dans la clandestinité. J'ai participé aux nombreuses actions du mouvement contre toutes les formes de racisme, et j'étais présent à la Mutualité, le soir où, en pleine guerre du Sinaï, en 1967, nous proclamions le droit aux réfugiés palestiniens, devenus peuple, à un état au même titre qu'Israël. Ces derniers temps, le MRAP a organisé et participé à des manifestations contre la guerre du Liban, et c'est très bien ! Mais pendant ces manifestations, des provocateurs sans doute, ont crié Mort aux jUifs. D'autres ont distribué des tracts antisémites, et nos avocats agissent, discrètement mais efficacement, je n'en doute pas, pour obtenir justice. Tout cela m'a mis mal à l'aise et dissuadé de suivre notre banderole dan's ces cortèges, Et voici que dans notre propre journal, intitulé Différences, je trouve en guise de conclusion, un appel pour que les Juifs deviennent OOMME LES AUTRES. Je me permets de rappeler à Messieurs Madaule et Ollé, que le 47 problèmes concernant votre jour- ché Auschwitz. Le combat des nal ne sont pas assez liés au uns et des autres était néanmoins problème de la Résistance et de la . au fond un combat antifasciste, Déportation en général. un combat pour la Liberté, un C'est le même combat que nous combat pour le respect de avons conduit pour les différen- l'Humanité. ces, que je connais car j'ai appro- Marcel PAUL journal Différences a pour mission de faire connaître au public, les cultures des autres, dans le respect des différences. Notre mouvement pensait contribuer ainsi à combattre les préjugés de toutes sortes et favoriser l'enrichissement et la compréhension mutuels. Je les invite aussi à lire l'éditorial d'Albert Levy, et 'à méditer, par exemple, à la signification que cette année le Yom Kippour et l'An el Kebir tombent le même jour, ou, fait plus remarquable encore, que le nombre de versets de la Bible correspond à l'année religieuse hébraïque actuelle. Peut-être leur conclusion serait-elle alors d'inviter les nations à tourner un peu leur regard sur soi-même et sur les communautés minoritaires, Gitans, Arméniens, juifs, Maghrébins ... en péril parmi elles. Puissent ces quelques réflexions contribuer à notre combat contre le racisme. A. RAFALOVITCH Lyon Le problème n'est pas sim pie J'ai trouvé fort intéressants les articles de J. Madaule et J.M. Ollé sur ce que vous ayez appelé « Lapassion du Liban ». L'un et l'autre font preuve d'une grande honnêteté intellectuelle et d'un réel sang froid pour parler l'un de l'Eglise, l'autre d'Israël. Mais je ne suis pas d'accord lorsque J.M. Ollé dit « qu'une partie de l'extrême-gauche et certains chrétiens manifestent leur antisémitisme dans des formes ambiguës ». Mon expérience locale me fait dire que l'extrême-gauche a mis longtemps à comprendre le problème palestinien et" à s 'y rallier, et elle n'a pas été la seule à réagir ainsi! Quant atlX chrétiens, toujours 10clÙement, il y a une partie philosioniste qu'on pourrait situer à droite et une plqtie, beaucoup plus nom-' breuse, non pratiquante, tout à fait indifférente aux problèmes du Proche-Orient. La petite minorité des chrétiens catholiques et protestants attachés à la cause palestinienne, loin d'être antisémites, ont souvent des relations avec des Israéliens ou des juifs français très amicales. Le problème n'est simple pour personne. Mais ce peut être l'honneur du MRAP de rapprocher les points de vue en une période où des clarifications vont s'imposer. Georgette GEBELIN Nimes L'autre racisme Ayant entendu votre intervention à la télévision, je me permets de vous écrire au sujet du racisme. Le racisme entre pays, tout le monde connaît ce racisme. Mais il y a un autre racisme beaucoup plus grave, c'est entre' gens de même nationalité. Celui de droite, celui de gauche, le catholique, le protestant, le croyant, le non-croyant, le riche, le pauvre, l'instruit, le non-instruit, le malade, le bien-portant, etc. Marie-Louise GESTIN Lannion Un test de Différences-, pour votre réveillon. Peut-être pas très scientifique, mais faites-le faire à vos amis, il lancera la conversation. 1 L y a en France : 1. 5 % de Français d'origine étrangère 2. 10 % 3.20 % 4.80 % La langue française doit beaucoup aux autres langues auxquelles elle a emprunté de nombreux mots. Laquelle de ces trois langues a le plus enrichi le français? 5. allemand 6. arabe 7. espagnol De nombreux pays boycottent l'Afrique du Sud. En cela: 8 .ils suivent une décision des instances internationales 9 .ils obéissent à l'Union Soviétique 10. ils obéissent aux Etats-Unis En général, les épiciers arabes ouverts tard le soir dans les grandes villes : Il. gonflent leurs prix de 5 % 12. de 20 % 13. de 50 % 14. suivent les autres commerçants 15. cassent les prix Notez sur une colonne les numéros de vos réponses. Indiquez en regard les points correspondants, indiqués à l'envers page 49. Faites le total et lisez la sentence ... parfaitement arbitraire. salariés en France : ne paient pas d'impôts en paient autant que les Français en paient plutôt plus Par rapport aux années 30, il y a en pourcentage en France : 19. moins d'immigrés 20. àutant d'immigrés 21. plus d'immigrés Vos voisins antillais font constamment la fête et vous dérangent : 22, vous appelez la police 23, vous ne dites rien 24, vous vous plaignez aurprès d'eux A supposer que Cohen soit un nom d'origine juive, et Martin un nom d'origine catholique. Il y a dans le bottin de Paris: 25. deux fois moins de Cohen que de Martin 26. autant de Cohen que de Martin 27, deux fois plus de Cohen que de Martin Les chiffres dits arabes portent ce nom : 28. à cause de leur calligraphie particulière 29. parce qu'ils ont été inventés par les Arabes 30. parce qu'ils ont été vulgarisés par les Arabes 48 Israël reste une terre de refuge pour les juifs persécutés dans le monde. L'immigration dans ce pays est : 31. en hausse 32. stagnante 33. en baisse Le racisme tue en Afrique du Sud. Les exécutions capitales par an font : 34. 10 victimes 35. 100 36. 1 000 Un classe comptant près de 50 % d'enfants immigrés: 37, progresse moins vite qu'une classe de la même école mais comptant moins de 20 % d'immigrés 38. progresse autant 39. progresse plus Il y a en France : 40. 2 millions de ressortissants étrangers 41. 4 millions 42. 6 millions 43. 10 millions D'après vous, à minuit dans le métro, il y a surtout: 44. des immigrés 45. des travailleurs 46. des fêtards La politique d'Israël vous semble discutable. Mais vous pensez : 47. que seuls les juifs peuvent en parIer correctement 48. que les juifs ne peuvent en parler correctement 49. que tout le monde peut en parler Le sentiment d'appartenance à une communauté est statistiquement : 50. plus pa:tagé par les Juifs que par les catholiques 51. autant partagé 52. moins partagé La délinquance en France est surtout, statistiquement, le fait: 53. d'étrangers 54. de Français 55. des deux catégories Un clochard saoûl abreuve d'injures racistes les Maghrébins qui se trouvent là. Votre réaction est: 56. de mépriser le clochard 57. de mépriser les victimes qui se taisent 58. de vous mépriser de ne pas intervenir Les immigrés : 59. coûtent cher à la Sécurité sociale 60. l'enrichissent 61. n'ont aucune influence sur son budget Votre pizzeria préférée a embauché un pizzaïolo maghrébin : 62. ça vous est indifférent 63. vous ne prenez plus la spécialité du pizzaïolo 64. vous trouvez que c'est du vol 65. vous venez y dîner tous les soirs Vous assistez à une rixe entre deux Maghrébins : 66. vous partez 67. vous intervenez 68. vous appelez la police Il arrive parfois qu'au cours d'un fait divers, on apprenne qu'en France, certains rites religieux et/ou initiatiques, comme l'excision, restent en vigueur : RÉPONSE: 69. vous condamnez cette pratique 70. vous la respectez 71. vous refusez de la juger Vous pensez que les blagues racistes: 72. ne sont pas dangereuses 73. doivent être bannies de toute conversation 74. doivent être réservées aux militants antiracistes ayant fait leurs preuves VOLIS pensez que les mariages mixtes en 1982, dans le cas de sociétés très 'différentes: 75. ne sont plus un problème 76. restent un problème 77. sont à déconseiller Le droit de vote pour les immigrés est un projet: 78. irrecevable 79. à discuter 80. évident Vous pensez que les juifs dans leur majorité: 81. soutiennent la politique d'Israël 8,2, sont partagés 83. ne la soutiennent pas' Le Ramadan: 84. dure 10 jours 85. interdit toute nourriture solide pendant sa durée 86. commence au printemps Faurisson prétend qu'il n'y a pas eu de camps de concentration : 87. il faut lui interdire de publier 88. il faut le faire condamner 89. il faut lui donner l'occasion de s'exprimer Les marchands ambulants noirs dont on voit l'étal sur les trottoirs: 90. devraient être interdits 91. ne proposent rien d'intéressant 92. proposent de bonnes affaires, à condition de marchander La musique arabe: 93. vous fatigue 94. vous ennuie 95, vous agace Menahem Begin est né : 96. en Palestine 97. en Pologne 98. aux Etats-Unis Pendant la dernière guerre, les Nazis ont exterminé: 99. 2 millions de juifs 100. 6 millions 10 1. 10 millions En France, les immigrés : 102. sont plus touchés par le chômage que les Français 103. autant 104. moins L'URSS compte: 105. 100 000 juifs 106. 500 000 juifs 107. 2 500 000 juifs Dans les ' bibliothèques publiques des quartiers populaires parisiens, on trouve chez les lecteurs : 108. 5 % d'immigrés 109. 15 % d'immigrés 110. 45 % d'immigrés Les contrôlent d'identité se pratiquent: Ill. à 10 % sur les étrangers 112. à 50 % sur les étrangers 113. à 90 % sur les étrangers Le renvoi de 150 000 immigrés libèrerait en France: 114. 10 000 emplois 115. 50 000 emplois 116. 150 000 emplois 117. aucun emploi Vous bousculez un étranger par mégarde: 118. vous ne dites rien 119. vous dites pardon 120. vous dites pardon monsieur 121. vous éclatez en sanglots Préférez-vous marier votre fille : 122. à un Français aveugle 123, à un Arabe manchot 124. à un Noir unijambiste i dO.J1 sal!Of ua snOi\ : ff ap sn/cl 'aUJspo.J no sm saUJ?/qo.Jd sap !1.Jai\O SaI? snOi\ : ff ap SU!OW . 'S;l:lU;llilJJ!G sn/d 'las!l : fl ap SU!OW

xnvJo.[,

'IU 'Lll '08 'ÇL 'OL 'Ç9 'l'ç 'LI' '6f '9f 'ft '61 '81 'H '1'

stJJUV,11nS stJsuodiJ.l stJl .mod sJUlod f ZtJJdwoJ

·ou 'nI 'lll 'Oll 'LOI ',01 '001 'L6 '16 '88 ',8 '6L '9L 'fL 'EL 'L9 ',9 '09 'çç ~IÇ '61' 'çl' 'II' '8f 'Çf 'ff 'Of 'Çl 'l', '0, 'LE 'n '8 '9 'f

stJJuVt1l ns stJsuod~.l stJl .lnod JUlod l ZtJJdwoJ

'fU 'Ul '6ll '8ll '9ll 'Hl 'fll 'Ill '601 '801 '901 'ÇOI 'Ml 'fOl 'lOI '66 '86 '96 'Ç6 'fr6 'f6 ',6 '06 '68 'L8 '98 'Ç8 '1'8 'f8 '18 '8L 'LL'~;i 'u 69 '89 '99 '1'9 'f9 '19 '6) '8Ç 'Lf '9Ç 'fÇ ',ç 'oç '81' '91' '1'1' 'fI' 'li' '01' 'Lf 'l'f 'lf 'If '6, '8, 'L, '9, 'u 'n '91 'f[ 'u 'll '01 '6 'L 'ç " '1

stJJuVt1l ns stJsuod~.l stJl .lnod JUlod 0 ztJJdwoJ

49 Agenda10 janvier 2012 à 15:48 (UTC)CharlesDIFFÉRENCES N° 18 - DÉCEMBRE 82 U 24 novembre-24 janvier Kaz Gwadloup - Habitez créole. Une exposition sur l'évolution de l'habitat populaire guadeloupéen, au Centre de création industrielle de Beaubourg. o 26/27/ 28 novembre Au Théâtre Vilar, à Vitry: « jeunes à Vitry, Vivre et rêver autrement ». Film réalisé par le Centre culturel, à partir de propos de jeunes de la ville. Renseignements à la mairie de Vitry (94) . o 1 au 14 décembre Exposition-vente d'objets d'art et d'artisanat du Vietnam, organisé par le Comité vietnamien d'entraide et de solidarité et la Cimade au Forum des Halles à Paris. Le profit de cette vente sera affecté à l'équipement d'une créche à 1 'hopital de Hué. 0 3 décembre Début du spectacle « Enjeux la vie» par le Théâtre de l'opprimé. Un forum où s'expriment à la fois acteurs et spectateurs. Théâtre Présent à Paris: 203 .02.52. o 5 décembre A 15 heures, au Centre culturel Jacques Prévert à Villeparisis, un après-midi du Secours Populaire Français, avec Los Calchakis. U 6 décembre Le Servioe Formation de l'ADRI organise à Marly-le-Roi un stage de quatre semaines pour former des animateurs en milieu migrant. Renseignements à l'Agenoe du Développement des Relations Interculturelles, 567 .62.32 po~te ·B4. o Début du spectacle « Moman» au Théâtre Rouge (222.26.50 à Paris). Le voyage d'une « moman » avec ses deux enfants, par Louisette Dussau lt . LJ 8 décembre A 18 h, à la Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou, à Pari" une série de films-reportages sur la Réunion. Renseignements: 277.12.3J poste 4449. 0 9 décembre A la Mutualité de Paris, on commémore le 80c anniversaire de la naissance du grand poète Nazim Hikmet. Une façon de témoigner sa solidarité au peuple turc. Association France-Turquie - 33, rue de la Grange-aux-Belles, 75010 Paris. o 10 décembre Terre des hommes et Frères des hommes mettent en vente leur « calendrier pour vaincre la faim », enrichi de dossiers sur les problèmes les plus graves. Une oeuvre de connaissance et de solidarité. FDH : 20, rue du Refuge, 78000 Versailles. TDH: Il, boult::vard Biron, 93400 Saint-Ouen. ~ 1l/12 décembre Festival du Livre à Trappes, en présenoe de nombreu.x écrivains autour du thème : « Le roman policier ». Spectade~, débats ... Ren seignement~ : 062.33 .51 . o 15 décembre Un film sur la NouvelleCalédonie, colonie française, /20 ans après, de G. Ravat et G. Chanel. Bibliothèque publique d'information Centre Georges Pompidou à Paris, à 18 h. Renseigneme nt , 277.12.33 poste 4449. [J 18 décembre Le Mouvement français pour le planning familial organise un colloque international sur la contraception. On s'y interroge en particulier sur les rapports entre contraception, culture et idéologie. Renseignements: auprès de Mary Cadras au MFPF 94, bd Masséna, 75648 Paris. U 22 décembre Deux films: Tahili derrière le rideau de fleurs, et France inconnue: Polynésie Ji"ançaise. Un panorama de l'évolution politique et sociale de Tahiti pendant les vingt dernières années . Bibliothèque publique d'information , à 18 h. Renseignements 277.12.33 po,te 4449. 31 décembre Clôture de l'exposition « L'Apartheid le dos au mur », mu, ée de l'Affiche, organisée par le MRAP. Ne manquez pas aussi l'cxpo,ition des travaux du groupe de recherches graphiques GRAPUS, au même endroit. lusée de l'Affiche - 18, rue de Paradi" 75010 Paris. MAISON RECOMMANDÉE FABRIQUE DE MAROQUINERIE CREATIONS D. P. 97, rue Oberkampf 75011 PARIS 357.35.24 IMPRIMERIE WEIL 117, rue des Pyrénées 75020 PARIS FOURNITURES DIFFUSION so 27, rue de Saintonge 75003 PARIS Téléphone 272.15.31 lin 'eS pour4 c omprendre L'ID! DUIIOIfDI Plantu Les cours du caoutchouc sont trop élastiques En 128 pages ... le tiers monde en noir et blanc. Plantu, collaborateur du journal Le Monde, a rassemblé ici ses dessins les plus récents. Plusieurs d'entre eux sont inédits, d'autres sont parus dans Le Monde, Le Monde diplomatique, Croissance des jeunes nations, La Vie, Presses de l'Unesco, Phosphore, etc. Hors collection, format 16,5 X 24, 48 F. Critiques de l'économie politique nO 20 Coopération et dépendances La France socialiste face au tiers monde Le premier bilan cntlque de la politique de coopération avec le tiers monde du goUvernement de François Mitterrand. Un bilan qui n'ignore pas les limites héritées du passé colonial, mais aussi sans complaisance pour les insuffisances et les ambiguités. Revue trimestrielle. 40 F. Coop4wIlfiM el dépelJdances ,_... ... --8-trlcontlDental 'oS' Famines et pénuries La faim cbns le monde rt 1(5 idées rtçua Nwnboop/W ' PCM/petitc collection m.ro François Maspero Sous la direction de François Gèze, Yves Lacoste, Alfredo Valladao L'état du monde 1982 Annuaire économique et géopolitique mondial Après le succès de l'édition 1981 (40000 exemplaires vendus), voici l'édition 1982 de L'état du monde, . complètement renouvelée, actualisée et augmentée. 129 articles de fond , 157 tableaux de statistiques fiables et récentes, 80 cartes et 800 adresses utiles. 640 pages, 68 F. T ricontinental 1982 F amines et pénuries La faim dans le monde et les idées reçues 30 millions de morts de faim par an? Le Sud nourrit le Nord ? L'aide au développement insuffisante? Autant de questions dont les réponses sont moins évidentes qu'il n'y paraît. Dans ce dossier, 15 auteurs - dont Susan George, Jacques Chonchol, François de Ravignan, François Partant - proposent une approche du drame de la faim dans le monde ~ rupture avec le discours moralIsateur trop habituel, qui rend mieux compte de la dimension politique du problème, de sa complexité, et des véritables responsabilités. Petite collection Maspero, 30 F. rences A L'AN DE FETES 1 983 Le magazi• ne de l'amitié entre les peuples JANVIER FEVRIER MARS AVRIL MAI JUIN JU ILLET AOÛT SEPTEMBRE OCTOBRE ,. ,. 2 • 2 J 2" S " " " " " 2D J J " '" " )5 H " " " 00 .. 55 , . " st , . S • " .. J • O. o • 6 J Acholf!a OJ " " " •• " " 55 S J , . " os os .. " " '" 9 S " ID ID " 9S 25 9J .. . " ,OC 'OC S • • Il Victoire '" 11 L Aid el Fitr '" " . " . ". 9. ",oc. " 1945 " S ". '" ". 12 Il Ramadan ". '" '" '" ". ... 'H 14 J FAte ,)5 '" '" '" ... Nationale OSS '55 '" OS. '" ... ... ,,, ",O S. "J ,OS " , ". '" '""S '" "".. ". ". 'ID 20J 20J 20. 20' 2" '" '" 21 M Ete 22S 22S '" 22. " J '" 23. '" 23S 23J '2V 22' LI' '" '" 24 Il Souv. '" 23S 23' " , 25' 25. dn 25S '00 ". 20. H' ". déportés '60 '" 25J " . 27J 27J 25' 27, H' '" 28' 27' '25 23 v Automne 28S 28J 'ID "S III FtIe de '" 29' H' la R6for- JOS JO. '" matlon .. JOS 1 31 Il ". 27' " , " J • religion musulmane religion juive . religion bouddhis te • religion catholique . et orthodoxe Les MIes protestantes sont les mêmes que les catholiques, N'oubliez pas le 21 mars, Journée de lutte con tre le racisme. l'exclusion de cel/es relevant du culte marial, et de la MIe de la Réformation " 2V " JS S S 00 " st S" . " , . 9 • OJ '" 9V Il V ArmIstk:e 'os 1918 " . "S '2l ". ". '" ... 'SM 15 J Mouloud ". '" " J "S ,SV ". "S '" "H ,' "" .. 22. U J Hlvlr 23. 23' /2J9O.' / J28O J' " S

Notes

<references />

Catégories