On ne combat pas l’antisémitisme avec des amalgames et des approximations

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Malheureusement ce texte comporte de nombreuses limites qui le rendent unilatéral, contreproductif et porteur d’une ambiguïté politique et idéologique dont la liste des signataires témoigne. On ne répond pas à des problèmes réels par des arguments de type raciste.

 

Sur un sujet aussi grave, l’approximation n’est pas de mise. Certains des actes criminels invoqués relèvent explicitement d’un antisémitisme d’origine religieuse. Mais l’étude attentive du parcours (souvent surtout délinquant) de certains des auteurs de ces crimes ne permet pas la généralisation affirmée par le manifeste d’un lien réel et systématique avec la religion musulmane. Par contre la continuité avec l’antisémitisme traditionnel semble sous-estimée, par exemple le mythe de la richesse des Juifs.

 

De même certains phénomènes locaux de ghettoïsation sont incontestables et conduisent à des exclusions inadmissibles. Mais les causes sociales et politiques de ces concentrations de misère, génératrices de haine, sont ignorées et remplacées par un discours néo-racial apparenté à la théorie du « grand remplacement ». L’expression de « purification ethnique », consacrée depuis la guerre civile des Balkans à des démarches génocidaires violentes et massives, est déplacée pour décrire ces phénomènes, voire indécente.

 

Ce texte ne prend pas la précaution de distinguer fortement les courants islamistes radicaux de l’immense majorité des musulmans de notre pays. En cela, il alimente une tendance, mortifère et déjà trop présente dans certains esprits, à un amalgame qui est une des sources du racisme et de rejet de toute une communauté religieuse.

 

Quand les auteurs appellent les autorités théologiques à se prononcer sur certains passages du Coran, ils semblent ignorer que de nombreux imams et théologiens, en particulier en France, participent depuis des années à toutes les manifestations de solidarité contre les crimes antisémites, se battent pour une lecture historiquement contextualisée du Coran et interviennent publiquement en ce sens. Plutôt que d’en appeler à une hypothétique autorité musulmane centrale qui n’existe pas, ils convient de reconnaitre ce mouvement, toujours trop lent mais réel et présent dans toutes les religions, d’adaptation à leur contexte historique. Tous les textes passés de toutes les religions comportent des éléments en contradiction avec nos valeurs actuelles, et La Bible, référence commune des trois
« religions du livre », est aussi l’objet, comme le notent les auteurs à propos de
Vatican II, d’une réflexion nécessaire et inachevée.

 

Ce texte n’évite pas non plus un autre amalgame mortifère, celui de la confusion entre l’appartenance (réelle ou supposée) à la communauté juive et la défense de la politique du gouvernement israélien. Cette confusion est instrumentalisée à des fins politiques et entretient de fait un antisémitisme ancien et funeste. La communauté juive ne saurait être assimilée systématiquement avec un positionnement géopolitique. De même, la communauté musulmane ne saurait être tenue pour comptable d’un positionnement supposé uniforme.

 

Le MRAP sait dénoncer ceux qui théorisent sur le philosémitisme d’État ou qui, sous couvert d’antisionisme, diffusent des thèses antisémites. Il condamne avec la même fermeté ceux qui instrumentalisent l’antisémitisme pour cautionner une politique d’État colonisatrice.

 

Le MRAP refuse, contrairement à ce texte, toute mise en concurrence des victimes du racisme, toute hiérarchisation des formes du racisme, ainsi que les sinistres comparaisons statistiques. Dresser l’une contre l’autre des communautés essentialisées autour d’une origine, d’une religion ou d’une idéologie supposée homogène ne peut que servir la montée des peurs, des haines et finalement du racisme. Le MRAP travaille au contraire avec tous ceux qui, quelles que soient leurs croyances et opinions, souhaitent construire une société de tolérance et de respect.